Associations – Dossiers pratiques

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Associations – Dossiers pratiques
Associations – Dossiers pratiques
Le régime fiscal des
entreprises culturelles
(Dossier réalisé par Sébastien Desitter, In Extenso RhôneAlpes)
La plupart des associations redoutent de passer sous un régime fiscalisé. Pourtant,
dans le secteur culturel, ce changement peut, dans certains cas, permettre de réaliser
des excédents très utiles pour optimiser le fonctionnement de l’association.
Les entreprises culturelles relèvent des secteurs d’activités tels que le cinéma, le spectacle
vivant ou les musées.
Certaines entreprises culturelles, sous forme associative, ne sont pas soumises aux impôts
commerciaux. Les critères conduisant ces associations à être fiscalisées sont souvent, dans la
pratique, délicats à apprécier et certaines associations culturelles redoutent le passage à un
régime fiscalisé. Pourtant, dans le secteur culturel, la fiscalisation ne se traduit pas forcément
par un coût supplémentaire ; elle permet au contraire, parfois, de réaliser des économies.
Autrement dit, la fiscalisation, dans certains cas, permet d’optimiser les conditions de
fonctionnement de l’organisme.
Panorama de la fiscalité des entreprises culturelles
Les entreprises culturelles peuvent être classées en deux catégories :
•
•
celles qui sont fiscalisées de la même façon que toute autre entreprise (elles revêtent
parfois la forme associative) ;
celles qui ne sont pas fiscalisées, et qui revêtent toujours la forme associative.
Observons la situation des entreprises culturelles fiscalisées afin de présenter les règles des
différents impôts, comme la TVA, l’impôt sur le résultat, la contribution économique territoriale,
les taxes sur les salaires ou encore les taxes parafiscales qui peuvent s’appliquer à ces
structures.
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La TVA
Les règles en matière de TVA sont loin d’être simples pour le secteur culturel, la question la
plus délicate étant celle du taux applicable.
Outre le taux normal de TVA de 20 %, il existe trois taux réduits : 10 %, 5,5 % et 2,1 %,
exclusivement pour des opérations spécifiquement et limitativement prévues.
Opérations pouvant bénéficier du taux de 2,1 %
Il s’agit des recettes réalisées aux entrées des 140 premières représentations d’œuvres
dramatiques, lyriques, musicales ou chorégraphiques nouvellement créées, ou d’œuvres
classiques faisant l’objet d’une nouvelle mise en scène, ainsi que des spectacles de cirque
comportant exclusivement des créations originales conçues et produites par l’entreprise et
faisant appel aux services réguliers d’un groupe de musiciens (sauf dans des établissements
servant facultativement des consommations pendant le spectacle).
Opérations pouvant bénéficier d’un taux de 5,5 %
• les spectacles vivants : théâtre, cirque, concerts, variétés (sauf dans les
établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances) ;
• les concerts donnés dans des établissements où sont servies facultativement des
consommations pendant le spectacle et dont l’exploitant est titulaire de la licence
adéquate ;
• les droits d’entrée dans les salles de spectacles cinématographiques ainsi que des
cessions de droits patrimoniaux portant sur les œuvres cinématographiques
représentées au cours de festivals de cinéma ou des séances à caractère non
commercial (visées à l’article L. 214-1 du Code du cinéma et de l’image animée) ;
• les importations et acquisitions intracommunautaires d’œuvres d’art, d’objets de
collection ou d’antiquités ;
• les ventes de livres, y compris en téléchargement.
Opérations pouvant bénéficier du taux de 10 %
• la restauration sur place et les ventes à consommer sur place, à l’exception des
boissons alcooliques (taux normal), ou les ventes à emporter ;
• les foires, salons, expositions ;
• les droits d’entrée dans les parcs botaniques et zoologiques, les musées, les grottes et
sites, les expositions culturelles ;
• les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leurs auteurs ou ayants droit ;
• les cessions de droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de
l’esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les œuvres
cinématographiques (sauf respect de conditions particulières ouvrant droit au taux de
5,5 %) et sur les livres.
Opérations au taux normal de 20 %
Il s’agit de l’ensemble des autres opérations. À titre d’exemple, pour les entreprises culturelles
:
• ventes de DVD, disques ;
• ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une
consommation immédiate ;
• ventes de goodies et en général de tout type d’articles ;
• location de stands ;
• mise à disposition de films ;
• accès payant aux sites Internet.
