sainte-anne d`auray - Union des Cercles Légitimistes de France
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FÉDÉRATION BRETONNE LÉGITIMISTE BP 10307 35703 RENNES CEDEX 7 CCP RENNES 361322 N N° ISSN 1282-6669 CPPAP N° 0908 G 82360 Bimestriel, le N° : 3 € - Abonnement 1 an : 15 € N° 62 – septembre - octobre 2007 SAINTE-ANNE D'AURAY 29 ET 30 SEPTEMBRE 2007 95E PÈLERINAGE DES LÉGITIMISTES Plus qu'un symbole, une prière et un hommage - l'hommage qui affermit les repères - la prière, préalable à une action forte et soutenue UN RENDEZ-VOUS À NE PAS MANQUER (voir programme page 20) ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 1 EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF Quand la République multiplie les privilèges "Ce n'est pas normal que 24 % de la population active soit fonctionnaire. C'est le record mondial." Le nouveau secrétaire d'État chargé de la Fonction publique pourra-t-il mener à bien les réformes annoncées par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne électorale ? www.lefigaro.fr/magazine/20070803 a publié un dossier sur les privilégiés de la République. "Cent trente régimes spéciaux de retraites, plusieurs centaines de milliers de logements de fonction, des allocations datant du régime de Vichy, un fouillis de primes et gratifications diverses, sans oublier la garantie de l'emploi à vie : jamais le statut des 5 millions d'agents de l'État et assimilés n'a paru aussi déconnecté de la vie économique réelle." Coopération britto-québécoise ? Selon le journal canadien "Les Affaires", d'ici cinq ans, La Poste (de France) intégrerait plus de 10.000 fourgonnettes électriques à son parc. Un premier appel d'offres porterait sur 500 véhicules à livrer en 2008. Si huit soumissionnaires se disputent le marché, deux, installés au Québec, auraient une longueur d'avance : le groupe Technologie d'Hydro-Québec et Bathium Canada. Les deux utilisent le système Cleanova, conçu par la Société de Véhicules électriques (SVE, filiale du Groupe Dassault). Depuis peu Bathium Canada appartient au Groupe Bolloré qui a annoncé la construction d'une usine en Bretagne pour équiper ses véhicules, une usine qui ne sera prête qu'en 2009. La production des premières batteries à l'échelle industrielle se ferait donc au Québec. Le Festival Interceltique de Lorient (FIL) Le FIL a encore rassemblé les foules cette année. 650.000 visiteurs ont envahi Lorient pour sa 37e édition qui avait pour invité d'honneur l'Écosse. En 2008, ce sera le tour du Pays de Galles et en 2009 la Galice. Il est désormais dirigé par un Asturien, Lisardo Lombardia. Le classement des bagadou a vu Briec prendre la 1ère place en catégorie 1, devant Cap Caval et Quimper tandis que Perros-Guirrec se retrouve en tête de la 2ème catégorie et Landivisiau de la 3ème. Vers le monopole absolu? Le quotidien Ouest-France (édition du 30 août 2007) nous a appris que Publihebdos (Groupe SIPA / Ouest-France), premier SOMMAIRE Sainte-Anne d'Auray ............................................... En bref ..................................................................... Henri Linon Regards sur le drame algérien ................................. Pierre Valancony Les Pages de notre Histoire : Protestations… par Monsieur de Botherel (I) .......... Michel Duval Le Saint Empire germanique, la fille aînée de l'Eglise et leurs relations avec la papauté................. Jean-Michel Bocquet La Contre-révolution en œuvre L'embarquement pour Jersey (III) ............................ André Couillard Carnet ...................................................................... Messes pour la France et le Roi............................... Activités ........................................................................... p. 1 p. 2 p. 4 p. 5 p. 9 p. 15 p. 19 p. 19 p. 19 EN BREF EN BREF groupe français de presse hebdomadaire régionale, va acquérir quatorze titres du Groupe Hersant Media, plus deux autres titres à Meaux et Vitré. Avec un total de 56 titres, le nouvel ensemble pèsera quelque 80 millions d'euros de chiffre d'affaires pour un tirage de 516.000 exemplaires. Il représentera 29 % de la presse hebdomadaire régionale française, une presse globalement en crise alors que Publihebdos affiche une progression constante de sa diffusion depuis 2003, et a enregistré en 2006 un résultat net de 2,3 millions d'euros pour un chiffre d'affaires brut de 56 millions d'euros. Cette dynamique s'est poursuivie en 2007, avec une progression des ventes de 1,7% depuis le début de l'année. Vent de satanisme Depuis un an le nombre de profanations a augmenté de 60 % en France. Nous avons déjà dénoncé ici (LA BLANCHE HERMINE N° 60) le vandalisme en Bretagne qui s'attaque aux chapelles, aux calvaires et aux cimetières. Le magazine Famille chrétienne a publié dans son édition du 14 juillet une vaste enquête sur cette vague : "Des églises incendiées comme en Bretagne, des cimetières vandalisés et des tabernacles profanés par dizaines : la France semble être devenue l'un des terrains de jeu privilégiés du Malin. Le satanisme séduit notamment de plus en plus de jeunes, en quête de spiritualité et de sens à leur vie." "Depuis quatre ans, je ne compte plus les églises profanées dans notre diocèse", s'inquiétait l'archevêque d'Avignon, Mgr ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 2 Cattenoz, au début de l'année, sur le site Internet diocésain. Les hosties consacrées se vendraient plusieurs dizaine d'euros sur Internet, pour des messes noires. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a publié un document d'alerte en octobre 2006 sur les dangers d'Internet : Les satanistes favorisent les contacts individuels et utilisent avec profit les facilités que leur offre l'anonymat des contacts sur le Web. Internet, écrit Benjamin Coste dans le dossier de Famille Chrétienne, est devenu l'un des principaux vecteurs de diffusion des idées satanistes en France. Les jeunes, grands consommateurs de cyberculture, y accèdent facilement. Et plus inquiétant, y adhèrent. L'implication du satanisme dans les viols, la pédophilie et les meurtres n'est pas prouvée en France mais le nombre et la qualité des personnes fréquentant des milieux occultistes rendraient très difficile, et délicate pour les autorités, toute enquête approfondie sur cette question. En revanche, ce phénomène explique nombre de suicides. "de nombreux suicides en France ont un lien direct avec le satanisme. Ces jeunes font de la nécromancie, du spiritisme, ont des unions sexuelles de type orgiaque, participent à des messes noires, visitent les cimetières… Ils ressortent traumatisés, complètement désespérés". En conclusion de ce dossier, Famille Chrétienne publie le témoignage de la sœur aînée d'un jeune qui s'est donné la mort en janvier 2006 : "un joyeux bout-en-train, toujours prêt à faire rire les copains (.) depuis septembre, il avait confié à sa sœur avoir du mal à trouver le sommeil. "Il me disait qu'il voyait des démons, qu'il se sentait comme possédé. Il avait peur." Après sa mort "on a découvert qu'il fréquentait un groupe de gothiques. L'un d'eux pratiquait des rituels de type satanique. Il avait d'ailleurs affirmé que mon frère était possédé." La sœur découvre aussi que la passion de son frère pour Marilyn Manson lui avait été transmise au collège par son professeur d'anglais, lui-même fan de la star, icône antichrétienne auprès de la jeunesse mondiale. "La salle de classe était tapissée de posters de Manson, (.) En cours, le professeur traduisait des chansons de ces groupes et en dehors, aux élèves qui le souhaitaient, il faisait visionner des extraits de concerts." Qui est Marilyn Manson ? C'est d'abord un individu, de son vrai nom : Brian Hugh Warner. Il a emprunté le prénom de l'actrice sulfureuse Marilyn Monroe et le nom d'un américain condamné à la prison à vie, Manson, fondateur de la secte "The family" responsable de nombreux crimes en 1969 et 1970. Durant son procès, Manson arborait une svatiska qu'il s'était gravé sur le front. C'est aussi le nom du groupe dont Brian Hugh Warner est le fondateur et le chef. Les membres du groupe portent presque tous le prénom d'une starlette et le nom de famille d'un tueur en série. À la création de chaque album, Marilyn Manson associe un concept qui s'incarne en un personnage auquel le chanteur s'identifie : l'Antéchrist pour l'album Antichrist Superstar . Il s'est raconté dans son autobiographie Les Mémoires de l'enfer. Anton Lavey, fondateur de l'Église de Satan, a nommé Marilyn Manson Révérend de son Église. "Marilyn manson à tro déchiré au festoche !!! Cété le meilleur !!! "(extrait d' "un blog de Bretagne" ) "La Bretagne, cette terre de festivals" titrait Ouest-France le 3 juillet dernier et Michel Troadec, l'auteur de l'article, précisait : "Avec les Vielles Charrues et Bobital, la Bretagne possède les deux plus importants festivals musicaux français." Bobital, commune aux portes de Dinan, avec près de 150 000 personnes en trois jours a battu son record. Ils étaient 60.000 pour applaudir Marilyn Manson. Mais d'autres groupes ont tenté de rivaliser, 40.000 fans ont frôlé l'hystérie pour le groupe allemand "Tokio Hotel". Simple fait de société ? Dans la nuit du 11 au 12 avril dernier, soixante-dixsept tombes du cimetière de Léhon, commune aux portes de Dinan, ont été vandalisées. Des croix ont été retournées et plantées à l'envers. "Nous n'avons jamais eu à déplorer d'acte de racisme sur la commune. Aucun étranger n'est enterré là. On se pose des questions. Pourquoi ? Dans quel but ? On dirait plutôt un rite…" déclarait le maire de cette commune. (dans Famille Chrétienne du 14 juillet) Thank You Satan (du titre phare du groupe Dionysos, présent à Bobital en 2006. Chez les Grecs, Dionysos était le dieu du vin, des orgies, des excès. Il a eu pour équivalent Bacchus chez les Latins. Son culte serait réapparu depuis peu. Il existe ainsi plusieurs thiases aux États-Unis et en Europe.) HENRI LINON ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 3 REGARD SUR LE DRAME ALGERIEN "Vous êtes tombés au moment où, s'il faut en croire les discours, nous ne savons plus pour quoi nous mourrons…" Paroles prononcées par le Père Louis Delarue, aumônier militaire, devant les cercueils de Légionnaires morts pour la France, le 15-11-1960 La Guerre d'Algérie a jeté sur la mémoire de toute une génération –celle qui avait vingt ans au milieu des années cinquante- un voile de deuil et des souvenirs amers. Au nombre déjà considérable des victimes européennes et musulmanes, s'est ajoutée la