L`UOMO IN PIU (L`homme en plus) - Festival de Cinéma Européen

Transcription

L`UOMO IN PIU (L`homme en plus) - Festival de Cinéma Européen
L'UOMO IN PIU (L’homme en plus)
Paolo Sorrentino, Italie (2001)
À partir de 12 ans
Conseillé pour les 14 ans et plus
Paolo Sorrentino est un réalisateur, scénariste et écrivain italien né en 1970.
Il quitte ses études d’économie et de commerce pour travailler dans le cinéma
à 25 ans. Il s’associe dès son premier long-métrage, L’uomo in piu, à l’acteur
Toni Servillo, qui jouera dans plusieurs de ses films. En 2013, il réalise La
grande bellezza, film couronné par le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film
en langue étrangère. Après sept long-métrages, il est considéré comme l’un
des cinéastes les plus en vogue de son pays.
PRIX :
Meilleur scenario et meilleur acteur pour Toni Servillo aux Golden Goblets en
2001
Prix Jean Carment pour Toni Servillo au Festival européen du premier film
d’Angers en 2002
Prix du jury jeune au Festival international de cinéma indépendant de Buenos
Aires en 2002
Prix Vision in Transit du meilleur film au Salerno Shadowline Film Festival en
2002
Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
Ruban d’argent au meilleur réalisateur débutant aux Prix du Syndicat Italien
de journalistes de cinéma en 2002
Meilleur acteur pour Toni Servillo et Prix Busto Arsizio au Festival de cinéma
de Busto Arsizio en 2003
FILMOGRAPHIE :
Longs métrages
2001 : L'Homme en plus (L'uomo in più)
2004 : Les Conséquences de l'amour
2006 : L'Ami de la famille
2008 : Il divo
2011 : This Must Be the Place
2013 : La grande bellezza
2014 : Rio, I Love You (segment « La Fortuna »)
2015 : Youth
Courts métrages
1998 : L'amore non ha confini
2001 : La notte lunga
2009 : La partita lenta
2009 : L'assegnazione delle tende
Télévision
2005 : Sabato, domenica e lunedì
2014 : Le voci di dentro
TAGS : célébrité, vieillesse, succès, défaite
SYNOPSIS :
Sous une pluie londonienne commencent les années 80. Un climat
décidément bizarre pour une ville comme Naples. Mais pour les deux
personnages de cette histoire, la nouvelle décennie se présente sous les
formes d’une Disneyland pleine de richesse, succès, affirmations et grandes
émotions. L’histoire de Antonio Pisapia, dit Tony, né à Naples en 1934
chanteur et de son homonyme, né à Narni Scalo en 1949, footballer
professionnel. (Cineuropa)
THÉMATIQUES ET INTERPRÉTATIONS :
Les noyades des trois Pisapia
Les premières images du film, très belles, constituent une composition
abstraite de formes mouvantes qui ondoient dans un silence total, celui des
fonds sous marin, celui de la profondeur de la mer. Elles entrainent le
spectateur dans une plongée esthétique dont on présage l’issue dramatique,
une noyade. Car c’est bien de noyade qu’il s’agit dans « Un homme en plus ».
Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
Ce film est un débordement de noyades. Celle du petit frère au tout début du
film, puis ensuite celles, plus lentes, de deux autres hommes, des
homonymes nommés « Antonio Pisapia ». Ces hommes ont en commun leur
nom et une certaine célébrité. L’un est un footballeur professionnel tandis que
l’autre est un chanteur à succès de mièvreries romantiques.
