Contrôle et supervision des opérations de titrisation Marché financier

Transcription

Contrôle et supervision des opérations de titrisation Marché financier
Marché financier
Contrôle et supervision des opérations de
titrisation
Matthieu Taillandier
Avocat à la Cour
Arendt & Medernach
...........................................................................................................................................................................................
2.
Après avoir été accusée de tous les maux à l’occasion
de la crise des subprimes et après avoir fortement diminué depuis cette même crise, la titrisation semble
aujourd’hui retrouver la faveur des politiques qui,
hier encore, souhaitaient qu’elle disparaisse. Le président de la Banque Centrale Européenne, Mario
Draghi a, depuis plusieurs mois déjà et encore tout
récemment, exprimé l’espoir qu’il met dans la titrisation, notamment comme outil afin de relancer les
prêts des banques aux petites et moyennes entreprises de l’Union Européenne. D’autres n’ont pas
manqué de souligner l’intérêt de la titrisation pour
les banques face aux nouvelles contraintes réglementaires, notamment en matière de capitaux
propres. Certains même n’hésitent pas à croire que
la titrisation est en cours de réhabilitation, sentiment
soutenu par des propos tel que ceux tenus par Yves
Mersch qui a récemment affirmé son soutien au marché de la titrisation, source alternative de financement. Yves Mersch a, par la même occasion, rappelé
que l’expérience européenne de la titrisation était
très différente de l’expérience américaine dans la
mesure ou, entre mi-2007 et la fin du premier trimestre de 2013, le taux de défaut des ABS en Europe
s’élevait à 1,4% alors qu’il s’établissait à 17,4% aux
Etats Unis1.
6
7
1. La loi Titrisation – Un contrôle
externe limité
L’article 1er de la loi du 22 mars 2004 relative à la
titrisation (la «Loi Titrisation») définit une opération
de titrisation comme l’«opération par laquelle un organisme de titrisation acquiert ou assume, directement ou par l’intermédiaire d’un autre organisme, les
risques liés à des créances, à d’autres biens, ou à des
engagements assumés par des tiers ou inhérents à tout
ou partie des activités réalisées par des tiers en émettant des valeurs mobilières dont la valeur ou le rendement dépendent de ces risques». Cette définition est,
comme le souligne le législateur lui-même, volontairement très large afin de ne pas brider l’imagination
de la pratique et de permettre d’embrasser tout type
d’opérations de titrisation via tout type de techniques.
......................................................................................................................
TABLE DES MATIÈRES
La loi Titrisation – Un contrôle externe limité
1.1. Le contrôle opéré par les investisseurs sur le véhicule
de titrisation
1.2. Le réviseur d’entreprise
1.3. Le contrôle prudentiel
5
......................................................................................................................
Les signes encourageants qui commencent à se
concrétiser dans les chiffres et l’entrée en vigueur récente de la loi AIFM sont l’occasion pour nous d’étudier les différents contrôles qui s’exercent sur un véhicule de titrisation luxembourgeois.
1.
Réglementation européenne – un champ réglementaire
complet mais un contrôle restant restreint
2.1. Surveillance statistique opérée par la Banque Centrale
Européenne
2.2. Titrisation et AIFMD
Autant qu’il a souhaité qu’un éventail aussi large que
possible d’opérations de titrisation puisse se faire sous
l’égide de la Loi Titrisation, le législateur a souhaité
limiter au strict nécessaire les contrôles externes exercés sur les opérations de titrisation. Il convient de
s’arrêter sur le contrôle effectué par les investisseurs
eux-mêmes sur le véhicule (1.1.) avant d’analyser les
particularités du contrôle opéré par le réviseur d’entreprise (1.2.) et sur le contrôle exceptionnellement
exercé par la Commission de Surveillance du Secteur
Financier (1.3.).
3
3
4
5
1.1. Le contrôle opéré par les investisseurs sur
le véhicule de titrisation
Tout véhicule de titrisation prenant la forme d’une société de titrisation revêt tous les attributs communs
d’une société de capitaux régie par la loi sur les socié-
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
1.
