Risque annuel d`infection par Mycobacterium tuberculosis
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Risque annuel d`infection par Mycobacterium tuberculosis
INT J TUBERC LUNG DIS 1 (5): 389-396 © 1997 IUATLD Risque annuel d’infection par Mycobacterium tuberculosis en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1901 E. Vynnycky, P. E. M. Fine Communicable Diseases Epidemiology Unit, Department of Epidemiology and Population Sciences, London School of Hygiene and Tropical Medicine, London, UK _______________________________________________________________________RESUME CADRE : Angleterre et Pays de Galles. OBJECTIF : Estimation de l'importance et des tendances du risque annuel d'infection tuberculeuse en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1901. SCHEMA : Les estimations concernant l'ère préchimiothérapique sont obtenues par dérivation en supposant que 1% des nouvelles infections parmi les enfants âgés de 0 à 4 ans entraînent une méningite tuberculeuse, comme cela fut objectivé au Pays-Bas. Ces estimations ont été validées par confrontation avec les données de l'enquête tuberculinique nationale de 1949 à 1950. Nous explorons les tendances ultérieures sur base des déclarations de méningite tuberculeuse, et des données de l'enquête tuberculinique nationale de 1971 à 1973 ; nous discutons de l'intérêt des données recueillies au cours de la période de vaccination au BCG selon le schéma national pour l'estimation du risque annuel d'infection. RESULTATS : Les taux de mortalité par méningite tuberculeuse chez les enfants âgés de 0 à 4 ans ont décliné de 4% par an jusqu'à 1950, et suggèrent que le risque annuel d'infection a baissé de 12% en 1901 à 1,9% en 1949. La décroissance du risque annuel d'infection s'est probablement accélérée en 1950, bien qu'il ne soit pas possible de déterminer avec précision quelle est son ampleur. CONCLUSIONS : La diminution accélérée depuis 1950 du risque annuel d'infection en Angleterre et au Pays de Galles a probablement résulté de l'introduction de la chimiothérapie, qui a réduit de façon dramatique la prévalence des sources d'infection dans la population. Les données recueillies pendant le schéma national de vaccination par le BCG ne sont pas utilisables pour l'estimation des risques d'infection. MOTS-CLE: risque annuel d'infection par tuberculose ; Angleterre et Pays de Galles ; mortalité ; méningite tuberculeuse LE RISQUE ANNUEL D’INFECTION par Mycobacterium tuberculosis est l’un des principaux indicateurs épidémiologiques de la tuberculose dans une population. Son évolution au siècle dernier a été bien étudiée dans plusieurs pays développés, en particulier aux Pays-Bas,1,2 mais il existe peu d’estimations publiées pour l’Angleterre et le Pays de Galles, où n’ont été pratiquées que deux campagnes nationales de dépistage par la tuberculine, pendant les périodes 1949-19503 et 1971-1973.4 Bien que d’autres enquêtes aient été conduites, elles n’ont pas donné d’informations représentatives, car elles n’ont testé qu’un petit nombre de personnes (contacts hospitaliers de cas de tuberculose5) ou se sont attachées à des groupes spécifiques.6,7 Les enfants d’âge scolaire ont subis des tests à la tuberculine avant vaccination en Angleterre et au Pays de Galles pendant la campagne nationale de vaccination initiée en 1954, mais la fiabilité des résultats issus de cette campagne a été contestée. En l’absence d’information fiable sur la sensibilité à la tuberculine, l’évolution du risque annuel de l’infection peut être inféré à partir des chiffres de méningites tuberculeuses.1 A partir des données hollandaises, Styblo et coll.1 ont découvert que les taux de mortalité annuelle par méningite tuberculeuse parmi les 0-4 ans avant l’avène-ment de la chimiothérapie représentaient environ 1% du risque annuel d’infection. L’analyse de données suédoises datant de la période 1925-1935 ont montré