honte des multiples trahisons ayant provoqué la défaite française. Tristesse d'autant plus compréhensible que depuis la fin du conflit, les discours officiels n'ont cessé de discréditer notre action passée sur la terre d'Afrique. Loin de s'apaiser avec le temps, cette condamnation a pris d'ailleurs de l'ampleur. Aujourd'hui, non seulement on fustige la "sale guerre" mais on réprouve aussi notre présence dans cette partie du Maghreb depuis 1830. La conscience de gauche, gardienne de la morale, oublie en l'occurrence, le rôle essentiel joué par les politiciens "républicains" dans le développement du colonialisme 1. Mais revenons à l'Algérie, territoire qui, avant même notre arrivée avait accueilli, de gré ou de force, tant de colonisateurs 2. Et, dans cette succession de dominations, le poids de la France ne fut pas le plus lourd. Un jeune appelé, "Français de souche nord-africaine", me disait un jour que, dans les campagnes, les ouvriers agricoles préféraient souvent travailler pour un colon plutôt que pour un propriétaire indigène. Ce dernier, au jugement de mon interlocuteur, se montrait plus rude et exigeant envers ses ouvriers. Nul n'ignore, depuis qu'on écrit l'Histoire, que le passé de tous les peuples, sans aucune exception, est fait d'ombres et de lumières. Le respect de la vérité se trouve fréquemment sacrifié aux préférences idéologiques. Actuellement, au-delà même du cas de la France, c'est tout l'Occident qui se voit remis en cause. Et ceci avec la complicité, consciente ou non, de la majorité des Européens. En effet, depuis le siècle dernier qui marque le début de notre déclin, nombre de nos contemporains se complaisent dans le dénigrement, l'auto flagellation et la repentance. Il y a toujours quelque lâcheté à battre sa coulpe sur la poitrine de ceux qui sont morts, parfois depuis longtemps. Cela évite sans doute de se préoccuper des misères et des injustices de notre époque. Me trouvant en Algérie pour raison de service militaire, dans les années 56-58, j'ai été amené à m'occuper, au sein d'une unité d'instruction, de l'incorporation bimestrielle des appelés débarquant de métropole. Du fait de cette fonction, je recevais régulièrement la visite des aumôniers militaires israélite et protestant venus s'inquiéter de l'identité et des conditions de vie de leurs corréligionnaires. Par contre, j'avoue n'avoir jamais rencontré l'aumônier catholique, sauf un jour où contrairement au règlement, je regagnais Alger en auto-stop ! Il est vrai que nous avions la possibilité de nous rendre à la paroisse proche desservie, si ma mémoire est bonne, par des prêtres de la Mission de France. La hiérarchie militaire mettait un car à la disposition des intéressés, ce qui était un louable effort. Cependant, le malheur voulut que les ecclésiastiques concernés travaillaient plus pour le FLN que pour la France et la gloire de Dieu. Cette "trahison des clercs", nouvelle version, réduisit notablement le nombre des pratiquants 3. Le général Massu, alors commandant de la zone "Nord-Algérie", admettait que "la plus grave" opposition à sa mission de purification "résidait dans l'attitude de Mgr Duval et de certains prêtres…". Dans la lettre qu'il jugea bon d'envoyer, avec quelque naïveté, au pape Pie XII, le chef militaire renouvela son accusation. Il fit état de "l'attitude surprenante de [l']archevêque Mgr Duval ainsi que de certains de ses collaborateurs…" Il ajoutait : "Le point de vue de Mgr Duval, précisé par lui dans ses écrits aux prêtres de ses paroisses et affirmé dans ses conversations, diffère totalement de celui que Votre Sainteté a bien voulu donner à tous les chrétiens dans sa lettre de Noël 1956…" La réponse romaine, tardive, s'avéra tout à la fois banale et prudente 4. Ces derniers mois, le bulletin "Il est ressuscité", publication de "La Contre-Réforme Catholique au XXIè siècle" (10260 Saint-Parres-les-Vaudes) présente une étude très intéressante touchant au problème algérien. La livraison de juin évoque, à son tour, la position ambiguë du prélat algérois qui, "depuis 1956… en accord avec Rome, préconisait "l'autodétermination" du peuple algérien et son accession à l'indépendance"5. Ce n'était pas, il faut le souligner, l'option de tous les religieux, réguliers ou séculiers, de la province. La preuve, ce qu'écrivait le Père Schrung, aumônier de l'hôpital civil Mustapha au responsable du diocèse : "Comme vous allez vite à liquider les chrétiens d'Afrique du Nord pour promouvoir ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 4 l'Islam et ouvrir la porte au communisme…" Un demi-siècle après, on peut constater les dégâts causés par notre politique d'abandon. Malgré quelques déclarations courageuses, pour l'honneur, on était loin des grandes voix qui, à l'instar du bienheureux Père de Foucauld, avaient, en leur temps, appelé à la nécessaire christianisation du pays. La conversion des musulmans paraissait à ces observateurs lucides autant qu'hommes de foi, une condition essentielle au maintien du Maghreb dans le giron français. Ce ne fut jamais, par contre, une préoccupation de la République. La "trahison des clercs" contribua largement à déstabiliser l'armée et à la faire douter de sa mission. Mais ce ne fut pas l'unique raison de notre échec, les politiques y prirent une large part. Nous le verrons par la suite. _______________________ PIERRE VALANCONY 1 L'exemple indochinois est significatif. Au rang des gouverneurs de cette lointaine colonie, on relève les noms de Jules Ferry, Paul Doumer, Paul Bert, Albert Sarraut… Personnalités qui, à coup sûr, ne sont pas de notre paroisse ! 2 L'Algérie "fut une terre d'invasions venues de partout. Carthaginois, Romains, Vandales, Arabes, voisins marocains et tunisiens, Turcs et Français –pour ne citer que les principaux- se sont succédés sur son sol (cf. "La guerre d'Algérie – genèse et engrenage d'une tragédie" par Pierre Montagnon – Pygmalion Editeur – 1984. Cette citation suffirait à elle-seule à justifier l'affirmation de Ferhat Abbas datant de 1936 ; Je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n'existe pas. J'ai interrogé l'histoire, j'ai interrogé les vivants et les morts, personne ne m'en a parlé…" (rapporté dans la Nouvelle Revue d'Histoire N° 8 – septembre-octobre 2003). 3 Voir sur le sujet l'article de Raymond Muelle : "Les porteurs de valises" Nouvelle Revue d'Histoire, op. cité. 4 cf "La vraie bataille d'Alger" par le général Jacques Massu, Plon, 1971 et : "Histoire militaire de la Guerre d'Algérie" par Henri Le Mise - Albin Michel, 1982. 5 Mgr Léon Duval (1903-1996) prit la nationalité algérienne en 1965. La même année, le pape Paul VI le créa cardinal, marque d'approbation de la position du prélat. Signalons enfin que durant la guerre, le comportement de Mgr Duval fit qu'on envisagea de l'inculper (cf. R. Muelle, op. cité). LES PAGES DE NOTRE HISTOIRE Histoire de Bretagne : Une oraison funèbre pour la Bretagne Avant de reprendre le récit des événements qui ont marqué l'histoire de la Bretagne pendant la Révolution française, nous avons cru bon, en accord avec le rédacteur de cette rubrique, de publier ici de larges extraits d'un 1 2 document important : "Les protestations adressées au Roi et au public" de Monsieur de Botherel , Procureur Général Syndic des États de Bretagne. La lecture de ce témoignage, véritable oraison funèbre de la Bretagne, est très utile pour comprendre le passage entre deux mondes radicalement opposés, celui de la Monarchie et celui de la Révolution. «Messieurs, «Dans le moment où par un oubli malheureux de ses droits et prérogatives le peuple breton égaré semble s'aveugler sur ses propres intérêts, nous qu'il honora de sa confiance ne pouvons trahir nos devoirs, et nous osons seul lutter contre la séduction dont nos malheureux concitoyens sont les victimes. Les Bretons peuvent méconnaître leurs prérogatives, mais nous devons les leur rappeler parce qu'elles sont le gage de leur bonheur. C'est à ce titre que nous avons cru devoir faire la protestation 3que nous vous adressons, c'est au nom de nos concitoyens, qui nous ont confié la défense de leurs droits, que nous vous conjurons de faire connaître aux habitants de votre paroisse cette réclamation ; notre zèle ne doit pas vous être suspect. Homme des trois ordres nous sommes également attachés à chacun d'eux et notre plus ardent désir c'est de pouvoir vous rendre vos droits tels que vous nous les avez confiés, de rétablir dans la province la concorde que des gens mal intentionnés ont troublée et de faire, s'il se peut, cesser des divisions dont le malheur public est le déplorable effet. «Au Plessix Botherel, le 13 mai 1791 ___________________________ 1 Le document complet a été publié par Michel de Mauny dans son ouvrage Traité d'Union de la Bretagne à la France Intrigues, forfaitures, violations. p. 153 et suivantes (Dernière édition par BRITTIA, mars 2000) 2 Dans son ouvrage "Messieurs les Syndics aux États de Bretagne", Michel Duval s'est longuement arrêté sur l'action de René de Botherel du 6 novembre 1786, date de son élection à la charge de Procureur Général Syndic, jusqu'en 1791. L'auteur dédicacera son livre au pèlerinage de Sainte-Anne d'Auray. 