26 novembre Sur le Front
Transcription
26 novembre Sur le Front
26 novembre Sur le Front Secteur nord et Mer Baltique Le général Walther von Seydlitz-Kurzbach, qui commandait la 12. Infanterie-Division, reçoit le commandement d’un groupe hétéroclite, le “Gruppe Seydlitz”, destiné à prendre part à une improbable contre-attaque dans le secteur de Gomel. Il doit prélever quelques forces sur les réserves des Groupes d’Armées Nord et Centre, et y ajouter quelques auxiliaires lituaniens, lettons et estoniens. Encore faut-il arriver jusque-là, car les attaques des partisans rendent le réseau ferroviaire peu sûr. Secteur centre Secteur sud et Mer Noire Ukraine – Le thermomètre remonte à -3° dans la journée, mais le temps est bouché. Le système de hautes pressions se maintient au sud, sur la Mer Noire. Avec ce léger redoux, les marais au nord-ouest de Nijine redeviennent difficilement praticables. La couche de glace, trop mince, cède sous le poids des blindés allemands dont la pression au sol est élevée. Les forces aériennes des deux bords maintiennent un niveau d’activité modéré, avec 287 sorties offensives (ou en transport) du côté de la Luftwaffe et 974 pour les VVS. Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee) 07h00 – Gorodnyansky à l’ouest et Malinovsky à l’est attaquent Pryluky. Durant toute la matinée, les troupes de von Manstein, à court de munitions et de carburant, vont repousser ces attaques. Mais la percée attendue des troupes de Pyryatyne ne se manifeste pas. Les forces allemandes encerclées sont trop faibles pour pouvoir attaquer en masse et surtout ne disposent, en fait de blindés, que d’une poignée de PanzerJaegers. Dans des conditions très difficiles, 42 Ju 52 vont atteindre Pyryatyne mais, faute d’escorte, 11 seront perdus du fait de la chasse soviétique. Le manque de moyens de transport et de carburant se fait sentir. 12h00 – Von Manstein, de plus en plus inquiet du fait que ses propres troupes n’ont pas pu rétablir la liaison routière avec Nijine, donne l’ordre de lâcher Pryluky et de remonter vers le nord, abandonnant à leur sort les troupes coincées à Pyryatine. A l’ouest de Nijine, la bataille contre Tchernyakovsky continue, mais sans résultat net. Côté est, le Groupe Mobile Krivoshein attaque Itchnya, accélérant le repli de Von Manstein. Devant Tchernigov, sur le côté ouest de la base du saillant, Vatoutine relance la 17e Armée Motorisée du Maj.Gén. S.I. Oborine, qui attaque vers le nord de Tchernigov. Ce nouveau coup de boutoir entame les défenses allemandes. La 3. PzD du général Model ne parvient à le contenir que très difficilement. Les volontaires espagnols de la Division Azul (en fait, un gros régiment), laissés en arrière pour couvrir la retraite du XXIV. AK, se battent désespérément pour échapper au piège. Ils n’ont pas fait de quartier aux Rouges pendant la guerre civile, et ils savent que les Rouges ne leur en feront pas ! Leur dernier message radio annonce : « Le général Agustín Muñoz Grandes a été tué par un obus. Le général Emilio Esteban Infantes le remplace. Viva la Muerte ! » Vive la mort ! Le cri de guerre des légionnaires espagnols est de circonstance : la division va subir plus de 75 % de pertes. 19h00 – Devant une situation qui ne cesse de se dégrader, Guderian ordonne un repli général. Cependant, il est tenu d’en informer l’OKH. Quand il joint Halder, qui assure l’intérim de Von Brauchitsch, ce dernier lui fait observer que tout repli de cette importance doit être sanctionné par Hitler lui-même. 22h00 – Le Führer est en ligne et éclate dans une de ses habituelles crises de colère furieuse. Il ordonne à Guderian d’annuler son ordre de repli et de venir immédiatement se présenter à Rastenburg. Il démet Hermann Hoth de son commandement et nomme von Manstein à sa place (sans remarquer que Manstein s’est lui-même replié de sa propre initiative, abandonnant les troupes encerclées à Pyryatyne !). Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee) La situation allemande est pire, si possible, face à l’offensive Uranus. Les forces soviétiques continuent d’avancer en direction de Korosten au nord (Dovator et la 6e Armée de Muzychenko), vers Novograd-Volynskiy et Khmel’nyk au centre (le Groupe Mobile Katukov et les cavaliers motorisés de Pliev) et vers Vinnitsa au sud (la 45e Armée). Les troupes soviétiques, certes très éprouvées par les combats des derniers jours, ne rencontrent qu’une faible opposition car les troupes allemandes sont encore plus mal en point. Von Kleist essaye désespérément de rétablir la situation de son Groupe d’Armées Sud. Il obtient du commandement roumain que trois divisions tenues en réserves soient envoyées sur une ligne Khmel’nitsky-Vinnitsa. Mais ces divisions sont peu motorisées. Elles mettront nécessairement plusieurs jours pour arriver sur la ligne de front. Et Kleist n’a rien d’autre sous la main ! Le général Walrimont, venant de Rastenburg, arrive à Rovno pour se faire une opinion exacte de la situation. Ce qu’il découvre l’horrifie ! Il câble immédiatement au QG du Führer sur la nécessité d’envoyer au plus vite des renforts, faute de quoi « la route de Varsovie serait grande ouverte pour les Soviétiques ! » Son câble, arrivant en début d’après-midi, déclenche une véritable panique tant à l’OKH qu’à l’OKW, où ces très mauvaises nouvelles viennent s’ajouter à celles, à peine moins catastrophiques, en provenance de la 1. PanzerArmee. Le général Keitel va supplier Hitler de cesser d’envoyer des renforts aux troupes allemandes en Italie et dans les Balkans, mais il se fait rabrouer sévèrement. Le qualificatif de « ramolli » dont il écope est un des moindres. À la suite de cet incident, son collègue Jodl le trouve dans son bureau, en train d’écrire une lettre de démission, son revolver d’ordonnance posé sur la table près de lui. Jodl lui confisque son arme et arrive à la persuader de ne pas mettre ses funestes projets à exécution. Il est probable que cet incident explique en partie l’accès de fureur d’Hitler dont Guderian fait les frais plus tard dans la soirée. Néanmoins, un premier plan de renforcement du Groupe d’Armées Sud est mis sur pied à partir d’unités au repos ou en reconstitution dans le Gouvernement Général (en Pologne). Ces troupes doivent être acheminées le plus rapidement possible dans la région de Rovno. Pendant ce temps, les forces de l’Axe encerclées en deux poches dans le secteur de feu Typhon Sud étouffent. Les troupes hongroises sont la cible d’attaques violentes de la part de la 16e Armée de Loukine et le périmètre de la poche commence à se réduire. Dans la poche de la 2. PanzerArmee peuvent se poser 53 Ju 52, maintenant escortés sur tout le trajet. Mais les bombardiers soviétiques en détruisent encore 5 au sol et 4 autres, malgré l’escorte, sont perdus en vol. On est de toute manière très loin des quantités nécessaires, qui sont estimées par l’état-major de von Wietersheim à un minimum de 300 avions par jour. La Luftwaffe constate qu’elle ne peut assurer en même temps deux opérations de ravitaillement, à Pyryatyne et à Tarascha – quant aux Hongrois, ils sont laissés à leur sort… 27 novembre Sur le Front Secteur nord et Mer Baltique … Secteur centre … Secteur sud et Mer Noire Ukraine – Le temps se refroidit à nouveau, avec des températures moyennes de -5° et des minima de -9°. Des chutes de neige éparses rendent difficiles et dangereuses les opérations aériennes, mais les VVS maintiennent quand même un nombre respectable de sorties offensives (plus de 1 000) alors que la Luftwaffe se contente d’environ 350. Opération Saturne Très au nord des combats autour de l’ancienne opération Typhon, Eremenko et Maslennikov lancent une attaque en tenaille sur Orsha. Débordées, les troupes allemandes tenant le secteur – le XLIII. ArmeeKorps – commencent à plier. Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee) Pendant ce temps, en début de la matinée, Itchnya tombe sous les assauts du Groupe Mobile Krivoshein. Le repli allemand sur Nijine s’accélère et von Manstein, qui commande désormais toutes les troupes allemandes du secteur sud du saillant, regroupe un ensemble disparate de forces au sud de la ville. Au nord-ouest du saillant, devant Tchernigov, une contre-attaque de Model avec la 3. PzD parvient à stopper l’offensive soviétique. Le XXIV. AK, qui tient ce secteur, est appuyé par le XIII. AK (Felber). Cependant, la route Tchernigov-Gomel est désormais battue par l’artillerie soviétique. La Luftwaffe consacre à peu près 70 de ses 350 sorties ce jour à tenter de ravitailler la poche de Pyryatyne. Les 32 Ju 52 employés sont poursuivis par la chasse soviétique ou bombardés au sol par les avions d’assaut ; 19 transports sont détruits, plus 4 chasseurs d’escorte, contre 12 avions soviétiques. Von Wende, qui assure le commandement des forces encerclées, signale au Groupe d’Armées Centre que si la situation en vivres est relativement bonne, les troupes manquent désespérément de munitions et de carburant. Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee) Le plan de stabilisation de Von Kleist vole en éclats. Au nord, ce sont les hommes de Dovator qui atteignent Korosten dans la matinée et emportent la ville sans grosses difficultés. Continuant sur leur lancée, ils atteignent au début de la nuit la bourgade de Dibrova. Au centre du front, la 6e Armée de Muzychenko est confrontée à de durs combats à Novograd-Volynskiy. Laissant les 80e et 130e DI investir la ville, Muzychenko regroupe les restes des 336e et 338e Brigades Blindées, les associe à des éléments de la 41e DI et les lance en pointe. Novograd-Volynskyi tombera dans l’après-midi, tandis que les éléments de pointe atteignent Korest au début de la nuit. Sur la rive occidentale du Dniepr, le Groupe Mobile de Katukov et les cavaliers motorisés de Pliev prennent Vinnitsa dans la matinée. La ville est abandonnée dans la plus grande confusion par les Allemands et les Hongrois. Des scènes de panique se produisent et une bonne partie des approvisionnements sont laissés intacts. Les Soviétiques capturent aussi 27 chars dans une unité de réparation. Plus au sud, poursuivant leur avance, les hommes de Bagramian (10e et 45e Armées) vont atteindre la rive orientale du Jujniy Bug dans la soirée. Rastenburg, 14h30 – Dès son arrivée, Guderian, accompagné par Halder et von Brauchitsch, est conduit devant Hitler. Une discussion très vive s’engage alors. Hitler refuse d’entendre les arguments de Guderian et le relève de ses fonctions de commandant de la 1ère PanzerArmee. 16h00 – Accablé de reproches, traité de « chapon » et de « pleutre », von Brauchitsch présente sa démission de chef de l’OKH. À peine est-il sorti du bureau d’Hitler qu’il fait un nouveau malaise cardiaque. 21h00 – Dans la soirée se tient une nouvelle réunion de crise. Hitler ne décolère pas contre ses généraux, qu’il traite ouvertement de lâches. Ayant accepté la démission de von Brauchitsch, il annonce sa décision d’assumer lui-même le commandement suprême, reléguant Halder (chef d’état-major) à un simple rôle technique. 22h00 – Guderian, qui s’est restauré, est admis à participer à la réunion et réitère ses conseils de repli général. Hitler le congédie alors et lui conseille de « prendre sa retraite s’il ne peut plus supporter le stress du combat ». Il nomme Hoth (disgracié la veille) à la place de Guderian et lui enjoint de tenir ses positions « à tout prix » – tout en exigeant qu’il dégage la poche de Pyryatyne. 