Production d`énergie à Partir de biomasse - vlp

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Production d`énergie à Partir de biomasse - vlp
Production d’énergie à
partir de biomasse
Territoire &
Environnement
Juillet no4/10
T&E
Production d’énergie à partir de biomasse
Marge de manœuvre des cantons en matière de planification et d’autorisation des installations de biogaz
En 2007, la révision partielle de la loi et de
l’ordonnance fédérales sur l’aménagement
du territoire ont ouvert aux agriculteurs
de nouvelles possibilités de revenus accessoires. Ont notamment été définies les
conditions auxquelles seraient désormais
réputées conformes à l’affectation de la
zone agricole les constructions et installations destinées à la production d’énergie à
partir de biomasse. Les dispositions correspondantes étant sujettes à interprétation et
soulevant de délicats problèmes de délimitation, leur application ne va pas sans poser
des difficultés. Afin de clarifier les questions
ouvertes, l’Office des affaires communales
et de l’organisation du territoire du canton
de Berne a demandé à VLP-ASPAN un avis de
droit dont sont ici publiés les résultats.
1.Remarques liminaires
1.1Le principe de la séparation des
zones à bâtir de celles qui ne le
sont pas
L’article de la Constitution fédérale relatif à
l’aménagement du territoire exige une utilisation
judicieuse et mesurée du sol et une occupation
rationnelle du territoire (art. 75 Cst.). La jurisprudence en a déduit le principe de la séparation des
zones à bâtir de celles qui ne le sont pas et, partant, celui de la concentration. Ce dernier veut
que le milieu bâti se développe de manière compacte au sein des zones à bâtir et qu’il soit clairement séparé des zones de non bâtir1. Les objectifs édictés à l’article 75 Cst. sont concrétisés par
les buts et principes énoncés aux articles 1 et 3
2
LAT. Du point de vue de la séparation des zones,
la zone agricole joue un rôle déterminant. Faisant
partie du territoire de non bâtir, elle comprend les
terrains qui se prêtent à l’exploitation agricole ou
à l’horticulture productrice et qui sont nécessaires à l’accomplissement des différentes tâches
dévolues à l’agriculture ou qui, dans l’intérêt général, doivent être exploités par cette dernière.
Elle sert à garantir la base d’approvisionnement
du pays à long terme, à sauvegarder le paysage
et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique (art. 16 al. 1 LAT)2.
C’est aussi sur ce principe de la séparation des
zones telle qu’elle se concrétise dans la description des zones agricoles que repose le droit foncier rural, censé contribuer à assurer l’existence
des exploitations paysannes cultivant le sol
(art. 104 al. 2 Cst.). Plus on autorise d’activités
non agricoles ou non tributaires du sol dans la
zone agricole, plus on porte atteinte au principe
de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne
le sont pas, ainsi qu’au droit foncier rural.
Dans le cadre des révisions de la LAT de 1998 et
2007, le législateur a considérablement élargi la
notion de conformité à l’affectation de la zone
agricole, tout en introduisant de nouvelles possibilités de dérogation en matière de constructions
hors de la zone à bâtir. Certains auteurs ont estimé que les nouvelles dispositions étaient contraires au principe constitutionnel de la séparation
des zones à bâtir de celles qui ne le sont pas, et
qu’elles contribuaient à diluer leur distinction3. Le
Conseil fédéral a pris conscience des problèmes
soulevés par l’ouverture de la zone agricole à des
activités non agricoles et s’est prononcé en faveur de limites claires4. Lors des délibérations parlementaires, les partisans d’une modification du
cadre légal n’ont cessé d’insister sur le fait qu’il
ne s’agissait pas de remettre en question le principe de la séparation des zones à bâtir de celles
VLP-ASPAN no4/10
qui ne l’étaient pas5. Aussi les cantons sont-ils
tenus de faire preuve de retenue dans l’interprétation et l’application des dispositions correspondantes.
1.2Les installations de biogaz et
leur rapport avec la zone
agricole
Pour qu’une installation de biogaz soit réputée
conforme à l’affectation de la zone agricole, l’article 16a al. 1bis LAT exige que la biomasse utilisée
soit en rapport étroit avec l’agriculture et avec
l’exploitation en question. Une part déterminée
de la biomasse utilisée doit dès lors provenir de
l’exploitation elle-même, le reste du substrat à
traiter ne devant pas être transporté sur de longues distances.
La question de savoir quels types de constructions et d’installations destinées à produire de
l’énergie sont en principe admissibles en zone
agricole, doit être examinée à la lumière de l’article 34a al. 1 OAT. Sont en premier lieu concernées les installations nécessaires à la production
de carburant ou de combustible (let. a). Est également prise en considération la production de
courant par couplage chaleur-force à partir du
carburant ou du combustible généré (let. b). Sont
par ailleurs admises, à certaines conditions, les
constructions et installations nécessaires à la production de chaleur à partir du carburant ou du
1 Tschannen, Commentaire LAT, art. 1 N. 15 ss.
2 Hänni Peter, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 5e édition, Berne 2008 (ci-après: Hänni), p. 170.
3 Kuttler Alfred, Wann ist für die Bewilligung von Bauten und
Anlagen in Nichtbauzonen Artikel 24 RPG anzuwenden?,
1998, in: Beiträge zur Raumordnung als Weg und Ziel, édité à
l’occasion du 80e anniversaire de l’auteur, Zurich 2003,
p. 213.
4 Message du 22 mai 1996 relatif à une révision partielle de la
loi fédérale sur l’aménagement du territoire, FF 1996 III 495
(ci-après: message 1996).
5 Voir aussi, à ce propos, la motion Zimmerli 90.780 du 3 octobre 1990 «Révision de la loi sur l’aménagement du territoire», suite à laquelle fut entreprise la révision de la loi.
Sommaire
1.Remarques liminaires
2
1.1 Le principe de la séparation des zones
à bâtir de celles qui ne le sont pas
2
1.2 Les installations de biogaz et leur
rapport avec la zone agricole
3
1.3 Liberté d’appréciation des autorités en matière d’octroi des autorisations
de construire?
4
2.Rapport de la biomasse avec l’agriculture 5
2.1 Rapport de la biomasse avec
l’exploitation agricole
5
2.2 De la nature de l’exception
5
2.3 Exceptions en matière de transport
de biomasse
6
3.Subordination de l’installation à
l’exploitation agricole
6
3.1 Subordination économique
6
3.2 Subordination physique
8
3.3 Installations exploitées en commun 9
3.4 Financements externes et droits de propriété sur les installations
10
3.4.1 Le principe de l’exploitation
à titre personnel
10
3.4.2 Dérogation à l’interdiction de partage matériel
10
4.Utilisation et production de chaleur
11
4.1 Récupération de la chaleur résiduelle 11
4.2 Production de chaleur
12
4.2.1 Motion Luginbühl
12
4.2.2 Production de pellets
13
4.3 Installations mixtes
14
5.Mesures de planification envisageables 14
5.1 Délimitation d’une zone agricole
spéciale
14
5.2 Délimitation d’une zone spéciale
au sens de l’article 18 al. 1 LAT
15
5.3 Classement d’une installation
jusque-là conforme à l’affectation
de la zone agricole
16
6.Pratique des cantons
17
7.Conclusion
18
3
T&E
combustible généré (let. c). Sont enfin réputées
conformes à l’affectation de la zone agricole les
conduites destinées au transport de l’énergie
produite (let. d), ainsi que les installations nécessaires au traitement de la biomasse acheminée et
des résidus de la production d’énergie (let. e),
c’est-à-dire les installations qui revêtent une
fonction auxiliaire dans le cadre des processus de
transformation concernés6.
Par biomasse, on entend «toute matière organique produite directement ou indirectement par
photosynthèse, non modifiée par un processus
géologique»7. Outre les substrats agricoles tels
que bois, lisier ou fumier, la notion de biomasse
englobe aussi les co-substrats non agricoles tels
que les déchets végétaux issus des zones urbanisées et les déchets organiques provenant de l’industrie alimentaire. Le traitement de tels co-substrats à des fins de production d’énergie doit
respecter les distances de transport prescrites à
l’article 34a al. 2 OAT8.