3 Ce document a été rédigé le 13 février 1790 ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 5 Protestations adressées au Roi et au public par Monsieur de Botherel Procureur Général Syndic des États de Bretagne «Malgré mon attachement à la patrie et mon dévouement pour mes concitoyens, peutêtre me serais-je condamné au silence, peut-être serais-je parvenu à dévorer dans moi-même le chagrin dont me pénètre la désolation de mon pays, si je n'avais pas été un homme public, mais la nation Bretonne a confié à ma vigilance la conservation de ses droits les plus précieux et me taire serait les trahir. Jamais la perfidie n'approchera de mon cœur, jamais aucun motif, aucune considération ne me rendra parjure et ne me fera trahir l'intérêt du peuple breton. «Dans des circonstances difficiles, l'accord unanime des citoyens assura le succès de mes démarches, leur approbation fut ma récompense et leurs applaudissements retentissent encore à mon cœur. Des circonstances plus difficiles renaissent, mon zèle est le même, mais mes moyens ne sont plus égaux ; ce ne sont plus mes concitoyens qui soutiennent mes efforts, une partie égarée est trompée sur ses vrais intérêts et se laisse entraîner aux impressions étrangères des ennemis du bonheur de la Bretagne ; une autre partie bien plus nombreuse tombée dans un accablement léthargique ne fait que gémir sur les maux où l'aveuglement et la prévention ont entraîné une province naguère si florissante, qui par ses droits et ses libertés avait si souvent repoussé loin d'elle l'oppression du despotisme ministériel (.) C'est la patrie qui est en péril, sauvons la patrie. (.) Ma devise est toujours celle de la province dont je défends les droits, potius mori quam foedari, «…. Ce n'est ni ma cause que je défends, ni pour moi que je parle, c'est pour ma patrie, c'est pour le peuple breton ; mais je dois prévenir que les raisons, si mes réponses ne parviennent pas c'est qu'elles auront été interceptées et qu'on aura redouté de voir la vérité dans tout son jour. «Au milieu des débris qui l'environnent de toutes parts, le Français encore attaché à son pays cherche avec regret quelques traces de ce gouvernement ancien qui, pendant près de quatorze siècles, avait résisté aux efforts combinés des peuples voisins et fait la prospérité de la France, tout est nouveau pour lui et jusqu'au nom même des provinces de ce florissant empire tout est changé. «Tous les pouvoirs sont déplacés ou anéantis, l'ancienne constitution de la monarchie est détruite jusque dans ses moindres parties, Un Roi gouvernant absolument d'après des lois fixes et déterminées auxquelles il déclarait luimême être dans l'heureuse impuissance de rien changer, dans le moment même où, cédant aux vœux de ses cours, il annonce vouloir consulter, écouter ses fidèles sujets, s'éclairer de leurs lumières et recevoir leurs avis sur le bien commun, se voit dépouillé de tous ses droits, enchaîné dans son palais et contraint d'accepter de prétendues lois auxquelles il ne lui est permis ni de concourir, ni de s'opposer. Sa sanction est forcée, réduite à une vaine formule et la loi vacillante au gré des passions devient le produit de la haine, de l'intrigue et de la corruption. «Contraint d'étouffer dans son âme jusqu'aux sentiments de la nature, un monarque bienfaisant à qui l'on refuse même la satisfaction de laisser apercevoir la douleur dont il est la victime, la faible consolation de déclarer que son cœur est déchiré en voyant les erreurs où l'on entraîne un peuple jusqu'à présent idolâtre de ses rois, la religion nationale florissante dans les Gaules avant l'établissement de la monarchie indignement outragée, ou plutôt anéantie et sacrifiée aux sectes rivales, les marches du trône ensanglantées, tous les corps, ces antiques et essentiels appuis de la monarchie, dégradés, anéantis, les propriétés violées, l'autel dépouillé, un peuple bon enhardi aux forfaits, l'intérêt de l'État sacrifié aux spéculations avides de capitalistes intéressés, le trésor public devenu la proie de vils agitateurs, les droits des provinces méconnus, indignement trahis, les contrats annulés, les capitulations anéanties pour prévenir toute réclamation, les provinces ellesmêmes morcelées, une multitude de petites administrations indépendantes substituées à cet enchaînement utile et nécessaire de tous les pouvoirs qui se correspondaient, se balançaient entre eux et venaient par un dernier anneau s'attacher au trône d'où ils recevaient en vertu de la loi leur mouvement et leur détermination : partout l'inquiétude, la défiance, la misère et l'effroi. Tel est le désolant tableau que présente la malheureuse France à l'Europe étonnée. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 6 «Unie à la France par des traités solennels et jamais conquise, la Bretagne a ressenti cet ébranlement général dont sa constitution particulière devait la garantir. Par son union vivement désirée, sollicitée par les États généraux de la France, consommée à leur prière et sur leurs représentations, la province de Bretagne donna à la France un poids immense dans la balance de l'Europe, et pour tous ces avantages elle ne se réserva que les droits dont elle jouissait sous ses souverains particuliers, elle stipula qu'elle ne serait assujettie qu'aux impositions qu'elle consentirait, que nul établissement, nulle loi n'aurait de force dans son étendue qu'après l'adoption unanime des trois ordres, que nul changement ne se ferait dans son administration que de son consentement et que jamais pour aucune cause ses citoyens ne seraient traînés en justice hors de leur pays, et ces conditions, clauses expresses du contrat, acceptées, garanties, avouées par le monarque, par les États généraux de France, on prétend les annuler et envelopper dans la ruine commune la constitution particulière de la province qui la met à l'abri des entreprises étrangères. «Dans cette circonstance fâcheuse, le citoyen à qui la patrie accorda sa confiance ne doit point s'isoler et se borner à gémir, son devoir s'étend plus loin ; il doit de tous ses efforts résister aux progrès du mal, arrêter, s'il se peut, la ruine de ses concitoyens, les éclairer sur leurs vrais intérêts et périr s'il le faut, victime de son dévouement à sa patrie, de son amour pour la règle, l'honneur et l'équité. «Cette obligation porte encore plus essentiellement sur le procureur général syndic d'une grande province. Nous avons juré de la remplir. «Spécialement chargé par la province de Bretagne, légalement et constitutionnellement assemblée dans ses États, de veiller à ce que la chose publique ne souffrit aucun dommage, nous avons juré de pourvoir à la conservation des constitutions de la province consignées dans ses anciens contrats, ses franchises et libertés conservées par tous ceux passés avec MM. les Commissaires du Roi en chaque tenue, à ce qu'il ne soit introduit dans les cours souveraines de la province aucuns édits qui attaqueraient ses droits, nous avons juré de nous opposer partout où besoin sera à tout ce qui serait contraire aux droits, franchises et libertés de la province, aux formes usitées, aux droits, prérogatives et conservation des tribunaux chargés d'administrer la justice, à la conservation des propriétés des gens de l'ordre ecclésiastique, de la noblesse et du peuple, enfin à toute levée de deniers non consentie par les États. «Voilà notre serment civique, celui que nous avons prêté aux États généraux de Bretagne lors de notre entrée à notre ministère dont nous ne pouvons être dégagé que par ceux mêmes à qui nous l'avons prêté. Nous le répétons aujourd'hui, ce serment, et nous jurons d'être fidèle au Roi, à la loi, à notre patrie et de défendre et maintenir de tout notre pouvoir la religion catholique et romaine, ainsi que la constitution bretonne dont la garde nous a été confiée, laquelle a été librement sanctionnée et jurée par le Roi et ses augustes prédécesseurs de deux ans en deux ans depuis notre union à la couronne, nous jurons de nous opposer à ce qu'il soit introduit aucune loi nouvelle tant au fait de l'Église que de la noblesse et du peuple, nous jurons de nous opposer, autant qu'il sera en nous, à toutes les levées de deniers dont on veut le surcharger, ce serait nous rendre coupables du crime de lèse-nation bretonne, ce serait nous rendre parjure, trahir notre patrie et manquer à l'honneur, à tout ce qu'il y a de plus sacré que de céder en ce moment à aucune considération, d'être arrêté par aucun égard particulier. «Pour remplir l'obligation qui nous était imposée nous formâmes, en 1788, avec l'acclamation générale de la province, opposition à l'édit désastreux du timbre, à l'établissement d'un impôt territorial qui se serait perçu en nature à la cinquième gerbe, nous protestâmes contre les édits du mois de mai qui tendaient à changer la forme de la justice et notre résistance, nos efforts furent soutenus par tous les corps de la province. «Les trois ordres, les cours souveraines, les autres tribunaux chargés d'administrer la justice, les municipalités, les corporations tout se réunit à nous et leurs protestations libres et dégagées de toute suggestion vinrent se joindre à la nôtre et l'appuyer. Nous les joindrons ici, ces protestations, monument authentique de l'approbation générale, tous réclamèrent ces mêmes droits, ces mêmes contrats auxquels on veut nous faire déroger, et que le peuple exempt de tout prestige étranger reconnaissait, alors, être la sauvegarde et son bonheur. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 7 «Par quelle fatalité cet heureux accord de tous les membres de la patrie à soutenir l'intérêt commun s'est-il ralenti ? Des émissaires secrets ont égaré les meilleurs esprits, ils ont promis un meilleur ordre des choses et, voilant sous des apparences mensongères des intérêts personnels, ils ont entraîné des hommes qu'ils avaient trompés par leurs promesses : des gens que depuis on a vus au nombre des députés, sont accourus du sein de la capitale en une province qui leur est absolument étrangère, ils y ont publié des libelles incendiaires, ils l'ont déchirée par des factions, ils y ont semé des haines, des préventions et criminellement empêché le rapprochement des ordres qui eut certainement opéré un réunion et la satisfaction générale. «Des envoyés de sénéchaussées et de diocèses se sont portés aux États généraux comme députés du peuple breton et là, infidèles à leurs mandats comme ils l'avaient été à la constitution de leur province, ils n'ont pas rougi de tromper et trahir leurs commettants, ni même de violer leurs serments, ils ont, au nom d'un peuple qui, quelques mois auparavant, réclamait ses libertés et son union à une monarchie, cherché à consommer la ruine de nos immunités et contribué à détruire en France tous les caractères, toutes les traces de la monarchie. «Indignés de ces attentats et fidèles à nos serments, nous protestâmes dès le mois de décembre 1789 contre une assemblée qui, de mandataire s'instituant elle-même nationale, s'arrogeait tous les pouvoirs, détruisait tout et ne pouvait faire autorité dans une province qui, se gouvernant par ses propres lois, ne fut jamais soumise à un régime étranger qui, d'ailleurs, n'y a point de représentant et ne peut, et ne doit adopter ses établissements qu'après en avoir délibéré dans l'assemblée des gens des trois états. «Nous la répétons aujourd'hui, cette protestation, et n'appartenant par nos fonctions à aucun ordre, mais également à tous, chargé même par la nature de notre commission, pour un mandat exprès, par notre serment de n'obéir jamais aux commandements que nous recevrions d'un seul ordre contre le vœu des deux autres, mais de veiller aux intérêts de tous, nous déclarons solennellement nous opposer au nom et pour le bonheur du peuple breton à tous les actes de la soi-disant assemblée nationale, comme illégalement constituée, comme contraire à la constitution