23h00 – La réunion passe au sujet de la partie sud du front et de la « poche de Belaia Tserkhov » – nom donné au secteur où sont encerclés les restes de la 2. PanzerArmee. Göring et Jeschonnek (chef d’état-major de la Luftwaffe) ont été appelés. Hitler s’emporte quand on fait mention de la faiblesse des défenses allemandes à l’Ouest de Kiev. Après avoir parlé par téléphone avec von Kleist et lui avoir affirmé que « des renforts sont en route », il en vient au sort de la 2. PzA. Hitler se tourne vers Göring et lui demande si la Luftwaffe est en mesure de ravitailler la PanzerArmee « le temps nécessaire pour qu’une offensive rétablisse le contact ». À la grande horreur de Jeschonnek, le Reichsmarschall affirme à Hitler qu’un pont aérien « ne pose aucun problème » compte tenu de la proximité des bases logistiques situées en Pologne. Le chef d’état-major de la Luftwaffe profite d’une suspension de séance pour tenter d’expliquer à son patron que l’aviation de transport allemande est trop affaiblie après les pertes subies en 1941 (Merkur) et 1942 (Limnos) pour être en mesure de ravitailler une PanzerArmee, même très affaiblie, mais rien n’y fait. La réunion s’achève peu après. Il est significatif que la question de la poche tenue par les troupes hongroises n’ait été abordée que très succinctement, et seulement sous l’angle de la diversion qu’elle pourrait apporter. 28 novembre Sur le Front Secteur nord et Mer Baltique … Secteur centre Ovruch (Ukraine) – Le maréchal von Reichenau est soucieux, et il y a de quoi. Sa 6e Armée est déployée sur un front trop étendu, de Berezne au confluent du Dniepr et du Pripet. Après une avance à marche forcée jusqu’au Pripet, il a perdu beaucoup d’hommes, début septembre, pour réduire le triangle défensif entre Pripet et Dniepr : opération indispensable pour préparer la phase offensive suivante. Le général Keiner, gravement blessé, a dû être évacué, et sa 62e Division, complètement laminée, ramenée pour reconstitution vers Berezne sous le commandement du général Rudolf Friedrich. Le général Siegmund von Schleinitz, chef de la 9e Division, qui avait fièrement traversé le Pripet sur ses canots d’assaut, fait maintenant sa mauvaise tête et ne cesse de protester contre la disproportion entre les objectifs qu’on leur assigne et les moyens qu’on leur donne. Les unités sont épuisées, elles ont dû se délester de l’essentiel de leurs véhicules et de leurs munitions au profit des troupes engagées dans Typhon. Pendant que Schleinitz grogne, son supérieur Friedrich Koch, toujours à la tête du XLIII. ArmeeKorps, intrigue : le maréchal a appris par hasard qu’il cherchait à passer dans la Waffen SS. Choix désagréable pour son chef, mais compréhensible : les divisions SS sont les mieux dotées en matériel. Pour ne rien arranger, des bandes de francs-tireurs, jaillissant d’on ne sait où, attaquent les arrières allemands. Les voies ferrées entre Pinsk, Gomel et Ovruch ont été coupées en plusieurs endroits. Les renforts attendus des Groupes d’Armées Centre et Nord n’arrivent pas. Pour traquer ces bandits, il faut rappeler en hâte toutes les forces disponibles. Selon un coup de téléphone que Reichenau vient de recevoir du GA Nord, les supplétifs lituaniens et lettons sont au bord de la mutinerie : ils s’étaient enrôlés avec la promesse de ne pas servir hors de leurs pays – il faudra sévir très vite contre ces récalcitrants. Bref, tout va mal, alors que la survie du Reich est en jeu. Si l’armée de Reichenau n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, elle a pourtant reçu l’ordre d’attaquer vers Korosten. D’après les informations transmises au maréchal, ce serait la 6e Armée… russe qui lui présenterait le flanc. Un hasard qui serait amusant si les troupes sous ses ordres étaient plus puissantes. Tant pis, Schleinitz aura beau protester, l’heure est venue d’attaquer avec tout ce qu’il a. Si lui, Reichenau, arrivait à briser la ruée des hordes asiatiques, tous