Discours de Monsieur Yves Mersch, Membre du directoire de la Banque
Centrale Européenne prononcé à l’institut des affaires européennes internationales le 7 février 2014 à Dublin.
Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg
ACE 2014/3 – 3
Marché financier
tés commerciales. Pour les investisseurs actionnaires,
la Loi Titrisation ne prévoit pas de dispositions particulières, ce qui ne manque pas de créer d’ailleurs certains problèmes pratiques, notamment lorsque
coexistent plusieurs compartiments financés par
émissions d’actions. Pour les investisseurs obligataires, La Loi Titrisation prévoit le droit d’exercer collectivement leurs droits d’obligataires. Faute de disposition particulière dans la documentation d’émission des valeurs mobilières, l’assemblée générale des
obligataires se réunira et délibérera conformément aux
règles établies en la matière par la loi sur les sociétés
commerciales. Cependant la Loi Titrisation ne se
contente pas de ce renvoi général et permet expressément que la documentation d’émission des obligations
puisse déroger à ces règles de droit commun des sociétés afin de fixer les règles propres au véhicule. Il
n’est de fait en pratique pas rare de voir mis en place
un aménagement ou une exclusion et un remplacement total des dispositions de droit commun par des
règles de fonctionnement propres à l’assemblée obligataire d’un véhicule ou d’un compartiment, soit pour
les renforcer, soit pour les alléger.
ou ce qui n’avait pas été prévu à l’origine, en matière
de cession d'actifs, sans avoir recours à l’assentiment
des investisseurs.
Il convient enfin de mentionner ici que la Loi Titrisation donne la possibilité aux investisseurs et créanciers d’un véhicule de titrisation de confier la gestion
de leurs intérêts à un représentant fiduciaire. Ce représentant peut, conformément à la Loi Titrisation, se
voir confier les fonctions de représentant de la masse
des obligataires mais encore la possibilité d’agir pour
les investisseurs de manière fiduciaire. Si la Loi Titrisation prévoit la possibilité de céder au représentant
fiduciaire un certain nombre de droits, fort est de
constater que cette représentation, obligatoire dans
certains pays, et qui n’est qu’optionnelle au Luxembourg, n’a pas rencontré de succès. Aucun représentant-fiduciaire, activité soumise à l’agrément du Ministre ayant dans ses attributions la CSSF, n’a été à ce
jour agréé au Luxembourg. Ce rôle, lorsqu’il existe, est
généralement dévolu à un représentant fiduciaire
étranger.
1.2. Le réviseur d’entreprise
La Loi Titrisation opère par ailleurs un renforcement
très important et parfois méconnu des droits des investisseurs (que ceux-ci soient obligataires ou actionnaires) par le biais de l’article 61 de la Loi Titrisation,
une des dispositions centrale de la Loi Titrisation avec
la compartimentalisation et les mécanismes de protection contre la faillite2.
L’article 61 (1) de la Loi Titrisation pose le principe
qu’un organisme de titrisation ne peut pas céder ses
actifs, sauf si une telle cession est prévue par ses statuts ou son règlement de gestion. L’objectif de cet article est de protéger les investisseurs contre une cession de ses actifs par l’organisme de titrisation dans la
mesure où les biens ou créances acquis par cet organisme constituent la garantie essentielle des investisseurs dans les titrisations d'actifs3.
La protection des investisseurs est assurée par la transparence dans laquelle des cessions d’actifs, si permises, doivent intervenir. L’autorisation de principe
et les modalités des cessions doivent être prévues par
les documents constitutifs de l'organisme de titrisation. En pratique, les documents constitutifs vont souvent permettre les cessions d’actifs dans leur principe
et renvoyer aux documents d’émission pour les modalités dans lesquelles ces cessions doivent intervenir.
Les documents d’émissions doivent dans ce cas prévoir pour chaque émission la procédure de prise de
décision et les modalités de la cession des risques
titrisés4.
