La Coopérative de Mai

Transcription

La Coopérative de Mai
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t
i
d
e
La ville...
Enjeu d’avenir, politique,
social, économique ou énergétique,
mais surtout, construction humaine en perpétuelle
évolution, source infinie d’émerveillement et d’inspiration. De
la Metropolis de Fritz Lang, découpée en villes haute et basse,
reflet des inégalités de classes, au Street Art de Banksy, pour
qui la ville devient un musée géant, en passant par le ruin porn,
cette fascination de photographes et vidéastes pour les paysages
urbains à l’abandon, les villes ont inspiré plus d’un siècle
d’œuvres, souvent poétiques et merveilleuses, parfois glauques et
franchement flippantes.
En pleine campagne municipale, aux commandes d’une soirée
urbaine dans les murs de la Coopérative de Mai, la thématique s’est
imposée d’elle-même. D’un côté l’abstract cinématographique de
Al’Tarba et Nixon, inspirée par la reine des métropoles, de l’autre
le bien-nommé collectif hip-hop local, La Petite Ville. La référence
urbaine était toute trouvée.
En une après-midi, piochant ici et là dans quelques chef d’œuvres
de fiction aux esthétiques intemporelles (merci Fritz Lang, Ridley
Scott) et dans les incroyables et désolants paysages industriels
d’un Detroit en ruines, nous avons bâti notre propre petite ville,
bancale, monochrome, fragile, mais lumineuse et surpeuplée.
Une création éphémère, à l’image d’une soirée incroyable durant
laquelle s’est arrêtée, pour quelques instants, la grande horloge qui
rythme nos quotidiens.
PLAYLIST
P HOP
HI
CARTE BLANCHE AU SPÉCIALISTE HIP-HOP DE LA BANDE, QUI NOUS LIVRE
QUELQUES COUPS DE CŒURS, ENTRE CLASSIQUES DU GENRE ET RARES PÉPITES.
La Playlist d’Adrien.
Gold Digger | KANYE WEST feat. JAMIE FOXX
Accompagné de Jamie Foxx qui reprend le classique « I Got a Woman » de
Ray Charles, Kanye lâche une de ses premières bombes, qui le fera entrer
dans une autre dimension.
Definition | BLACK STAR
L’union de Mos Def et Talib Kweli était faite pour marcher tant les deux
rappeurs sont complémentaires. Ils laisseront un album, « Black Star », qui
restera comme un classique du rap US.
Ça Fait Plaisir | TRIPTIK
Trois amis qui se retrouvent après dix ans de séparation, premier morceau
enregistré pour leur retour, qu’une chose à dire, « Ça Fait Plaisir ».
Control | BIG SEAN feat. KENDRICK LAMAR
& JAY ELECTRONICA
Comment ne pas parler du couplet qui a enflammé la planète hip-hop
pendant l’été 2013 ? Kendrick Lamar, invité par Big Sean, annonce vouloir
tuer la concurrence dans ce qui restera l’un de ses plus beaux couplets.
De l’égotrip comme on l’aime.
It Ain’t Hard To Tell | NAS
Avec « Illmatic », Nas a obtenu le respect éternel, chaque morceau de ce
premier opus est un bijou. On est bien loin de certains de ses albums plutôt
moyens et de ses histoires avec Jay-Z.
Ailleurs | NÉMIR feat. DEEN BURBIGO
Le rappeur perpignanais est survitaminé pour sa première collaboration
avec le toulonnais Deen Burbigo. C’est la nouvelle scène française, c’est
frais, et c’est bien.
No Sleep Till Brooklyn | BEASTIE BOYS
Ils ont commencé par le punk hardcore avant de dévier vers le hip-hop, et
on ne regrette vraiment pas ce virage.
Battle Axe | THE LEFT feat. MU
Le producteur Apollo Brown a réuni Journalist 103 et DJ Soko pour sortir
un des meilleurs albums des années 2010. Avec « Battle Axe », Apollo
Brown est au sommet, une prod fantastique.
The Seed (2.0) | THE ROOTS feat. CODY CHESTNUTT
Le morceau qu’on garde en tête toute la journée, mais qu’on est toujours
content de chantonner. Quatre minutes trente de plaisir.
Rakaille Numerik | GREMS
Grems c’est l’ovni du rap français, autoproclamé inventeur du deepkho,
mélange de grime, de rap et de deep house. Une grosse claque dès la
première écoute.