les espoirs seraient permis : le Führer vient de se défaire de Von Brauchitsch, et qui serait mieux placé que Reichenau pour lui succéder ? En attendant, le Feld-Maréchal va courir, comme tous les jours : à 58 ans, il a encore une santé de jeune homme, et ce n’est pas un froid de -15° qui va l’arrêter… La neige s’étend blanche sous les sapins. Pourquoi tourne-t-elle subitement au rouge ? On se précipite pour relever le maréchal von Reichenau. Il s’est écroulé, frappé par une hémorragie cérébrale. Il faudrait l’envoyer sur le champ vers un hôpital en Allemagne, mais tous les avions de transport sont en mission pour ravitailler la poche de Belaia Tserkhov. Ce n’est que deux jours plus tard qu’il s’envole vers l’Allemagne, dans un Ju 88 hâtivement préparé. Une panne de moteur oblige l’avion à se poser en catastrophe à Görlitz (Saxe). Là, on constate la mort du maréchal. Il aura droit à des funérailles imposantes et à un monument construit par Speer. Le général Friedrich Paulus est détaché de l’OKH pour le remplacer. C’est l’homme idéal : il avait été chef d’état-major de cette même 6e Armée pendant la campagne de France. … Secteur sud et Mer Noire Rastenburg, 01h30 – L’annonce de l’organisation du pont aérien est câblée à von Wietersheim, en même temps qu’une Instruction du Führer exigeant que la 2. PzA « tienne fermement sur ses positions ». Ce n’est qu’ensuite que se tient une réunion spécifique – à laquelle Göring ne se donne même pas la peine d’assister – entre représentants de la Heer et de la Luftwaffe, pour estimer les quantités que devrait acheminer le pont aérien. Un minimum de 300 tonnes par jour est alors fixé pour la seule 2. PanzeerArmee, mais les représentants de la Heer indiquent qu’il faut aussi prévoir entre 30 et 50 tonnes/jour pour les unités encerclées autour de Pyryatyne. Or, les capacités aériennes sont les suivantes : – Groupe d’Armées Centre : KG zbV 101 (44 Ju 52) et IV/KG zbV-1 (24 Ju 52), soit 68 Ju 52 dont 41 sont opérationnels. – Groupe d’Armées Sud : KG zbV 50 (44 Ju 52) et KG zbV 54 (47 Ju 52), soit 91 appareils dont 53 sont en état de vol. Ces unités ont déjà subi des pertes sensibles en raison de l’activité de l’aviation soviétique. Si l’on veut ravitailler en même temps toutes les unités encerclées, le besoin global se monte à l’équivalent de 500 Ju 52, dont 400 devraient être en permanence en état de vol – soit quatre fois ce qui est disponible aux GA Centre et Sud. Le nombre de transports nécessaire implique de dégarnir les écoles de pilotage ainsi qu’une partie des unités de reconnaissance maritime pour pouvoir utiliser les Fw 200 Kondor dont elles disposent. Il faudrait aussi assurer l’escorte des transports, ce qui pourrait impliquer de 250 à 350 chasseurs mobilisés uniquement pour cette tâche. D’où organiser le pont aérien ? Vinnitsa était le centre logistique le plus proche, mais il est tombé aux mains des Soviétiques et une offensive pour le reprendre ne semble pas possible avant au moins une dizaine de jours. Rovno apparaît comme la seule base possible pour monter une telle opération, en dépit de son éloignement de Belaja Tserkhov : près de 300 km. Cela implique que la ville soit défendue à tout prix et qu’on agrandisse d’urgence ses aérodromes, afin de pouvoir y faire opérer 400 appareils. Pour ravitailler Pyryatyne, Nijine pourrait être une base avancée, mais Gomel semble la seule solution réaliste. La Luftwaffe accepte de transférer sur Rovno une division de Flak qui assurait jusque-là la défense de Varsovie et de transférer d’autres unités de DCA de la Défense du Reich vers Gomel ou vers la Pologne orientale. Pour la Wehrmacht, trouver des renforts est beaucoup plus difficile en raison de l’éviction de Mussolini du gouvernement italien et de la nécessité de planifier une prise de contrôle de l’Italie, ou du moins d’une bonne partie du pays. Il est finalement décidé d’engager six divisions d’infanterie, les 5. et 8. PanzerDivisions 1 et trois bataillons blindés indépendants. Cette force devrait pouvoir être transportée aux environs de Rovno dans un délai de 72 heures, afin de stabiliser le front, voire de lancer une contre-attaque pour dégager la 2. PanzerArmee. 