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Obligations en matière de billetterie
« Sur les lieux où sont organisés des spectacles comportant un prix d’entrée, les exploitants
doivent délivrer un billet à chaque spectateur ou enregistrer et conserver dans un système
informatisé les données relatives à l’entrée, avant l’accès du spectateur au lieu du spectacle »
(article 290 quater du CGI).
Les articles 50 sexies B à H de l’annexe IV au CGI précisent les obligations en matière de
billetterie sous forme tant de carnet à souche qu’informatisée : numérotation, contenu, durée
de conservation, synthèse quotidienne ou de fin de représentation à effectuer…
L’impôt sur les résultats
L’imposition des résultats dépend de la forme juridique de l’entreprise culturelle.
Deux régimes existent : l’impôt sur les sociétés, pour les EURL ayant opté pour cet impôt,
SARL, SAS, SASU, SA, association fiscalisée, et l’impôt sur le revenu pour les entreprises
individuelles et les EURL sans option à l’impôt sur les sociétés.
Particularités pour les entreprises culturelles soumises à l’impôt sur le revenu
Les revenus étant parfois erratiques, avec des années plus ou moins bonnes, un mécanisme,
défini à l’article 100 bis du CGI, permet de lisser les résultats dans le secteur culturel, en
permettant d’être imposé sur la moyenne des trois dernières années, pour les personnes en
régime BNC qui œuvrent dans les domaines suivants : production littéraire, scientifique ou
artistique, les sportifs, les auteurs d’œuvres de l’esprit.
Ce mécanisme permet donc de gommer en partie la progressivité de l’impôt.
Il est par contre défavorable en cas de baisse des revenus. Le deuxième mécanisme
intéressant à appliquer est celui dit des « revenus exceptionnels ou différés », visé à l’article
163 du CGI. Il s’applique à toutes les entreprises culturelles passibles de l’impôt sur le revenu.
Les crédits d’impôt
À condition d’être fiscalisée, une entreprise culturelle est susceptible de bénéficier des
différents crédits d’impôts actuellement en vigueur :
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le CICE, crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’applique sans particularité dans les
entreprises culturelles soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, sur la
base de 6 % des rémunérations brutes pour les rémunérations versées en 2014 ;
le crédit d’impôt prospection commerciale, peu utilisé dans les entreprises culturelles, à
tort. Il vise à soutenir les entreprises qui exposent des dépenses pour exporter des
services ou des biens et qui embauchent spécifiquement un salarié. Il s’élève à 50 % des
dépenses (limitées à 40 k€) telles que des salons ;
le crédit d’impôt « métiers d’art », soit 10 % des dépenses de création, montant porté à 15
% pour les entreprises portant le label « entreprise du patrimoine vivant ». Sont
concernées les entreprises citées dans la liste des métiers d’art établie par un arrêté du 12
décembre 2003, comme par exemple costumier, décorateur de théâtre, restaurateur
d’instruments de musique… ;
le crédit d’impôt cinéma et le crédit d’impôt audiovisuel (articles 220 sexies, 220 F, et 223
O du CGI) qui concernent les entreprises de production cinématographique et
audiovisuelle, soumises à l’impôt sur les sociétés, qui réalisent des œuvres de longue
durée, des œuvres de fiction, des documentaires ou des œuvres d’animation agréées par
le CNC, sous réserve de certaines conditions liées notamment au lieu de réalisation. Il
s’élève à 20 % des dépenses éligibles ;
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le crédit d’impôt musique, qui concerne les entreprises de production phonographique au
sens de l’article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle. Il s’élève, lorsque les
conditions sont remplies, à 20 % des dépenses éligibles (articles 220 octies, 220 Q du
CGI).
La contribution économique territoriale
Les entreprises culturelles sont soumises à la contribution économique territoriale (CET), qui
se décompose entre la contribution foncière des entreprises (CFE) et la contribution sur la
valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Cette dernière n’est appelée qu’au-dessus de 500 000 € de chiffre d’affaires.