La société ne saurait déroger à ce qui avait été prévu,
En droit commun, les comptes d’une société sont surveillés par le commissaire, un réviseur d’entreprise
n’étant requis que lorsque la société dépasse un certain nombre de seuils. Le législateur a estimé qu’il était
nécessaire qu’un réviseur d’entreprise agréé intervienne systématiquement dans les véhicules de titrisation. La Loi Titrisation rend donc obligatoire la nomination d’un réviseur d’entreprise agréé dans tous
les véhicules de titrisation et les dispense par ailleurs
de nommer un commissaire.
De même, en droit commun, le ou les réviseurs sont
désignés par les actionnaires, étant entendu qu’au
moment de la constitution de la société, la désignation du contrôleur légal des comptes se fait dans les
statuts ou lors de l’assemblée générale qui suit immédiatement la constitution. Compte tenu du nombre
minimal d’actionnaire(s) et de leur passivité dans la
plupart des opérations de titrisation, il était difficilement envisageable de déléguer la nomination de cet
acteur clé aux actionnaires du véhicule de titrisation.
C’est pourquoi la Loi Titrisation prévoit que le réviseur d’entreprise est désigné par le conseil d’administration pour les sociétés de titrisation, ou par la société de gestion pour les fonds de titrisation.
Si sa nomination est en tout cas nécessaire et que son
mode de désignation est spécifique, le rôle du réviseur d’entreprise est quant à lui standard dans la mesure cependant où son rôle est celui qui lui est dévolu
en droit commun des sociétés commerciales, et ce, que
le véhicule de titrisation ait la forme d’une société de
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
2.
Voir sur les mécanismes de protection contre la faillite, P. Dupont dans La
Titrisation, sous la direction d’André Prüm, Anthémis 2008, pp. 61-73.
4 – ACE 2014/3
3.
4.
Cf. commentaire de l’article 61 du projet de loi n°5199 relative à la titrisation.
Cf Questions /Réponses CSSF, p. 14.
ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer
Contrôle et supervision des opérations de titrisation
titrisation ou d’un fonds de titrisation.
tinées au public, indépendamment de leur coupure. La qualification de placement privé doit être
appréciée au cas par cas selon les moyens de communication utilisés et la technique employée pour
la distribution des valeurs mobilières.
1.3. Le contrôle prudentiel
Il convient de préciser de manière liminaire que l’agrément des véhicules de titrisation reste exceptionnel.
En pratique, il est intéressant de noter qu’alors que le
nombre de véhicules de titrisation flirte avec le millier, seuls 315, tous des sociétés, sont réglementés.
Avec environ 3% des véhicules existants réglementés, il est aisé de conclure que l’agrément reste l’exception. Il est utile de noter que cette situation correspond tout à fait à la volonté du législateur qui a
souhaité que les véhicules de titrisation restent autant
que possible en dehors du contrôle de l’autorité réglementaire nationale. Autorité réglementaire qui, ellemême, accepte d’agréer un véhicule de titrisation uniquement si celui-ci remplit les critères de la loi qui le
contraignent à demander cet agrément et refuse qu’un
véhicule qui ne le nécessite pas puisse faire l’objet
d’un agrément.
En vertu de la Loi Titrisation, seuls les organismes de
titrisation qui émettent en continu des valeurs mobilières à destination du public doivent être agréés par
la Commission de surveillance du Secteur Financier
(la «CSSF») pour exercer leurs activités6. Les deux critères sont cumulatifs.
En l’absence de disposition législative particulière, la
CSSF a établi ses propres critères, restés inchangés
depuis lors.
Selon ces critères, l’émission de valeurs mobilières est
continue si l’organisme de titrisation procède à plus
de trois émissions par an7, toutes les émissions de tous
les compartiments du véhicule de titrisation étant à
prendre en compte.
En ce qui concerne l’émission de valeurs mobilières à
destination du public, la CSSF a dégagé les critères
d’appréciation8 suivants:
– Les émissions destinées à des clients professionnels au sens de l’annexe II de la directive 2004/
39/CE ne constituent pas des émissions destinées
au public.