et aux droits et franchises de la Bretagne, comme tendant à surcharger cette province d'impositions dont les autres parties du Royaume voudraient alléger leur fardeau, nous adhérons formellement à toutes autres protestations contraires aux actes de la dite assemblée, et nous adoptons toutes les précautions prises et à prendre pour, les annuler, rétablir la Majesté du trône et conserver à la province des droits qu'aucune autorité ne peut détruire et dont elle ne pourrait être dépouillée que par l'injustice et la mauvaise foi. (.) «Par sa constitution la Bretagne s'administre elle-même, elle ne supporte de dettes, elle ne connaît d'impôts, elle n'admet de réformes et de changements que ceux qu'elle a consentis. Mais à cet égard aucun ordre n'a le droit, ni le pouvoir de déterminer rien sans le concours des deux autres, et quand nos députés ont paru et traité à la cour, aux États généraux de France ce n'a jamais été comme députés de l'un ou de l'autre des ordres, toujours ils ont parlé, agi, comme députés de tous, devant rendre compte à tous et ne s'obligeant qu'autant qu'ils seraient approuvés par tous. «Quatre fois la Bretagne a été convoquée par le monarque à ses États généraux : en 1576, en 1588, en 1614 et 1653. Mais en chacune de ces circonstances, fidèle à ses formes d'administration, ce fut dans ses États constitutionnellement assemblés que la province choisit ses députés, et ce fut comme chargés des pouvoirs de la Bretagne, et non comme députés d'aucun ordre, qu'on les vit agir et qu'ils concoururent aux intérêts généraux. C'est comme tels qu'on les eut vu s'opposer à toute innovation, qu'on eut voulu essayer soit dans l'administration, soit contre les droits de la province, c'est comme tels aussi que les ont redoutés les ennemis de la chose publique, ces hommes jaloux de la prospérité bretonne, ce ministre surtout qui, dès ses premiers pas dans l'administration, avait annoncé le projet formel de ruiner les ordres, renverser les grands corps, d'abolir les droits et capitulations des provinces, et c'est pour y réussir que, substituant à des usages garants de la sûreté publique une représentation partielle, il est parvenu par des séductions dont lui-même a été la victime à arracher une renonciation illusoire à des immunités et franchises qui n'étaient point des privilèges, mais des droits, conditions expresses ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 8 du contrat d'union et auxquelles, par la raison même qu'elles sont du plus grand intérêt pour la province, la génération présente ne peut renoncer, parce que c'est une substitution perpétuelle établie en faveur des générations à venir, à qui elle assure la liberté d'accepter ou de rejeter ce qui leur paraîtra avantageux ou nuisible à leurs pays. « à suivre "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". La distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel a toujours été un problème épineux. Les relations entre ces deux pouvoirs ont pourtant rencontré en France de longues périodes pacifiques. Le sujet a souvent été abordé dans La Gazette Royale et dans LA BLANCHE HERMINE, notamment par Louis Brekilien ("Bref historique des relations entre l' église et l'état en France" LA BLANCHE HERMINE numéro 47 mars-avril 2005). Dans la brève étude présente, Jean-Michel Bocquet, après avoir examiné les relations conflictuelles qui ont opposé le Saint Empire à la papauté, revient sur les difficultés majeures qui ont momentanément mis à mal l'exemplarité de l'alliance du trône et de l'autel. LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE, LA FILLE AÎNÉE DE L'ÉGLISE ET LEURS RELATIONS AVEC LA PAPAUTÉ « Le pouvoir a été donné d’En-Haut aux empereurs sur tous les hommes, pour aider ceux qui veulent faire le bien, pour ouvrir plus largement la voie qui mène au Ciel, pour que le royaume terrestre soit au service du Royaume des Cieux ». C’est en ces termes et dans une perspective éminemment Catholique que s’adresse le Pape saint Grégoire le Grand (590604) à l’Empereur Maurice. Patricien, ancien Préfet de Rome, saint Grégoire a un sens élevé de sa mission de Pontife ; c’est à la fois un religieux car il est moine du Mont Coelius et un ancien administrateur de haut niveau qui se substitue aux autorités de Constantinople qui gouvernent la péninsule de la future Italie. Sujet de l’Empire, le Pape fait preuve de loyauté envers le souverain, mais il lui rappelle ses devoirs envers Dieu, envers ses sujets et à l’égard de l’Église, étant entendu que César, reste soumis à Dieu et à l’Église y compris dans sa façon de gouverner : en d’autres termes, il ne peut s’affranchir de la loi divine. Saint Grégoire s’inspire de la pensée de saint Augustin pour qui les « royaumes sans justice ne sont que de vastes brigandages » ; aussi insiste-t-il sur le fait que cette justice humaine doit être le reflet de celle de Dieu et que les empereurs et les rois doivent faire régner cette justice : « être roi, cela n’a rien en soi de merveilleux, puisque d’autres le sont. Ce qui importe, c’est d’être un roi catholique » écrit saint Grégoire à Childebert . Le décor est planté ! Bien plus les trois pouvoirs que sont selon saint Augustin l’« officium imperandi » ou office de commandement, l’« officium providendi » ou office de prévoyance pour ses sujets et l’« officium consulendi » ou office de conseil pour son peuple doivent être fondés sur des principes catholiques : en effet le Christ est le roi des nations et aucun monarque, aucun pape n’a le droit de Le découronner par quelque moyen que ce soit et c’est là une doctrine constante dans l’Église jusqu’au début du XXème siècle ! C’est pourquoi il assure et défend la prééminence du spirituel sur le temporel et lutte énergiquement contre la simonie ou trafic dans les fonctions sacrées et saintes et bien sûr contre le nicolaïsme ou concubinage des clercs. C’est encore lui qui refuse la collation des évêchés par les monarques d’occident et les appelle à combattre le paganisme qui sévit encore. Son pontificat est marqué par la conversion des peuples vivant sur l’archipel britannique, l’abjuration de l’arianisme par les Lombards et l’influence de l’Église sur les souverains temporels qu’il pousse à collaborer de manière durable avec elle. Pourtant l’Empereur du Saint Empire édictera des règles aux clercs, laissant ainsi croire qu’il jouit d’un pouvoir autonome et même supérieur à celui du Pape : les capitulaires ou ordonnances de Charlemagne sont de véritables immixtions du souverain dans ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 9 les affaires de l’Église (charité des prêtres et des évêques, prédication, compréhension des saintes écritures, édification des fidèles qui doivent abandonner les superstitions). Par ailleurs l’Empereur donne les mêmes conseils au Pape ; aussi Nicolas Ier (858-867) proclame-il très vite la supériorité du Vicaire du Christ sur les souverains dans le domaine spirituel et n’hésite pas à leurs faire des remontrances dans le domaine temporel, plus particulièrement à l’égard de l’exercice de leur pouvoir. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » signifie qu’il existe bien deux autorités distinctes, mais ne signifie pas, contrairement au principe de laïcité (principe délétère de toute vie divine) que César n’est pas soumis à Dieu dans tous les actes qu’il peut poser ; en d’autres termes César est bien soumis à la loi divine et sa législation doit être conforme à cette dernière. C’est là toute la complexité des relations entre les chefs d’état et le Souverain Pontife qu’il convient d’évoquer ici et la question se pose de savoir qui au dernier jour triomphera. Il appert de ces considérations que les différends et les tensions ne manqueront pas entre le Saint Empire et la Papauté (I) de même qu’entre cette dernière et la Fille aînée de l’Église (II). I LES RELATIONS TUMULTUEUSES ENTRE LE SAINT EMPIRE ET LA PAPAUTÉ (XI EME-XIII EME SIÈCLES) Ces relations tumultueuses ne sont pas le fruit du hasard et mettent en relief deux conceptions différentes des relations entre le temporel et le spirituel : celle de la Papauté ou de saint Bernard et bien sûr la doctrine impériale qui aura des conséquences d’une extrême gravité pour la Chrétienté qu’elle se situe dans le monde germanique ou dans le reste de l’Europe. La conception de la Papauté et de saint Bernard Selon saint Bernard, il existe deux glaives : le glaive spirituel et le glaive temporel ; tous les deux sont détenus par Pierre, mais comme il n’appartient pas à celui qui détient des fonctions sacerdotales de s’en servir même si la cause est juste, le glaive temporel doit être confié à l’Empereur qui ne peut le tirer du fourreau que sur l’ordre du Pape. Les papes feront leur cette doctrine et ce, pour des raisons évidentes ! C’est d’ailleurs en vertu de cette théorie que les Pontifes ont pu ordonner des départs en croisade, mettre fin à des conflits armés, réglementer ces derniers dans le cadre du « jus ad bellum » (droit à la guerre) et du « jus in bello » (droit dans la conduite de la guerre). Cette théorie qui n’a jamais été érigée en dogme ne pouvait qu’être battue en brèche par les empereurs germaniques qui voient dans le Pape l’un de leurs sujets (comme d’ailleurs ils le font pour les autres souverains d’Occident). Successeurs non seulement de Charlemagne, mais aussi des empereurs romains qui régissaient les moindres détails de la cité et de l’Empire, ils tiennent eux aussi à avoir une action sur l’organisation de l’Église. Par ailleurs les états pontificaux se trouvent sur leur territoire : ils ne peuvent donc, selon eux, se désintéresser des nominations des évêques et de celle du Vicaire du Christ. Les empereurs d’Allemagne vont donc forger une doctrine « sui generis » (de son genre propre) de manière à exercer un droit de regard sur le fonctionnement de l’Église sur leur territoire (notion importante que l’on retrouvera développée en France et en Angleterre). La doctrine impériale : une doctrine qui a de graves conséquences Elle tire son origine de la puissance de Charlemagne (1) qui apparaît comme un très grand souverain qui s’est taillé un vaste empire ; législateur pour les peuples et pour les territoires conquis, il fait de la Foi Catholique un véritable ciment qui unit ses peuples et établit une unité morale et politique : l’ensemble constituant ce qu’il est convenu d’appeler la Chrétienté. Cette façon d’agir qui mélange le religieux et le politique se poursuivra dans l’esprit et surtout dans l’œuvre de ses successeurs : qu’il y ait un jour une pomme de discorde entre le Pape et l’Empereur et c’est l’affrontement entre ces deux autorités. La querelle des investitures et la lutte du sacerdoce et de l’Empire en sont la manifestation éclatante ! La Querelle des Investitures : (1) Rappelons que c'est Charlemagne qui a créé les États pontificaux dans le but de rendre le Souverain Pontife plus indépendant des puissances temporelles. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 10 Elle apparaît sous le pontificat de Grégoire VII (1073-1085) : ce dernier se contente de notifier son élection à l’Empereur et lutte avec vigueur contre la simonie et le nicolaïsme dans toute l’Europe au point que des hommes d’Églises menacés de sanctions canoniques s’exclament au Concile de Mayence : « Si des hommes ne lui suffisent pas pour gouverner les Églises particulières, que le Pape s’arrange pour se procurer des anges !» Très vite le Pape comprend que l’investiture laïque par la crosse et l’anneau est la cause de ces désordres qui scandalisent les fidèles ; aussi signe-t-il le décret de 1075, pris à l’occasion d’un synode romain de la même année interdisant à tout clerc de recevoir une Église des mains d’un laïc sous peine d’excommunication des deux hommes. L’Empereur Henri IV n’en tient pas compte et en 1076 il réunit les évêques de son empire à Worms et leur enjoint un acte de déposition du Pape ; son argument est qu’il est sacré Empereur, qu’il ne doit être jugé que par Dieu, à moins qu’il ne soit hérétique, ce qu’il n’est pas ! C’est la Lutte du Sacerdoce et de l’Empire qui commence ! La Lutte du Sacerdoce et de l’Empire : Grégoire VII dépose l’Empereur, le frappe d’anathème et délie ses sujets du serment de fidélité prononcé à son égard. La situation est difficile pour Henri IV qui demande pardon au pape à Canossa dans le seul et unique but de recouvrer ses pouvoirs et aussi il faut bien le dire de poursuivre ses investitures ! En 1080 il est de nouveau condamné, bataille pour prendre Rome qu’il conquiert et où il place un antipape Innocent III (1084). Grégoire VII s’exile à Salerne : il y meurt en 1085. Plus tard, Frédéric Barberousse de même que son successeur et petit fils Frédéric II poursuivront la lutte : le premier contre Adrien IV et Alexandre III, le deuxième contre Innocent III, Grégoire IX et Innocent IV. Énergique et parfois violent, Frédéric Barberousse profite des dissensions entre clercs et le roi des Deux Siciles pour s’imposer et se faire couronner à Rome (1155), montrant ainsi qu’il est bien un successeur de Charlemagne ! De retour chez lui, ce successeur de Charlemagne apparaît comme le grand gagnant de cette querelle ! Mais Adrien IV meurt en 1153 ; lui succède un pape courageux en la personne d’Alexandre III qui déplait à l’Empereur qui lui préfère le cardinal Octavien, clerc plus souple et dont il fait le pape Victor IV ! Alexandre refuse cet abus de pouvoir, excommunie l’Empereur ainsi que l’antipape Victor IV. En outre Alexandre a des arrièrespensées politiques : il profite de l’occasion pour s’allier avec les ligues du nord de la péninsule et avec le roi des Deux Siciles pour s’opposer à l’action de Frédéric Barberousse. Les protégés du Pape battent les Impériaux à Legnano (1176) Frédéric demande pardon au Pape qui le relève de l’excommunication : nous sommes en 1177 ! Dix ans plus tard, il meurt, laissant le trône à son petit fils Frédéric II qui grâce aux alliances faites par sa famille possède l’Empire, le nord de la péninsule et le royaume des Deux-Siciles : les Impériaux enserrent bien les possessions du Pape ! D’un strict point de vue temporel les Hohenstauffen sont les vainqueurs de ce combat acharné ! Le pouvoir de ce nouvel Empereur n’est pas une coquille vide pour lui et il reprend les habitudes de ses ancêtres qui, à l’évidence ont fait école. C’est surtout avec un canoniste qui porte le nom d’Innocent IV qu’il aura maille à partir au point qu’il envisage d’assiéger la ville de Rome. La tentative est déjouée par le Pape qui doit pourtant se réfugier à Gênes puis à Lyon : Frédéric sera alors excommunié et perdra ses titres par la volonté d’un clerc puissant et inflexible ! Mais il n’est pas le seul car l’excommunication s’étend à ceux qui continuent à faire acte d’allégeance à lui en lui donnant ses anciens titres ! Leurs descendants sont eux aussi frappés d’anathème et si l’Empereur a mis en garde les autres monarques d’Europe contre une prétendue hégémonie intellectuelle et morale du Pape, ce dernier incite les sujets mécontents à lutter contre Frédéric II jusqu’à la fin de son pontificat (1250). Dix huit ans plus tard le petit fils de Frédéric sera décapité sur ordre du roi des Deux-Siciles : les Hohenstauffen disparaissent ainsi que leurs prétentions abusives dans le domaine spirituel. La théorie des deux glaives et surtout la grâce de Dieu ont montré leur efficacité « au Vicaire de Celui dont le royaume n’a pas de limites » selon les mots d’Innocent III. Le Pape apparaît donc comme le grand vainqueur de cette lutte ! Le sera-t-il face à la Fille aînée de l’Église ? ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 11 II LA FILLE AÎNÉE DE L’ÉGLISE ET LA PAPAUTÉ (XIII EME-XVII EME SIÈCLES) « Le Roy n’est pas pur lay » disait-on sous la Monarchie Capétienne : en d’autres termes, par l’onction du Sacre, il n’est pas un laïc comme les autres ! Forts de cette considération et de cette réalité surnaturelle Philippe le Bel, puis les robins et les hommes d’Église gallicans et à leur suite Louis XIV tenteront de résister au Saint Siège. Philippe le Bel fils turbulent de la Sainte Eglise Lorsque l’on aborde cette question : il est courant d’invoquer le différend de 1296 entre Boniface VIII et Philippe le Bel, différend concernant un impôt extraordinaire que souhaitait faire payer le roi au clergé de France : c’est en effet l’une des premières pommes de discorde, mais ce n’est rien à côté de la déclaration du 20 avril 1297, déclaration faite à Creil à deux légats du Pape qui demandent qu’une trêve soit conclue avec le roi d’Angleterre. Philippe affirme sans ambages et sans ambiguïté « que le gouvernement temporel de son royaume appartient à lui seul et qu’il ne reconnaît dans cette matière (la matière temporelle) aucun supérieur », mais qu’il reste dans le domaine spirituel soumis au Souverain Pontife. Il est donc « disposé à recevoir humblement les avertissements du Saint Siège » comme peut le faire n’importe quel fils de l’Église. Il fait donc une distinction subtile pour l’époque entre la personne privée soumise au Vicaire du Christ et la personne publique qui mène la politique qu’il entend mener sans avoir à rendre de comptes à qui que ce soit ! Cette conception s’explique par l’influence des légistes, hommes « pétris de droit romain » qui voient non seulement dans l’État, mais aussi dans le Monarque une personne publique qui jouit de pouvoirs exorbitants au droit commun et que l’on appelle désormais en droit administratif des prérogatives de puissance publique ! C’est ici un véritable corps de doctrine qui va se constituer et qui va permettre aux souverains d’Europe de résister à une hégémonie réelle ou supposée du Pape. C’est aussi le problème de ces Flamands qui luttent contre le roi de France (2) et qui dans leurs suppliques au Pape lui rappellent qu’il est lui, Boniface VIII, « souverain du royaume de France au spirituel et au temporel » ! Mais c’est surtout la décision du Pape de 1295 (antérieure donc au différend et à la déclaration cités plus haut) qui avait décidé, pour des raisons administratives, d’ériger la région de Pamiers en diocèse qui sera à l’origine du conflit et de nommer pour évêque un abbé du nom de Bernard Saisset ; ce clerc aux tendances antifrançaises est soupçonné de vouloir détacher la région des Pyrénées du Royaume. Philippe le Bel le fait arrêter au motif qu’il injurie le Roi, le Pape et que son enseignement est hérétique. Cet événement va permettre d’ouvrir un conflit doctrinal. Le conflit doctrinal et ses conséquences : Il concerne alors le roi et ses légistes (primauté de l’ État y compris dans la collation des fonctions et bénéfices ecclésiastiques) d’un côté et Rome de l’autre (primauté du Saint-Siège dans l’organisation interne de l’Église de France). Il dure deux ans : (1301-1303). Le Pape, dans sa bulle Ausculta fili, somme le roi de libérer l’évêque et de se présenter à un concile qui se tiendrait à Rome ! La bulle n’est pas publiée aux régnicoles (habitants du royaume) ; en revanche des documents attentatoires au Souverain Pontife circulent en France ainsi que des libelles outranciers contre le Saint-Siège. Boniface VIII riposte en tenant son concile à Rome et en promulguant une nouvelle bulle : la bulle Unam Sanctam qui condamne une nouvelle fois Philippe le Bel et Guillaume de Nogaret son légiste. Les deux hommes ne le supportent pas : Nogaret devenu chancelier a des mots très durs pour le Pape qui serait immoral et douteux dans sa foi ! Ainsi la convocation d’un concile qui le déposerait serait justifiée ! Le 7 septembre 1303, 600 cavaliers et 1500 fantassins prennent possession d’Anagni, ville dans laquelle le Pape avait trouvé refuge. Nogaret somme ce dernier de convoquer un concile, ce que refuse Boniface VIII (3) ! La révolte des habitants d’Anagni fait fuir les Français et des soldats romains ramènent le Pape à Rome. Un mois plus tard Boniface meurt. Son successeur lève l’excommunication à l’encontre du roi. Ce conflit a été un conflit (3) (2) Dans cette affaire, le pape soutient ouvertement le comte de Flandres, parjure, et l'Empereur. L'histoire de la gifle donnée au pape par Nogaret n'est qu'une pure invention de Renan, destinée à détacher les catholiques de la monarchie. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 12 d’hommes dans lequel la papauté n’a pas été vainqueur cette fois-ci. Les siècles suivants verront une doctrine beaucoup plus pernicieuse et des pratiques juridiques contestables forgées par des robins jaloux de l’autorité du Saint-Siège à l’égard des monarques : c’est en France le Gallicanisme puis cette habitude de traiter d’égal à égal avec le Pape en signant des concordats. Le Gallicanisme, ses fruits empoisonnés et le concordat subséquent (XIVème-XVI ème siècles) Ce sont au premier abord les évêques qui s’opposent à toute mesure qui pourrait porter atteinte à leur statut qui revendiquent ce que l’on appelle les libertés de l’Église Gallicane, qui sont les grands bénéficiaires de cette doctrine (autant que les monarques qui l’encouragent). Cette doctrine consiste en ceci : si l’Église est catholique, c'est-à-dire universelle, si le Pape exerce son autorité dans le domaine de la Foi et nul n’est autorisé à la lui contester, il appartiendrait au Roi de France d’exercer son pouvoir dans le domaine du temporel et de la discipline ecclésiastiques ; en d’autres termes le Roi comme les souverains d’Europe cherchent non seulement à échapper au contrôle du SaintSiège mais aussi à contrôler l’organisation de cette portion d’Église située dans leur royaume. Le Grand Schisme (1378-1449) et l’affaiblissement de l’Église qui s’en est suivi ont malheureusement contribué à cette situation à tout le moins compliquée. Qui plus est un ouvrage anonyme intitulé Songe du Verger paru sous Charles V de même que les Libertés de l’Église Gallicane d’un certain Pierre Pithou vont donner des arguments à tous ceux (clercs et laïcs) qui veulent prendre des distances vis-à-vis de Rome. Ces idées qui sont dans l’air du temps vont se traduire en actes : ces actes juridiques sont la Pragmatique Sanction de Bourges de 1438 et bien sûr le Concordat de 1516. La Pragmatique : Elle est l’œuvre de Charles VII qui apparaît ici comme un fin politique. En effet il cherche à régler les conflits avec le Saint-Siège par un acte juridique incontestable qu’est l’Ordonnance royale. Il le fait d’autant plus aisément que lors du Grand Schisme les souverains pontifes rivaux ont procédé à des nominations aux mêmes bénéfices ! Il réunit à Bourges des évêques qui forment une sorte de concile français ; ces prélats affirment la supériorité du Concile sur le Pape conformément à une théorie défendue par l’Université de Paris et aux décrets du Concile de Constance de 1415 (concile convoqué par le Pape Jean XXIII, pape douteux et par l’Empereur Sigismond : il faudra d’ailleurs attendre 1417 et l’élection de Martin V, pape régulièrement élu pour entrevoir la fin de ces dérives). Cette Pragmatique prévoit des restrictions aux taxes perçues par le Pape sur les clercs de France et donne un droit de regard au Roi sur la nomination des Abbés et des Évêques (pression sur les électeurs pour la collation des bénéfices majeurs détenus par les Chanoines, les Évêques et les Abbés et recommandations auprès de ces deux dernières catégories pour la collation des bénéfices majeurs). Telle est l’œuvre de ce concile traduit en ordonnance royale, acte unilatéral contesté par la Papauté pour des raisons évidentes ; le Concordat de Bologne tentera de pallier cette situation qui est détestable pour le Pape. Le Concordat de Bologne : Un an après Marignan Léon X et François Ier signent le Concordat de Bologne qui abroge les dispositions de la Pragmatique. La collation des bénéfices mineurs ne change pas (elle est toujours effectuée par le haut clergé) ; en revanche celle des bénéfices majeurs est faite par le Roi, le Pape ne faisant que vérifier l’aptitude des candidats aux fonctions exercées. En outre ce dernier qui continue à percevoir des impôts appelés annates, signe les Lettres de Provision qui confèrent ces investitures. Cet acte juridique bilatéral se substitue à l’acte unilatéral de 1438, mais montre désormais que les monarques fils très chrétiens de l’Église traitent d’égal à égal avec le Vicaire du Christ. Ce concordat sera contesté par l’Université de Paris, par les Gallicans, par le bas clergé et bien sûr par le Parlement de Paris qui ne l’enregistrera qu’en 1518 après avoir reçu des lettres de jussion du Roi (du latin jubere signifiant ordonner, donner un ordre). Un compromis a été trouvé (4) (nous sommes loin d’Agnani) qui semble régler les rapports entre les deux pouvoirs et qui a permis sous Louis XIII et Louis XIV des évêques et des abbés de grande qualité. Il ne résoudra pas tous les problèmes et l’affaire de la Régale sous Louis XIV est là pour le prouver ! Louis Dieudonné le roi très Chrétien, fils sage ou prodigue (?) de l’Ecclesia Mater ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 13 L’affaire de la Régale (1673) : elle est le fait de Louis XIV qui préfère les règles générales aux règles particulières et qui décide que non seulement la régale temporelle (perception des bénéfices des évêchés vacants), mais aussi la régale spirituelle (administration des évêchés vacants et nominations des curés de paroisse et attribution des dignités ecclésiastiques) seront étendues à l’ensemble du Royaume. Les évêques d’Alès et de Pamiers protestent, sont condamnés par l’archevêque de Toulouse mais soutenus par Innocent XI qui blâme Louis XIV. Ce dernier convoque le clergé de France en une « assemblée générale extraordinaire représentant le concile » ; nous sommes en 1682 ! C’est cette assemblée qui va, sous l’influence de JacquesBénigne Bossuet, évêque de Meaux, rédiger la « Déclaration des quatre articles » ; l’on recon- naît là l’ancien élève des Jésuites (proche du roi, il serait de tendance gallicane, ancien élève des bons pères, il serait ultramontain) qui, par cette déclaration va éviter le schisme gallican ! Les premier et troisième articles, en faisant la distinction entre le domaine temporel et le domaine spirituel, vont réaffirmer la séparation entre ces deux pouvoirs ; en outre ils imposent de façon très subtile, parce que faite à l’autorité spirituelle du Pape, de respecter les « anciens canons », enfants chéris bien sûr de l’Église gallicane (le temporel et la discipline restant ainsi soumis à l’autorité du roi) ! Quant aux deuxième et quatrième articles, ils reconnaissent au Souverain Pontife, la plénitude de puissance, pourvu qu’il respecte les usages de l’Église et les canons des conciles œcuméniques ! Le Pape protestera par un Bref, mais le schisme gallican ne sera pas consommé, grâce à l’habileté de Bossuet ! JEAN-MICHEL BOCQUET Bibliographie : J. ELLUL – Histoire des Institutions et des Faits sociaux (PUF) J. IMBERT – G et M SAUTEL – Histoire des Institutions et des Faits Sociaux (PUF) M. PRELOT – Histoire des Idées Politiques (Dalloz) DANIEL-ROPS- Histoire de l’Église (Fayard) Cette brève recension des relations conflictuelles entre les deux pouvoirs nous montre, a contrario, qu'en France l'alliance du trône et de l'autel a été la règle à peine écornée par quelques exceptions. La haine que les révolutionnaires ont nourrie et nourrissent encore contre cette alliance en sont une autre preuve. Il n'en est que plus scandaleux de voir des catholiques la minimiser, voire la passer sous silence, pour mieux combattre la monarchie. Aujourd'hui ultramontains, demain fervents gallicans, toujours cinquième colonne efficace de la Révolution, ils amplifient l'importance des accrocs et en attribuent systématiquement la responsabilité aux rois. Ils font fi des jugements de la divine Providence qui, dans des interventions dûment authentifiées par l'Église, s'est prononcée à maintes reprises en faveur de la famille royale de France (15e siècle : sainte Jeanne d'Arc est envoyée par le Ciel vers le seul prince désigné par les lois fondamentales du royaume pour le faire sacrer à Reims – 17e siècle : Paray-le-Monial, sainte Marguerite-Marie fait connaître le message qu'elle a reçu le 17 juin 1689 : "Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré Cœur …Ce Fils aîné, c'est alors Louis XIV, sept ans après le blâme lancé par Innocent XI – Durant des siècles : le don donné à tous les rois légitimes, jusqu'à Charles X inclus, de guérir des écrouelles. Faut-il d'autres preuves d'un bilan hautement positif ? ____________________________ (4) Dans un article, "Que faut-il penser du Concordat de Bologne" publié dans La Gazette Royale (N° 81, octobre-novembredécembre 1999), Louis Brékilien cite des extraits de la lettre "Quod aliquantum" de Pie VI : "Ce changement [introduit par la Constitution Civile du Clergé], ou plutôt ce renversement de la discipline, offre une autre nouveauté considérable dans la forme d'élection, substituée à celle qui était établie par un traité mutuel et solennel connu sous le nom de Concordat, passé entre Léon X et François Ier, approuvé par le cinquième Concile général de Latran, exécuté avec la plus grande fidélité pendant deux cent cinquante ans, et qui par conséquent devait être regardé comme une loi de la monarchie." ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 14 LA CONTRE-RÉVOLUTION EN OEUVRE Le comte Joseph de Puisaye en Bretagne en 1793-1794 5e partie : L’embarquement pour Jersey à Saint-Briac le 15 septembre 1794 A l'instigation de ses amis, Joseph de Puisaye a décidé de se rendre à Londres. Il doit embarquer clandestinement dans l'anse du Guesclin, au nord de SaintCoulomb. Deux groupes de personnes devaient partir sur le même bateau, Malgré une préparation minutieuse, l'opération échoue suite à un accrochage avec une patrouille ennemie. Avec un groupe de fidèles, le comte s'est alors rendu à Saint-Briac d'où il a pu s'embarquer pour Jersey. Deux mois plus tard, en décembre, l'arrestation de compagnons de Puisaye (Prigent, Briand et Noël) va permettre aux républicains de reconstituer en partie le récit de l'embarquement. Noël livre beaucoup de renseignements. Le récit de l'arrestation Ils avaient vu des hommes de Saint-Briac et d'autres Français, Monsieur Lemoine, prêtre de Saint-Malo, M. de la Furonnière, prêtre de Saint-Malo ou des environs, un autre appelé le curé, ancien recteur de Saint-Malo, M. Gorget, prêtre de Saint-Lunaire, M. Olivier, prêtre à Saint-Lunaire, natif de Saint-Briac, qui est mort à Jersey. Il a vu aussi le recteur de Saint-Lunaire et un marin, Guillaume Noël, fils d'Etienne Noël, de Saint-Briac, qui était malade. Il n'était. revenu en France qu'une seule fois et encore il n'avait pas pris terre ; lui et les autres hommes avaient amené quatre hommes armés de fusils et de pistolets, qui avaient chacun un paquet ; ils les avaient débarqués près de la Garde Guérin dans le port de la Garde, à gauche du pavillon ; après les avoir mis à terre, ils reprirent le large et il ignore absolument où ils avaient dirigé leur marche. De retour à Jersey, il a continué le même métier jusqu'au jour où il s'est embarqué pour revenir en France. Prigent est venu le trouver et lui a dit qu'il fallait le conduire en France ; il n'a fait que lui obéir. Ils s'étaient embarqués sur un cutter qui comptait quinze hommes d'équipage et qui transportait sept passagers qui tous devaient mettre pied à terre. L'armement du cutter se composait de six pierriers et chaque homme avait son fusil et des pistolets. Ils avaient quitté le cutter à l'île d'Agot. Ils étaient descendus tous les quatre dans le canot