Certaines entreprises de spectacle vivant (théâtres, concerts symphoniques, spectacles
musicaux et de variétés…) et établissements de spectacles cinématographiques peuvent, sur
délibération spécifique des collectivités locales, bénéficier de l’exonération de la CFE.
La taxe sur les salaires
Une entreprise dont tous les produits sont soumis à TVA n’est pas soumise à la taxe sur les
salaires.
Celles dont plus de 10 % des produits ne sont pas soumis à TVA sont soumises à la taxe sur
les salaires sur une fraction des rémunérations versées. À cet égard, la perception de
subventions ou dons peut faire entrer leurs bénéficiaires dans le champ d’application de cette
taxe.
Les entreprises culturelles ne bénéficient d’aucune exonération spécifique, mais celles qui
sont constituées sous forme d’association bénéficient d’un abattement de 20 000 € sur la taxe
due.
La taxe sur les salaires représente généralement entre 7 % et 10 % des salaires bruts. Le taux
est progressif selon le salaire annuel brut de chaque salarié (quatre tranches, la plus élevée
étant de 20 % sur la fraction des rémunérations individuelles taxable qui excède 151 207 €).
Exemple :
Une entreprise culturelle enregistrant 130 000 € de produits répartis comme suit :
billetterie soumise à TVA : 40 000 € ;
ventes boutique : 30 000 € ;
subventions non soumises à TVA : 50 000 € ;
dons : 10 000 €.
Les 60 000 € de produits non soumis à TVA (50 000 € de subventions et 10 000 € de dons)
conduisent l’entreprise à acquitter la taxe sur les salaires selon un coefficient de
60 000/130 000 = 46 %.
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Les taxes affectées
Il s’agit des taxes anciennement qualifiées de « taxes parafiscales » : outre celles qui sont
spécifiques à chaque domaine d’activité (cinéma, spectacles vivants, éditions d’ouvrages…),
que les entreprises culturelles maîtrisent bien, il convient de mentionner une taxe souvent
oubliée à tort : la taxe Ecofolio sur l’émission de papier, catalogues, prospectus…
Elle s’élève à 50 € la tonne. La déclaration est obligatoire au-delà de 5 tonnes par an, et en
cas d’omission, l’amende administrative peut atteindre 7 500 € la tonne.
Les retenues à la source
Les entreprises culturelles peuvent être redevables de quatre types de retenues à la source à
verser au Trésor public.
Retenues à la source sur les rémunérations versées à des intervenants non
domiciliés en France
Ces retenues à la source sur les rémunérations s’appliquent :
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en cas de paiement d’un intervenant sous forme de facture (y compris honoraires)
domicilié dans un autre pays, qui réalise pour l’entreprise culturelle une prestation non
commerciale, comme par exemple l’intervention à une conférence, l’article 182 B du CGI
prévoit une retenue à la source de 33 1/3 % du montant brut versé, les conventions
internationales éventuellement applicables (la France est partie à une convention avec
près de cent quarante pays ou territoires) pouvant prévoir un taux plus faible, voire une
exonération ;
en cas de recours à des artistes étrangers (acteurs de cinéma, artistes de variété, chefs
d’orchestre…), le taux est réduit à 15 % des sommes versées (article 182 bis du CGI) ;
en cas de recours à un intervenant rémunéré sous forme de salaire, le taux est progressif
et calculé selon la durée de la période rémunérée. Par exemple, pour une intervention
d’une semaine, le prélèvement à la source est de 0 % jusqu’à 274 €, 12 % de 274 € à 795
€, et 20 % au-delà (article 182 A du CGI).
Retenues à la source sur les rémunérations des intervenants domiciliés en
France
Certains auteurs (écrivains, compositeurs de musiques, auteurs d’oeuvres audiovisuelles…),
artistes (peintres, interprètes, graveurs, artistes du spectacle et leurs ayants droit) domiciliés
en France ont opté pour un prélèvement à la source de 15 %.
Cette option est ouverte aussi bien aux salariés qu’aux prestataires facturant une prestation
non commerciale.
L’entreprise qui doit une rémunération à une personne ayant opté pour l’application de la
retenue à la source doit verser cette dernière au Trésor et ne verse que le solde de la
rémunération brute convenue au bénéficiaire de la rémunération.