– Les émissions dont les coupures sont égales à ou
dépassent 125.000 euros sont présumées ne pas
être destinées au public.
– La cotation d’une émission sur un marché réglementé ou alternatif n’entraîne pas ipso facto que
cette émission est présumée être destinée au public.
– Les émissions distribuées sous la forme de placements privés ne constituent pas des émissions des-
Ainsi, ce n’est qu’à partir du moment où un organisme
de titrisation envisagerait de faire plus de trois émissions par an et pour autant que ces émissions seront
considérées comme à destination du public que cet
organisme sera tenu de solliciter un agrément de la
CSSF avant de commencer ses activités.
Une fois le véhicule de titrisation agréé – ce qui impliquera que la CSSF ait eu l’occasion de revoir et d’approuver la documentation de base ainsi que les projets des documents relatifs à la première émission de
valeurs mobilières ou, pour les organismes de titrisation en activité, les contrats d’émissions et autres documents relatifs aux valeurs mobilières déjà émises -,
la surveillance prudentielle exercée par la CSSF sur
les véhicules de titrisation réglementés est limitée. La
CSSF n’exercera qu’un contrôle a posteriori des opérations de titrisation. Les véhicules de titrisation ne
devront, en effet, communiquer à la CSSF la documentation relative aux différentes opérations effectuées
qu’une fois cette documentation finalisée. La CSSF
n’aura pas à approuver, a priori, chacune des opérations effectuées par le véhicule de titrisation.
Les seuls éléments pour lesquels La CSSF devra donner son accord préalable sont les modifications apportées aux documents constitutifs de l’organisme de
titrisation, ses changements de dirigeants ou de réviseur d’entreprises ainsi que toute modification du
contrôle de la société de titrisation ou de la société de
gestion.
2. Réglementation européenne – un
champ réglementaire complet mais un
contrôle restant restreint
La crise financière a impulsé une vague de réglementations qui continue d’inonder le secteur financier.
Etrangement, alors que les titrisations incontrôlées des
années 2000 furent accusées d’être à l’origine de la
crise des subprimes, la titrisation apparaît relativement épargnée par les nouvelles règles qui ne la visent
que rarement directement. Nous n’étudierons pas ici
les conséquences du Règlement CRD IV9, d’application directe au Luxembourg depuis le 1er janvier 2014
qui, tout en impactant directement les véhicules de
titrisation, fait peser ses contraintes sur les établisse-
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
5.
Tel qu'apparaissant sur la liste officielle des organismes de titrisation agréés,
disponible sur le site internet de la CSSF au 5 mars 2014.
Article 19 (1) de la Loi Titrisation.
Questions / Réponses CSSF, p. 5.
8.
9.
Questions / Réponses CSSF, p. 5.
Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement Européen et du Conseil du
26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.
Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg
ACE 2014/3 – 5
6.
7.
Marché financier
ments de crédit qui cependant, s’ils ne veulent pas
que leur bilan soit impacté négativement, devront
veiller à la structuration des opérations de titrisation
auxquelles ils participent. Il est intéressant cependant
de noter que ce règlement fait rentrer en droit national
une nouvelle définition de ce qu’est une opération de
titrisation (essentiellement basée sur le tranching) et
différente à nouveau des autres définitions qui cohabitent déjà dans notre droit. Il est à noter que d’autres
réglementations récentes tel qu’EMIR10 ou celles relatives aux agences de notation11, tout en ne visant pas
les opérations de titrisation, impactent directement la
charge réglementaire applicable à ces opérations,
consommatrices habituelles d’instruments dérivés,
d’une part, et de notations financières, d’autre part.
Une des premières réglementations ayant directement
visé le secteur de la titrisation est le règlement de la
Banque Centrale Européenne (la «BCE»), très récemment remanié, qui vise à permettre à la BCE de collecter des informations statistiques «adéquates sur les
activités financières du sous-secteur des véhicules de
titrisation dans les Etats membres dont la monnaie est
l’euro» (2.1.). L’impact sur les véhicules de titrisation
luxembourgeois d’une autre réglementation récente,
la loi relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, mérite aussi d’être étudié (2.2.).