une corrélation similaire,8 encore que ces chiffres sont devenus moins fiables par la suite, du fait des mesures de lutte spécifiques qui diminuaient l’exposition des nourrissons et des jeunes enfants aux sources d’infection dans la communauté. Récemment, des études ont tenté de corréler les taux de déclaration des méningites tubercu- Correspondence to: E Vynnycky, PhD, Communicable Diseases Epidemiology Unit, Department of Epidemiology and Population Sciences, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Keppel Street, London WC1E 7HT, UK. Tel: +44 171 927 2007. Fax: +44 171 436 4230. [Traduction de l’article “The annual risk of infection with Mycobacterium tuberculosis in England and Wales since 1901.” Int J Tuberc Lung Dis 1997;1 (5): 389-396.] Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles leuses au risque annuel d’infection dans une région donnée (en l’occurrence, à Barcelone, Espagne9). Dans cet article, nous examinons les chiffres des méningites tuberculeuses et les résultats des enquêtes tuberculiniques pour évaluer l’ampleur et l’évolution du risque annuel d’infection tuberculeuse en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1901. MATERIEL ET METHODES Origine des données Mortalité et taux de déclaration des méningites tuberculeuses parmi les enfants des deux sexes âgés de 0 à 4 ans pendant les périodes 1865-1957 et 1954-1990. Les taux de mortalité par âge et par sexe ont été publiés tous les 10 ans dans les rapports du Registre Général de population entre 1865 et 1901.10 Nous avons calculé les taux de mortalité annuelle depuis 1901 à partir du nombre des décès, extraits des Révisions I-V des registres historiques (disponibles sous forme de fichier électronique auprès de l’Office for Population and Census Surveys [OPCS]) et des estimations de populations calculées par l’OPCS en 1991. Les décès étaient classés sous le terme de « méningites tuberculeuses » jusqu’en 1920, de « tuberculose du système nerveux » (1921-1930), de « tuberculose du système nerveux central » 1931-1940) et de « tuberculose des méninges et du système nerveux central » (1941-1957). Les chiffres des déclarations de méningite tuberculeuse ne sont disponibles en Angleterre et au Pays de Galles que depuis 1954 et ont été classés sous le terme de « tuberculose des méninges et du système nerveux central » jusqu’en 1981, et sous le terme de « méningite tuberculeuse » par la suite. Ces chiffres ont été publiés par l’OPCS11,12 mais ne sont pas stratifiés par groupe ethnique. Dans nos analyses, ces chiffres ne tiennent pas compte des sous-déclarations, qui ont probablement changé pendant la même période. Des études récentes suggèrent que 20-40% de tous les cas de tuberculose n’ont jamais été déclarés en Angleterre et au Pays de Galles.13,14 Enquêtes nationales de tests tuberculiniques La première enquête nationale (1949-1950)3 a porté sur 94221 personnes âgées de 5 à 20 ans dans 22 zones urbaines et rurales. Une induration ≥ 5 mm, soit à un test de Mantoux au moyen de 100 UT de tuberculine (0,1 mm d’une dilution à 1/100) ou à la gelée tuberculinique (équivalente à un test intradermique à 10 UT) était alors considéré comme « positif ». Le rapport publié de l’en- 2 quête présente la prévalence de la « positivité » à la tuberculine par tranche d’âge, ainsi que la proportion des personnes « positives » seulement au test faible dans chaque région. En supposant que les réactions « positives » au seul test fort étaient imputables à des infections non tuberculeuses, nous avons dérivé des estimations de la prévalence des véritables infections à M. tuberculosis par groupe d’âge au moment de l’enquête en soustrayant la proportion de réactions « positives » au seul test fort (100 UT) de la prévalence globale de la « positivité ». La seconde enquête (1971-1973)4 a porté sur environ 20 000 enfants de 6 et 13 ans. Une induration ≥ 8 mm à un test