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Particularités fiscales des associations culturelles
Les entreprises culturelles peuvent revêtir la forme juridique d’une
association. Par principe, une association n’est pas fiscalisée, mais le statut
associatif ne garantit pas une absence systématique de fiscalisation.
Les trois critères que doit remplir une association pour ne pas être fiscalisée
sont :
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une gestion désintéressée ;
une activité non concurrentielle ; si l’activité est concurrentielle, l’association doit
l’exercer dans des conditions différentes des entreprises commerciales ;
l’absence de prestations sans contrepartie au profit d’entreprises à objet lucratif qui
retirent un avantage concurrentiel des prestations rendues par l’association.
Les associations culturelles fiscalisées
Les associations culturelles fiscalisées présentent les mêmes caractéristiques que les
entreprises culturelles, à l’exception de l’abattement de taxe sur les salaires forfaitaires de
20 000 € à partir du 1er janvier 2014 et du traitement de la TVA des subventions perçues.
Les subventions perçues sont-elles passibles de la TVA ? La réponse est négative d’une
manière générale, sauf dans deux cas : lorsque la subvention est un « complément de prix »,
ou lorsqu’il existe une contrepartie au bénéfice de la collectivité publique qui la verse.
La subvention « complément de prix » se rencontre, par exemple, lorsqu’une ville confie en
délégation de service public la gestion d’une salle de spectacle à une association, lui
demande une politique tarifaire adaptée à certains publics (jeunes, demandeurs d’emplois…),
et lui octroie une subvention dont le mode de calcul repose sur le différentiel de prix.
La subvention « contrepartie » se rencontre, par exemple, lorsqu’une ville octroie une
subvention à une association pour diffuser tel jour un spectacle en plein air, gratuit, avec
distribution de flyers.
Dans ce cadre, la collectivité achète un service pour ses administrés ou visiteurs.
Inversement, si la collectivité octroie une subvention à une association pour soutenir son
action d’intérêt général en faveur de la culture, il n’y a pas de contrepartie identifiée et donc
pas de TVA.
Les associations culturelles non fiscalisées
Les associations culturelles non fiscalisées sont redevables des impôts et taxes suivants :
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taxes affectées, dans les mêmes conditions que les entreprises fiscalisées ;
retenues à la source à appliquer à certains prestataires ou salariés, dans les mêmes
conditions que les entreprises fiscalisées ;
impôt sur les revenus patrimoniaux (placements financiers, locations immobilières) ;
taxe sur les salaires, avec l’abattement de 20 000 € ;
TVA en tant que client, dans le sens où leurs achats sont grevés de la TVA non
récupérable.
L’intérêt ou non pour une association d’être fiscalisée
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La fiscalité peut être, dans certains cas, une opportunité pour les entreprises culturelles.
Avec fiscalité, l’association culturelle doit collecter de la TVA sur une partie de ses produits
(billetterie, recettes annexes) mais pas sur ses subventions en l’absence de contrepartie
consentie directement à la partie versante.
Inversement, elle peut déduire la TVA sur ses achats, obtenir un crédit d’impôt compétitivité
emploi sur sa masse salariale et réduire sa taxe sur les salaires.
À l’inverse, si elle perçoit des revenus mobiliers, notamment des intérêts, elle ne peut plus
bénéficier du taux réduit d’impôt de 24 % applicable aux collectivités sans but lucratif, mais
relève du taux normal de l’impôt sur les sociétés de 33 1/3 %, sauf si l’association fiscalisée
est une PME, auquel cas une partie de son bénéfice fiscal, 38 120 €, peut être soumise au
taux de 15 %.
Nous avons retenu l’exemple d’une association organisatrice d’un festival de cinéma.
Il ne s’agit que d’un exemple dont aucune conclusion hâtive ne doit être tirée.
Chaque association culturelle pourra étudier son cas, en n’oubliant pas que la fiscalisation
entraîne une complexité plus grande, que certains dispositifs fiscaux peuvent être temporaires
(CICE) et que la fiscalité est susceptible d’évoluer.
Un diagnostic fiscal s’impose donc à l’entreprise culturelle pour permettre de s’assurer
qu’elle n’oublie à tort :
• ni certains impôts dont elle peut être redevable, le coût d’un redressement fiscal
pouvant compromettre sa continuité d’exploitation ;
• ni de tirer parti de certaines opportunités fiscales.
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