RAPPORT DE MISSION AU CAMBODGE Ce rapport rend compte
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RAPPORT DE MISSION AU CAMBODGE Ce rapport rend compte
RAPPORT DE MISSION AU CAMBODGE PIERRE ARNOUX Ce rapport rend compte de ma mission d’enseignement au Cambodge du 4 au 29 mai 2012, dans le cadre du projet de coopération scientifique entre l’Université Royale de Phom Penh et les universités de Paris VI et d’Aix-Marseille. Lors de cette mission, j’ai enseigné un cours intensif de mathématiques discrètes. J’ai également rencontré divers responsables. 1. Enseignement 1.1. Contenu des cours. J’ai enseigné du lundi 7 mai au vendredi 25 mai, tous les jours de 13h à 16h30. J’ai rencontré comme tous les ans le problème des congés imprévus : le 14 et 15 mai étaient un long congé pour la fête du roi, il n’y a donc eu que 13 jours de cours (les étudiants sont venus travailler le mercredi, qui était aussi férié, car nous avons réussi à obtenir une salle ce jour-là). J’ai donc réussi à faire (de justesse) les 45 heures prévues, mais je n’ai pu terminer le programme que j’avais proposé. Le cours contenait trois chapitres : cryptographie, codes correcteurs d’erreur et application de l’algèbre à la théorie des graphes ; vu le manque de temps, et la difficulté d’assimiler 3 sujets en trois semaines, j’ai préféré me concentrer sur les deux premiers chapitres et ne pas traiter le troisième. Le but de ce cours était de montrer diverses applications maintenant bien classiques des théories algébriques (algèbre linéaire, théorie des nombres) ; un bonne partie des étudiants du groupe a suivi sans grand problème un cours au rythme rapide. Ils ont bien profité des cours précédents, et sont capables d’en appliquer les résultats, même s’il reste toujours des faiblesses au niveau des preuves. J’ai pu profiter deux jours par semaine de la salle informatique du département de physique, qui est fort bien installée, et dans laquelle on a accès à Mathematica, ce qui m’a permis de donner à résoudre des calculs non triviaux, en particulier pour l’examen. Pour les cours qui s’y prêtent, c’est une bonne idée de proposer des exercices de calcul sur ordinateur, puisque les moyens de l’université le permettent. J’ai profité de mon séjour pour travailler directement avec les deux étudiants dont je supervise le mémoire ; l’un d’entre eux, Huot Sokloeun, a fait un travail que je trouve de très bon niveau. Il est agréable de pouvoir travailler avec des étudiants qui maı̂trisent (à peu près) TeX ; il faudra poursuivre pour les promotions suivantes du master, et organiser un cours de TeX, comme cela a été fait d’autres années ; il y a toutes les compétences nécessaires à l’Institut de Technologie du Cambodge voisin de l’URPP, et cela peut être organisé pour un coût très raisonnable. 1.2. Une remarque sur les étudiants. J’avais proposé de faire cours le matin, ce qui eût été préférable en cette saison, mais les étudiants ont préféré l’après-midi, et j’ai vite compris pourquoi : sur les 12 étudiants qui suivent mon cours, au moins 5 sont professeurs de lycée, et donnent 3 ou 4 heures de cours chaque matin. Certains d’entre eux sont pris aussi certains après-midi, et il m’est arrivé de me retrouver avec 7 personnes certains jours. Je dois dire que je suis impressionné de la quantité de connaissances qu’ils arrivent quand même à assimiler dans de telles conditions. 1 C’est aussi un point à prendre en compte dans l’évaluation du master : nous ne jouons pas seulement un rôle de formation initiale et de préparation à la recherche, mais aussi de formation continue des meilleurs enseignants du secondaire. Le dernier jour de cours, les étudiants m’ont invité le soir dans un restaurant, dans une ambiance très cordiale. J’ai pu discuter de leur situation, qui est parfois complexe : par exemple, Huot Sokloeun fait un master d’économie en même temps que le master de maths, tout en étant professeur en lycée. Ce serait bien de prendre leur avis sur l’organisation : plusieurs d’entre eux m’ont dit qu’ils préfèreraient faire cours soit le soir, de 16h 30 à 20h (ce ne serait pas une mauvaise idée du point de vue du climat, le cours de 13h à 16h30 est assez dur ! ), soit le week-end de façon intensive comme cela semble se pratiquer pour beaucoup de masters. J’ai aussi l’impression qu’à ce niveau, tous les étudiants travaillent pour financer leurs études, ce qui leur prend beaucoup de temps. C’est aussi pour cela, comme ils me l’ont tous confirmé, qu’un séjour à l’étranger leur permet de grands progrès, car ils peuvent se consacrer entièrement aux études. 