de Mantoux à 5 UT de dérivé protéique purifié (DPP) était considérée comme « positive », bien que le type d’induration et la sensibilité individuelle au DPP de Battey soit également entrés en ligne de compte. Les données publiées sont stratifiées par zone d’origine. Tests tuberculiniques avant vaccination parmi les enfants d’âge scolaire La campagne nationale de vaccination par le bacille de Calmette-Guérin (BCG), initiée en 1954, a porté sur les jeunes gens de 13 ans jusqu’en 1959, date à laquelle elle a été étendue aux enfants scolarisés dans d’autres établissements et aux lycéens plus âgés, ainsi qu’à certains enfants plus jeunes. La prévalence de la « positivité » à la tuberculine (qui, dans la plupart des régions sanitaires recouvrait les réactions au test de Heaf supérieures au stade 115) parmi les personnes testées avant vaccination a été publiée chaque année dans le Chief Medical Officer Report adressé au gouvernement britannique (jusque dans les années 80), dans le Digest of Health Statistics (1970-1972) et dans les Health and Personal Social Services Statistics d’Angleterre et du Pays de Galles (après 1972). Ces chiffres ne sont pas stratifiés par âge ou groupe ethnique et ont été publiés séparément pour l’Angleterre et le Pays de Galles à partir de 1972. Ils n’excluent pas nécessairement les réactions imputables à une vaccination antérieure par le BCG. Depuis 1988, les données ont été colligées au moyen de critères différents et ne sont pas présentées ici. Une enquête de contrôle de qualité du BCG a été pratiquée parmi des écoliers de 11 à 15 ans dans la ville de Reading depuis 1970.16 Pendant la période 1970-1980, 1500 à 2000 enfants sans antécédents connus de vaccination par le BCG ont subi un test annuel : le nombre de sujets testés a depuis décliné pour passer à 700 en 1990. Des indurations ≥ 6 mm à 0,1 ml (10 UI) de DPP ont été considérées comme « positives ». Les données Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles disponibles sont stratifiées par âge depuis 1985 seulement et ne sont pas disponibles par groupe ethnique. Estimation et validation du risque annuel d’infection Ordre de grandeur et tendance jusqu’en 1949 Nous avons d’abord évalué la tendance du risque annuel d’infection jusqu’en 1949 en Angleterre et au Pays de Galles, en ajustant une courbe de régression aux taux de mortalité par méningite tuberculeuse parmi les 0-4 ans pendant la période 1901-1949. Les données colligées après 1949 ont été exclues de cette analyse, car elles étaient biaisées par les mesures de lutte spécifiques (ainsi, à partir de 1949, certains enfants de 0 à 4 ans, en contact avec des sujets infectés, ont été vaccinés et n’ont pas présenté de signe de maladie à mesure qu’ils étaient infectés ; de plus, la chimiothérapie antituberculeuse a été disponible aux environs de 1950.)17 L’amplitude du risque annuel moyen d’infection tuberculeuse a été dérivé à partir de la courbe ajustée, en supposant que 1% de toutes les infections parmi les 0-4 ans pendant cette période avaient évolué vers la méningite tuberculeuse fatale.1 Les estimations du risque annuel d’infection dérivées de cette manière ont été validées en comparant la prévalence attendue de l’infection par tranche d’âge en 1949 à la prévalence rapportée par l’enquête nationale de tests tuberculiniques de 1949-19503 (voir ci-dessus). Ordre de grandeur et tendance après 1949 L’évolution du risque annuel d’infection après 1949 s’est probablement modifiée à partir de 1950 du fait de la généralisation du traitement, qui a réduit la prévalence des sources d’infection dans la population.18 Dans notre analyse, nous présumons que 1950 fut la première année au cours de laquelle ce facteur a influé sur le risque annuel d’infection, et donc que les choses se sont modifiées en 1949. Nous explorons les valeurs plausibles de la tendance après 1949 en comparant la prévalence attendue