Extraction implantation temporisation immédiate unitaire
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Extraction implantation temporisation immédiate unitaire
Spécial IMPLANTOLOGIE implantation immédiate Extraction implantation temporisation immédiate unitaire Franck Bonnet DU d’implantologie, CES de parodontologie, CES de prothèse, DU d’expertise buccodentaire, membre de l’Académie Européenne de Dentisterie Esthétique Le succès esthétique d’une restauration implanto-portée est lié à la qualité de la restauration prothétique et à son intégration aux tissus environnants. La difficulté d’obtenir un bon résultat est due à la modification de l’architecture des tissus soit avant extraction : perte de tissus vestibulaire (récession de la gencive marginale) et/ou perte de tissu proximal (papilles mésiales et distales), soit après extraction : résorption osseuse. I l faudra choisir entre les techniques permettant de préserver une architecture présente plus ou moins idéale, et celles qui peuvent l’améliorer. L’analyse de la situation avant traitement permet au praticien d’arbitrer parmi les différentes procédures cliniques à sa disposition : orthodontie, aménagements osseux, aménagements muqueux, procédés de temporisation. De multiples paramètres ont une influence sur le résultat. Il est nécessaire de les analyser et de pondérer leur impact afin d’optimiser le traitement. L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 55 Spécial IMPLANTOLOGIE Liste des paramètres à analyser avant traitement Généraux - Techniques d’hygiène - Personnalité, aspect intellectuel - Tabac - Ligne du sourire - Courbure de l’arcade - Demande esthétique - Aptitude de l’opérateur et de son équipe Médicaux - Pathologie osseuse - Déficit immunitaire - Traitements corticoïdes - Diabète non équilibré - Irradiation - Autres Parodontaux - Parodontite agressive - Antécédents de parodontite réfractaire - Prédisposition génétique - Perte osseuse proximale - Hauteur de la papille - Position vestibulo-palatine de la papille - Perte osseuse vestibulaire (fenestration, déhiscence, combinée) - volume de la perte osseuse - volume osseux apical à la racine - Perte de muqueuse vestibulaire (récession) - Épaisseur de la muqueuse vestibulaire (biotype) - Forme +/- festonnée Occlusaux - Bruxisme - Supraclusion (classe 2 div2) - Pulsion linguale - Habitude de succion De nombreux auteurs ont recensé les avantages et les inconvénients de l’implantation immédiate, et de l’extraction implantation temporisation immédiate. (Schulte et al, 1978 ; Lazzara, 1989 ; Bengazi, 1996 ; Wohrle, 1998 ; Mayfield, 1999 ; Grunder et al, 1999 ; Kan, 2000 ; Groisman et al, 2003 ; Kan et Kois, 2003 ; Kan et Rungcharassaeng, 2003 ; Testori et al., 2003 ; Chen et al, 2004 ; Kan, 2005 ; Kan et coll, 2007 ; Chen et al, 2007 ; Evans et Chen, 2008 ; Cordaro et al, 2009). Avantages et inconvénients Avantages Inconvénients 56 - Confort du patient - Délai de traitement - Nombre d’interventions - Mode de temporisation - Préservation de l’architecture gingivale et osseuse - Amélioration de la cicatrisation - Taux de succès - Préservation des papilles - Stabilité au niveau de l’os marginal - récession vestibulaire de 0 à 2 mm Les avantages pour les patients sont nombreux. Le seul inconvénient à cette technique est la possibilité d’obtenir une récession. Il est donc intéressant de proposer un protocole qui va fiabiliser le traitement. Les récessions ont des valeurs et des fréquences variables selon les auteurs. Analyse critique d’articles “antiextraction implantation immédiate” Les publications de Chen et al (2007) et de Evans et Chen (2008) sont des références incontournables. Les critères de sélection des patients et de leurs protocoles de traitement ont une influence négative directe sur le comportement des tissus osseux et muqueux et vont entraîner l’apparition de récessions. • Chen et al 2007 : sélection des patients (critères d’exclusion) : infection aiguë, perte d’attache de 5 mm ou plus, parodontite non traitée ; dents concernées de 15 à 25. Fumeurs non exclus, réalisations de lambeaux, utilisation d’implants « soft tissue level » au niveau osseux, antibiothérapie uniquement post-opératoire cinq jours, pas de temporisation fixe dans la séance, pas de greffe conjonctive lors de la première chirurgie, un positionnement des implants trop vestibulaire (voir figures). • Evans et Chen 2008 : critères de sélection des patients : « Laissé à l’appréciation des 7 chirurgiens » ; dents concernées de 15 à 25 et de 35 à 45. Diamètre de la plateforme : 4,1 à 4,8 mm (large). 