qui, à cause de sa petitesse, ne pouvait contenir que six personnes en comptant les deux marins qui devaient le manœuvrer et les conduire à terre. Après avoir débarqué, ils étaient allés d'abord au village de Macheret chez Briand. Mais la porte était fermée ; il n'y avait personne. (Ils ignoraient que la mère de Briand était emprisonnée). Ensuite, ils allèrent à la Ville Botée ; ils frappèrent à deux portes. La veuve Chevalier refusa de leur ouvrir. De là, ils allèrent au village de la Marche chez un nommé Moinet, cordonnier de son métier, qui reçut le paquet assez pesant que portait Prigent, lequel lui dit de le remettre aux chouans pour qu'ils le fassent passer au petit qui le ferait tenir à qui il faudrait. Ils avaient été reconduits à la côte par un marin qui n'était pas du pays. Ils avaient chacun un fusil, une espingole et des pistolets. Étant arrivés sur la côte pour faire rembarquer l'étranger, l'italien, ils avaient battu le briquet qui était le signal pour faire venir le canot. Une patrouille qui passait sur la côte, ayant aperçu du feu dans le lointain, marcha vers eux. Comme ils se sauvaient dans les rochers, elle tira sur eux plusieurs coups de fusil. Ils restèrent cachés dans le creux d'un rocher, dans l'eau. Au point du jour, ils furent arrêtés par la patrouille qui les avait cernés. On les conduisit ensuite à Saint-Briac, chez la veuve Modeste où logeait ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 15 l'officier qui commandait à Saint-Briac, et où ils restèrent jusqu'au soir et où sa mère et des habitants de la commune vinrent le voir. Briand avait déclaré que seule la veuve Modeste était entrée pour leur apporter du bois. Le soir, on les conduisit à la municipalité où la garde nationale et les soldats stationnés dans le bourg les gardèrent jusqu'au moment où ils furent conduits à Saint-Malo. On l'interroge sur différents points. A propos des débarquements qui s'effectuaient de Jersey sur la côte de France, il répond qu'au moins tous les quinze jours on débarquait et que le nommé Étienne était un de ceux qui passaient et repassaient le plus souvent avec Daguin qui était des environs de Saint-Malo. Le capitaine Briand est celui qui a été arrêté avec lui ; il avait été fait capitaine en allant à Jersey. Comme personne de Saint-Briac, il n'a vu que Guillaume Noël, surnommé Auguste. Il a connu autrefois le recteur de Saint-Jacut, mais il ne l'a pas vu depuis longtemps. Celle qu'on appelle Madame Sainte-Marie, c'est Marie Chaignon à qui on avait donné ce nom quand ils avaient été prêts à partir pour Jersey. Il y avait longtemps qu'il la connaissait, mais il ne lui avait jamais parlé d'aucune affaire. Non, il n'a pas su qu'un bateau avait été enlevé à Saint-Briac pour aller à Jersey il y a deux mois. Dans le port de Jersey, il y avait quatre chaloupes canonnières, deux à trois lougres, trois à quatre petits cutters. Les lougres ont une vingtaine de canons, d'autres quinze ; il y en a toujours en croisière. A Jersey, les subsistances sont abondantes et on avait aisément du pain et de la viande. La garnison pouvait compter quinze cents à deux mille hommes. Les habitants font le service. La côte est bien gardée ; elle est hérissée de canons et il ne paraît pas possible que toutes les pièces fussent servies. Lecture a été faite à François Noël de toutes demandes et réponses ; il a déclaré que sa déclaration était la vérité et qu'il s'y tenait. Il a déclaré ne savoir ni écrire ni signer. Les révélations de François Noël François Noël, jeune homme de 19 ans, n'a pas montré dans son interrogatoire la prudence et la retenue dont a fait preuve Michel Briand. Il a révélé au général Rey le fait essentiel que Michel Briand, mieux informé de l'importance de l'événement, a pris soin de lui cacher, qu'il s'est ingénié à lui taire à tout prix, à savoir, le départ pour l'Angleterre du général en chef de l'armée catholique et royale de Bretagne. Michel Briand prétend qu'il est parti pour Jersey afin de se soustraire à la conscription, à l'instigation d'un nommé Tanguy d'Erquy, dont il donne le signalement avec d'autant plus de détails que c'est vraisemblablement un personnage imaginaire qu'on ne pourra pas retrouver. Il était accompagné, dit-il, de François Noël, de Saint-Briac, et d'un autre habitant d'Erquy, un nommé Étienne. Il laisse entendre que c'est dans la région d'Erquy qu'il a pris la mer. En outre, si, de même que François Noël, il indique, comme date de départ, celle du 27 septembre, qui est assez éloignée de la date exacte, c'est pour qu'elle ne coïncide pas avec celle de la disparition du bateau qui avait été pris dans le port de Saint-Briac, et dont on recherchait les auteurs de l'enlèvement. Il va même jusqu'à désigner des coupables présumés dont la rumeur colportait le nom. S'il avait donné la date exacte, cela aurait été interprété comme la preuve évidente de sa culpabilité. François Noël ne dissimule rien de la vérité. Il décrit comment Marie Chaignon l'a recruté avec Michel Briand. Le récit de Puisaye, écrit quelques années plus tard, concorde, sauf sur quelques points de détail, avec celui de François Noël. Les deux marins, selon Puisaye, avaient découvert, abandonné sur la grève, un canot de onze pieds seulement de quille, que sa vétusté avait fait croire incapable de servir et qu'on avait jugé inutile de saisir. Puisaye écrit qu'ils s'étaient tous activés à coudre les draps de leurs lits pour en faire une voile qui fut fixée à une longue perche convertie en mât. François Noël déclare simplement qu'ils allèrent au port où ils prirent un bateau d'environ seize pieds, quatre avirons et une voile qu'ils prirent sur un autre bateau. Au départ de Saint-Briac, le bateau avait à son bord, avec les deux marins, dix hommes. Les deux marins auraient-ils accepté de risquer leur vie, et celle de leur huit passagers, pour une traversée longue et hasardeuse, sur un bateau mis hors de service à Joseph de Puisaye ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 16 cause de sa vétusté ? Pour Puisaye, qui affrontait la mer pour la première fois et qui était anéanti par le mal de mer, la traversée fut très pénible. Il est vrai que se trouver aussi nombreux en pleine mer sur ce frêle esquif n'était pas aussi rassurant qu'à bord d'un bâtiment plus important. Il se peut que les dangers auxquels ils eurent à faire face n'excédaient pas ce qui était le lot quotidien d'un marin pêcheur. Les marins, habitués à naviguer, n'ont pas noté que la traversée ait été particulièrement périlleuse. François Noël, dont le sens de l'observation était développé, a décrit et nommé les hommes qui entrèrent avec lui dans le bateau ; Monsieur Joseph était Puisaye, Étienne était Dufour, de Saint-Coulomb, Carmagnole ne pouvait être que Marie-Joseph-Léon Persehais, de la commune de Clayes, Laurent était Georges Glédel, le fidèle domestique de Puisaye ; quant à Désiré et Thomas, c'étaient Baslé et Gouin, de Saint-Coulomb. Prigent ne cessait, depuis la Coalition de La Rouërie, d'assurer la Correspondance avec Jersey. On remarque que les autorités républicaines connaissaient les noms ou les surnoms des passeurs qui opéraient entre Jersey et la côte de Bretagne. La police avait leur signalement, mais elle ne pouvait mettre la main sur eux. François Noël déclare que les débarquements sur la côte étaient fréquents. L'habileté des marins et les complicités sur lesquelles ils pouvaient compter à terre assuraient leur régularité et les rendaient généralement assez sûrs. Quant aux renseignements fournis sur la situation économique, sur la force de la marine et de la garnison à Jersey, ils n'avaient aucun caractère exceptionnel ; ils n'apportaient rien d'inédit ; ils confirmaient ce qui était déjà bien connu par d'autres sources. Il ne s'agissait en aucune manière de la livraison de secrets susceptibles de nuire à la sécurité de l'île. Les mémoires de Dufour Quand Puisaye s'est-il embarqué à Saint-Briac ? Michel Briand et François Noël ont tous les deux toujours déclaré qu'ils partirent pour Jersey le 27 septembre 1794. Ils s'étaient certainement concertés pour donner une date assez éloignée de la date exacte pour qu'elle ne corresponde pas avec le jour où ils avaient enlevé un bateau à Saint-Briac et qu'ils ne se désignent pas comme les auteurs de sa disparition. Dufour, qui faisait partie de l'expédition, obéissait-il au même souci quand il écrivit dans ses Mémoires : «A onze heures du soir, le 23 octobre 1794, nous appareillâmes et sortîmes du port sous une petite brise du S.O. pour nous rendre à Jersey, à 15 lieues de distance ; mais déjà éloignés de trois à quatre lieues de terre, la brise augmenta, la mer devint houleuse : notre frêle embarcation fit eau de toutes parts. Notre position devenait critique : nous gouvernions avec un aviron, ayant l'étoile polaire pour boussole, heureusement que le temps n'était point couvert. Chacun s'était placé sur le bord du bateau qui ne présentait pas huit pouces au-dessus du niveau de la mer, et s'escrimait à qui mieux mieux pour jeter l'eau par-dessus bord à l'aide de nos chapeaux.» 1 Après la Révolution alors qu'il n'avait plus aucune raison de dissimuler la vérité, François Noël indiquait une autre date. Un certificat, signé par Victor Collas de la Baronnais, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, le 2 février 1828, déclarait que «Noël François Joseph Louis, âgé de cinquante deux ans, né à Saint-Briac et y demeurant, marin de profession, a été employé dans l'armée royale de Bretagne pour passer et correspondre avec les isles de Jersey et de Guernesey, que le 15 septembre 1794 il passa à Jersey le général Comte de Puisaye; dénoncé aux autorités républicaines, il fut obligé de quitter la commune et travailla comme marin et pilote au Secret Service de la Correspondance royale; qu'en 1795 il fut pris sur la côte de Saint-Briac en débarquant poudre et armes, qu'il a souffert une détention de vingt mois tant à Saint-Malo qu'à Rennes et qu'il ne dut sa liberté qu'à l'intérêt qu'il inspira par sa jeunesse» 2 Le 15 septembre a toutes les chances d'être la date exacte du départ de Saint-Briac. Pour l'arrivée à Jersey, on suit le récit de Dufour qui a le caractère d'un reportage pris sur le vif : «Au bout d'une heure et demie, écrit-il, le calme revint, et à sept heures et demie du matin, nous apercevions les Minquiers (îles anglaises à cinq lieues de Jersey). Nous y arrivâmes un peu avant dix heures. Après un moment de repos, nous partîmes deux, conduits par trois matelots, afin d'aller à Jersey demander au gouverneur une embarcation de guerre pour prendre le comte de Puisaye et ses officiers. Le gouverneur accéda de suite à notre demande, et partis des Minquiers vers les six heures du soir, nous arrivions 1 2 Mémoires de M.J. Dufour, op. cit., pp. 53-54, 74-76. A.D., I.