de l’infection parmi les sujets de 6 et 13 ans en 1972, aux résultats de l’enquête nationale de tests tuberculiniques de 1971-73.4 Estimation de la prévalence de l’infection par groupe d’âge et par période Les estimations de la prévalence de l’infection par groupe d’âge et par période ont été calculées en présumant que le risque annuel d’infection ne dépendait que de l’année calendaire et pas de l’âge, et que l’état infectieux des individus ne changeait pas. En réalité, le risque d’infection pourrait dépendre de l’âge19 et la sensibilité à la 3 tuberculine peut s’estomper avec le temps,20 même si l’importance de ces variations est inconnue. En présumant que les individus sont infectés à raison d’une proportion i(t) au temps t, la prévalence de l’infection parmi les sujets d’âge a au moment T, P’(a,T) nous est donnée par la formule : P(a,T) = 1 - exp {- ∫T/ T-a i(t)dt }. (1) Si la proportion de nouveaux patients infectés diminue selon une constante r, P (a,T) peut être exprimé sous la forme : P(a, T) = 1 - exp {i (T)-ri(T-a) } (2) Voir aussi référence 1. RESULTATS Les taux de mortalité par méningite tuberculeuse parmi les enfants des deux sexes âgés de 0 à 4 ans en Angleterre et au Pays de Galles pendant la période 1865-1957 sont montrés dans la Figure 1. Pour chaque année, à l’exception de 1957, les taux de mortalité parmi garçons et filles ont été d’importance similaire. Ces taux ont décliné d’environ 4% par an dans les deux sexes de 1901 à 1949, avec un léger pic pendant les deux guerres mondiales, dates auxquelles les taux de mortalité pour les autres formes de tuberculose ont également augmenté pour tous les groupes d’âges (résultats non présentés). Les taux de mortalité par méningite tuberculeuse semblent avoir diminué de 2% par an avant 1901, mais sont difficiles à interpréter étant donné la rareté des chiffres disponibles. En présumant que 1% des enfants de 0-4 ans infectés ont présenté une méningite tuberculeuse mortelle avant l’ère de la chimiothérapie, le risque Figure 1 Taux de mortalité par méningite tuberculeuse parmi les 0-4 ans en Angleterre et au Pays de Galles (18601957). Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles Figure 2 4 Comparaison entre le risque annuel d’infection estimé en Angleterre et au Pays de Galles pendant la période 1901-1949 (dérivée en supposant que 1% des nouvelles infections parmi les 0-4 ans entraînaient une méningite tuberculeuse fatale) et les taux de mortalité par méningite tuberculeuse effectivement observés. Figure 4 Prévalence attendue de l’infection, en fonction de annuel d’infection devait être d’environ 12,7% (Intervalle de confiance 95% [IC] : 10,3 - 15,7) en 1901, pour se réduire à 1,9% (IC 95% : 1,6-2,4) en 1949 (Figure 2). Ces chiffres sont similaires aux estimations faites aux Pays-Bas1 pendant la même période (Figure 3), encore que l’estimation de 1949 soit inférieure de moitié à l’estimation officielle faite à partir de l’enquête nationale de 1949-1950 (c'est-à-dire 4-5% parmi les écoliers).3 La Figure 4 montre les conséquences de ces risques d’infection pour la prévalence attendue par tranche d’âge de l’infection parmi les sujets âgés de 0-50 ans en 1949. Celle-ci est comparée à la prévalence estimée de l’infection tuberculeuse parmi les habitants des villes du nord, des villes du sud et des zones rurales d’Angleterre et du Pays de Galles à partir de l’enquête tuberculinique de 1949-1950.3 Les deux chiffres sont très comparables pour la plupart des groupes d’âges et c’est pour les zones rurales que la corrélation est la plus mauvaise. Les taux de déclaration des méningites tuberculeuses parmi les 0-4 ans ont diminué plus rapidement pendant les années 50 que ne l’avaient fait jusque là les taux de mortalité correspondants (Figure 5). La vitesse de ce déclin a diminué à partir de 1960 mais elle est difficile à interpréter car les taux de déclaration sont fondés