10 implants sur 42 sont signalés en position vestibulaire, 8 sur 10 ont une récession supérieure à 1 mm. Aucune information sur le type de chirurgie : réalisation et type de lambeau, aménagement osseux et muqueux. Il est mentionné qu’un biotype fin entraînera plus de récessions. La comparaison des niveaux de gencive marginale n’est pas effectuée entre la situation initiale et la situation après maturation tissulaire (avant les aménagements du prosthodontist). Il y a là une composante très importante inconnue. Le mode de temporisation en prothèse provisoire amovible puis par une prothèse provisoire pour développer le site peut aussi créer des récessions. Dans ces deux études qui font référence, les auteurs obtiennent dans 30 à 40 % des cas des récessions supérieures à 1 mm. C’est trois à quatre fois plus que Peter Whorle en 1998, qui utilisera simplement un protocole de chirurgie « flapless » avec mise en place d’une prothèse provisoire immédiate (sans aménagement tissulaire). Plutôt que d’améliorer leur technique d’implantation immédiate, de nombreux auteurs et conférenciers préconisent un protocole d’implantation précoce avec cicatrisation des tissus mous (ITI, 4e consensus, 2008). L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 implantation immédiate • Il est intéressant d’analyser les préconisations chirurgicales et prothétiques de Chen et Buser, 2008 : « Early implant placement ». - Phase chirurgicale 1. Chirurgie d’extraction sans lambeau avec pose d’une éponge de collagène et réalisation d’une prothèse amovible temporaire - 4 à 8 semaines de cicatrisation 2. Chirurgie de pose d’implant avec ROG (os, bio-oss et membrane avec lambeau, incisions de décharges et sutures) - 8 semaines de cicatrisation 3. Chirurgie de mise en fonction - Phase prothétique 1. Prise d’empreinte pour préparer la couronne temporaire - 1 semaine de réalisation. 2. Pose du provisoire (délai préconisé avant la prothèse définitive : 6 mois) - 2 à 8 semaines de conditionnement tissulaire - 4 à 12 semaines de réalisation du contour final 3. Prise d’empreinte définitive Le protocole proposé requiert pour la phase chirurgicale trois interventions donc au minimum six à neuf rendez-vous et trois à cinq mois de traitement. Faut-il un ou deux examens tridimensionnels (scanner ou cone beam) ou aucun (ce qui pourrait expliquer les chirurgies avec lambeaux) ? La phase prothétique permettant d’obtenir le bon profil d’émergence comporte une prise d’empreinte et trois à cinq séances. Cette stratégie amène donc le patient à subir trois interventions chirurgicales et à supporter au minimum une douzaine de rendez-vous avec une durée de traitement comprise entre dix et quatorze mois. De plus, cette technique n’est pas totalement fiable puisqu’il est rapporté dans 5 % des cas des récessions supérieures à 1 mm. Analyse de la cicatrisation des tissus osseux et muqueux après extraction et du matériel implantaire Au niveau osseux Après l’extraction, la résorption de l’os fasciculé est un phénomène physiologique inévitable (Schropp et al, 2003 ; Araujo et al, 2005 ; Cardaropoli et al, 2005). Cette résorption est d’autant plus importante que l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire est fine (Bragger et al, 1988). La paroi osseuse vestibulaire se résorbe après extraction avec ou sans implant (Araujo et al, 2005, 2008). L’espace laissé entre l’implant et la table osseuse vestibulaire, même s’il est comblé avec de l’os autogène, L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 se résorbe comme si il n’y avait pas eu de comblement (Araujo et Lindhe 2011). Dans le cas où le gap est greffé avec du bêta-tcp, il y a une néoformation osseuse partielle (Araujo et al 2010). La mise en place d’une hydroxyapatite bovine dans l’espace existant entre l’implant et l’os résiduel vestibulaire permet de préserver presque totalement le volume osseux en vestibulaire de l’implant (Chen et al, 2007 ; Araujo et al 2011). Horizontalement, 86 % du volume osseux va rester en vestibulaire de l’implant (Chen et al, 2007), malgré des conditions défavorables (chirurgie avec lambeau). En considérant que l’épaisseur d’os minimale idéale au col de l’implant est de 2 mm (Grunder et al, 2005) et que cliniquement on cherchera à positionner l’implant entre 2 et 3 mm en palatin par rapport à l’os vestibulaire, la perte osseuse horizontale sera au