LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DE SIERRA LEONE
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LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DE SIERRA LEONE
I N S T I T U T P A N A F R I C A I N D ’ A C T I O N E T D E P R O S P E C T I V E – I P A P http://ipaporg.net Contribution au Forum de Bangui « Paix – Justice – Réconciliation » Fiche technique Coordination Scientifique : Prof. Hélène TIGROUDJA, Prof. Jean-‐François AKANDJI-‐KOMBE Equipe de rédaction : Marion CHAHUNEAU, Audrey EPRINCHARD, Camara HAMEDI, Marie LUGAZ, Arnaud YALIKI LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DE SIERRA LEONE Origines et création de la Commission En Sierra Leone, le conflit a débuté le 23 mars 1991, lorsque le RUF (pour Revolutionary United Front), dirigé par Foday Sankoh, a attaqué des villages à l’est de la Sierra Leone depuis le Libéria, avec le soutien de Charles Taylor, chef du Front Patriotique National du Libéria. S’en est suivie une décennie de violences d’une grande brutalité, marquée par des violations massives des droits de l’Homme, des actes de torture et de mutilation, des violences sexuelles, et l’utilisation d’enfants soldats1. 2.5 millions de personnes ont dû fuir leur pays et 100.000 à 200.000 personnes furent tuées. Le 7 juillet 1999, le Gouvernement de la Sierra Leone et le RUF signèrent les Accords de paix de Lomé au Togo2. L’article XXVI des Accords préconisait la création d’une Commission vérité et réconciliation (CVR / la Commission), 90 jours au plus tard après la signature. Si elle fut créée officiellement en 2000, par la Loi relative à la CVR (The Truth and Reconciliation Commission Act 20003), il a fallu attendre 2002 pour que la Commission débute ses travaux. Son siège a été établi à Freetown. Mandat de la Commission Conformément à la Section 6 (1) de la loi établissant la CVR, la Commission a été chargée d’établir un rapport historique et impartial sur les violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commis durant le conflit en Sierra Leone, de 1991 à la signature des Accords de Lomé en 1999, afin de lutter contre l’impunité, répondre aux besoins des victimes, 1 Human Rights Watch, Schocking War Crimes in Sierra Leone, 25 juin 1999 : http://www.hrw.org/news/1999/06/24/shocking-war-crimes-sierra-leone 2 http://www.hrw.org/news/1999/06/24/shocking-war-crimes-sierra-leone Accord de paix entre le Gouvernement de la Sierra Leone et le RUF, 3 juin 1999 : http://www.sierra2 Accord de paix entre le Gouvernement de la Sierra Leone et le RUF, 3 juin 1999 : http://www.sierraleone.org/lomeaccord.html 3 Loi de 2000 relative à la Commission vérité et réconciliation : http://www.sierra-leone.org/Laws/2000-4.pdf IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A guérir les blessures de guerre, promouvoir la réconciliation, et empêcher la répétition des violations subis par les victimes du conflit. Durant deux ans, la CVR a donc enquêté sur les causes, la nature et l’ampleur des violations et abus des droits de l’Homme, et tenté de déterminer si ces violations faisaient partie d’un plan déterminé, d’une politique ou d’une autorisation d’un gouvernement. Elle avait également pour objectif de promouvoir la réconciliation et d’aider à la réhabilitation des victimes. A cette fin, elle a recueilli les témoignages des victimes et des auteurs des abus. Il est également important de noter que les violences sexuelles et les enfants soldats ont fait l’objet d’une attention particulière des commissaires (Sections 6 (2) et 7 (1) de la loi). Compétences de la Commission Conformément à la Section 8 (1) de la loi relative à la CVR, la Commission pouvait : -‐ réunir toutes les informations considérées comme pertinentes, par tous les moyens appropriés. Elle pouvait également contraindre les autorités à produire certains documents si nécessaire et recueillir des informations auprès des autorités compétentes d’un autre pays, des victimes, témoins et représentants gouvernementaux étrangers ; -‐ visiter tout endroit, sans autorisation préalable, pour recueillir des informations essentielles à l’accomplissement de son mandat (inspection, copies et sauvegarde des documents) ; -‐ interviewer toute personne, groupes de personne ou membres d’organisations ou d’institutions. La CVR pouvait décider de conduire ces entretiens de manière publique ou privée ; -‐ émettre des assignations à comparaître si nécessaire pour l’accomplissement de son mandat, et demander et recevoir le cas échéant, l’aide de la police si nécessaire dans l’exécution de ses pouvoirs. Composition de la Commission La Section 3 (1) de la loi relative la CVR