Investir dans l`art contemporain à Dubaï

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Investir dans l`art contemporain à Dubaï
Le Temps
Mardi 23 mars 2010
Culture&Société
31
Investir dans l’art contemporain à Dubaï
Visite La foire Art Dubai se construit comme plate-forme pour le marché de l’art et les artistes du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord
et d’Asie du Sud. Les acheteurs locaux n’ont pas boudé l’édition 2010, qui s’est terminée ce week-end
DR
«La chambre des mythes et légendes: mural» (2009). Par l’Egyptienne Hala El Koussy. Une œuvre à la fois sensible et critique. PHOTO: ART DUBAI/COURTOISIE DE L’ARTISTE/ARCHIVES
Lorette Coen, Dubaï
Qu’est-ce qu’une foire d’art contemporain à Dubaï? Elle ressemble à une plante hors-sol qui
cherche à se développer plus magnifiquement encore qu’en pleine
terre. A l’image de tout ce qui est
implanté dans cet émirat: ville, activités, échanges. Une foire Art Dubai existe donc depuis quatre ans
et se déroule en mars dans les salons de Madinat Jumeirah, ensemble touristique en forme de cité
arabisante. L’édition 2010, qui
s’est achevée ce week-end, annonce des résultats fort satisfaisants.
Peu avant l’ouverture, de sombres nuées s’étaient pourtant accumulées sur l’émirat: plongeon
financier lié à un endettement démesuré; crise immobilière entraînant le ralentissement des innombrables chantiers; l’immeuble le
plus haut du monde, Burj Khalifa,
sitôt inauguré, sitôt partiellement
fermé. Le symbole de la splendeur
de Dubaï changé en révélateur de
ses difficultés. Mais cette crise
semble n’avoir effleuré que faiblement la foire. «J’avoue que j’ai eu
peur, admet maintenant le directeur d’Art Dubai, John Martin,
41 ans. La situation s’est dénouée à
l’automne dernier, lorsque les galeries ont compris que rien n’avait
fondamentalement changé, lorsqu’une certaine modération est revenue, notamment à l’égard des
artistes émergents. Les succès des
ventes récentes nous ont définitivement réanimés.»
Tirant ses conclusions, il a renégocié ses frais et réduit de 20% le
prix des stands. De sorte que 72 galeries issues de 31 pays sont venues, dont 28 pour la première
fois. La représentation moyenorientale et asiatique s’est trouvée
renforcée et l’on a noté la présence
de galeries d’Amérique latine: Bré-
sil, Chili, Mexique, Argentine. La
fréquentation paraît en hausse,
avec 18000 visiteurs estimés.
Parmi ceux-ci, et non des moindres, Cheikh Mohammed Bin
Rashid Al Maktoum. Suivi d’une
cohorte de dignitaires, tous de
blanc vêtus, l’émir de Dubaï a fait le
tour de la foire. Avec une halte méditative devant le vaste panneau de
l’Egyptienne Hala El Koussy, La
chambre des mythes et légendes: mural. Où l’artiste, reprenant le langage de la publicité populaire, raconte Le Caire tel qu’il change ainsi
que les déchirements que la croissance urbaine accélérée induit.
Qu’a pu penser le maître et propriétaire de l’émirat de ce langage
à la fois sensible et critique, exprimé par une femme artiste, lui
qui surimpose une ville au désert?
Et superpose tradition arabe et
mode de vie occidental actuel dans
un curieux mélange d’autoritarisme et de pragmatisme? Le
cheikh est passé sans commentaires, pour contempler ensuite La
chambre des damnés, ample et dramatique composition de peinture,
dessin, céramique et film, du Libanais Marwan Sahmarani, en dialogue avec les fresques de MichelAnge et les grands tableaux de Rubens.