maximum de 0,4 mm. Verticalement, l’ensemble des études mentionne une perte osseuse vestibulaire. La résorption mesurée après EITI est de 0,3 à 1,3 mm avec élévation de lambeau et sans comblement (Chen et al, 2007). Elle sera moindre sans lambeau (0,6 à 0,93 mm avec comblement [Kan et al. 2003]). Le comblement de l’espace entre l’implant et la paroi osseuse vestibulaire par une hydroxyapatite bovine, biomatériau non résorbable, permettra un maintien supérieur du niveau osseux vestibulaire. L’espace biologique implantaire moyen (3,5 à 4 mm) étant supérieur de 0,5 à 1 mm en moyenne à celui existant au niveau des dents (3 mm), une perte osseuse verticale de 1 mm est compatible avec un niveau muqueux stable. Au niveau muqueux L’épaisseur de la gencive vestibulaire dans la zone esthétique est de 0,7 à 1,5 mm (Hwang et Wang, 2006, revue de littérature). La limite entre biotype fin et épais se situe à 1 mm (Anderegg, 1995). Le meilleur moyen de matérialiser la différence entre les deux biotypes est de vérifier si la sonde parodontale est visible au niveau du sulcus (méthode proposée par Olsson et Lindhe, 1991 ; Kan et al, 2010). L’implant étant positionné au minimum à 2 mm en palatin de l’os vestibulaire résiduel, il y aura, quel que soit le biotype, un défaut d’épaisseur des tissus mous. L’espace vide sera partiellement comblé par le provisoire. L’absence de greffe conjonctive à ce niveau va entraîner une invagination de la muqueuse qui aura pour résultat l’apparition d’une récession. La mise en place d’un greffon conjonctif va améliorer le biotype et favoriser la stabilité des tissus. La position du greffon conjonctif est supra osseuse. La réalisation d’un gref57 Spécial IMPLANTOLOGIE fon le long de la table vestibulaire est indiquée dans le cas d’une arcade très convexe avec des procès alvéolaires proéminents. Forme de l’implant et technique chirurgicale Le choix du protocole de forage et de la forme de l’implant va dépendre de la qualité et de la quantité de l’os apical à la racine à extraire. Connections implant/pilier et micro-spires Le « platform switching » ou « shifting », la présence d’une connexion conique, la présence de micro-spires et la mise en place du pilier définitif immédiatement influencent favorablement le maintien du niveau osseux (Serano-Sanchez et al, 2011 ; Pieri et al, 2011). Cependant, aucune de ces caractéristiques ne donne de résultats totalement fiables et prédictibles à court ou long terme. Au niveau du secteur antérieur, il est impossible de se contenter d’un pronostic incertain tant les enjeux esthétiques sont importants. La qualité des résultats obtenus étant multifactorielle, on peut raisonnablement considérer qu’il est préférable d’utiliser le matériel le plus performant, mais que le plus important reste la technique chirurgicale et prothétique. Les avantages et difficultés liés à la chirurgie minimalement invasive sont connus (Bonnet, 2008). Dans les cas de classe 1 d’Elian et al (2007), un protocole raisonné (Bonnet, 2006 et 2009) est décrit afin d’améliorer le résultat esthétique et le confort du patient. Les traitements d’extraction implantation temporisation immédiate unitaire (EITIU) des classes 2 et 3 nécessitent une approche modifiée. Cas clinique 1 2 1. Il est important de demander au patient de faire un sourire forcé dans différentes situations afin d’objectiver son type de sourire. 2. Analyse de la denture du patient et de son biotype gingival. Il présente une gencive festonnée, un biotype plutôt fin et la présence de colorations liées essentiellement au tabac. Il est important d’obtenir la coopération du patient afin qu’il arrête, au moins temporairement, sa consommation de cigarettes, avant de prendre la décision de l’opérer. 3. La 21 est légèrement “descendue” consécutivement au traumatisme ayant entraîné la fracture. L’examen cone-beam objective clairement la séparation des éléments fracturés. Il permet d’analyser l’anatomie de l’alvéole : épaisseur d’os en vestibulaire, quantité d’os apical, hauteur totale, permettant ainsi le choix de l’implant. Classe 1 (Elian et al, 2007). 