L’article 16a al. 1bis LAT stipule que les installations nécessaires à la production d’énergie à partir de biomasse ne doivent servir qu’à l’usage
autorisé9, comme si cela ne s’appliquait pas aussi
aux autres constructions et installations. Cette
précision vise toutefois à garantir que les installations concernées soient démolies dès qu’elles ne
répondent plus à un besoin effectif, afin qu’elles
n’entrent pas dans l’interminable cycle de changements d’affectation et d’agrandissements qui
caractérise souvent les constructions sises hors de
la zone à bâtir. Le but de cette précaution est
d’ouvrir la zone agricole aux installations de biogaz, tout en évitant d’éventuels effets négatifs à
long terme sur l’organisation du territoire10. Exiger que les installations en question soient démolies dès qu’elles ne servent plus à l’usage pour
lequel elles ont été autorisées se justifie d’autant
plus que de telles installations ne se prêtent guère à d’autres utilisations agricoles.
4
1.3Liberté d’appréciation des
autorités en matière d’octroi
des autorisations de construire?
Il est intéressant de noter que, s’agissant de la
conformité à l’affectation de la zone agricole, la
formulation de l’article 16a LAT n’est pas la
même pour tous les types de constructions et
d’installations: alors que celles destinées aux formes d’exploitation tributaires du sol (al. 1) et au
développement interne (al. 2) sont réputées
conformes à l’affectation de la zone agricole dès
lors que les conditions légales sont remplies, l’article 16a al. 1bis LAT énonce simplement que celles nécessaires à la production d’énergie à partir
de biomasse peuvent être déclarées conformes à
l’affectation de la zone si les conditions y relatives
sont remplies. On pourrait donc penser que les
autorités disposent d’une certaine marge d’appréciation quant à l’autorisation des installations
de biogaz, alors qu’elles seraient tenues d’autoriser systématiquement – pour autant bien sûr que
les conditions légales soient remplies – les
constructions et installations visées aux al. 1 et 2
de l’article. Le législateur entendait-il bel et bien
établir une distinction, ou s’agit-il d’une formulation peu rigoureuse de la loi? La question est
ouverte. Comme ni le message du Conseil fédéral, ni les procès-verbaux des débats parlementaires ne font état d’une quelconque volonté de
traiter différemment les diverses installations
concernées, il faut partir du principe que la loi a
été rédigée de manière inconséquente. Cela ne
change cependant rien au fait que, eu égard aux
objectifs constitutionnels en matière d’aménagement du territoire, «les constructions et installations destinées à la production d’énergie à partir
de biomasse ne peuvent être reconnues conformes à l’affectation de la zone qu’à certaines
conditions assez restrictives»11.
VLP-ASPAN no4/10
2.Rapport de la biomasse avec
l’agriculture
2.1Rapport de la biomasse avec
l’exploitation agricole
La biomasse utilisée doit présenter un rapport
étroit aussi bien avec l’agriculture en général
qu’avec l’exploitation agricole concernée en particulier. Une certaine part de la biomasse doit être
d’origine agricole et la biomasse utilisée ne doit
pas être transportée sur des distances excessives12. L’OAT prescrit, pour la moitié au moins de
la masse utilisée, une distance maximale de
15 km par la route. Cette part doit représenter au
moins 10% de la valeur énergétique de tous les
substrats utilisés. Les sources des autres substrats
doivent être situées, en règle générale, à une distance de 50 km au maximum par la route. Des
distances plus longues peuvent être autorisées à
titre exceptionnel (art. 34a al. 2 OAT). Compte
tenu de l’expression juridiquement indéterminée
«en règle générale» et de la possibilité de déroger aux distances maximales prescrites, les autorités d’exécution bénéficient d’une certaine marge de manœuvre dans l’application des
dispositions correspondantes. Se pose dès lors la
question de savoir comment user de cette liberté
d’appréciation et à quelles conditions des dérogations peuvent être accordées, ou, plus précisément, dans quel cadre les cantons peuvent définir les conditions régissant l’octroi de telles
dérogations.
2.2De la nature de l’exception
Des autorisations exceptionnelles ne peuvent
être accordées que dans des situations particulières13. Elles ont pour but d’atténuer les cas de rigueur excessive que peut causer aux particuliers
l’application de la loi14, ainsi que d’éviter, dans le
domaine de l’aménagement du territoire et des
constructions, les situations indésirables et
contraires à l’intérêt général15. L’octroi d’autorisations exceptionnelles ne saurait toutefois infléchir
«par la bande» l’ordre légal. Les plans défectueux
et les dispositions dépassées doivent être modifiés suivant la procédure prévue par la loi, et non
à coup de dérogations16. Dans ce sens, les autorisations exceptionnelles doivent se subordonner
au but de la loi, et ne sauraient entrer en contradiction avec les intentions du législateur. «Une
autorisation exceptionnelle correspond au but de
la loi lorsqu’elle est conforme à l’idée qui soustend cette dernière, lorsqu’elle prolonge les intentions du législateur et qu’elle les concrétise en
tenant compte des particularités du cas d’espèce.»17
En outre, l’octroi d’une autorisation exceptionnelle doit s’appuyer sur une pesée de tous les intérêts publics et privés en jeu18, laquelle doit s’effectuer à l’aune des buts et des principes de
l’aménagement du territoire (art. 1, 3 et 14 ss
LAT).
6 Office fédéral du développement territorial (ARE), Explications relatives à la révision de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire (OAT) du 4 juillet 2007 (ci-après: ARE, Explications 2007), pp. 1 s.; Hänni, p. 182.
7 Message du 2 décembre 2005 relatif à la révision partielle de
la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (ci-après: message 2005), FF 2005 I 6641.
8 Hänni, p. 182.
9 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 41.
10 Message 2005, FF 2005 I 6633.
11 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 32.
12 Message 2005, FF 2005 I 6642.
13 Imboden Max / Rhinow René A., Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Band I: Allgemeiner Teil, 5e édition,
Bâle 1976 (ci-après: Imboden/Rhinow), pp. 226 ss.
14 ATF 107 Ia 214 consid. 5 p. 216 (Lauterbrunnen).
15 ATF 99 Ia 126 consid. 7a p. 138 (Bagnes).
16 Imboden/Rhinow, p. 227; Bandli Christoph, Bauen ausserhalb
der Bauzonen, thèse de doctorat, Berne 1989, p. 25.
17 ZBl 1967 p. 20 ss, p. 22.
18 ZBl 1971 p. 38 s.
5
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2.3Exceptions en matière de
transport de biomasse
Si des dérogations aux distances de transport
maximales doivent être accordées, il s’agit,
compte tenu de ce qui précède et eu égard au
principe de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne le sont pas, de développer dans ce domaine une pratique restrictive. Les autorités chargées de délivrer les autorisations doivent veiller à
ce que le trafic généré par le transport de biomasse reste proportionné aux objectifs de politique énergétique, environnementale et agricole
poursuivis, et soit compatible avec les exigences
de l’aménagement du territoire. Cela présuppose
un examen global des circonstances et une pesée
complète des intérêts en présence. Plus l’avantage de ce transport pour la production énergétique et la survie de l’exploitation agricole est faible, et plus ses effets sur le territoire, l’équipement
et le trafic sont importants, moins une exception
se justifie. En matière de politique énergétique et
environnementale, les bénéfices de la production
d’énergie à partir de biomasse résident surtout
dans l’utilisation de substrats riches en énergie et
dans le bouclage du cycle de la matière organique. Il peut se justifier d’acheminer de tels substrats sur des distances d’une certaine importance.
Il s’agit toutefois de générer le moins de trafic
possible. L’octroi d’une dérogation est en principe exclu lorsque la biomasse peut être valorisée
de manière plus ou moins équivalente dans une
installation beaucoup plus proche19.
3.Subordination de l’installation à
l’exploitation agricole
En vertu de l’article 34a al. 3 OAT, seules peuvent
être reconnues conformes à l’affectation de la
zone les constructions et installations qui sont
subordonnées à l’exploitation agricole et contribuent à une utilisation efficace des énergies re6
nouvelables. Se pose ici la question de savoir si
cette subordination doit être de nature économique et/ou physique.
L’article 34a al. 3 OAT ne le précise pas et les explications de l’ARE relatives à l’article 16a al. 1bis
LAT, selon lesquelles «on ne doit pas avoir l’impression que [l’installation destinée à produire de
l’énergie à partir de biomasse] constitue un secteur ou une entreprise non agricole indépendante»20, ne permettent pas non plus de trancher la
question. Cette assertion peut en effet renvoyer
à une subordination aussi bien économique que
physique.
3.1Subordination économique
Les constructions et installations destinées à produire de l’énergie à partir de biomasse doivent
être subordonnées à l’exploitation agricole sur le
plan économique. Cette exigence découle du
principe constitutionnel de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne le sont pas, ainsi que
de la destination de la zone agricole. Celle-ci sert
en principe à l’agriculture dépendante du sol21.