-et-V., 4 R 7, dossier 12. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 17 à Jersey, à huit heures. Après quelques jours passés dans cette île, le comte se rendit à Londres. » Parti de Saint-Briac, le 15 septembre, à onze heures du soir, Puisaye aurait débarqué à Jersey le 16 septembre dans la soirée, à huit heures, heure solaire. En effet, le lendemain, qui était un mercredi, le gouverneur de Jersey, Balcarres écrivait au Prince de Bouillon une lettre datée du 17 septembre, pour lui annoncer l'arrivée de Puisaye 3 ce qui confirme pleinement le témoignage de François Noël. Après un court séjour dans l'île, Puisaye fut envoyé à Londres dans le plus grand secret. Les prisonniers sont transférés à Rennes François Noël et Michel Briand qui avaient été incarcérés à Saint-Malo, le 2 janvier 1795 -13 nivôse an 3-, « sans savoir pour quelles raisons », note le relevé d'écrou, furent sortis le 28 mai -8 prairial an 3-, pour être conduits au Solidor par ordre du général Rey.4 Le 27 août 1795 -10 fructidor an 3-, de Solidor, quartier général de l'armée des Côtes de Brest et de Cherbourg, le général Rey écrit à l'accusateur public près le tribunal criminel du département d'I.-et-V. qu'il envoie tous les papiers sur les hommes détenus.4 Le 12 novembre 1795 -10 brumaire an 4-, le maire, les officiers municipaux, le procureur syndic de la commune de Saint-Briac certifiaient que les citoyens François Noël et Michel Briand, natifs de leur commune, qui étaient détenus dans les prisons de Rennes, leur déclarèrent, lors de leur arrestation sur la côte, qu'ils venaient se rendre pour profiter de l'amnistie du citoyen Boursault du 26 vendémiaire an 3 -17 octobre 1794- : en foi de quoi ils leur avaient délivré ce certificat pour leur servir où besoin sera. Le 7 novembre - 16 brumaire an 4 -, Toussaint-François Lemoine, accusateur public près le tribunal criminel du département d'l.et-V. fait amener de la maison de justice «deux particuliers, François Noël et Michel Briand, y détenus depuis longtemps sans que nous ayons pu, 3 4 Balcarres à Bouillon, 17 septembre 1794 British Library, H.O. 69/9/79 - Voir Maurice Hutt, Chouannerie and Counter-Révolution. Puisaye the Princes and the British government in the 1790 s, p. 96 (Cambridge University Press, 1983). écrit-il, malgré nos recherches réitérées, parvenir à nous procurer aucune preuve légale des causes de leur arrestation.»4 Il procède d'abord à l'interrogatoire de François Noël qui, âgé de 19 ans, se dit marin pêcheur, de la commune de Saint-Briac, et qui explique ainsi la cause de son arrestation. «Je m'étais caché chez ma mère, dit-il, dans la crainte d'être arrêté, comme beaucoup d'autres l'étaient sous le règne de Robespierre. Quand j'eus connaissance de l'amnistie et que je sus que les lois devenaient plus humaines et plus douces, je me montrai ; des militaires vinrent me prendre chez moi et me conduisirent à Port-Malo sans que j'en aie connu le motif.» N'avait-il commis aucun délit pour se cacher ainsi ? - «On voulait me faire faire la patrouille sur la côte, explique-t-il, mais il me vint un mal aux jambes. Je voulus m'excuser de faire le service, tant à raison de mon âge que de mon infirmité ; on me dit qu'on me ferait mettre en prison si je ne le faisais pas. La crainte d'être emprisonné me porta à me cacher chez ma mère et quelquefois j'allais dans les terres chez mes parents.» Ne s'est-il pas plutôt soustrait à la réquisition ? - «Non, il n'était point question de réquisition dans ce temps-là. Il y a près de douze mois que je fus arrêté. J'étais allé me présenter à la municipalité ; il y avait deux jours que je me montrais librement dans mon bourg lorsque je fus arrêté.» N'a-t-il point été arrêté dans des attroupements de chouans pendant le temps qu'il dit avoir été caché ? - Il n'a jamais eu aucun rapport avec les chouans et il n'a pas eu l'intention de le faire. N'est-il point passé à Jersey ou Guernesey? - Il n'est jamais sorti du territoire de la République. Il allait à la pêche mais il revenait toujours chez lui et il n'a jamais été sur le territoire des Anglais. François Noël a déclaré ne pouvoir signer ses réponses. 4 ANDRÉ COUILLARD A.D., I.-et-V., L 2999, dossier n° 592. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 18 CARNET Madame Saclier de la Bâtie, née Chantal de Russon, épouse du président de l'Union des Cercles Légitimistes de France a été rappelée à Dieu le 29 juillet 2007. Plusieurs présidents et membres des cercles ont pu assister aux obsèques célébrées à Angers le 1er août. Des messes et des fleurs ont été offertes tant par les cercles que par des légitimistes. NAISSANCE : PAULINE, PAULINE née le 27 Août 2007, sœur de Guillaume chez Monsieur et Madame Maurice MICHEL 16e des petits enfants de Monsieur et Madame Michel. Messes pour la France et le Roi Depuis 1985, pour obtenir du Ciel que l'aîné de la Maison de France et le Successeur de saint Pierre réalisent enfin les demandes du Cœur Sacré de Jésus et du Cœur Immaculé de Marie, l'UFUR (Une France – Un Roi) fait célébrer des messes en l'honneur du Sacré-Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, les premiers vendredi et samedi de chaque mois. Aidez l'UFUR . Participez vous aussi à cette œuvre essentielle pour le salut de la France et de l'Église. Les dons sont à envoyer à : UFUR Le Paradis 28250 Louvilliers les Perche ACTIVITÉS DE LA TRADITION CATHOLIQUE ET DE LA TRADITION ROYALE EN BRETAGNE ET AU-DELÀ L’annonce des activités organisées par les cercles est laissée à la diligence de leurs dirigeants. En cette fin de vacances, à l'heure du bouclage de ce numéro, les cercles légitimistes de Bretagne n'ont pas arrêté leur programme ou ne l'ont pas encore communiqué au journal. La liste et les adresses des cercles de Bretagne sont à demander à : - FBL (BP 10307, 35703 Rennes cedex 7 – 08 71 31 10 40 – [email protected]). - ou sur le site de l'UCLF (www.uclf.org) A Rennes, le cercle Arthur de Richemont organise une réunion d'information le jeudi 27 septembre, de 20 h à 21 h 00 , salle de réunion du Courteline (239 rue de Fougères Rennes – bus : lignes 1 et 30, arrêt Painlevé) ----- ------------------------------------ ---------------------------------- ------------------------------- -----BULLETIN D'ABONNEMENT A LA BLANCHE HERMINE M. Mme Mlle Prénom : ........................................... NOM : .......................................................................................... Adresse : ............................................ ...................................................................................................................... ............................................................ Code Postal : .....................................Ville : .......................................................................................................... : ................................................... Abonnement d'essai : 8 € pour 3 numéros Abonnement normal : 15 € Abonnement de soutien : à partir de 20 € et plus Bulletin d'abonnement à retourner à F.B.L. B.P. 10307, 35703 Rennes Cedex 7- CCP Rennes 3 613 22 N Chèque à l'ordre de la F.B.L. ________________________________________________________________________________________________________________ LA BLANCHE HERMINE N° 62 19 95E PÈLERINAGE LÉGITIMISTE À SAINTE-ANNE D’AURAY 29 ET 30 SEPTEMBRE 2007 SAMEDI 29 SEPTEMBRE Accueil à partir de 12 h 00 devant le monument du comte de Chambord (et 11 h 30 en gare d'Auray pour ceux qui auront signalé leur arrivée par le train) – Repas tiré du sac 14 h 30 : Départ pour Vannes 15 h 15 : Regroupement de tous les pèlerins au parking de la Garenne (Vannes) et départ de la marche vers Sainte-Anne d'Auray 18 h 45 : Hommage à Mgr de Ségur (cimetière de Pluneret) 19 h 30 : Près du monument du comte de Chambord : Galettes-saucisses,… - Veillée DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 10 h 00 : Messe, chapelle du Champ des Martyrs (Brec'h – Auray) Renouvellement de la consécration de l'UCLF au Sacré-Cœur 12 h 00 : Dépôt de gerbes au monument du Comte de Chambord Allocution du président de l’Union des Cercles Légitimistes de France 12 h 30 : Repas (au choix : restaurant La Croix Blanche ou pique-nique) 15 h 00 : Conférence de Hervé Molac "Le débarquement de Quiberon (juin 1795). Ses conséquences". Après-midi : nombreux stands 17 h 30 Clôture Les volontaires ne sont jamais trop nombreux pour assurer le bon déroulement du pèlerinage (nettoyage et préparation de la chapelle et de l'enclos du monument, préparation du dîner du samedi soir – animation de la veillée, chorale, etc. - Rendez-vous de toutes les bonnes volontés dès le samedi matin 10 h 00 devant le monument du comte de Chambord. Pour vous renseigner - Cercle Georges Cadoudal (Bro Erec) : 02 97 45 46 80 fax 02 97 66 27 04 - Fédération Bretonne Légitimiste (F.B.L.) : B.P. 10307 35703 Rennes cedex 7 08 71 31 10 40 - [email protected] ----- ------------------------------------ ---------------------------------- ------------------------------- -------------- Bulletin d’inscription à retourner à la F.B.L. (BP 10307 35703 Rennes cedex 7) accompagné du règlement (pour les lecteurs DE LA BLANCHE HERMINE, la date limite d'inscription est repoussée au lundi 24 septembre) M. Mme Mlle............................................................................................................................................................ Adresse .................................................................................................................................................................... Code postal ................................ ville...................................................................... tél. .......................................... Participera à la marche de pèlerinage le samedi 29 septembre adulte : …… enfants de moins de 12 ans : ...… Participera à la journée du dimanche avec le déjeuner au restaurant La Croix-Blanche soit ……x 25 € ……..… € Je désire participer au fonds d'entraide en versant ……..… € Ci-joint mon règlement par chèque libellé à l'ordre de : F.B.L. CCP 3 613 22 N Rennes _________________________________ total = …….. € Directeur de Publication : P. 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