03h00 – Une nouvelle réunion se tient autour d’Hitler, qui semble beaucoup plus calme, avec Halder, Keitel, Jodl et Jeschonek ainsi que Göring (qui estime que, cette fois, le niveau justifie sa présence), pour décider des opérations à venir. L’opération Wintergewitter (orage d’hiver) est ébauchée. Dans un premier temps, les renforts prévus, soutenus par la FlakDivision venant de Varsovie, prendront position autour de Rovno. Les avions de transport destinés au ravitaillement de la 2. PzA (opération WinterAdler) seront concentrés dans le secteur, puis à Vinnitsa… une fois que la ville sera reprise. Les avions devant ravitailler Pyryatyne (opération Berlin) seront basés à Gomel. Le pont aérien devra commencer sous 72 heures. La couverture de chasse sera fournie par des unités de la Défense du Reich. D’ici 7 à 8 jours, en fonction de la réussite du plan, l’opération Wintergewitter elle-même commencera réellement, afin de rétablir la liaison avec la 2. PanzerArmee qui, elle, « restera sur ses positions » comme le réaffirme Hitler. Reste à désigner le nom du chef de l’opération. Halder et Keitel tombent d’accord pour désigner soit Reinhardt soit Manstein. Hitler s’emporte au nom de Reinhardt et désigne Manstein, qui devra abandonner le commandement du PanzerGruppe 2. Les ordres sont transmis vers 04h45, ils atteignent les QG de Wietersheim et de Manstein vers 05h00. Ukraine – La température baisse à nouveau et, après des pics entre -15° et - 12° dans la nuit, se stabilise dans les -8°. Le ciel est couvert d’une couche de nuages en altitude, mais sans précipitations, ce qui explique aussi la chute des températures. L’aviation soviétique multiplie les missions (plus de 1 600 missions offensives à l’ouest de Kiev), tandis que la Luftwaffe doit limiter ses opérations soit au ravitaillement des poches encerclées, soit à l’attaque des éléments les plus avancés de l’Armée Rouge. Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee) À l’ouest de Kiev, les troupes de Dovator reprennent leur avance et s’emparent de Olevs’k dans la journée, mais sont arrêtées devant Ostky par un assemblage hétéroclite de troupes du train, d’éléments de la Luftwaffe et d’une compagnie de Marder II. 1 La 5. PzD, déployée en Thrace au début de l’année pour contrer un éventuel débarquement allié, a depuis été redéployée dans les Balkans. Quant à la 8. PzD, détruite lors de la première victoire soviétique de la guerre, elle est en cours de reconstitution en Allemagne. Marchant depuis Novograd-Volynskyi, les troupes de Muzychenko se rapprochent de Rovno. Elles sont elles aussi ralenties par une partie des restes de la 17e Armée de von Schwedler. Ces troupes, qui se replient après leur échec devant Kozyatyne dans le cadre de l’opération Forges de Thor, arrivent à se retrancher devant la petite ville d’Horchtcha. Sur la gauche soviétique, les troupes de Katukov prennent Starokonstantiniev et continuent d’avancer devant une opposition très faible, mais sous des bombardements constants qui freinent les troupes. Enfin, à l’extrême gauche du dispositif soviétique, les cavaliers mécanisés de Pliev se rapprochent de Khmelnitskij. La journée est mise à profit par les Allemands pour renforcer les défenses de Rovno, où les premiers éléments de la division de Flak venant de Varsovie débarquent des trains vers 17h00. Un régiment prendra position devant Rovno dans la nuit. Dans le même temps arrivent des officiers d’état-major de la Luftflotte 4 et du Commandement au Transport 1 (colonel