La révision de la LAT de 1998 l’a ouverte à certaines activités non tributaires du sol, pour autant
qu’elles soient liées au développement interne de
l’exploitation (art. 16a al. 2 LAT). Lorsqu’elles revêtent une plus grande ampleur, les activités non
tributaires du sol requièrent la délimitation de zones agricoles spéciales au sens de l’article 16a
al. 3 LAT. La révision de la LAT de 2007 a encore
élargi le nombre des activités non tributaires du
sol admissibles en zone agricole, en permettant
cette fois la réalisation d’installations destinées à
produire de l’énergie à partir de biomasse. Là encore, il s’agissait d’offrir aux exploitations agricoles existantes des possibilités de diversification22.
En tant que telle, la production d’énergie n’est
pas non plus directement tributaire du sol23. Elle
consiste bien plutôt à transformer des produits
agricoles qui, de surcroît, ne proviennent pas seulement de l’exploitation elle-même, mais peuvent
aussi être livrés depuis d’autres sites relativement
VLP-ASPAN no4/10
proches24. La zone agricole étant principalement
destinée à la production agricole dépendante du
sol, et non à la transformation des produits en
résultant, la production d’énergie à partir de biomasse doit être subordonnée à l’exploitation
agricole sur le plan économique. Si le revenu de
l’exploitation provient principalement de la production d’énergie ou que les constructions et
installations correspondantes sont en majeure
partie financées par des capitaux externes, il ne
se justifie pas de produire de l’énergie en zone
agricole. Dans de tels cas, les constructions et installations destinées à produire de l’énergie à partir de biomasse doivent être implantées en zone
à bâtir, au même titre que les autres entreprises
de transformation de produits agricoles (fromageries, cidreries, usine de transformation des légumes).
Mais que signifie au juste une subordination de la
production d’énergie en termes de revenu et de
financement? Le revenu issu de la production
d’énergie est-il réputé subordonné à celui généré
par l’agriculture lorsqu’il atteint 49 pour cent du
revenu total de l’exploitation et le second 51
pour cent? Ou faut-il retenir un pourcentage inférieur? De notre point de vue, la part de revenu
liée à la production d’énergie doit être, au moment de l’octroi de l’autorisation de construire,
sensiblement inférieure à 50 pour cent, car il
s’agit, lors de l’examen de la conformité des
constructions et installations à l’affectation de la
zone agricole, d’anticiper le développement futur
de l’exploitation. Ainsi est-il imaginable que les
revenus issus de l’agriculture diminuent avec le
temps et que cette diminution soit compensée
par la production d’énergie. Dans de telles situations, il est probable que des agrandissements
ultérieurs ne puissent plus être autorisés. Les exploitations concernées ne pourraient dès lors
plus se développer, ce qu’il convient d’éviter. Il
faut en outre tenir compte du fait qu’une exploitation agricole peut tirer des revenus d’activités
non agricoles autres que la production d’énergie
– par exemple de l’agritourisme. Eu égard à la
destination de la zone agricole, il s’agit d’empê-
cher que les divers revenus accessoires que l’exploitation retire de ses activités non directement
agricoles dépassent ceux issus de l’agriculture
proprement dite.
Dans le cas du développement interne non plus,
les activités non tributaires du sol ne sauraient
prendre la même importance que celles dépendantes du sol (voir art. 36 s. OAT), les critères applicables n’étant cependant pas ici de nature
économique, mais fonctionnelle. L’intention reste
toutefois la même: il s’agit de garantir que la partie de l’exploitation indépendante du sol reste à
long terme subordonnée à la partie tributaire du
sol.
Une autre question est de savoir s’il convient,
comme le fait par exemple le canton de Fribourg25, d’imposer une limite claire en ce qui
concerne le capital investi et la part des capitaux
externes. Pour les mêmes raisons qu’en matière
de revenu, l’exigence de la subordination économique doit aussi s’appliquer au capital investi. Les
deux questions sont d’ailleurs liées: plus la part
de capital externe et donc les intérêts à payer
sont élevés, plus le revenu est faible. Reste à savoir s’il convient, pour évaluer si la production
d’énergie à partir de biomasse reste économiquement subordonnée à l’exploitation agricole,
de se baser sur l’endettement de l’exploitation
dans son ensemble, ou seulement sur la part de
capitaux externes affectée à l’installation de bio-
19 ARE, Explications 2007, p. 3; Ruch, Commentaire LAT, art. 16a
N. 38.
20 ARE, Explications 2007, p. 3.
21 Ruch, Commentaire LAT, remarques préliminaires relatives
aux art. 16–16b N. 12.
22 Message 2005, FF 2005 I 6633; Ruch, Commentaire LAT,
art. 16a N. 33.
23 Voir aussi le guide «Biogasanlagen, Planung und Bau» édité
le 30 juillet 2009 par le canton de Lucerne, point 2.1.1.
24 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 37.
25 51 pour cent du capital investi doivent provenir de l’exploitation agricole elle-même: Directive de la DEAC, de la DIAF et
de la DEE relative aux constructions et installations conformes à l’affectation de la zone agricole nécessaires à la production d’énergie à partir de biomasse, 15 juillet 2009
(point 1).
7
T&E
gaz. Selon nous, c’est la première hypothèse qui
prévaut. En effet, il est plus défendable qu’une
exploitation recoure à des fonds externes pour
financer une installation de biogaz si elle est assez grande, très diversifiée et peu endettée, que
si elle est petite, peu diversifiée et grevée par
d’importantes hypothèques.
Les possibilités de financement des installations
de biogaz par des tiers seront sans doute aussi
fortement restreintes par le fait que les terrains
agricoles sont en général soumis au droit foncier
rural (point 3.4), lequel limite non seulement les
possibilités d’aliénation des biens-fonds (principe
de l’exploitation à titre personnel, interdiction de
partage matériel, limitation du prix d’acquisition),
mais aussi le niveau d’endettement admissible.
Aussi, il faut s’attendre à ce que les constructions
et installations destinées à la production d’énergie à partir de biomasse ne puissent souvent pas
être financées au moyen de capitaux externes en
raison des limites imposées par le droit foncier
rural en matière d’endettement, d’autant plus
que la tendance actuelle est aux grandes installations co-financées par des fournisseurs d’énergie.
De telles participations ne sont pas exclues sur le
principe. Elles conduisent toutefois souvent les
acteurs impliqués à réclamer un morcellement
des terrains – et parfois même leur soustraction
au champ d’application du droit foncier rural –,
ce qui est en général exclu (voir point 3.4.2).
Du critère de la subordination économique découle par ailleurs que les constructions et installations destinées à la production d’énergie à partir
de biomasse ne peuvent être autorisées que s’il
est prévisible que l’exploitation pourra subsister à
long terme (art. 34a al. 4 OAT en lien avec l’article 34 al. 4 OAT)26. Il s’agit d’éviter que de nouvelles constructions et installations destinées à
des activités accessoires ne soient érigées juste
avant que l’activité principale ne cesse.
8
3.2Subordination physique
Lorsque l’on examine les projets d’installations de
biogaz du point de vue spatial, il est important de
tenir compte du principe de la concentration des
constructions. Celui-ci réclame que les nouvelles
constructions et installations jouxtent les
constructions existantes ou, dans la mesure où le
contexte le permet, remplacent des constructions
(agricoles) désaffectées. Une localisation plus à
l’écart peut exceptionnellement être admise pour
des raisons de protection du paysage ou du patrimoine (intégration insatisfaisante, atteinte portée à un objet protégé) ou pour d’autres raisons
éventuelles. Il faut cependant que cela résulte
d’une mise en balance circonstanciée des intérêts
en présence27.
La subordination spatiale et visuelle des installations est aussi une question de pesée des intérêts. A la différence de ce qui prévaut pour les
activités accessoires non agricoles présentant un
rapport étroit avec l’entreprise agricole (activités
dans le domaine de l’agritourisme, art. 40 al. 1
let. c OAT), ni le libellé de l’article 34a al. 3 OAT,
ni les travaux préparatoires ne font explicitement
référence à une subordination physique des installations destinées à la production d’énergie à
partir de biomasse. Sans doute sera-t-il la plupart
du temps difficile de faire en sorte que les installations de biogaz, en principe assez volumineuses, soient visuellement subordonnées à l’exploitation agricole. Aussi convient-il de ne pas poser
à cet égard d’exigences trop élevées, sans quoi
l’article 16a al. 1bis LAT serait vidé de sa substance. Dans la mesure où cela se révèle possible et
non disproportionné, on ordonnera que les volumineux fermenteurs soient enfoncés dans le sol.