2.1. Surveillance statistique opérée par la
Banque Centrale Européenne
Dès décembre 2008, afin d’être en mesure de connaître
et d’appréhender le volume d’actifs détenus par les
véhicules de titrisation dans la zone euro, la Banque
Centrale Européenne a pris un règlement12(le «Règlement BCE») afin d’obliger tous les véhicules de titrisation à déclarer leurs actifs auprès de leur banque centrale nationale, à charge pour celle-ci de faire remonter
les informations collectées, auprès de la BCE. Ce règlement a été récemment refondu par un nouveau règlement du 18 octobre 201313 qui sera applicable à
compter du 1er janvier 2015 (le «Règlement BCE Refondu»). La récente refonte avait pour but principal
d’harmoniser les obligations de déclaration des véhicules de titrisation avec celles imposées aux institutions financières monétaires dans un autre règlement
de septembre 201314.
Au vu de ses objectifs, le Règlement BCE a adopté une
définition large de la titrisation afin de faire tomber
un maximum de véhicules dans son champ d’application pour qu’un maximum de données puisse être collecté.
Ainsi, le Règlement BCE Refondu définit la titrisation
comme étant «une opération par laquelle ou un montage par lequel une entité distincte de l’initiateur ou
de l’entreprise d’assurance ou de réassurance qui a
été créée en vue de l’opération ou du montage ou est
utilisée aux fins de cette opération ou de ce montage,
émet des instruments de financement destinés à des
investisseurs, et:
a) un actif ou un panier d’actifs, ou une partie de celui-ci, est cédé à une entité distincte de l’initiateur
qui a été créée en vue de l’opération ou du montage ou est utilisée aux fins de celle-ci ou de celuici, soit par le transfert, par l’initiateur, de la propriété juridique ou effective des actifs, soit au
moyen d’une sous-participation; et/ou
b) le risque de crédit lié à un actif ou à un panier
d’actifs, ou une partie de celui-ci, est transféré, par
le recours à des dérivés de crédit, à des garanties
ou à tout mécanisme similaire, aux investisseurs
qui acquièrent les instruments de financement
émis par une entité distincte de l’initiateur qui a
été créée en vue de l’opération ou du montage ou
est utilisée aux fins de celle-ci ou de celui-ci; et/ou
c) les risques d’assurance sont transférés d’une entreprise d’assurance ou de réassurance à une entité distincte qui est créée en vue de l’opération ou
du montage ou est utilisée aux fins de celle-ci ou
de celui-ci, l’entité finançant entièrement son exposition à ces risques par l’émission d’instruments
de financement et les droits de remboursement des
investisseurs dépendant des engagements de réassurance de l’entité;
En cas d’émission de tels instruments de financement, ceux- ci ne représentent pas les obligations
de paiement de l’initiateur ni celles de l’entreprise
d’assurance ou de réassurance».
En application de la définition ci-dessus, il apparaît
que certains véhicules de titrisation au sens de la Loi
Titrisation pourraient être exonérés de cette obligation
statistique. En pratique l’approche suivie par la
Banque Centrale Luxembourgeoise (la «BCL») est que
tous les véhicules de droit luxembourgeois qui se soumettent à la Loi Titrisation sont par ailleurs soumis à
une obligation de déclaration initiale auprès de la
BCL. Il convient par ailleurs de noter que dans la mesure où, en droit luxembourgeois, les véhicules soumis à la Loi Titrisation n’ont pas le monopole sur les
opérations de titrisation, il est tout à fait envisageable
que des véhicules non régis par la Loi Titrisation effectuent des opérations de titrisation au sens du Règlement BCE et soient dès lors contraints de respecter
les obligations de déclarations fixées par le Règlement
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
10.
11.
12.
Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement Européen et du Conseil du
4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.
Règlement (CE) nº 1060/2009 du Parlement Européen et du Conseil du
16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit.