Les galeries ne
cachent pas leur
satisfaction: il reste
de l’argent pour l’art
dans les émirats
Lauréat comme les deux artistes
précités du Prix Abraaj Capital, Kader Attia, Franco-Algérien, a présenté une œuvre d’une sobriété
puissante, Histoire d’un mythe: le petit Dôme du Rocher, réalisée à partir
Wolfgang Wagner, un «patriarche» s’en va
Décès Le petit-fils du compositeur Richard Wagner s’est éteint à l’âge de 90 ans. Durant
son règne sans partage à Bayreuth, quelques figures comme Chéreau se sont imposées
graphie, L’Héritage Wagner, qui
pointe les relations suspectes de
Bayreuth avec le régime nazi.
Wolfgang, le pragmatique
AP / KEYSTONE
On l’a comparé à Wotan, Dieu
des dieux régnant sans partage sur
Bayreuth, ou encore à Fafner, le
dragon qui dort sur son trésor
dans le troisième volet de L’Anneau
du Nibelung de Wagner. Wolfgang
Wagner est mort à l’âge de 90 ans.
Le petit-fils du compositeur a régné pendant plus de 50 ans sur le
Festival de Bayreuth, créé par le génial Richard Wagner (1813-1883).
Une page se tourne, une immense
page tellement l’influence de
Wolfgang Wagner fut forte.
Son emprise, surtout. On n’imagine pas le climat explosif – une
bombe à retardement – dans lequel s’est jouée la succession à Bayreuth. Dix ans de tractations et rebondissements. Wolfgang Wagner
était surnommé «le patriarche»
pour son refus de céder le sceptre, y
compris au sein de sa famille. Sa
préférence est toujours allée vers
sa seconde fille, Katharina, née
d’un second mariage avec sa secrétaire Gudrun Wagner (elle-même
morte à l’âge de 63 ans en 2007).
C’est Katharina qu’il voyait à la tête
du festival, mais l’histoire en a dé-
Wolfgang Wagner.
cidé autrement: après la mort de
Gudrun, les deux demi-sœurs Katharina Wagner et Eva WagnerPasquier (bannie un temps de Bayreuth, puis pressentie en 2001
pour la succession) se sont rapprochées. En 2008, Wolfgang Wagner
acceptait enfin, à l’âge de 88 ans, de
confier la direction du festival à Katharina Wagner (31 ans) et Eva Wagner-Pasquier (64 ans). A noter
que le courant n’a jamais bien
passé avec son fils Gottfried Wagner, qui est l’auteur d’une autobio-
Wolfgang Wagner, artisan laborieux? Administrateur sans génie?
Son frère aîné Wieland, mort en
1966 d’un cancer du poumon, a
toujours été considéré comme le
plus doué des deux. Les mises en
scène dépouillées et intemporelles
de Wieland, entièrement axées sur
le jeu des acteurs, ses célèbres «lumières» reléguaient à l’ombre
«l’homme de terrain» Wolfgang.
Egalement metteur en scène, Wolfgang a emprunté nombre de ses
idées à Wieland, ce qui mettait celui-ci hors de lui (comme le rapporte Nike Wagner dans Les Wagner, Une histoire de famille). De ce
fait, Wieland n’a jamais supporté
qu’ils codirigent le festival. Et les
productions de Wolfgang n’ont jamais eu la cote.
Après la mort de Wieland, Wolfgang a dirigé seul le vaisseau. Sa
qualité est d’avoir joué l’ouverture
et invité des grands, comme Götz
Friedrich, Jean-Pierre Ponnelle, Patrice Chéreau (pour la Tétralogie du
centenaire d’abord huée en 1976
puis ovationnée), Harry Kupfer,
Heiner Müller (Tristan und Isolde),
Claus Guth (Le Vaisseau Fantôme)…
«L’atelier Bayreuth», permettant
aux metteurs en scènes de perfectionner leurs productions sur cinq
ans (ce que fit Chéreau), a vu aussi
des ovnis, comme le Parsifal de
Christoph Schlingensief ou, plus
récemment, les très controversés
Maîtres chanteurs de Katharina
Wagner. Quant au dernier Ring de
l’écrivain Tankred Dorst, il n’a pas
marqué les esprits.