sur un très petit nombre de cas (en général moins de 20 par an après 1970), et la proportion des immigrants provenant de pays à forte prévalence de tuberculose a augmenté de manière conséquente. Etant donné le taux élevé de mortalité avant l’apparition de la chimiothérapie, la fréquence des déclarations de méningite tuberculeuse parmi les 0-4 ans aurait dû être similaire à la mortalité en l’absence de traitement (et donc refléter le risque annuel d’infection), si le système de déclaration avait été efficace. A partir de cette supposition, le Tableau 1 montre les taux de déclarations attendus après 1950, s’ils avaient diminué à raison de 4% par an à partir du niveau estimé de 1949 (dérivé de la Figure 3 Comparaison entre les risques annuels d’infection 1 estimés aux Pays-Bas et en Angleterre et au Pays de Galles (dérivés à partir des taux de mortalité par méningite tuberculeuse). Figure 5 Taux de mortalité et de déclarations de méningites l’âge, en Angleterre et au Pays de Galles en 1949, et prévalence attendue de l’infection tuberculeuse dans les villes du nord et du sud (définies en fonction de leur situation par rapport à la ville de Rugby) et dans les zones rurales de l’Angleterre pendant l’enquête nationale de tests tuberculini3 ques (1949-1950). Voir « Méthodes » pour plus de détails. tuberculeuses parmi les 0-4 ans en Angleterre et au Pays de Galles. Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles courbe ajustée aux taux de mortalité de méningite tuberculeuse). Pour 1954 et 1960, les taux de déclaration observés équivalaient à 40% et 11%, respectivement, des taux attendus. Par conséquent, pour ces années, 60% et 89% des cas respectivement devraient avoir échappé à une déclaration pour expliquer le taux observé en l’absence d’accélération du déclin annuel du risque d’infection. Le Tableau 2 montre la prévalence observée de la « positivité » à la tuberculine chez les enfants de 6 et 13 ans dans le groupe Royaume-Uni (enfants qui, comme leurs parents, sont nés au RU) pendant la campagne de tests à la tuberculine de 1971-73.4 Ce chiffre peut être comparé à la prévalence attendue de l’infection en 1949, en présumant que le déclin du risque annuel d’infection après 1949 était compris entre 10% et 20% par an. Pour les deux groupes d’âge, la prévalence observée de « positivité » à la tuberculine est similaire à ce qu’on pouvait attendre si le risque annuel d’infection avait décliné d’au moins 16% par an depuis 1949. La Figure 6 résume la prévalence observée de la « positivité » à la tuberculine parmi les sujets testés au cours de la campagne nationale de vaccination et de l’enquête de contrôle de qualité du BCG à Reading depuis 1953 et 1970, respectivement. La prévalence observée de « positivité » à la tuberculine pendant les deux périodes dépasse de beaucoup celle qui a été découverte parmi les enfants de 13 ans lors de l’enquête nationale de tests à la tuberculine de 1971-19734 pendant la période considérée. DISCUSSION Ces analyses donnent les premières estimations étayées de l’amplitude et des tendances du risque annuel d’infection en Angleterre et au Pays de Galles pendant ce siècle. Nos suppositions ont dû se fonder entièrement sur les statistiques de méningite tuberculeuse et sur les résultats des enquêtes nationales de tests tuberculiniques. Bien que Tableau 1 Taux de morbidité observé (rapporté) et attendu de la méningite tuberculeuse parmi les enfants âgés de 0-4 ans (1950-1960) Taux pour 100 000 h. Année Attendu * (IC95%) 1950 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 18.7 (15.2-23.1) 16.0 (13.0-19.7) 15.4 (12.5-19.0) 14.8 (12.0-18.2) 14.2 (11.6-17.5) 13.7 (11.1-16.9) 13.2 (10.7-16.2) 12.7 (10.3-15.6) + Observé (rapporté) — 6.4 4.7 3.3 3.0 2.3 1.7 1.4 Observé (%) Attendu (IC95%) — 40 (32-49) 31 (25-38) 22 (18-28) 21 (17-26) 17 (14-20) 13 (11-16) 11 (9-14) * Dérivé en extrapolant la courbe ajustée des