prévoyait que la Commission serait composée de 7 membres, dont 4 commissaires nationaux et 3 commissionnaires étrangers. Pour être membre, il fallait répondre aux deux critères préalables suivants (Section 3 (2) de la loi) : -‐ être des personnes intègres, qui seraient impartiales dans l’accomplissement de leurs fonctions au sein de la Commission ; -‐ et être des personnes jouissant d’une haute estime ou étant compétentes en tant qu’avocat, spécialiste des sciences sociales, chef religieux, psychologue ou toutes autres professions et disciplines pertinentes au regard du mandat de la Commission. Le Secrétaire général des Nations Unies a coordonné la sélection des 4 commissaires nationaux issus de la société civile sierra-léonaise – en vue d’assurer l’indépendance de la CVR, et le Hautcommissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme a choisi les 3 commissaires étrangers4. 4 TRIAL, Commission vérité et réconciliation de Sierra-Leone, 13 janvier 2015 : http://www.trialch.org/fr/ressources/commissions-verite/afrique/sierra-leone.html IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A Rapport et recommandations finales de la Commission Si le rapport final de la CVR était attendu en 2003, il a formellement été remis aux Nations Unies le 27 octobre 20045. Le rapport, de trois volumes et 5.000 pages rassemble également les vidéos de nombreux témoins. Une version spécifique a été publiée pour les écoles secondaires, tandis qu’une version simplifiée et illustrée a été développée à l’attention des enfants6. Il fournit une analyse sur le contexte historique, la nature et les conséquences du conflit sur la répartition des ressources naturelles, les femmes et les enfants. La CVR a souligné que la réconciliation est un processus long, qui implique que la responsabilité soit établie pour les crimes commis, que la vérité soit révélée, et que réparation soit obtenue pour les violences subies7. La Section 17 de la loi établissant la Commission impose au Gouvernement de mettre en œuvre ses recommandations de manière fidèle et rapide. Le Chapitre 3 du Deuxième volume du rapport final regroupe les recommandations de la CVR. Parmi d’autres, la Commission a préconisé la mise en place d’un programme de réparation, et l’indemnisation des personnes mutilées lors du conflit, des victimes de violences sexuelles et des enfants. En outre, elle a souligné que « les efforts du gouvernement dans l’amélioration du système de santé, du logement, des pensions, de l’éducation et des microcrédits, pourront aider à restaurer la dignité des victimes »8. En outre, le sixième chapitre du troisième volume du rapport final est consacré aux rapports entretenus entre la CVR et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). La loi établissant la CVR et le Statut du TSSL n’envisagent pas la collaboration entre les deux mécanismes. Leur coexistence fut donc confrontée à quelques obstacles. C’est pourquoi la CVR a recommandé que la création d’une Commission et d’un Tribunal fassent à l’avenir l’objet d’un plan cohérent et concerté, afin que les deux mécanismes puissent poursuivre des objectifs similaires, dans un même intérêt9. En 2005, Amnesty International et cinq autres organisations ont publié une déclaration commune appelant le Gouvernement de la Sierra Leone à mettre en œuvre les recommandations adoptées par la CVR10. Malheureusement, un manque de volonté politique et de moyens continue de limiter l’application des mesures imaginées par la Commission. Liens utiles Site officiel de la Commission Vérité et Réconciliation <http://www.sierraleonetrc.org/> 5 Nations Unies, Final report on ten-year Sierra Leone conflict published; Seeks to set out historical record, offer guidance for future, 27 octobre 2004 : http://www.un.org/press/en/2004/ecosoc6140.doc.htm 6 UNICEF, Truth and Reconciliation Commission report for the children of Sierra Leone, 2004: http://www.unicef.org/infobycountry/files/TRCCF9SeptFINAL.pdf 7 Organisation Internationale de la Francophonie, Les processus de transition, justice, vérité et réconciliation dans l’espace francophone, octobre 2013 : http://www.francophonie.org/IMG/pdf/guide-oif-tjvrbat-web1003.pdf 8 Supra note 5. 9 Volume 3 B Chapitre 6, La CVR et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone : http://www.sierraleonetrc.org/index.php/view-report-text-vol-3b/item/volume-three-b-chapter-six?category_id=9 10 Amnesty International, Sierra Leone Government urged to implement the recommendations of the Truth and Reconciliation Commission, 29 novembre 2005: http://www.amnesty.org.au/news/comments/856/ IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A