Dans la première partie du film, tous deux connaissent la gloire et
deviennent, chacun dans son domaine, des héros nationaux avant de se
retrouver par un coup du sort face à une grosse difficulté qui amorcera leur
déclin brutal. Une noyade. Les stars d’hier perdent leur emploi, leur statut,
leurs revenus, leurs amis. Derrière eux, de belles carrières se terminent dans
l’oubli. Chacun demeure seul face à ses démons. Ceux de l’enfance en
particulier, l’enfance dont les blessures semblent ne jamais cicatriser. Tout au
long du film, on attend que ces deux là se rencontrent. Peut-être puise-t-on
même un peu d’espoir dans l’idée de leur rencontre. Peut être que ces deux
hommes qui, tout en ayant des personnalités diamétralement opposées
partagent le même nom et la même courbe de vie, pourront à un moment voir
leurs routes se croiser et trouver un point d’ancrage qui leur permettrait de se
compléter. C’est donc accompagné d’un vague espoir de sauvetage
réciproque que le spectateur les suit tout au long de leur lent plongeon.
Le plongeon du beau footballeur. D’une pureté presque virginale, celuici continue de courir après une carrière d’entraineur que tout le monde
s’obstine à lui refuser et occupe ses soirées à manipuler de minuscules
figurines de footballeurs, échafaudant des stratégies de jeu qui ne semblent
intéresser que lui. Sorrentino nous le montre, soirée après soirée, insomnie
après insomnie, seul, qui déplace sur la grande table du salon des petits
personnages sur un pseudo terrain de football. C’est un enfant qui jouerait
aux petits soldats. Antonio Pisapia ne semble pas être sorti de la candeur de
l’enfance. Il ne s’impose pas et accepte de se laisser malmener par tout le
monde : son milieu professionnel, ses amis, les femmes.
Le plongeon de l’autre homme est différent. Ce deuxième Antonio
Pisapia est le double du premier en négatif. C’est un chanteur narcissique,
cocaïné et pervers qui vit dans l’amour de son image qu’il peaufine au fil des
représentations. C’est un manipulateur sans scrupule qui maltraite son
entourage. Sa carrière brutalement interrompue le laisse seul face à une
immense toile qui le représente, une silhouette ridicule au milieu d’un océan
de blanc, le vide sidéral de son existence. Dans cette solitude absolue, son
amour de la cuisine des produits de la mer laisse penser que la rédemption,
grâce à un retour aux sources, serait possible. Elle semble se concrétiser
sous la forme de l’achat d’un restaurant de fruits de mer auquel il est très
attaché mais cette piste échoue. Finalement, c’est, à la fin du film, à l’intérieur
d’une prison, qu’on le voit passer un bon moment quand il fait déguster à ses
co-détenus un bon poisson cuisiné par ses soins. Libéré de son égo
démesuré, il accepte enfin d’affronter les blessures de son enfance. N’achète
t-il pas enfin un poulpe ? Peut être a t-il, contre toute attente, la possibilité
d’une deuxième chance. Sorrentino nous le laisse penser en illustrant la
valeur rédemptrice d’un bon repas partagé.
Hélas, tout comme il n’a pas réussi à sauver son frère jumeau de la
noyade, il ne parviendra pas non plus à faire remonter à la surface son
Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
homonyme, le joueur de foot, l’autre Antonio Pisapia. Il essaiera pourtant de
lui téléphoner mais sans succès car c’est au moment où il découvre
l’existence de son double que celle-ci se termine. Un seul des deux Pisapia
arrive à survivre, le plus sinistre, le plus noir, le plus adapté donc à la société
italienne des années quatre-vingt, celle de Sylvio Berlusconni.
Une charge sociale contre l’Italie de Sylvio Berlusconi
« Un homme en plus » tend aussi à dénoncer la société de l’Italie de
Sylvio Berlusconi, celle de la négation de l’humain, celle de la brutalité - on se
souvient de la terrible scène de coaching des joueurs de foot- celle du
capitalisme débridé, celle de l’argent roi, celle du spectacle, celle de la
drogue, celle du commerce du sexe, celle des paillettes. Derrière cette société
toute d’apparences le drame humain n’est jamais loin. Le spectateur aperçoit
très rapidement la charge sociale dans laquelle Sorrentino s’en prend
directement à deux institutions sacrées de l’Italie de Sylvio Berlusconi, le
football et la télévision. Toutes deux corrompues par l’argent, elles forment le
socle de la société italienne. Afin de distraire le peuple en le maintenant dans
l’ignorance des vrais enjeux de société, afin de favoriser l’absence de
réflexion et donc dans l’asservissement ces institutions fabriquent des stars
iconiques qui demain seront brulées vives.