Si certaines figures éclairées –
mais forcément partiales – comme
Nike Wagner (fille de Wieland) ont
été très critiques vis-à-vis du patriarche, celui-ci peut s’en aller avec
la certitude que le festival reste
dans les mains de ses deux filles. La
plus médiatisée, Katharina Wagner, jugée provocatrice par certains, insolite par les autres, est
loin de faire l’unanimité. Bayreuth
connaîtra à coup sûr des remous
ces prochains étés. Julian Sykes
d’un boulon vissé sur son écrou.
L’image de l’objet filmée et agrandie plusieurs fois, enveloppée du
vent qui souffle sur l’esplanade,
évoque irrésistiblement celle du
célèbre sanctuaire de l’islam à Jérusalem.
Très bien doté, le prix est attribué à un duo artiste-galeriste sélectionné sur projet, et constitue
l’événement artistique majeur de
la manifestation. Principal sponsor de la foire de l’art, Abraaj Capital, fonds d’investissement orienté
vers les marchés émergents dont
le siège est à Dubaï, encourage les
activités culturelles des pays Menasa (Moyen-Orient, Afrique du
Nord et Asie du Sud). Ce qui répond au projet d’Art Dubai: donner force et visibilité à la création
contemporaine de la région.
Qu’en est-il des affaires? Trois
galeries suisses ont fait le voyage.
Laleh June, de Bâle, ne le regrette
pas, bien au contraire. Elle a choisi
Un parcours sans relief
Le théâtre aime les spirales
infernales qui prennent au
piège un individu sans histoire.
Dans Homme pour homme, de
Bertolt Brecht, par exemple, où
Gali Gay, simple épicier, sort
pour aller acheter du poisson et
se retrouve enrôlé dans l’armée.
L’engrenage du pire, c’est aussi
le schéma adopté par le Portugais Helder Costa dans Mon
drame et mon dream ou l’Incorruptible, mis en scène par André
Steiger au Théâtre Saint-Gervais.
Malheureusement, même si
l’histoire commence dans le
bureau d’un politicien et se
termine dans les étoiles, la pièce
relève plus de l’empilement de
situations que d’une savante
progression. Dès le départ, on
apprend le problème de cet
anti-héros – ne pas parvenir à
être corrompu – et toute la
pièce recense ses tentatives
infructueuses pour rejoindre le
cercle des initiés. Dit comme ça,
la chose paraît croustillante,
puisque du sexe au sport en
passant par l’église et les passedroits financiers, l’homme
Brèves
La Fontaine et ses fables pour tous les âges
Cinéma
quelques fables. Pour les y aider,
Hélène Zambelli interprète ses
musiques au coin de la scène
déguisée en claveciniste d’époque.
Tout cela, les fables comme
leur présentation et les commentaires de l’auteur et des
jeunes gens, vous charme
l’oreille en alexandrins, sans
paraître ni trop difficile, ni trop
désuet. Tout cela est frais, vif,
mis au goût du jour par quelques allusions à un président à
talonnettes qui se conduirait
comme certaine grenouille, ou à
des banquiers qui font les cigales avec l’argent des travailleurs.
Les enfants ne saisissent pas
tout, mais «Le Lion et le rat» ou
«Le Lièvre et la tortue» sont
racontés avec tant de vie qu’ils
n’ont même pas le temps de s’en
rendre compte. Les adultes,
quant à eux, s’amusent de retrouver ainsi les fables de leur
enfance habillées de tant de
drôlerie et de marivaudage.
Ce qui fait aussi la réussite du
spectacle, ce sont les deux niveaux de la scénographie et des
costumes, dus aux talents croisés de Guy Jutard, Pierre Monnerat (marionnettes) et MarieAnge Sorésina (costumes). Les
fables vivent grâce à de grandes
marionnettes de tissus très
colorés et se détachent sur un
fond d’un élégant gris-beige qui
habille tant les décors que les
trois comédiens-manipulateurs.