Règlement (CE) nº 24/2009 de la Banque Centrale Européenne du 19 décembre 2008 relatif aux statistiques sur les actifs et les passifs des sociétés
écrans effectuant des opérations de titrisation.
6 – ACE 2014/3
13.
14.
Règlement (UE) nº 1075/2013 de la Banque Centrale Européenne du 18 octobre 2013 relatif aux statistiques sur les actifs et les passifs des véhicules
de titrisation.
Règlement (UE) nº 1071/2013 de la Banque Centrale Européenne du 24 septembre 2013 concernant le bilan du secteur des institutions financières
monétaires.
ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer
Contrôle et supervision des opérations de titrisation
BCE. En tout état de cause, tout véhicule effectuant
des opérations de titrisation au sens du Règlement
BCE doit se déclarer spontanément auprès de la BCL
dans la semaine suivant le début de son activité.
Une fois cette déclaration initiale effectuée, seuls les
véhicules de titrisation, dont le bilan dépasse, tous
compartiments consolidés, le seuil de 70 millions
d’euros15, sont soumis à obligation de déclaration. Les
autres véhicules de titrisation sont exonérés de toute
déclaration périodique et peuvent se contenter de
communiquer annuellement leurs comptes à la BCL
dans la mesure ou ceux-ci ne seraient pas publiés.
Les obligations de déclaration applicables aux véhicules de titrisation concernent les encours des actifs
et passifs des véhicules de titrisation, d’une part, et
les transactions effectuées par les véhicules de titrisation, d’autre part.
S’ajoute, depuis le 1er février, à cette collecte d’information trimestrielle une collecte d’information mensuelle titre par titre, visant à dresser un tableau statistique détaillé de la totalité des titres détenus par un
véhicule de titrisation soumis à obligation de déclaration.
2.2. Titrisation et AIFMD
La petite révolution qu’entraîne dans les fonds d’investissements la transposition de la Directive 2011/
61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin
2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement
alternatifs (la «Directive GFIA») a aussi des conséquences en matière de titrisation.
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, la
définition de titrisation retenue par la Loi Titrisation
est très large. Il est intéressant de noter que celle retenue par la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (la «Loi
GFIA») transposant en droit luxembourgeois la Directive GFIA, bien que différente n’en est cependant pas
moins large.
La Loi GFIA ne définit d’ailleurs pas directement la
titrisation mais, tout comme la Directive GFIA, le fait
par un renvoi au Règlement BCE.
Comme nous avons pu le mentionner ci-dessus, aux
vues de ses objectifs, le Règlement BCE a adopté une
définition large de la titrisation afin de faire tomber
un maximum de véhicules dans son champ d’application pour qu’un maximum de données puisse être collecté.
Le Parlement européen et le Conseil ont par renvoi au
Règlement BCE, utilisé cette même définition afin cependant cette fois d’exclure les véhicules de titrisation
du champ d’application de la Directive GFIA.
C’est donc via un jeu de billard à trois bandes que la
Loi GFIA exclut les véhicules de titrisation de son
champ d’application. Cependant, étant donné que la
Loi GFIA utilise une définition autonome de la titrisation, chaque véhicule de titrisation effectuant une activité de titrisation au sens de la Loi Titrisation doit
analyser ses activités au sens de la Loi GFIA afin de
savoir si celles-ci tombent ou ne tombent pas dans le
champ d’application de la Loi GFIA.
La Loi GFIA dispose à son article 2 (2) q) qu’elle ne
s’applique pas aux «structures de titrisation ad hoc».
Structures de titrisation ad hoc est défini à l’article 1
(64) de la Loi GFIA comme étant «des entités dont le
seul objet est de réaliser une ou plusieurs opérations
de titrisation au sens de l’article 1er, point 2), du Règlement BCE».