58 3a b L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 Spécial IMPLANTOLOGIE 4a b c d e f g h 4. Étapes chirurgicales. a et b : extraction atraumatique de la racine. c et d : préparation du site implantaire par forages successifs étagés au contact de la paroi palatine dans le respect de l’analyse et de la programmation sur radiographie 3D. e et f : curetage mécanique et manuel sous irrigation antiseptique. g et h : positionnement optimal de l’implant NobelActiv (Nobelbiocare). Progressivement, l’implant est vissé avec une orientation vestibulaire puis palatine. Il faut obtenir un couple de fixation primaire supérieur à 30 Ncm. 5a e b f c d g h 5. Étapes chirurgicales. a et b : contrôle de la distance entre la plateforme de l’implant et le rebord de la gencive marginale. Objectivation de la composante horizontale du gap vestibulaire. c et d : mise en place d’un pilier de cicatrisation étroit et long pour combler l’espace vestibulaire avec une hydoxyapatite d’origine bovine très peu résorbable (Bio-Oss, Geistlich) afin de maintenir le volume vestibulaire. e, f, g : Prélèvement conjonctif, positionnement supra osseux afin de combler le gap au niveau muqueux et suture en trois points pour le stabiliser. h : pose de la couronne provisoire transvissée. 6 60 6. Pose d’un cylindre provisoire transvissé et solidarisation intra-orale de la couronne du patient. L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 Spécial IMPLANTOLOGIE 7. Réalisation d’un profil d’émergence idéal. Polissage et mise en place d’un vernis. La couronne temporaire permet de maintenir le niveau des papilles. La réalisation d’un profil d’émergence progressif et le positionnement 1 mm plus coronaire du profil en aile de mouette (matérialisé sur les dents par la jonction amélo-cémentaire associée à un greffon conjonctif) va permettre une stabilité ou un positionnement plus coronaire de la gencive marginale. 7 8 8. Comparaison entre la situation d’origine, la situation à la fin de l’intervention et à 8 jours post-opératoires. 9. Situation à 4 mois avant de réaliser la couronne définitive monobloc en zircone transvissée. 9 11. Analyse radiographique pré et post-chirurgie montrant le positionnement idéal de l’implant et le comblement du gap vestibulaire. 62 10 10. L’architecture des tissus mous a été préservée. 11 L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 Spécial IMPLANTOLOGIE 12 13 12. Profil d’émergence obtenu grâce à la cicatrisation autour d’une couronne provisoire avec un profil d’émergence idéal. Le biotype (l’épaisseur des tissus mous en vestibulaire) a été amélioré. Il va falloir transférer très précisément la forme des tissus mous obtenue afin de faire réaliser au laboratoire de prothèse la réplique du profil d’émergence au niveau de la prothèse définitive. 13. réalisation d’un transfert d’empreinte individualisé reproduisant le profil d’émergence du provisoire. 14 14. Mise en place du transfert individualisé et prise d’empreinte. 15a b c 15. Transmission précise du profil d’émergence au laboratoire : pose de la réplique et réalisation du modèle de travail avec une fausse gencive amovible en silicone. 16 16. Réalisation prothétique, couronne transvissée zircone. Stratification de la porcelaine cosmétique E-Max (Ivoclar) directement sur pilier zircone Procera (Nobelbiocare). Réalisation Jean-Pierre Casu. Ce type de réalisation présente de nombreux avantages : la zircone est un matériau biocompatible solide qui a un comportement meilleur que le titane au niveau des tissus mous. L’absence de ciment de scellement favorise les manipulations et évite l’inflammation des tissus périphériques. 64 L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011 Spécial IMPLANTOLOGIE 17. Couronne transvissée monobloc zircone en place et contrôle radiographique. 18. Analyse esthétique PES WES. 19. Intégration esthétique. 17 18 19 Conclusion Le respect des protocoles chirurgicaux et prothétiques permet d’obtenir une architecture des tissus mous harmonieuse. La quantité importante de paramètres à maîtriser dans les secteurs esthétiques en une seule séance demande une approche prudente et méthodique. L’extraction implantation temporisation immédiate unitaire, lorsqu’elle est appliquée dans les règles, donne des résultats esthétiques pérennes et reproductibles avec un nombre limité d’interventions et un confort important pour nos patients. L’utilisation de critères objectifs esthétiques servant à analyser les situations avant et après traitement devrait être mise en œuvre systématiquement afin de comparer les résultats obtenus avec différentes techniques. Remerciements au Dr Pascale Montagné, à M. Jean-Pierre Casu, au Dr Romain Charlot-Valdieu, au Dr Christelle Gremet. Correspondance 28 boulevard Gambetta, 06110 Cannes-Le Cannet - [email protected] 66 L’INFORMATION DENTAIRE n° 12 - 23 mars 2011