taux de mortalité par méningite tuberculeuse jusqu’en 1949 (voir Figure 2) jusqu’en 1960, en présumant que ces taux de mortalité reflètent les taux de déclaration qui auraient été observés si tous les cas avaient été déclarés. Voir Méthodes pour détails. † Noter que les déclarations de méningite tuberculeuse ne sont disponibles en Angleterre et au Pays de Galles que depuis 1954. IC 95% = Intervalle de confiance à 95% plus de 400.000 adolescents aient été testés annuellement dans le cadre du programme du BCG depuis 1954, la très grande prévalence de « positivité » à la tuberculine observée parmi les sujets testés suggère que les résultats ne sont pas fiables et ne peuvent pas être utilisés pour analyser le risque annuel d’infection. De plus, une proportion croissante de sujets testés après 1960 étaient des immigrants, qui ne sont pas identifiables comme tels dans les résultats disponibles et peuvent avoir été exposés à un risque d’infection très important dans leur pays d’origine. Les mêmes remarques s’appliquent aux estimations de la prévalence de la « positivité » à la tuberculine observées parmi les sujets testés pendant l’enquête de contrôle de qualité du BCG. Risque annuel d’infection jusqu’en 1949 Nos estimations du risque d’infection avant l’ère de la chimiothérapie, dérivées à partir des chiffres de mortalité de la méningite tuberculeuse sem- Tableau 2 Prévalence attendue (%) de l’infection tuberculeuse en Angleterre et au Pays de Galles (1971-1973), à partir de différentes valeurs de diminution depuis 1950 Age (années) 6 13 Observé 4 (1971-1973) 0,31 1,14 5 Attendu * (IC95%) _________________________ Pourcentage de diminution présumé † 10% 13% 16% 20% 1,4 0,74 0,37 0,14 (1,2-1,8) (0,60-0,91) (0,30-0,46) (0,12-0,18) 4,7 2,9 1,74 0,88 (3,8-5,7) (2,3-3,5) (1,41-2,13) (0,72-1,08) * Chiffres dérivés en supposant que les 4% de diminution du risque d’infection (obtenu à partir des taux de mortalité par méningite tuberculeuse) s’est poursuivi jusqu’en 1949 et puis s’est accéléré à plusieurs rythmes différents (voir Méthodes pour les détails). † 1,2 Taux approximatif de diminution observée aux Pays-Bas depuis 1940. IC95% = intervalle de confiance à 95% Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles Figure 6 Prévalence de la sensibilité à la tuberculine parmi les sujets testés dans le cadre de la campagne national (scolaire) de vaccination par le BCG et l’enquête de contrôle de qualité du BCG. blent raisonnables et sont comparables à des estimations effectuées à la même époque dans d’autres pays développés, tels les Pays-Bas. Elles cadrent également bien avec la prévalence attendue de l’infection tuberculeuse en Angleterre et au Pays de Galles estimée pendant l’enquête nationale de tests tuberculiniques de 1949-1950.3 Il est intéressant que 28% environ des 14-15 ans aient été « positifs » (induration ≥ 5 mm) seulement au test tuberculinique faible (test de Mantoux à 3 UT de 0,1 ml de vieille tuberculine à 1/3000) à l’inclusion dans l’essai BCG du Medical Research Council du Royaume-Uni pendant la période 1950-1952 (c'est-à-dire deux ans après l’enquête nationale de 1949-1950).21 Ces résultats sont très similaires, par leur ampleur, à nos estimations de la prévalence de l’infection pour les 14-15 ans en 1949 (30-33%). Le risque annuel d’infection au début des années 1900 semble avoir été extrêmement élevé, et aurait été de 19% en 1882, année où Koch découvrait le bacille de la tuberculose, si son déclin avant 1901 avait été parallèle à celui de la mortalité par méningite tuberculeuse. Ces estimations dépassent de beaucoup celles de tout autre pays, encore que les Eskimos en Alaska ont probablement été exposés à des risques plus élevés encore (25% par an) pendant les années 50.22,23 Les estimations officielles du risque d’infection à partir de l’enquête nationale de 1949-19503 (4-5% parmi les écoliers) est similaire aux