En fin de compte, il sera d’autant plus aisé de
faire en sorte que les installations de biogaz
soient physiquement subordonnées à l’exploitation agricole que celle-ci sera importante28. Dans
les petites exploitations, ces installations ne rempliront souvent pas le critère de la subordination
économique, de sorte qu’il n’y aura même pas
lieu d’examiner si celui de la subordination physi-
VLP-ASPAN no4/10
que est satisfait. Dès lors, on peut se demander
s’il est vraiment possible de faire la distinction entre subordination économique et physique, ou
s’il ne faut pas plutôt se fonder, dans le sens des
explications susmentionnées de l’ARE et sur la
base d’une appréciation globale des deux critères, sur le fait que la partie de l’exploitation destinée à la production d’énergie à partir de biomasse «constitue [ou non] un secteur ou une
entreprise non agricole indépendante»29.
Pour tenir compte de certains objectifs d’aménagement du territoire, il est possible d’assortir les
permis de construire de conditions et de charges.
Ainsi peut-on par exemple exiger, en vue d’une
meilleure intégration des installations dans le
paysage, que soient employés des couleurs discrètes et des matériaux particuliers. L’intégration
des installations peut aussi être améliorée grâce à
des plantations ou à la végétalisation de certains
éléments.
3.3Installations exploitées en
commun
A la différence de l’article 34 al. 2 OAT, qui porte
sur la conformité à l’affectation de la zone des
constructions et installations servant à la préparation, au stockage ou à la vente de produits agricoles ou horticoles, et qui mentionne expressément la possibilité de constituer des communautés
de production30, l’article 34a OAT ne comporte
aucune indication dans ce sens. Le message y relatif précise toutefois que «deux ou plusieurs exploitations [pourront participer] à une installation
commune pour atteindre la taille critique [garantissant] sa rentabilité»31. Dès lors, rien ne s’oppose à ce qu’une installation de biogaz soit exploitée en commun si les autres conditions sont
remplies.
S’agissant des distances de transport par la route,
l’article 34a al. 2 OAT parle bien de «l’exploitation elle-même». Le calcul des distances maximales doit donc se faire à partir du site où se trouve
l’installation de biogaz concernée. Les limites dé-
finies à l’article 34a al. 2 OAT s’appliquent aussi
aux installations exploitées en commun, ce qui
signifie que les exploitations faisant partie d’une
communauté de production ou d’exploitation
doivent en général se trouver dans le rayon correspondant à l’installation de biogaz concernée.
Si ce n’était pas le cas, il serait possible de
contourner les prescriptions en matière de transport par la route en formant de telles communautés. Pour les communautés d’exploitation,
cette condition découle de l’ordonnance sur la
terminologie agricole et la reconnaissance des
formes d’exploitation (art. 10 al. 1 let. a OTerm),
en vertu de laquelle le groupement de deux ou
plusieurs exploitations n’est reconnu comme une
communauté d’exploitation que si «les exploitations ou les centres d’exploitation sont éloignés,
par la route, de 15 km au maximum». Les installations de biogaz exploitées en commun ne bénéficient donc d’aucun avantage direct en matière de rayon d’approvisionnement. C’est en
revanche le cas sous l’angle de la subordination
économique des installations. En effet, il s’agit ici
de prendre en compte non seulement le revenu
de l’exploitation dans laquelle se trouve l’installation de biogaz, mais ceux de toutes les exploitations impliquées, ce qui devrait en principe permettre la réalisation d’installations assez grandes
pour être rentables.
26 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 40.
27 Voir l’arrêt du TF 1C_565/2008 du 19 juin 2009 (Buchs ZH),
in: INFORUM VLP-ASPAN 5/2009.
28 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 39.
29 ARE, Explications 2007, p. 3.
30 Muggli Rudolf/Spori Niklaus, Lexique des constructions hors
de la zone à bâtir, Territoire & Environnement 5/07 (ci-après:
Muggli /Spori), p. 13.
31 Message 2005, FF 2005 I 6634.
9
T&E
3.4Financements externes et
droits de propriété sur les
installations
Compte tenu de l’importance des investissements nécessaires, il arrive fréquemment que les
installations de biogaz soient co-financées par
des tiers. Il s’agit souvent de fournisseurs d’énergie. La question est de savoir si ce genre de financements externes peuvent – eu égard aux exigences du droit foncier rural – être garantis par des
droits de propriété liés soit aux installations ellesmêmes, soit aux terrains sur lesquels elles sont
érigées.
3.4.1Le principe de l’exploitation à
titre personnel
A travers le principe de l’exploitation à titre personnel, la loi fédérale sur le droit foncier rural vise
à rendre les agriculteurs propriétaires des terrains
qu’ils exploitent32. Ce principe renvoie aussi à
l’idée que l’entreprise agricole est exploitée par
une personne physique, l’agriculteur ou l’agricultrice33. Est exploitant à titre personnel quiconque
cultive lui-même les terres agricoles, dirige personnellement l’entreprise agricole et possède les
aptitudes nécessaires (art. 9 LDFR). Il faut en général aussi que la personne concernée soit domiciliée dans l’exploitation. Etre exploitant à titre
personnel implique en outre – même si cette
condition n’est pas seule suffisante – d’assumer
les risques financiers liés à l’exploitation34. Or,
cela signifie aussi que l’exploitant à titre personnel est susceptible de perdre son statut si la participation financière de tiers devient trop importante35. L’exploitant à titre personnel se présente
aussi clairement comme le directeur de l’exploitation vers l’extérieur. Il est responsable et habilité à
signer vis-à-vis des autorités, des organisations et
de ses partenaires contractuels36. Peuvent aussi
être exploitantes à titre personnel des personnes
morales, telles que des coopératives ou des sociétés anonymes. Cela présuppose toutefois que les
sociétaires remplissent eux-mêmes les exigences
10
y relatives37. Sans doute les fournisseurs d’énergie et les autres personnes morales (ou physiques) participant au financement des installations
de biogaz rempliront-ils rarement les conditions
liées au statut d’exploitant à titre personnel. Aussi ne pourront-ils en principe pas se voir accorder
de droit de propriété ou de co-propriété sur des
terrains agricoles, ni de droits de propriété restreints comme, par exemple, un droit de superficie au sens des articles 779 ss CC.
L’article 64 LDFR énonce toutefois des exceptions
au principe de l’exploitation à titre personnel.
Dans le contexte qui nous occupe, seule devrait
entrer en ligne de compte l’exception énoncée à
la lettre b, laquelle s’applique si «l’acquéreur dispose d’une autorisation définitive permettant,
conformément à l’article 24 de la loi fédérale du
22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire, de
ne pas utiliser le sol pour l’agriculture» (art. 64
al. 1 let. b LDFR). Toutefois, suite à la modification de la LAT intervenue en 2007, qui déclarait
les installations de biogaz conformes à l’affectation de la zone agricole (et non plus soumises au
régime dérogatoire des art. 24 ss LAT), cette exception est devenue caduque pour celles-ci .
3.4.2Dérogation à l’interdiction de
partage matériel
Une autre question est de savoir si le terrain ou la
partie de terrain sur laquelle s’élève l’installation
de biogaz peut être détachée du terrain agricole.
Le droit foncier rural connaissant une interdiction
de partage matériel, il n’admet en principe pas
que les terrains agricoles soient morcelés et que
des parcelles soient soustraites à ces derniers
(art. 58 LDFR). Il y a toutefois ici encore des exceptions, que décrit l’article 60 LDFR. Dans le cadre de la problématique qui nous occupe, la
seule qui entre en ligne de compte est celle mentionnée à la lettre h, selon laquelle un partage
matériel ou un morcellement sont autorisés si
«une tâche publique ou d’intérêt public doit être
accomplie». Il convient donc d’examiner si la réalisation d’une installation de biogaz représente
VLP-ASPAN no4/10
une telle tâche. Eu égard à l’article constitutionnel relatif à la politique énergétique (art. 89 Cst.),
l’approvisionnement en énergie relève sans
conteste de l’intérêt public, a fortiori lorsqu’il
s’agit – comme dans le cas des installations de
biogaz – de production d’énergies renouvelables.