2. Rencontre avec les responsables Nous avons commencé à mettre en place ce master en 2004–2005, il y a donc 7 ans, à l’instigation du professeur Chan Roath qui voulait élever le niveau mathématique du Cambodge. On peut dire que cette initiative a été couronnée de succès, puisque plusieurs de nos étudiants ont poursuivi leurs études à l’étranger dans des masters internationaux, et qu’aujourd’hui au moins 7 étudiants sont en thèse, dont 3 devraient finir prochainement ; un autre étudiant, Seam Ngon, est déjà rentré au Cambodge. Le principal problème du master est la difficulté de trouver les moyens de financer la participation des enseignants cambodgiens. Ce problème est revenu dans toutes mes rencontres. Un autre sujet important est l’ouverture prévue, dans un calendrier encore imprécis, d’une licence de mathématiques appliquées à l’ITC. Il faut insister sur le fait que, dans beaucoup de mes discussions, est revenu le thème des débouché des études de mathématiques ; il y a bien sûr l’enseignement et la recherche, qui sont les débouchés initiaux prévus pour le master, mais il serait bon d’en proposer d’autres. Un licence de mathématiques appliquées pourrait, si le projet est conçu intelligemment pour pouvoir être coordonné avec le master, donner également une spécialisation professionnelle au master et lui ouvrir de nombreux débouchés professionnels utiles. Je pense qu’il y a là une voie à creuser (mathématiques de l’informatique, statistiques, ...). 2.1. Département de Mathématiques. J’ai régulièrement discuté pour l’organisation avec Ham Karim, qui s’est efficacement chargé de résoudre les problèmes (réservation de salle, horaire, touktouk...) ; j’ai aussi discuté avec les autres enseignants présents, en particulier Meas Len et Chan Vitu. J’ai eu un déjeuner très instructif avec Evans Ashley, qui enseigne au département de mathématiques et au département de philosophie. Il m’a dit que le passage de Peak Dey au département avait fait souffler un vent de renouveau, qui est retombé après son départ pour faire une thèse en Europe ; il est extrêmement souhaitable qu’il revienne. Les nouveaux professeurs vont apporter une énergie nouvelle, et Il faut trouver un moyen de les faire participer au master. La plupart des hauts responsables de l’université ou du ministère sont peu sensibilisés aux problèmes de la recherche et de l’enseignement, il faut trouver un moyen de leur faire prendre conscience. 2.2. Académie des Sciences. J’ai rencontré le professeur Chan Roath, qui m’a demandé de venir faire un exposé pour les étudiants de master de mathématiques de l’université Khemarak où il enseigne. Nous avons parlé des problème du master. Une solution serait que le ministère 2 attribue des fonds particuliers au master. Mme Sovanna (voir ci-dessous), qui a des responsabilités au ministère, a une suggestion semblable mais plus réaliste. 2.3. Université. J’ai rencontré le doyen de la faculté des sciences, Monsieur Kamerane, par l’entremise de Chan Roath. Nous avons longuement parlé de ce problème. Il est très favorable au master, mais m’a expliqué que les autres masters (Physique, Chimie) sont entièrement soutenus par l’ISP. Pour lui, la solution est que les enseignants cambodgiens obtiennent un soutien extérieur, par exemple par le CIMPA (d’après lui, l’ISP soutient déjà le CIMPA, et refusera pour cette raison d’accorder un soutien spécifique au master de mathématiques, laissant cette responsabilité au CIMPA. Je ne sais pas dans quelle mesure cette explication des liens entre CIMPA et ISP correspond à la réalité). 