estimations faites aux Pays-Bas à la fin des années 201 et semblent extrêmement élevées dans le cadre de nos analyses. L’estimation officielle n’est peut-être pas fiable, car elle a été calculée comme un rapport entre les prévalences observées de la « positivité » à la tuberculine dans des groupes d’âge voisins testés simultanément pendant l’enquête, et n’a pas tenu compte d’un déclin régulier du risque 6 d’infection, ni des réactions non attribuables aux infections tuberculeuses. Pour ces raisons, nous concluons que notre estimation du risque annuel d’infection — approximativement 1,9% — est probablement plus proche de la vérité que l’estimation officielle. Bien que diverses mesures de lutte visant à dépister et réduire la prévalence des sources d’infection dans la population aient été mises en place avant l’avènement de la chimiothérapie en Angleterre et au Pays de Galles (la radiolographie de dépistage des civils a débuté en 1943, les cas étaient isolés dans les sanatoriums, etc.) le fait que le déclin de la mortalité par méningite tuberculeuse soit resté inchangée pendant la première moitié de ce siècle indique qu’aucune de ces mesures n’a entraîné une réduction immédiate du risque d’infection parmi les 0-4 ans. On ne sait pas si l’augmentation des taux de mortalité pendant les deux guerres mondiales traduit une augmentation véritable du risque annuel d’infection. D’autres études ont suggéré que le déclin du risque d’infection aux Pays-Bas n’a pas connu d’interruption pendant ces deux périodes.1 Extrapolation du risque annuel d’infection après 1949 Le déclin rapide des taux de déclaration de méningites tuberculeuses après 1950, par rapport à celui des taux de mortalité jusqu’à cette date, semble indiquer que le déclin de la morbidité par méningite tuberculeuse s’est accentué à peu près à la même époque. Ce déclin des déclarations n’est attribuable qu’en partie aux sous-déclarations, qui auraient dû passer de 60% en 1954 à près de 90% en 1960 pour expliquer totalement la différence entre morbidité attendue et morbidité observée (voir Tableau 1). Mais de tels niveaux de nondéclaration sont irréalistes et dépassent de beaucoup les estimations de 20-40% faites pour l’Angleterre et le Pays de Galles.13,14 Deux autres facteurs au moins doivent avoir contribué à la différence entre morbidité observée et morbidité attendue par méningite tuberculeuse. Premièrement, la chimiothérapie est devenue de plus en plus accessible pendant les années 1950 et a réduit la prévalence des sources d’infection dans la population en raccourcissant la durée de contagiosité.18 Par conséquent, le déclin rapide des déclarations de méningite tuberculeuse reflète probablement en partie une accélération réelle dans le déclin du risque annuel d’infection, à partir de 1950 environ. Deuxièmement, la vaccination par le BCG des contacts de sujets contagieux a été mise en œuvre en 1949 et les nourrissons et enfants contacts ont depuis été vaccinés dans le Risque d'infection en Angleterre et au Pays de Galles cadre de ce programme. Le BCG apportant une protection élevée (65-95%) contre la méningite tuberculeuse,24 il doit avoir eu un impact sur l’incidence de la maladie. De ce fait, le déclin des déclarations de méningite tuberculeuse conduit probablement à surestimer le déclin effectif du risque d’infection résultant de l’apparition de la chimiothérapie. L’ampleur de cette surestimation est difficile à quantifier, car le nombre des nourrissons et des jeunes enfants contacts vaccinés n’est pas connu. Il est également difficile d’estimer la vitesse de déclin du risque d’infection tuberculeuse à partir des chiffres de l’enquête tuberculinique de 197173. Nos analyses suggèrent qu’elle pourrait avoir été supérieure à 16% par an, du moins pour les enfants âgés de 6 et 13 ans (Tableau 2). On ignore si des estimations similaire auraient été obtenues à partir des chiffres