L’aménagement du territoire et le principe central
de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne
le sont pas relèvent cependant, eux aussi, de l’intérêt public. C’est d’ailleurs précisément pour
tenir compte de ce principe que l’article 16a
al. 1bis LAT définit de manière restrictive la conformité des installations de biogaz à l’affectation de
la zone agricole (voir point 2.1). Cela doit être
pris en considération lorsqu’il s’agit, pour savoir
si une dérogation à l’interdiction de partage matériel peut être accordée, de pondérer les divers
intérêts publics en présence. En édictant les dispositions restrictives de l’article 16a al. 1bis LAT, le
législateur fédéral a anticipé la pesée d’intérêts à
effectuer entre aménagement du territoire et
production d’énergie. La volonté du législateur
ne saurait donc être contournée par une appréciation partielle de l’autorité chargée d’appliquer
le droit foncier rural. En introduisant l’article 16a
al. 1bis LAT, le législateur entendait offrir de nouvelles possibilités de revenus aux familles paysannes, pas aux fournisseurs d’énergie ni à d’autres
entreprises non agricoles. Aussi l’article 34a al. 3
OAT exige-t-il, comme mentionné aux points 3.1
et 3.2, que les installations de biogaz soient subordonnées à l’exploitation agricole – ce qu’il
faut notamment comprendre en termes économiques. Enfin, on notera que l’interdiction de
partage matériel n’empêche pas, sur le principe,
que des installations de biogaz soient réalisées
par des non-agriculteurs, mais qu’elle pose à cet
égard – avec les prescriptions d’aménagement
du territoire – certaines limites. Des sites où des
entreprises non agricoles peuvent participer à la
réalisation d’installations de biogaz, voire les exploiter pour leur propre compte, il en existe
beaucoup – mais en zone à bâtir!
4.Utilisation et production de
chaleur
L’OAT fait la distinction entre récupération de la
chaleur résiduelle, d’une part, et production de
chaleur proprement dite, de l’autre.
4.1Récupération de la chaleur
résiduelle
Dans le cas de la récupération de la chaleur résiduelle, le biogaz issu des installations de fermentation est transformé en électricité et en chaleur
dans des installations de couplage chaleur-force
(centrales de cogénération). L’utilisation de la
chaleur qui reste en plus de celle nécessaire pour
chauffer le fermenteur (environ 30% de la production brute de chaleur) et pour la production
d’eau chaude et le chauffage des locaux de l’exploitation agricole, relève en principe de l’article 34a al. 1 let. d OAT, qui déclare admissibles les
conduites destinées à l’évacuation des résidus de
la production d’énergie. Il en découle que la chaleur résiduelle peut être transportée dans les zones à bâtir38. Aucune limite chiffrée n’est articulée quant à la distance admissible, la disposition
en question se contentant de parler des «utilisateurs adéquats». On peut partir du principe que
cela concerne les consommateurs se trouvant
32 Hofer, Commentaire LDFR, art. 9 N. 3 ss.
33 Richli Paul, Landwirtschaftliche Gewerbe und Selbstbewirtschaftung, in: AJP/PJA 9/93, p. 1068, avec référence à l’ATF
115 II 183.
34 Hofer, Commentaire LDFR, art. 9 N. 13.
35 Hofer, Commentaire LDFR, art. 9 N. 15.
36 Hofer, Commentaire LDFR, art. 9 N. 14.
37 Hofer, Commentaire LDFR, art. 9 N. 21; Richli Paul, Landwirtschaftliche Gewerbe und Selbstbewirtschaftung, in: AJP/PJA
9/93, p. 1068, avec référence à l’ATF 115 II 185 consid. 2d;
Stalder Beat, Die verfassungs- und verwaltungsrechtliche Behandlung unerwünschter Handänderungen im bäuerlichen
Bodenrecht, p. 142.
38 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 35; ARE, Explications
2007, p. 2.
11
T&E
dans les zones à bâtir proches et dans les bâtiments d’habitation ou d’exploitation agricoles
voisins. La chaleur résiduelle doit en effet pouvoir
être utilisée à bon escient et ne pas rester inexploitée par manque de consommateurs. Toutefois, plus les destinataires seront loin du lieu où
l’énergie est produite, plus les pertes de chaleur
dues au transport seront importantes39 et moins
l’exploitation de cette chaleur sera économiquement intéressante.
Dans ce contexte se pose aussi la question de savoir si les cantons peuvent être plus restrictifs que
le droit fédéral. En vertu de l’article 27a LAT, la
législation cantonale peut prévoir des restrictions
aux articles 16a al. 2, 24b, 24c al. 2 et 24d. Cette
énumération est exhaustive, et l’article 16a al. 1bis
LAT n’en fait pas partie. Ni le libellé de l’article 27a LAT, ni les travaux préparatoires n’indiquant qu’il faille retenir une autre interprétation40, il est clair que les cantons ne peuvent se
montrer plus restrictifs que ne le prescrit l’article 16a al. 1bis LAT: il n’est pas admissible de soumettre la récupération de la chaleur résiduelle à
une réglementation plus sévère.
fage à distance, à moins que l’exploitation agricole ne jouxte la zone à bâtir et ne lui soit liée sur
le plan fonctionnel. La raison de cette restriction
réside dans le fait que l’article 16a al. 1bis LAT ne
déclare conformes à l’affectation de la zone agricole que les constructions et installations nécessaires à la production d’énergie à partir de biomasse. La production d’énergie au sens de la LAT
peut être considérée comme «un processus de
transformation de l’énergie tirée de la biomasse
en une forme d’énergie plus facilement disponible, transportable, stockable et/ou plus noble»42
– qualités désignées par le terme de valorisation.
Or, la chaleur est une forme d’énergie de faible
valeur et elle est moins facile à transporter et à
stocker que les combustibles eux-mêmes43. Aussi
les constructions et installations ne sont-elles
conformes à l’affectation de la zone que si la chaleur est produite à l’endroit même où elle est
consommée. Par opposition à cela, et comme
nous l’avons vu plus haut, la chaleur résiduelle,
qui représente un sous-produit de la production
d’énergie, doit pouvoir être transportée sans
autres restrictions jusqu’aux utilisateurs adéquats.
4.2Production de chaleur
4.2.1Motion Luginbühl
Au moyen d’une installation de chauffage, on
peut produire directement de la chaleur à partir
du carburant ou du combustible généré. A la différence de la chaleur résiduelle, la chaleur produite par combustion d’agents énergétiques ne
peut – selon le droit actuellement en vigueur (voir
point 4.2.1) – être acheminée sur de longues distances vers la zone à bâtir. En vertu de l’article 34a al. 1 let. c OAT, cette chaleur ne peut être
destinée qu’à «des constructions et installations
qui forment un ensemble avec le groupe de bâtiments centraux de l’exploitation agricole». Elle
peut donc tout au plus être utilisée au sein de
l’exploitation elle-même ou d’un hameau aux
constructions resserrées41. Ainsi, il est exclu de
transporter la chaleur produite de la zone agricole à la zone à bâtir via un réseau local de chauf-
La motion Luginbühl44 vise à supprimer cette différence de traitement entre chaleur résiduelle et
chaleur produite, c’est-à-dire à ce que la chaleur
directement produite à partir du combustible ou
du carburant généré puisse être, elle aussi, transportée sur de plus grandes distances. La motion
ayant été approuvée par les deux Chambres, rien
ne s’oppose en principe plus à sa mise en œuvre.
Toutefois, la transmission de la motion ne rend
pas automatiquement caduque la disposition
concernée de l’ordonnance. Selon le Conseil fédéral, l’OAT devra être assouplie «dans la mesure
qui semblera nécessaire et raisonnable pour atteindre le but visé sans contradiction avec le principe de séparation des zones à bâtir de celles qui
ne le sont pas»45. Le droit actuel restera en vigueur jusqu’à l’adaptation de l’OAT, la chaleur
12
VLP-ASPAN no4/10
produite ne restant pour l’instant utilisable qu’au
sein de l’exploitation agricole, sans pouvoir être
transportée sur de plus longues distances.
4.2.2Production de pellets
En rapport avec les questions d’utilisation et de
production de chaleur se pose aussi la question
de savoir si la production de pellets est admissible
dans une exploitation agricole.
Comme mentionné plus haut, la conformité à
l’affectation de la zone agricole n’est reconnue,
au titre de l’article 16a al. 1bis LAT, que pour les
installations destinées à transformer l’énergie tirée de la biomasse en une forme d’énergie plus
facilement disponible, transportable, stockable
et/ou plus noble (valorisation). La production de
pellets ne représente pas une forme de production énergétique de valeur supérieure, mais, dans
le meilleur des cas, une étape préliminaire à une
telle production. Il s’agit en fin de compte, comme dans une scierie, de la transformation industrielle d’un produit sylvicole.