2.4. Institut de Technologie du Cambodge. J’ai rencontré à l’ITC Mme Sovanna, ancienne directrice de l’ITC qui occupe des fonctions importantes au ministère. Elle m’a accueilli très chaleureusement ; elle comprend bien le problème du master. Elle m’a expliqué qu’actuellement, les enseignants ont un service de base de 12 heures par semaine, et des heures complémentaires. Or ce service de base ne porte que sur le diplôme nationalement reconnu (Bachelor). Une solution élégante serait de faire reconnaı̂tre que l’enseignement en master peut faire partie, dans une quotité à préciser, du service de base de 12h. Je pense que c’est une suggestion à appuyer : si cela pouvait être fait, cela résoudrait largement le problème actuel, de façon pérenne. J’ai également été invité à dı̂ner, dans une ambiance très cordiale, pour les enseignants du tronc commun de l’ITC (Sim Tepmony, Noi Moeung, Tann Chantara, Khvay Sopheap et Lin Mongkolserey qui était là de façon provisoire avant de repartir en Thaı̈lande pour démarrer un doctorat à la suite du master qu’il a brillamment réussi). Il est à remarquer que la plupart d’entre eux sont d’anciens étudiants du master. L’ITC envisage de créer un département de mathématiques appliquées et la licence correspondante, mais il n’est pas clair que cela ouvre bientôt. Comme Noi Moeung me l’a expliqué, les responsables demandent une étude de débouchés pour ouvrir ce diplôme. Or Noi Moeung considère que le seul débouché est l’enseignement, où les postes sont rares et les salaires bas, ce qui est peu attractif. Je lui ai suggéré, d’abord de prendre contact avec diverses sociétés (ce qui ne devrait pas être difficile à l’ITC) pour savoir quels sont les profils qui pourraient les intéresser ; ensuite de ne pas faire un diplôme monodisciplinaire de mathématiques appliquées, mais d’utiliser les compétences des autres départements, en physique ou agronomie, pour former des gens avec un spectre large. Par exemple, je pense qu’un diplôme en statistique appliquée (agro-alimentaire, santé, industrie) aurait sans problème de bons débouchés si les diplômes ont un profil assez large, et l’ITC aurait intérêt à s’associer avec l’URPP pour recruter les enseignants compétents dans ce domaine. J’ai rencontré le jour de mon départ Antoine Perrier Cornet à l’ITC, et nous avons discuté de toutes ces questions. Il pense que la licence ne va pas ouvrir tout de suite, et qu’il faut d’abord mieux définir le public visé, et surtout les débouchés (mathématiques de l’informatique, mathématiques financières, statistiques de la production ou de l’alimentation... il faut voir avec les industriels concernés) ; je crois qu’il est aussi sensible à la nécessité d’avoir une coopération sur ce sujet entre l’ITC et l’URPP, ce qui ne va pas de soi étant données les pesanteurs institutionnelles, mais le petit nombre de personnes compétentes dans le domaine rendrait une concurrence très nuisible. Je lui ai appris que des gens de l’ITC sont intervenus dans le master pour la formation à TeX. Une manière de transmettre les compétences (cela vaut aussi pour le master) pourrait être de faire suivre un enseignement intensif, forcément assez magistral, assuré sur une période courte (<un mois) par un intervenant extérieur, par des séances d’exercices assurées par un enseignant de l’URPP ; cela a déjà été réalisé pour certains cours du master. 3 2.5. Ambassade de France. J’ai rencontré Mathieu Bernardi à l’Ambassade de France, essentiellement pour le tenir au courant du fonctionnement du master. Je lui ai dit que, si l’on excepte ce problème du service des enseignants cambodgiens, le projet fonctionne de façon satisfaisante, puisque nous avons maintenant plusieurs étudiants engagés dans une thèse dans divers pays. Il a signalé que l’ambassade avait bien rempli son rôle dans le domaine, avec deux thèse financées, ce qui est méritoire vu la faiblesse de ses ressources. Il m’a aussi dit qu’il n’y avait pas eu de demande cette année (mais c’est probablement lié au fonctionnement sur deux ans du master ? ) Pierre Arnoux, Institut de mathématiques de Luminy, UMR 6206 CNRS, Campus de Luminy, Case 907, 13288 Marseille Cedex 9, et Département de Mathématiques, Faculté des sciences de Luminy, Université de la Méditerranée. 4