C.R.E.A.M | WU-TANG-CLAN
Le classique de la bande de RZA. On ne compte plus les références faites
à ce titre par les rappeurs du monde entier. « Cash Rules Everything
Around Me ».
My Yout | JOEY BADA$$ feat. MAVERICK SABRE
Joey Bada$$ fait partie de cette nouvelle génération de rappeurs
américains qui montent. Son dernier projet aux sonorités qui
rappellent ses origines jamaïcaines, sert d’avantgoût à « B4.Da.$$ » son premier album
studio à venir cette année.
alitarba
feat
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DJ NIXON
SUR LA SCÈNE ABSTRACT HIP-HOP FRANÇAISE, AL’TARBA EST VU COMME UN PETIT
SURDOUÉ. APRÈS AVOIR COLLABORÉ AVEC QUELQUES-UNS DES RAPPEURS LES
PLUS TALENTUEUX DE SA GÉNÉRATION, LE PRODUCTEUR TOULOUSAIN GLISSE VERS
LE TRIP-HOP. QUELQUES HEURES AVANT LEUR CONCERT, AL’TARBA ET DJ NIXON
NOUS ACCUEILLENT DANS LEUR LOGE POUR PARLER RENCONTRES, PROJETS ET
MÉTHODES DE CRÉATION.
Comment a commencé votre collaboration ?
Al’Tarba : On s’est rencontré en 2007 lors du concert de Necro au Bus Palladium. Nico faisait sa
première partie, il m’a invité à venir le voir et a joué un de mes morceaux.
Nixon : C’est comme ça que notre idylle a commencé.
Et en live, comment ça se passe entre vous ?
Al’Tarba : Moi je rejoue les instrus. Je lance mon beat, et je l’habille ensuite avec mes samples,
Nico lui s’occupe du scratch.
Nixon : Et surtout, même si on a une ligne de conduite, on ne fait jamais le même live d’un
soir à l’autre, il y a une grande part d’improvisation entre nous. On essaie de se démarquer
des productions en studio. On garde toujours une oreille sur ce que fait l’autre pour pouvoir
rebondir dessus.
Vous accordez une grande importance aux
visuels sur scène, c’est important pour vous
de lier son et image ?
Nixon : On a plein de références cinématographiques,
des films gore et « Metropolis » aussi ! La musique
passe aussi par l’image et le live raconte vraiment une
histoire : la tension monte, descend, remonte, etc...
Comment se passe ton processus de
travail ? Avec quoi travailles-tu ?
Al’Tarba : Sur scène j’ai une MPD pour rejouer mes
samples. Chez moi je travaille sur ordinateur, et puis
j’ai toujours les instruments virtuels du logiciel. Et je
travaille beaucoup sur le sample, j’aime aller chercher
un petit peu partout et en caser une vingtaine sur un
seul morceau.
Jules, tu es passé du rock et du punk au hip-hop, est-ce que vous y voyez des
éléments semblables ?
Al’Tarba : J’ai eu un groupe de rap très jeune mais au collège. Après je suis passé au punk des
70’s avec les Sex Pistols, The Clash et toute cette vague-là, au skate punk jusqu’au hardcore.
Ce côté punk est resté dans l’attitude. Sur scène on saute partout, et on lance des pogos. Par
contre, je n’ai pas encore réussi à sampler du punk dans mes morceaux, mais j’en ai quelquesuns de hardcore.
Nixon : Moi, ça a toujours été le rap, même si avec l’âge tu t’ouvres un peu. Mais je pense que
la vague trash du rap rejoint celle du rock hardcore, dans le sens où certains morceaux sont très
violents, des groupes comme MOP par exemple. Ou Necro, c’est vraiment là-dessus qu’on s’est
retrouvé tous les deux.
Qu’est-ce qu’Internet a changé dans votre façon de travailler ?
Nixon : Quand Myspace a commencé, ça a vraiment apporté un truc : d’un
coup, on pouvait se retrouver avec un feat d’un gros rappeur de Brooklyn.
Et même si le mec était inconnu, c’était quand même un truc génial.
Al’Tarba : C’est vrai que ça facilite parfois la tâche mais au final, il n’y a rien de mieux que de se
retrouver entre potes et de bosser ensemble !
Quels sont vos projets à venir ?
Al’Tarba : Ça fait un an et demi qu’on tourne ensemble, on a fait 70-80 dates. J’ai un nouvel
album qui sort en novembre sur lequel Nico a beaucoup bossé. On va revenir avec un nouveau
live !