E. Kühl) pour superviser l’organisation du pont aérien. Ils s’aperçoivent que les aérodromes de Rovno manquent considérablement de surfaces et de moyens de guidage pour abriter l’immense flotte nécessaire au ravitaillement de la 2. PanzerArmee. Cependant, d’ores et déjà, décollent de Rovno les Ju 52 des KG zbV 50 et 54 (38 appareils en tout), qui forment un convoi escorté par des Bf 109F de la JG-52. Les transports atterrissent sans problème à Tarachtcha, mais le convoi est attaqué au moment où ses avions commencent à redécoller par 14 Pe-2 escortés par 33 Yak-1. Dans le combat qui suit, 11 Yak et 6 Pe-2 sont abattus, mais les Allemands perdent 3 Bf 109F et surtout 11 Ju 52. Il devient évident qu’il faut une défense anti-aérienne sérieuse à Tarachtcha. Dans le même temps, les unités hongroises encerclées n’ont droit qu’à quelques conteneurs lâchés par trois He 111 et deux Ju 52. Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee) À l’est de Kiev, la situation continue à s’aggraver pour les Allemands. Les attaques de l’aviation soviétique se multiplient (plus de 2 200 sorties) et la Luftwaffe a beaucoup de mal à fournir une assistance aux forces allemandes. Guderian rentre à Nijyne en fin de matinée pour passer le commandement à Hoth. Von Manstein, avant de transmettre le commandement du LVI.AK au général Langraf, a le temps de donner l’ordre aux unités combattant au sud du saillant de se replier sur Nijyne, qui est attaqué de deux côtés par les troupes soviétiques. La poche de Pyryatyne est alors à près de 100 km des lignes allemandes. Guderian et von Manstein s’envolent vers 14h30, le premier pour rentrer en Allemagne, le second pour prendre la tête d’une hypothétique contre-offensive au départ de Rovno. Tandis que le général Nehring prend le commandement du XLVII. PanzerKorps, qui se bat aux côtés du LVI. AK, son précédent chef, le général Lemelsen, prend la direction du Panzergruppe 2, tandis que Reinhardt est rappelé en Allemagne. Le XXIV. AK, désormais sous le commandement de Model, continue à repousser les attaques soviétiques devant Tchernigov, mais il ne peut empêcher le rétrécissement du couloir qui relie la 1. PanzerArmee à Gomel. C’est à Gomel justement que se regroupent les KG zbV 5 et 20, équipés d’anciens modèles de He 111, qui doivent aider les Ju 52 à ravitailler la poche de Pyryatyne. Opération Saturne Les combats font rage autour d’Orsha, que les troupes soviétiques encerclent désormais aux trois quarts. 29 novembre Sur le Front Secteur nord et Mer Baltique … Secteur centre … Secteur sud et Mer Noire Ukraine – La nuit est agitée par les efforts désespérés des Allemands pour faire converger leurs renforts sur Rovno. Un léger redoux ramène les nuages bas, qui rendent l’engagement de l’aviation difficile, de part et d’autre. Le nombre de sorties chute de manière spectaculaire du côté soviétique (moins de 900 au total) comme du côté allemand (moins de 280). Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee) À l’ouest de Kiev, les troupes de Dovator, à l’aile droite soviétique, font sauter le bouchon d’Ostky et s’emparent dans la foulée de Rokytne. Les forces de Muzychenko, en revanche, se heurtent au 99e Régiment de Flak et, si elles prennent Horchtcha après de violents combats, elles sont incapables d’avancer vers Rovno. Au contraire, les troupes de Katukov pivotent vers le nord-ouest et prennent dans la journée Chepetyvka et Iziaslev. Quant aux troupes du général Pliev, sur l’aile gauche, elles sont incapables de prendre Khmel’nitsky. Les opérations de ravitaillement de la poche de Belaja Tserkov commencent à monter en puissance, mais sont gênées par le ciel très bas. Près de 52 Ju 52 atterrissent sur l’aérodrome de Tarachtcha, où ils livrent en particulier des canons de Flak (20 mm et 37 mm) ainsi que des munitions. Néanmoins, 8 Ju 52 sont perdus du fait de la chasse soviétique sur le chemin du retour. Dans l’après-midi, les premiers éléments des 5. et 8. PanzerDivisions arrivent à Varsovie et sont immédiatement dirigés vers l’Ukraine occidentale. La division de Flak en provenance de Varsovie achève de débarquer à Rovno, ainsi qu’une division d’infanterie composée de troupes fraîches. Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee) À l’est de Kiev, la pression sur Nijine est telle que Hoth obtient d’Hitler ce que ce dernier avait refusé à Guderian, soit un repli « provisoire » sur Tchernigov. Mais le redoux a fragilisé la glace qui s’est formée sur les marécages et nombre de véhicules allemands s’y embourbent et doivent être abandonnés. Par ailleurs, l’étroitesse de la poche allant de Gomel à Tchernygov impose d’utiliser pour le ravitaillement des forces allemandes engagées devant cette ville une partie du soutien aérien et des transports destinés initialement à la poche de Pyryatyne. 30 novembre Sur le Front Secteur nord et Mer Baltique … Secteur centre … Secteur sud et Mer Noire Rastenburg – Dans la nuit du 29 au 30 novembre se tient une nouvelle réunion de crise autour d’Hitler, avec Halder, Jodl, Keitel et Jeschonnek. Le repli sur Tchernigov menace de tourner en déroute. Il est alors décidé d’envoyer à Gomel les 25e et 27e PanzerDivisions. La première de ces deux unités a été formée à partir de février 1942, mais la 27e Panzer est de formation beaucoup plus récente (début août 1942). Cependant, elle sert d’unité de test pour les nouveaux matériels et, sur l’insistance d’Hitler, elle est aussi envoyée sur le front. Ukraine – Au matin, la température est à nouveau basse, et elle n’atteindra que -6° dans la journée. Le temps est couvert, avec quelques chutes de neige de ci de là. Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee) Hoth continue son repli mais tente de tenir Tchernigov, désormais attaquée sur trois côtés par les Soviétiques. L’aviation essaye de ravitailler la poche de Pyryatyne, mais elle doit aussi assurer en partie le ravitaillement des troupes qui tiennent Tchernigov, car la route GomelTchernigov est constamment sous le feu des unités soviétiques. Beaucoup de matériel est perdu, parfois sur de simples pannes, car il est impossible de remorquer les chars vers Gomel. Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee) À l’ouest de Kiev, les troupes de Dovator atteignent Sarny qu’elles prennent en fin d’aprèsmidi après avoir passé la Shich d’assaut. Tandis que les troupes de Muzychenko sont arrêtées devant Rovno, celles de Katukov continuent d’avancer et, à partir d’Iziaslev, progressent vers Dubno. Enfin, stoppées devant Khmel’nitsky, les troupes de Pliev n’ont d’autre choix que de monter un assaut dans les règles. Dans la soirée, on se bat dans les rues de la petite ville. Dans l’après-midi, Von Manstein a appelé Rastenburg pour demander que les troupes roumaines envoyées en renfort, c’est à dire les 3e, 4e et 11e DI et la 4e Brigade de Cavalerie (motorisée, équipée de 44 chars LT-35) se massent entre Ternopol et Khmel’nistky. L’aviation est très active des deux côtés. Mais la Luftwaffe doit diviser ses forces entre les missions d’assaut et le ravitaillement des forces encerclées. Elle n’effectue que 487 sorties offensives, ce qui fait pâle figure devant les 1 456 sorties offensives des VVS. Dans la journée, 131 Ju 52 et He 111 se posent à Tarachtcha, mais les attaques constantes de l’aviation soviétique, en dépit de lourdes pertes dues à la Flak ou à la chasse allemande, détruisent 21 transports. Cependant, seules les forces allemandes sont ravitaillées. La poche où sont enfermées les troupes hongroises, dont le moral baisse rapidement, n’a droit qu’aux conteneurs de deux He 111. Opération Saturne A Orsha, les troupes allemandes et soviétiques s’affrontent au corps à corps.