«Le Corbeau et le renard», «Le
Loup et l’agneau»… les plus
connues des fables sont là, tout
entières, avec leurs saveurs
d’autrefois, et quelques plaisirs
d’aujourd’hui en plus.
Elisabeth Chardon
Le Zoo de Monsieur Jean. Théâtre
des marionnettes de Genève.
Jusqu’au 31 mars. (Loc. 022/418 47
77, www.marionnettes.ch), 1h 20,
dès 7 ans.
«Le Temps» est invité à la foire
Art Dubai.
Critique: «Mon drame et mon dream»
Critique: «Le Zoo de Monsieur Jean», au Théâtre des marionnettes de Genève
Une grille, entre les spectateurs et les acteurs. Une belle
grille dorée comme dans un
zoo. Sauf que Monsieur Jean va
bientôt l’expliquer à Angélique
et Valère, les deux tourtereaux
qu’il reçoit dans son jardin, les
animaux du zoo, ce sont nous,
représentants de la gent humaine assise dans ce théâtre, qui
pensons et agissons comme
loup ou agnelet.
Et le trio (Daniel Hernandez
malicieux à souhait en La Fontaine, David Gobet et Barbara
Tobola qui semblent frais sortis
d’une pièce de Marivaux) de se
lancer dans l’interprétation de
de montrer les travaux récents du
Zurichois Marc Rembold, un habile explorateur de la couleur, et
ils ont trouvé acheteurs. Surtout,
elle a noué des contacts qui, elle en
est certaine, se développeront demain. D’autres galeries ne cachent
pas leur satisfaction: il reste bel et
bien de l’argent pour l’art dans les
émirats. Certes, les grands opérateurs de ce marché ne se pressent
pas encore à Art Dubai, on n’y
trouve pas de vedette contemporaine dont les travaux s’arrachent
à coups de millions. Prix moyens,
artistes nouveaux, collectionneurs débutants: c’est donc un futur qui se dessine dans l’émirat, et
c’est ici que viennent ceux qui parient sur l’avenir. Les galeristes se
rendent eux aussi à Dubaï en investisseurs, conscients du risque,
mais plaisir compris.
U Les principaux festivals de films
de Suisse veulent défendre ensemble leurs intérêts communs. Ils
ont créé une association, la «Conférence des festivals». (ATS)
s’active sans compter. Mais la
réalité dramatique est bien
plus plate. Helder Costa livre un
inventaire sous-écrit, où chaque
nouvelle étape est expédiée
sitôt énoncée. Comme une idée
vaut l’autre, une minute vaut
l’autre et très vite on se demande pourquoi on s’impose ce
catalogue indifférencié.
D’autant qu’à la mise en
scène, rien n’est pensé pour
casser cet effet d’empilement.
Certes, Roger Jendly puise dans
ses belles réserves de comédien
des bribes de fantaisie. Et Maria
Mettral, qui incarne une quinzaine de personnages, ne démérite pas dans ses compositions
de petite fille, voyante, maffieux, etc. Mais le jeu est lâche et
les épisodes manquent de soustexte, d’intention. On adore la
faconde d’André Steiger, sa
manière de lire le monde. Ici, le
maître est muet.
Marie-Pierre Genecand
Mon dream…, jusqu’au 27 mars,
au Théâtre Saint-Gervais, à Genève,
tél. 022/908 20 20. 1h30.
www.saintgervais.ch
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présente
Victoria Hall
Vin
U Il ne sera bientôt plus possible
de tricher. Des chercheurs australiens ont mis au point un test de
datation du vin au carbone 14 qui
permet de définir à l’année près
son millésime. (AFP)
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Jeudi 25 mars | 20 h 30
Rafal Blechacz
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Bach | Mozart | Debussy | Chopin
U Le groupe Le Monde devient
une «marque de presse globale».
Il a présenté lundi une évolution
de sa maquette et de ses déclinaisons numériques. (AFP)
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