Nixon : On a un aussi un EP de rap américain, « Breaking Tracks », basé sur « Breaking Bad »,
avec des gros noms ! Notamment Keith Murray et Goretex. J’ai aussi un EP de prévu, mais j’ai eu
beaucoup de demandes ces deux dernières années pour des scratchs, et c’est quelque chose
qui prend du temps. Surtout le travail de recherche des phrases à sampler.
Les sorties physiques, ça vous branche encore ?
Nixon : Bien sûr, on sort des vinyles, sur différents labels suivant nos projets.
Mais il faut pas rêver, l’argent est à 95% dans le live et sans ça, on
gagnerait pas notre vie. Un album coûte parfois plus cher qu’il
n’en rapporte.
LA PETITE VIlle
ÉNERGIE, BONNE HUMEUR ET FLOW. VOILÀ COMMENT DÉFINIR EN TROIS MOTS LES
QUATRE CLERMONTOIS QUI COMMENCENT À FAIRE BEAUCOUP PARLER D’EUX SUR
LA SCÈNE RAP FRANÇAISE. NOUS LES AVONS CROISÉS JUSTE APRÈS LEUR SORTIE
DE SCÈNE, ENCORE PLEINS D’ADRÉNALINE, POUR DISCUTER, NOTAMMENT, DE LA
SORTIE DE LEUR PREMIÈRE MIXTAPE.
Comment s’est créé le collectif La Petite Ville ?
Milaise : J’ai créé LPV avec Kain à la va-vite, on voulait faire bouger la scène du Puy-en-Velay.
On savait qu’il y avait quelques rappeurs éparpillés alors on a monté un collectif. Teuskra nous
a rejoint un peu après. Et un an après la création, on a rajouté Sweno qui lui vient de Clermont.
Sweno : Au départ c’était pour un freestyle qu’on ne devait pas enregistrer, et puis finalement on
l’a sorti. Et comme le courant passait bien entre nous, qu’on était dans le même délire musical,
j’ai intégré La Petite Ville.
Kain : Pour l’instant on n’est que quatre MC, mais le projet c’est de faire rentrer des
photographes, des beatmakers… On veut créer un vrai collectif avec diverses facettes, et on est
ouvert à toutes les propositions.
La première Mixtape va bientôt sortir, qu’est-ce qu’on retrouve dessus ?
Milaise : Comme toutes les mixtapes, c’est assez large, on retrouve un peu de tout dedans. De
l’egotrip, des morceaux à thème…
Teuskra : Mais on a quand même essayé de garder un petit fil conducteur tout au long du projet,
même si on teste un peu tout.
Kain : On a un deal avec « Jacquie et Michel »aussi. Quand on a enregistré le morceau «
Gang Bang » de la Mixtape, on s’est dit que ce serait sympa de les contacter. Ils ont trouvé la
proposition drôle et ils ont dit oui. Nous ça nous fait marrer.
Sweno : On l’a enregistré au studio MCN à Croix de Neyrat. Et le mix final se fait au sudio
E-Mixing. C’est l’Alchimiste qui s’en occupe, il nous a vraiment aidé sur l’enregistrement, c’est un
mec super pro. Il doit aussi nous accompagner sur quelques dates en tant qu’ingénieur du son.
Comment vous vous êtes mis à écrire ? Et quels artistes vous ont marqué ?
Kain : Moi je grattais des textes au collège, mais sans les rapper. Je connaissais déjà Milaise à
cette époque, et je l’ai poussé à faire pareil. De là, on a naturellement commencé à les rapper.
C’est IAM qui m’a donné envie d’écrire.
Milaise : Moi j’écoutais énormément Booba, Lunatic, tout ça, je connaissais toutes ses paroles.
J’écoute beaucoup de rap français, j’aime le fait de prendre le texte et de chercher les sens
cachés dedans, le travail sur l’écriture.
Kain : En ce moment, on est pas mal sur la scène belge avec l’Or du Commun et Caballero qui
sont très chauds. Et puis on écoute tout ce qui se fait en rap américain.
Partager des scènes avec Al’Tarba ou Espiiem comme vous avez pu le faire, ça
représente quoi pour vous ?
Kain : Déjà c’est un kiff de gamins. Al’Tarba on écoutait ce qu’il faisait au lycée, et on se retrouve
à faire sa première partie pour la deuxième fois, c’est génial.