Outre les constructions et installations directement destinées à la transformation de la biomasse en énergie, sont aussi admissibles celles qui
remplissent une fonction auxiliaire dans le cadre
de ces processus. Ainsi certaines constructions et
installations peuvent-elles se révéler nécessaires
au traitement préalable de la biomasse acheminée ou au traitement des résidus de la production énergétique – comme par exemple les installations destinées au tri ou au broyage des déchets
verts46. On pourrait aussi imaginer que soit reconnue conforme à l’affectation de la zone agricole une installation destinée à préparer la combustion du bois, par exemple une installation de
déchiquetage. En tant que processus de transformation de la biomasse en vue d’une vente ultérieure, cependant, la production de pellets n’entre pas dans cette catégorie. Les installations
correspondantes ne remplissent pas de fonction
auxiliaire au sens de l’article 34a al. 1 let. e OAT.
Enfin, il convient d’examiner si la production de
pellets peut être autorisée à titre de préparation,
stockage et vente de produits agricoles au sens
de l’article 34 al. 2 OAT. Par produits agricoles, on
entend d’ordinaire les denrées se prêtant à la
consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde
d’animaux de rente47. L’article 34 al. 2 OAT énonce à cet égard trois conditions. D’abord, les denrées en question doivent être produites dans la
région, plus de la moitié d’entre elles devant provenir de l’exploitation concernée. Ensuite, la préparation, le stockage et la vente ne doivent pas
revêtir de caractère industriel, ce qui exclut les
procédés de transformation mécaniques requérant des investissements importants et une maind’œuvre nombreuse. Enfin, l’exploitation concernée doit conserver son caractère agricole. Si la
transformation des denrées produites à la ferme
est autonome du point de vue de l’organisation
du travail et qu’elle génère à elle seule une importante plus-value, les constructions et installations nécessaires ne peuvent être considérées
comme conformes à l’affectation de la zone agricole48.
Dès qu’elle ne vise plus uniquement à répondre
aux besoins de l’exploitation elle-même, une installation destinée à la production de pellets a tendance à revêtir un caractère industriel et à altérer
le caractère agricole de l’exploitation, comme
c’est d’ailleurs le cas des installations destinées à
39 ARE, Explications 2007, p. 2.
40 Jäger, Commentaire LAT, art. 27a N. 10.
41 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 34.
42 ARE, Explications 2007, pp. 1 s.
43 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 34; ARE, Explications
2007, p. 2.
44 Motion Werner Luginbühl 08.3083 du 13 mars 2008, «Autoriser le transport d’énergie thermique provenant d’exploitations agricoles vers les zones à bâtir».
45 Réponse du Conseil fédéral du 21 mai 2008 à la motion Luginbühl.
46 ARE, Explications 2007, p. 2.
47 Office fédéral du développement territorial (ARE), Nouveau
droit de l’aménagement du territoire, Explications relatives à
l’ordonnance sur l’aménagement du territoire, Berne 2001
(ci-après: Explications OAT), p. 28.
48 ATF 125 II 278.
13
T&E
la transformation – si souvent citée – de pommes
de terre en pommes chips49. La production de
pellets nécessitant en général des procédés de
transformation mécaniques et, partant, des investissements importants, elle ne peut en principe pas être considérée comme conforme à l’affectation de la zone agricole au titre de l’article 34
al. 2 OAT.
4.3Installations mixtes
Qu’en est-il des installations mixtes, par exemple
lorsqu’une centrale de chauffage à bois est
construite en appoint et à titre de redondance?
L’ordonnance actuelle ne permet pas de réaliser,
en zone agricole, des centrales de chauffage à
bois destinées à couvrir les besoins en période de
pointe, et les installations mixtes ne sont admissibles qu’à certaines conditions très restrictives
(production de chaleur pour l’exploitation ellemême). De telles installations doivent en principe
être implantées en zone à bâtir. La mise en œuvre
de la motion Luginbühl devrait toutefois permettre d’ériger non seulement des installations mixtes, mais aussi des centrales de chauffage à bois,
pour autant que la biomasse utilisée soit en rapport étroit avec l’agriculture et avec l’exploitation
(art. 16a al. 1bis LAT). Les distances de transport
prescrites à l’article 34a al. 2 OAT s’appliqueront
aussi aux installations mixtes et aux centrales de
chauffage à bois. Il faudra en outre que l’énergie
produite soit destinée à des utilisateurs adéquats,
c’est-à-dire pas trop éloignés.
5.Mesures de planification
envisageables
Si une installation de biogaz dépasse le cadre de
ce qui peut être admis comme conforme à l’affectation de la zone agricole au titre de l’article 16a al. 1bis LAT, la question se pose de savoir
14
s’il est envisageable de délimiter pour elle une
zone adéquate. Entrent a priori en ligne de
compte soit une zone agricole spéciale au sens
de l’article 16a al. 3 LAT (point 5.1), soit une zone
spéciale au sens de l’article 18 al. 1 LAT
(point 5.2).
5.1Délimitation d’une zone
agricole spéciale
Les zones agricoles spéciales ou diversifiées (leur
dénomination varie d’un canton à l’autre) sont
des zones agricoles particulières dans lesquelles
les constructions et installations des exploitations
recourant à des modes de production agricole
entièrement ou principalement indépendants du
sol naturel peuvent, au titre de l’article 16a al. 3
LAT, être déclarées conformes à l’affectation de la
zone50. Il s’agit là de zones de non bâtir de droit
fédéral, même s’il se peut qu’elles soient densément construites51. En vertu du modèle dit des
produits52, sont conformes à l’affectation de ces
zones toutes les constructions et installations servant à la production de denrées agricoles. N’y
sont en revanche pas admises les utilisations non
agricoles du sol, telles que les activités artisanales
et industrielles ne présentant pas de rapport
étroit avec un produit agricole. Les cantons peuvent restreindre le catalogue des installations
conformes à l’affectation de la zone, mais pas
l’élargir au-delà de ce que prévoit l’article 16a
al. 3 LAT53.
Il n’est donc possible de délimiter une zone agricole spéciale ou diversifiée pour une installation
de biogaz que si le biogaz peut être considéré
comme un produit agricole. Le biogaz est un gaz
combustible, produit par fermentation de biomasse dans une installation ad hoc et utilisé pour
générer de l’énergie. Par produits agricoles, on
entend d’ordinaire les denrées se prêtant à la
consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde
d’animaux de rente54. En tant que matière organique produite par photosynthèse, la biomasse
VLP-ASPAN no4/10
elle-même peut être considérée comme un produit agricole55. Ce n’est en revanche pas le cas
des produits qui en sont tirés. Sinon, il faudrait
aussi considérer les pommes chips ou les tables
en bois comme des produits agricoles. Il faut en
outre tenir compte du fait que, pour être rentable, la production de biogaz requiert non seulement une quantité suffisante d’engrais de ferme,
mais aussi l’apport d’une certaine quantité de cosubstrats non agricoles, tels que déchets végétaux issus des zones urbanisées ou déchets organiques provenant de l’industrie alimentaire. On
ajoute donc aux produits agricoles des matières
non issues de l’agriculture56, ce qui confirme que
le biogaz ne peut être considéré comme un produit agricole, et que les installations de biogaz ne
peuvent donc être déclarées conformes à l’affectation de la zone agricole spéciale57.
De telles installations ne peuvent pas non plus
être autorisées en zone agricole spéciale au titre
du traitement et de la commercialisation de produits agricoles. L’ordonnance sur l’aménagement
du territoire (art. 34 al. 2 à 4 OAT) admet certes
– y compris en zone agricole spéciale – les installations destinées à la préparation, au stockage et
à la vente de produits agricoles en majeure partie
issus de l’exploitation elle-même, mais seulement
jusqu’à un certain niveau de traitement. Ainsi un
local de vente peut-il être autorisé pour les produits issus de l’exploitation elle-même58. En raison de leur caractère industriel et du niveau de
traitement qu’elles impliquent, toutefois, les installations de biogaz dépassent ce cadre.
Enfin, une autre raison encore est susceptible de
s’opposer à l’autorisation des installations de biogaz en zone agricole spéciale. En vertu du droit
fédéral, en effet, ces zones relèvent du champ
d’application du droit foncier rural59. Or, le principe de l’exploitation à titre personnel, l’interdiction de partage matériel et la limitation du niveau
d’endettement admissible y compromettront sérieusement la réalisation d’installations de biogaz
– surtout si elles requièrent d’importants investissements.
5.2Délimitation d’une zone
spéciale au sens de l’article 18
al. 1 LAT
Les zones agricoles spéciales au sens de l’article 16a al. 3 LAT n’entrant pas en ligne de compte pour les installations de biogaz, il convient,
pour les projets dépassant ce qui est réputé
conforme à l’affectation de la zone agricole,
d’envisager une implantation en zone à bâtir ou
la délimitation d’une zone spéciale au sens de
l’article 18 al. 1 LAT.