sur la prévalence de « positivité » à la tuberculine dans les différents groupes d’âge et sur une longue période. Les analyses de semblables résultats parmi les enfants aux PaysBas entre 1962 et 19662 par exemple, ont suggéré que le risque annuel d’infection a décliné d’environ 15% par an pendant les années 50, tandis que des analyses similaires des chiffres portant sur les jeunes adultes ont suggéré que le déclin était de 10-12% par an. Il est intéressant de constater que le déclin du risque annuel d’infection en Angleterre et au Pays de Galles est estimé avoir commencé 10 ans après celui des Pays-Bas. Le déclin rapide du risque annuel d’infection dans ce pays, à partir de 1940, est attribué à la pasteurisation obligatoire du lait, qui a réduit la proportion d’infections attribuées à M. bovis, mais qui s’est poursuivie par la suite grâce à l’introduction et l’application de la chimiothérapie.18 Les mesures visant à lutter contre l’infection par M. bovis ont été introduites seulement de manière graduelle en Angleterre et au Pays de Galles (la législation initiale exigeant que le lait traité soit vendu dans des régions désignées, et non dans tout le pays, n’a commencé qu’en 1949),25 et n’a donc probablement pas contribué à un déclin rapide du risque annuel d’infection au début des années cinquante. Nos analyses des taux de déclaration de méningite tuberculeuse ont également apporté des informations sur les impacts potentiels respectifs de la chimiothérapie et du BCG sur la morbidité dans une population. Bien que nous ne les ayons pas corrigés en fonction des phénomènes de sousdéclaration, ces analyses suggèrent que la chimiothérapie (en réduisant le risque d’infection) et la vaccination ciblée par le BCG (en réduisant le risque d’apparition de la maladie) a réduit subs- 7 tantiellement la morbidité par méningite tuberculeuse parmi les nourrissons et les jeunes enfants, de près de 60% en 1954 (Tableau 1). Peu d’études ont illustré aussi directement l’impact de la chimiothérapie sur la morbidité dans une population, bien que la question ait été largement débattue.26 L’impact du BCG sur la morbidité tuberculeuse a, lui, été étudié en profondeur.27,28 Globalement, ces analyses ont démontré l’utilité des données sur la tuberculose, colligées systématiquement depuis 1847 en Angleterre et au Pays de Galles, pour l’étude des tendances passées du risque annuel d’infection par M. tuberculosis. Cet ensemble de données est unique en ce qu’aucun autre pays n’a rassemblé ce type de chiffres pendant une période aussi longue. La qualité médiocre des chiffres colligés dans le cadre du programme de vaccination par le BCG n’en est que plus regrettable, car la longue période pendant laquelle ils ont été recueillis aurait fourni une perspective inestimable sur l’évolution de la morbidité tuberculeuse dans les pays développés au cours de ces dernières années. Remerciements Les auteurs remercient le British Medical Research Council pour son soutien et le Dr John Watson (PHLS, Communicable Disease Surveillance Center) pour nous avoir permis d’accéder aux données sur le contrôle de qualité du BCG et pour ses précieux commentaires. Références 1 Styblo K, Meijer J. Sutherland I. The transmission of tubercie bacilli: its trend in a human population. Bull Int Union Tuberc 1969; 42: 5-104. 2 Sutherland I, Bleiker M A, Meijer J, Styblo K. The risk of infection in the Netherlands from 1967 to 1979. Tubercle 1983; 64: 241-253. 3 MRC. MRC national tuberculin survey 1949-50. Lancet 1952; 1: 775-785. 4 Christie P N, Sutherland I. A national tuberculin survey in Great Britain in 1971-1973. Bull Int Union Tuberc 1976; 51: 185-190. S Hart P D. The value of tuberculin tests in man. No. 164. MRC Special Report Series. London: HMSO; 1932. 6 Daniels M, Ridehalgh F, Springett V H, Hall I M. Tuberculosis in young adults. 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