Milaise : Et puis ça permet de discuter avec ces artistes. Ils ont déjà vécu ce qu’on vit, donc
ils nous donnent des conseils, on apprend d’eux. Ça nous pousse à nous dépasser à chaque
fois aussi.
Vous avez longtemps rappé sur des Faces B, maintenant l’objectif c’est d’avoir
vos propres prods ?
Sweno : Quand on a lancé le projet de sortir un freestyle par semaine, c’était tout le temps sur
Face B. Maintenant qu’on commence à avoir une petite reconnaissance régionale, on a compris
qu’il nous fallait nos propres prods si on voulait vraiment avancer.
Milaise : Sur la Mixtape on a bossé avec des beatmakers. Zarka, Goomar, Keizan qui a remixé
un morceau de Youssoupha, Clyde Bessi, Biogen, et Nawen, un jeune qui a beaucoup de talent
et qui devrait aller loin.
Kain : Et puis on voudrait intégrer un beatmaker au collectif. Mais on ne veut pas se presser non
plus, on voudrait qu’il comprenne notre délire musical et qu’il colle à notre vision de la musique.
Le but ce n’est pas de prendre un beatmaker juste pour en avoir un.
Des projets à venir ?
Milaise : Un album avec la French Hope (Kain, Milaise, Teuskra), on avait mis le groupe de côté
pour tout donner sur la Mixtape, et là on va le relancer.
Sweno : Un projet solo pour moi.
Milaise : Kain et Teuskra sont aussi en train de réfléchir à un projet
solo. Et rien de prévu pour moi.
Un siècle après sa sortie en 1927, Metropolis fait figure de référence dans l’histoire
du cinéma, érigeant pour toujours ses décors démesurés et son esthétique
incroyable en archétypes d’un urbanisme futuriste, et réussissant surtout l’exploit
d’élever une œuvre de science-fiction, pour l’une des premières fois, au rang de film
engagé. Aujourd’hui culte, vénéré dans les conventions SF du monde entier, toujours
projeté et discuté dans les cinémas étudiants, ce film, pourtant au départ boudé du
public, influence plus que jamais toutes les formes d’expression artistique, faisant
son entrée aussi bien dans les centres d’art contemporain que dans les salles de
concerts, en témoignent nos invités d’un soir, Al’Tarba et DJ Nixon.
Pour ceux qui auraient
raté le train de la sciencefiction, Metropolis retrace
la révolte, aidée par un
androïde,
d’ouvriers
travaillant
dans
les
souterrains pour le bonheur
des bourgeois, qui vivent
en haut, dans les jardins
suspendus de la ville, en
l’an 2026. En 2014 (12
ans seulement avant que
l’action du film ne prenne
place) le regard de Fritz
Lang nous semble presque prophétique, tant le réalisateur a abordé de thèmes avant
ses homologues, et avant même que l’Histoire ne s’en charge. La déshumanisation
face à la technologie, l’intelligence artificielle, la montée du nazisme et autres
dictatures nous apparaissent de manière visionnaire, Charlie Chaplin, George Lucas
ou George Orwell ne les dénonçant à leur tour que plusieurs années après.
Si Metropolis a subi de nombreux liftings au fil des ans, faisant coexister des versions
aux durées, couleurs et musiques chaque fois différentes (Giorgio Moroder y est
même allé de son grain de sel !), c’est dans sa version intégrale, restaurée en 2011,
que l’on a préféré suivre - pendant près de trois heures tout de même ! - la lutte de
l’ouvrier Freder.
F.A.C est une publication de l’Association Pop Art,
délégataire de la Ville de Clermont-Ferrand pour la gestion de la Coopérative de Mai.
Licences 1-112 305 / 2-138 182 / 3-114 006.
Rue Serge Gainsbourg 63100 Clermont-Ferrand.
Tel. : 04 73 144 800 - www.lacoope.org
Numéro 36 – Juin 2014
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION / Didier VEILLAULT
REDACTION / Nicolas PELLAN, Adrien MIANAT, Damien TRIVIS et Julien CASENAVE
ILLUSTRATIONS / Clara CHELLE, William GRANGE (http://artwontwait.tumblr.com)
PHOTOGRAPHIES / Nicolas PELLAN, Julien CASENAVE
COORDINATION / Nicolas PELLAN, Julien CASENAVE
CONCEPTION GRAPHIQUE / Esther DECLUZET
IMPRESSION / Imprimerie Decombat
Tirage 500 exemplaires, dépôt légal à parution.
GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
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