Toni Servillo qui incarne à la perfection le chanteur à midinettes infatué
est confondant de cynisme et de dérision tandis que qu’Andrea Renzi confère
au footballeur trop tendre une naïveté tragique. L’un est un salop, l’autre est
trop gentil mais cela ne change en rien la gémellité de deux destins, broyés
par les feux du star system qui rejettera demain aussi fort et aussi vite les
idoles qu’il a fabriquées hier, sans que sa responsabilité ne soit jamais
engagée.
Que font les femmes ?
Il n’y a que des hommes dans ce film. Les personnages principaux
sont deux hommes tandis que le titre évoque la présence d’un troisième. A
l’exception du footballeur, tous ces hommes sont des individus cupides et
brutaux. Le film ne met en scène aucun enfant et les femmes, lors de leurs
apparitions rapides à l’écran sont représentées de façon manichéenne. Belles
de l’extérieur, elles sont souvent laides à l’intérieur. Les femmes d’ « Un
homme en plus », loin de donner la vie ou d’apporter de la douceur ou de la
délicatesse sont pourvoyeuses de mort. Il y a la mère, dans les souvenirs du
chanteur qui est dure, qui accuse et condamne sans jamais envisager le
pardon. Il y a aussi celle par laquelle le mal arrive, la tentatrice qui apparait
sous les traits d’une jolie jeune fille mineure mais déjà complètement
pervertie. Elle séduit pour maitriser et détruire. Enfin, il y a l’épouse, celle du
footballeur. Passive, elle ne fait rien, se contente d’exiger, de juger et de
condamner sans jamais écouter, donner ou consoler. Pour finir, apparait la
maitresse. Elle semble cultivée et un temps, le spectateur pourrait se prendre
à espérer qu’elle aide le candide footballeur. Hélas, ce serait vouloir fausser la
terrible démonstration que fait ici Sorrentino. Même la femme cultivée agit de
Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
façon bestiale. C’est une prédatrice qui assouvit ses pulsions et prend chez
l’autre ce dont elle a envie sans même penser à prendre en considération
l’autre dans son humanité.
La symbolique du poisson
Dans cette plongée dans la noirceur des bas fonds d’une société où les
pulsions animales de l’homme sont valorisées au détriment de la pensée,
Sorrentino nous accorde quelques instants de répit lors des repas durant
lesquels le chanteur pervers consomme toujours un beau poisson
soigneusement choisi. C’est encore sur une scène de dégustation de poisson
à l’intérieur d’une prison que le film se termine. Doit-on comprendre que la
rédemption peut venir d’un bon repas partagé, c’est à dire de la religion, autre
pivot de la société italienne ? Ou bien s’agit-il d’illustrer la trahison des
hommes ?
PISTES DE RÉFLEXION POUR LES ÉLÈVES :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Analysez l’affiche du film : couleur, composition, posture du
personnage, typographie.
Par quels moyens techniques les scènes de rêves sont-elles mises en
scène ?
Pourquoi le réalisateur a-t-il choisi d’entremêler le parcours de ces
deux personnages ?
Que pensez vous de l’entêtement du footballeur à devenir entraineur ?
Qu’auriez –vous eu envie de lui conseiller ?
Que pensez-vous de la façon dont évolue le chanteur ?
Quel portrait de l’Italie nous brosse le réalisateur ?
Connaissez-vous l’Italie de Sylvio Berlusconi ?
Peut-on lutter contre la puissance d’un système médiatique ?
Comment les femmes sont-elles représentées dans ce film ?
Est-ce l’image que l’on a en général du rôle de la femme dans la
société italienne ?
Quelle est la symbolique du poisson ? Quel parallèle peut-on faire
entre la scène d’ouverture et une des scènes de fin (scènes filmées
sous l’eau) ? Plus particulièrement, quel rapport Tonio entretient-il avec
les poissons ?
Trouvez-vous que le film laisse un peu d’espoir ?
Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.