Echo du Synode africain

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Echo du Synode africain
Echo du Synode africain
Afrique, confiance, lève-toi…
par P. Emmanuel Say Kouame fc,
à Abidjan (Côte d’Ivoire), novembre 2009
La deuxième Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique a clôturé ses travaux
le 25 octobre dernier, à Rome. Pour ce deuxième rendez-vous synodal, qui vient quinze ans
après le premier, tenu également à Rome, en 1994, le thème choisi était : « L’Eglise d’Afrique
au service de la réconciliation, la justice et la paix. « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes
la lumière du monde » (Mt 5, 13.14).
A l’appel de Benoît XVI et sous sa conduite, près de 400 participants d’horizon et de qualité
divers se sont rassemblés, parmi lesquels on dénombrait 220 évêques issus du continent,
accompagnés d’experts, d’auditeurs et cinq délégations représentant les Eglises orthodoxes
d’Egypte et coptes d’Ethiopie. D’autres responsables d’Eglises hors du continent ont apporté
à ces assises une touche d’universalité.
Un regard réaliste et confiant
Cette fois, à la différence du premier synode, l’Eglise s’est essentiellement interrogée non sur
« ce qu’elle est », mais sur « ce qu’elle doit faire » face aux nombreux problèmes sociaux qui
minent les populations. L’Assemblée a constaté que l’Afrique, « riche en ressources humaines
et naturelles », est pourtant une partie du monde où de nombreux peuples « croupissent dans
la pauvreté et la misère, sont déchirés par les guerres et les conflits, passent par les crises et
sombrent dans le chaos.» Ces situations rarement causées, comme ailleurs, par des
catastrophes d’ordre naturel, sont plutôt « le fruit de décisions et d’actions de personnes qui
n’ont aucun souci du bien commun et que l’on retrouve souvent dans une complicité tragique
et un complot criminel ourdi par des dirigeants locaux et des intérêts extérieurs. » Mais,
dépassant cependant le regard misérabiliste des media modernes qui tendent à accentuer les «
mauvaises nouvelles », en se concentrant uniquement sur « les infortunes et les déboires des
Africains », le synode a considéré la situation avec réalisme, indiquant et saisissant l’enjeu
des efforts positifs qui s’accomplissent : « les très bonnes nouvelles en plusieurs endroits
d’Afrique. » Ces initiatives positives que l’on note en plusieurs domaines et dans plusieurs
pays, sont de bons signaux qui, dans la grisaille généralisée, signalent, à tous, que des
solutions effectives peuvent être recherchées et même trouvées, déjà à partir de l’Afrique !
Aussi, le synode a-t-il interpellé « tout un chacun de collaborer main dans la main pour faire
face aux défis de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique. »
Que devons-nous penser de cet évènement ecclésial et quelles leçons en tirer ?
La tenue d’un second synode africain est un signe attestant de l’importance croissante des
Eglises dans le processus du développement des peuples. Les Eglises d’Afrique ont joué et
continuent de jouer un rôle de premier plan dans ce continent meurtri et affecté par des maux
tels que la pauvreté scandaleuse, le drame des refugiés, la maladie et la faim qui tuent encore
chaque jour des milliers de personnes. Les problèmes sont nombreux ! Sans être le seul
continent où les hommes vivent difficilement, l’Afrique reste cependant la plus frappée
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d’entre tous. Aussi, est-ce avec une consolation certaine et une fière satisfaction que
l’annonce et la tenue de ce deuxième synode ont été accueillies par ceux qui, en Afrique,
restent en éveil, scrutant avec un regard de foi les réalités pour y discerner les appels de
l’Esprit. D’autres, il est vrai, n’ont ni entendu ni vu passer le synode !
Des riches enseignements pour nous inspirer
A l’écoute de l’expérience synodale, l’on retire de riches enseignements qui pourraient
réellement inspirer notre attitude pastorale, au milieu de ces peuples auxquels nous sommes
envoyés. Les Pères synodaux, semble-t-il, se sont refusés à lire et à interpréter les situations
comme des « problèmes » avec tout ce que cela comporte de menace, d’impuissance, de
résignation, mais plutôt comme des « défis » : ce qui implique l’engagement et la mobilisation
des énergies aux plans personnel et communautaire. Le message final du synode laisse
entrevoir une intuition décisive : l’Eglise est convaincue que sa première contribution
spécifique au développement des peuples africains est la proclamation de l’Evangile du
Christ. « Nous nous engageons, lit-on, à poursuivre énergiquement la proclamation de
l’Evangile à l’Afrique, car « l’annonce du Christ est le premier et principal facteur de
développement », comme le dit le Pape Benoît XVI dans sa dernière Encyclique « Caritas in
veritate » - L’Amour dans la vérité -. Enfin, dans son homélie à la messe de clôture, le Pape a
mis en parallèle la situation de l’Afrique assoiffée de réconciliation, de justice et de paix, et
celle de Bartimé, l’aveugle assis au bord de la route aux portes de Jéricho. (Mc 10, 46-52)
Une image qui traduit la confiance d’être appelé par Dieu sur la route même de son indigence
et de sa pauvreté. Comme Bartimé, en effet, le chemin de l’Afrique croise celui de Jésus qui
avance vers la consommation de sa Pâques : « leurs routes se croisent, deviennent une seule
route. » Le Pape voit dès lors à travers le synode la réalisation d’une « mystérieuse rencontre
entre notre pauvreté et la grandeur » de Dieu, qui renouvelle son appel à l’Afrique : «
Confiance, lève-toi… » (Mc 10, 49) La mer a beau être houleuse, conclut le synode, il n’ya
pas de raison de désespérer, en gardant les yeux fixés sur le Seigneur Jésus, l’Eglise sait que
les Africains parviendront sains et saufs au port de la réconciliation, de la justice et de la paix.
D’où son appel à l’espérance et à l’engagement de tous les chrétiens, surtout les hauts cadres
de l’Etat, et les hommes de bonne volonté : « Afrique, lève-toi, prend ton grabat et marche ! »
(Jn. 5, 8)
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