Les zones spéciales au sens de l’article 18 al. 1
LAT se délimitent – au même titre d’ailleurs que
les zones agricoles spéciales – dans le cadre d’une
procédure de planification ordinaire60. Le principe
de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne
le sont pas revêt à cet égard une importance cru49 ARE, Explications OAT, p. 30; voir aussi Ravel Marie-France,
Peut-on stocker, transformer ou vendre des produits agricoles
en zone agricole?, Informations VLP-ASPAN article 6/2003
50 Jäger Christoph, Zones agricoles spéciales, Territoire & Environnement 5/08 (ci-après: Jäger), p. 2; Waldmann/Hänni,
Handkommentar RPG, art. 16a N. 30 s.
51 ARE, Explications OAT, p. 12; Jäger, p. 2.
52 Pour établir si une construction ou une installation est conforme à l’affectation de la zone agricole, ce n’est plus le mode
de production adopté qui est déterminant, mais la nature des
produits eux-mêmes (denrées alimentaires et matières premières animales et végétales); message 1996, FF 1996 III
495 s.; Jäger, p. 2.
53 ARE, Explications OAT, p. 28; Jäger, p. 7.
54 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 16; ARE, Explications
OAT, p. 28.
55 Message 2005, FF 2005 I 6641.
56 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 32; message 2005, FF
2005 I 6641.
57 Muggli /Spori, p. 43.
58 Waldmann/Hänni, Handkommentar RPG, art. 16a N. 33;
Jäger, p. 7; voir aussi Office des affaires communales et de
l’organisation du territoire du canton de Berne, Zones d’agriculture intensive: guide concernant les zones au sens de l’article 16a, alinéa 3 LAT, Berne 2001, p. 7.
59 Message concernant l’évolution future de la politique agricole, FF 2002 4613; d’un autre avis: Hotz Reinhold, Les répercussions de la révision partielle de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) sur la loi fédérale sur le droit
foncier rural (LDFR), Territoire & Environnement 2000, p. 1 ss;
voir aussi Jäger, pp. 12 s.
60 Message 2005, FF 2005 I 6642.
15
T&E
ciale. Cela signifie qu’il convient, avant de classer
de nouveaux terrains, d’examiner si l’installation
ne peut pas être réalisée au sein des zones à bâtir
existantes (p. ex. dans une zone artisanale ou industrielle). Si cela se révèle impossible du fait des
circonstances locales, il est alors envisageable de
délimiter une zone spéciale au sens de l’article 18
al. 1 LAT. Il s’agit toutefois de faire ici preuve de
la plus grande retenue, car de telles zones représentent de petites zones à bâtir, que le Tribunal
fédéral considère en principe comme contraires à
la loi61. Aussi la délimitation d’une zone spéciale
au sens de l’article 18 al. 1 LAT n’est-elle admissible que si elle résulte d’une pesée globale et circonstanciée des intérêts en présence, dans le cadre de laquelle il s’agit notamment de tenir
compte des effets d’une telle mesure sur le territoire, l’équipement et l’environnement, ainsi que
des buts et des principes de l’aménagement du
territoire (art. 1 et 3 LAT). A cet égard, il ne suffit
pas de prendre en considération les critères applicables à la délimitation d’une zone agricole spéciale au titre de l’article 16a al. 3 LAT62. Le principe de la concentration revêt en effet une
importance encore plus grande dans le cas d’une
zone spéciale au sens de l’article 18 al. 1 LAT que
dans celui d’une zone agricole spéciale bénéficiant, de par la loi, de certains privilèges. Cela signifie que les zones spéciales au sens de l’article 18 al. 1 LAT doivent jouxter une zone à bâtir
existante ou, du moins, un groupe de constructions d’une certaine importance (p. ex. un hameau). En principe, il est exclu de délimiter une
telle zone en contiguïté d’une simple ferme,
comme cela serait encore envisageable pour une
zone agricole spéciale. Cela reviendrait en effet à
contourner les prescriptions très strictes de l’article 16a al. 1bis LAT. On notera en outre que les
possibilités de bâtir devront être définies de manière d’autant plus restrictive que la zone spéciale en question sera éloignée de la zone à bâtir63.
Il est recommandé de ne délimiter une zone spéciale que sous la réserve que le projet concerné
soit effectivement réalisé. Si l’installation de bio16
gaz projetée n’est pas construite, il faut que le
terrain concerné soit automatiquement réaffecté
à la zone agricole, sans indemnité pour le propriétaire64. On veillera en outre à ce que les
constructions et installations qui ne sont plus utilisées soient démolies, comme c’est le cas pour
les installations de biogaz conformes à l’affectation de la zone agricole (art. 16a al. 1bis LAT en
lien avec l’article 16b al. 2 LAT)65.
5.3Classement d’une installation
jusque-là conforme à l’affectation de la zone agricole
On constate dans la pratique que certaines installations ayant été autorisées au titre de l’article 34a OAT doivent, par la suite, être agrandies
du fait de leur succès économique ou de nouvelles exigences techniques, mais qu’elles ne remplissent dès lors plus les critères applicables en
matière de conformité à l’affectation de la zone
agricole. Les propriétaires concernés peuvent-ils
prétendre à ce que leurs installations soient affectées à une zone idoine?
En principe, un propriétaire ne peut prétendre à
ce que ses parcelles soient attribuées à une zone
d’affectation déterminée. Un tel droit ne découle
pas non plus de la garantie de la propriété au
sens de l’article 26 Cst.66. Comme nous l’avons
vu plus haut, la délimitation d’une zone à bâtir
repose sur une prise en compte et une pondération objectives de tous les intérêts en jeu67.
Lorsque l’on met en zone à bâtir une installation
de biogaz initialement reconnue conforme à l’affectation de la zone agricole, on court le risque
de contourner les conditions d’autorisation restrictives définies par le législateur et, partant, le
principe de la séparation des zones à bâtir de celles qui ne le sont pas. Aussi un classement a posteriori n’entre-t-il en principe pas en ligne de
compte, une installation autorisée à l’aune des
conditions très strictes des articles 16a al. 1bis LAT
et 34a OAT ne pouvant en effet être agrandie
sans autre forme de procès dans le cadre d’une
VLP-ASPAN no4/10
procédure de planification. Dans de tels cas, la
pesée d’intérêts circonstanciée que requiert la
délimitation d’une zone spéciale ne peut souvent
plus être effectuée, puisque la localisation de
l’installation est déjà définie. Le requérant qui obtient l’autorisation d’ériger une installation de
biogaz en zone agricole doit savoir qu’il ne lui
sera pas possible de l’agrandir ultérieurement.
S’il souhaite pouvoir le faire, il doit dès le début,
dans le sens d’une planification prospective,
chercher un site d’implantation approprié et, le
cas échéant, demander à ce qu’une zone spéciale
soit délimitée.
Par ailleurs, on ne devra pas oublier qu’une mesure de planification telle qu’un classement a
posteriori déploierait un effet préjudiciel important, et ce, non seulement pour les installations
destinées à la production d’énergie à partir de
biomasse, mais aussi pour les diverses activités de
nature commerciale qui ont été autorisées en
zone agricole à des conditions restrictives. En
font notamment partie les activités accessoires
non agricoles au sens de l’article 24b. Si l’on
autorisait la délimitation d’une zone ad hoc chaque fois que de telles activités atteignent les limites de ce qu’admet le droit de l’aménagement du
territoire, on remettrait définitivement en question le principe de la séparation des zones à bâtir
de celles qui ne le sont pas, qui représente l’un
des principaux acquis de l’aménagement du territoire helvétique.
6.Pratique des cantons
Compte tenu du fait que les dispositions en question sont sujettes à interprétation, qu’elles posent
de délicats problèmes de délimitation et que la
jurisprudence relative à la conformité des installations de biogaz à l’affectation de la zone agricole
est encore rare68, il serait très utile que les cantons éditent des guides pratiques dans lesquels ils
interpréteraient les notions juridiques indéterminées et montreraient comment ils entendent faire
usage de la marge de manœuvre (limitée) que
leur accorde le droit fédéral. C’est précisément
l’élaboration d’un tel guide par le canton de Berne qui a donné lieu au présent avis de droit.
Se pose dès lors la question de savoir comment
les autres cantons abordent la problématique des
installations de biogaz et si d’autres ont, eux
aussi, édicté des directives y afférentes.
Les recherches effectuées par VLP-ASPAN ont
montré que peu de cantons ont jusqu’ici été
confrontés à la question de l’autorisation des installations de biogaz. A notre connaissance, seuls
deux cantons disposent de directives en la matière: le canton de Lucerne, qui a publié un guide
relatif à la planification et à la réalisation des installations de biogaz69, et le canton de Fribourg,
qui a édicté une brève directive traitant de la subordination des installations de biogaz à l’exploitation agricole70.
Certains des critères énoncés dans ces deux documents n’ont pas encore été discutés ici. Ainsi le
canton de Lucerne ne reconnaît-il une installation
de biogaz conforme à l’affectation de la zone
que si sa capacité de traitement annuelle ne dé61 ATF 124 II 391 consid. 3 et 4 p. 395 (Ersingen); ATF 121 I 245
consid. 6e p. 248 (Wangen-Brütisellen); arrêt du TF
1P.465/2002 du 23 décembre 2002 in: ZBl 2004 161,
consid. 6.3.2 p. 164.
62 Voir à ce propos Office fédéral du développement territorial
(ARE), Nouveau droit de l’aménagement du territoire, Délimitation des zones au sens de l’article 16a alinéa 3 LAT en relation avec l’article 38 OAT – Critères pour la pesée des intérêts, Berne 2001, pp. 7 ss; Jäger, p. 5.
63 ATF 121 I 245 consid. 8c pp. 250 s. (Wangen-Brütisellen).
64 Arrêt du TF 1A.230/2005 du 4 avril 2006 (Schafisheim).
65 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 41; message 2005, FF
2005 I 6641.
66 Flückiger/Grodecki, Commentaire LAT, art. 15 N. 48.
67 Flückiger/Grodecki, Commentaire LAT, art. 15 N. 22.
68 Ruch, Commentaire LAT, art. 16a N. 32 ss.
69 Canton de Lucerne, Bau-, Umwelt- und Landwirtschaftsdepartement, Biogasanlagen. Leitfaden für Planung und Bau,
Lucerne 2009 (ci-après: guide du canton de Lucerne).
70 Directive de la DEAC, de la DIAF et de la DEE relative aux
constructions et installations conformes à l’affectation de la
zone agricole nécessaires à la production d’énergie à partir de
biomasse, 15 juillet 2009 (ci-après: directive du canton de
Fribourg).
17
T&E
passe pas 10’000 tonnes (quoiqu’elle puisse être
supérieure en cas de faible proportion de cosubstrats non agricoles)71. De plus, la part des cosubstrats non agricoles est limitée à 50 pour cent.
Quant au canton de Fribourg, il exige que la puissance des installations de biogaz soit limitée à
300 kW et qu’au moins 20 pour cent de la chaleur résiduelle générée soit utilisée en dehors de
l’exploitation agricole72. De telles limitations sont
susceptibles de préciser l’exigence d’un «rapport
étroit avec l’agriculture et avec l’exploitation»
(art. 16a al. 1bis LAT) ainsi que le critère de la subordination de l’installation de biogaz à l’exploitation agricole (art. 34a al. 3 OAT), et de montrer
ainsi comment le canton entend faire usage de la
marge de manœuvre qui lui est accordée. Cette
dernière est toutefois relativement restreinte en
raison du droit fédéral.
Dans son guide, le canton de Lucerne décrit les
exigences auxquelles doivent répondre les installations de biogaz non seulement du point de vue
du droit de l’aménagement du territoire et de la
construction, mais aussi en termes de protection
de l’environnement, de protection des eaux,
d’agriculture, d’hygiène/santé et d’énergie – ce
qui est tout à fait judicieux.
législateur et les autorités d’exécution se doivent
toutefois de sauvegarder l’intérêt général et de
ne pas perdre de vue les objectifs constitutionnels de l’aménagement du territoire. Cela impose
d’adopter, en matière d’autorisation, une pratique restrictive que les intéressés ont parfois peine
à comprendre. A cela s’ajoute que certaines dispositions sont formulées de manière peu heureuse ou n’ont pas été assez mûrement réfléchies, ce qui les rend encore plus difficiles à
appliquer de la part des autorités et à comprendre de la part des acteurs concernés. Aussi est-il
urgent de refondre la réglementation relative aux
constructions hors de la zone à bâtir, comme il
est prévu de le faire dans le cadre de la future
révision de la LAT. Le grand défi consistera, à cet
égard, à élaborer des dispositions qui offrent une
flexibilité accrue et permettent une prise en
compte adéquate des spécificités régionales, tout
en assurant une séparation stricte des zones à
bâtir de celles qui ne le sont pas.
Lukas Bühlmann,
lic. iur., VLP-ASPAN
7.Conclusion
La problématique des installations de biogaz
montre une fois de plus que l’application des
prescriptions actuelles en matière de constructions hors de la zone à bâtir représente, pour les
autorités, une tâche très exigeante. Celles-ci se
trouvent en effet confrontées à d’innombrables
questions de délimitation que le législateur ne
s’est souvent pas posées.
Par ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour
réclamer – en faveur d’intérêts individuels – un
assouplissement des prescriptions en vigueur. Le
71 Guide du canton de Lucerne, point 2.1.1.
72 Directive du canton de Fribourg, points 2 et 3.
18
Samuel Kissling,
MLaw, VLP-ASPAN
Avis de droit
commandé par:
l’Office des affaires
communales et de
l’organisation du territoire
du canton de Berne
VLP-ASPAN no4/10
Art. 16aConstructions et installations conformes à l’affectation de la zone agricole
1 Sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont
nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice. Cette notion de conformité peut être restreinte en vertu de l’article 16, al. 3.
1bisLes constructions et installations nécessaires à la production d’énergie à partir de biomasse
ou aux installations de compost qui leur sont liées peuvent être déclarées conformes à l’affectation de la zone et autorisées dans une exploitation agricole si la biomasse utilisée est en
rapport étroit avec l’agriculture et avec l’exploitation. Les autorisations doivent être liées à la
condition que ces constructions et installations ne serviront qu’à l’usage autorisé. Le Conseil
fédéral règle les modalités.
2
Les constructions et installations qui servent au développement interne d’une exploitation
agricole ou d’une exploitation pratiquant l’horticulture productrice sont conformes à l’affectation de la zone. Le Conseil fédéral règle les modalités.
3
Les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du
développement interne peuvent être déclarées conformes à l’affectation de la zone et autorisées lorsqu’elles seront implantées dans une partie de la zone agricole que le canton a
désignée à cet effet moyennant une procédure de planification.
Art. 34aConstructions et installations nécessaires à la production d’énergie à partir
de biomasse (art. 16a, al. 1bis LAT)
1
Sont admissibles les constructions et les installations nécessaires pour:
a.la production de carburant ou de combustible;
b.la production de courant par couplage chaleur-force à partir du carburant ou du combustible
généré;
c.la production de chaleur à partir du carburant ou du combustible généré si les constructions
et installations nécessaires sont situées dans les bâtiments centraux de l’exploitation agricole
et si la chaleur est destinée à des constructions et installations qui forment un ensemble avec
le groupe de bâtiments centraux de l’exploitation agricole;
d.les conduites destinées au transport de l’énergie produite vers les utilisateurs adéquats, ainsi
qu’à l’acheminement de la biomasse et à l’évacuation des résidus de la production d’énergie;
e.le traitement de la biomasse acheminée et des résidus de la production d’énergie.
2
Les substrats utilisés doivent provenir à raison de la moitié au moins de leur masse de l’exploitation elle-même ou d’entreprises agricoles distantes, en règle générale, de 15 km au
maximum par la route. Cette partie doit représenter 10% au moins de la valeur énergétique
de tous les substrats utilisés. Les sources des autres substrats de la biomasse doivent être
situées, en règle générale, à une distance de 50 km au maximum par la route. Des distances
plus longues peuvent être autorisée à titre exceptionnel.
3
L’installation complète doit être subordonnée à l’exploitation agricole et contribuer à une
utilisation efficace des énergies renouvelables.
4
Les conditions de l’article 34, al. 4, doivent être remplies.
19
T&E
VLP-ASPAN no 4/10
Impressum
Territoire & Environnement
VLP-ASPAN:
Documentation dans le domaine du
développement territorial pour les
membres de l’Association suisse pour
l’aménagement national, paraît six
fois par an en français et en allemand
Rédaction: Lukas Bühlmann
Traduction: Léo Biétry
Réalisation: Madeleine Ramseyer
Graphisme: Dynamite Advertising
Impression: Multicolor Print
Photo de couverture: M. Hegnauer
Reproduction des textes et illustrations: autorisée moyennant l’indication de la source
Association suisse pour
l‘aménagement national
Sulgenrain 20, CH-3007 Berne
Tél. +41 (0)31 380 76 76
Fax +41 (0)31 380 76 77
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www.vlp-aspan.ch

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