Il est notable que les critères fixés par le Règlement
BCE rappelés ci-dessus sont très similaires à ceux
posés par la Loi Titrisation. Cependant, la définition
du Règlement BCE fait référence à la cession d’actif
alors que la Loi Titrisation fait référence à la prise en
charge de risque. Il apparaît donc clairement qu’afin
de qualifier de titrisation au sens du Règlement BCE,
le risque titrisé devra être transféré au véhicule de
titrisation. L’octroi de prêt par le véhicule de titrisation, permis sous certaines limites pour un véhicule
de titrisation, ne peut donc qualifier de titrisation au
sens du Règlement BCE.
Tous les véhicules de titrisation agissant en vertu de
la Loi Titrisation et dont les activités tombent par
ailleurs sous la définition de titrisation du Règlement
BCE sont exclus du champ d’application de la Loi
GFIA.
Les autres seront en application de la Loi GFIA susceptibles de qualifier de fonds d’investissement alternatif («FIA»).
Cependant, une analyse détaillée de la définition qui
est faite d’un fonds d’investissement alternatif par la
Loi GFIA permet d’exclure à nouveau un certain
nombre de véhicules de titrisation, au sens de la Loi
Titrisation, qui n’effectuent pas des titrisations au sens
du Règlement BCE mais qui ne remplissent pas non
plus les conditions afin de qualifier de FIA.
En effet, sont des fonds d’investissement alternatif au
sens de la Loi GFIA «des organismes de placement
collectif y compris leurs compartiments d’investissement, qui:
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
15.
Seuil d'exemption pour 2014, mis à jour et réduit par lettre circulaire de la
BCL du 9 décembre 2013.
Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg
ACE 2014/3 – 7
Marché financier
a) lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre
d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie,
dans l’intérêt de ces investisseurs; et
b) ne sont pas soumis à agrément au titre de l’article 5
de la directive 2009/65/CE».
Dès lors, tous les véhicules de titrisation dont les activités sont financées par émission de titres de dettes et
non par émission de titres de capital (typiquement un
véhicule orphelin constitué avec le capital minimum
applicable et financé exclusivement par émission
d’obligations) ne sont pas susceptibles de qualifier de
FIA et sont exclus du champ d’application de la Loi
GFIA que leur activité qualifie ou ne qualifie pas de
titrisation au sens de cette loi. Pour reprendre
l’exemple ci-dessus bien que ne qualifiant pas de titrisation au sens du Règlement BCE, les véhicules de
titrisation financés par émission de titres de dette et
octroyant des prêts ne tomberont pas dans le champ
d’application de la Loi GFIA, ne qualifiant pas de FIA
au sens de cette loi.
Enfin, un véhicule de titrisation dont l’activité ne
tomberait pas sous la définition de titrisation du Règlement BCE et qui serait financé par émission d’action ne serait pas soumis à la Loi GFIA dans la mesure
où il n’opérerait pas ses activités «conformément à une
politique d’investissement définie».
L’analyse ci-dessus fut récemment confirmée par la
CSSF qui a publié le 23 octobre 2013 une mise à jour
de ses «Questions Réponses Titrisation» afin de préciser l’impact en matière de titrisation de la Loi GFIA.
La CSSF renvoie tout d’abord, afin d’interpréter la définition d’opérations de titrisation telle qu’elle est is-
sue de la Loi GFIA, aux lignes directrices publiées au
courant du mois de février 2012 par la Banque Centrale Européenne16. A cet effet, la CSSF constate que
les opérations pouvant être qualifiées de titrisation au
sens de la Loi Titrisation mais ne tombant pas sous la
définition de titrisation au sens du Règlement BCE et
donc de la Loi GFIA sont principalement de deux
ordres: la titrisation de crédits octroyés directement
par le véhicule de titrisation et l’émission de produits
structurés ayant pour objet principal d’offrir une exposition synthétique à des actifs autres que des crédits
et où le transfert de risque de crédit n’est qu’accessoire.
Ayant fait ce constat, la CSSF rappelle cependant que
«indépendamment du fait qu’ils répondent ou non à
la définition de «structure de titrisation ad hoc» sous
la [Loi GFIA], les organismes de titrisation qui
n’émettent que des instruments de dette ne constituent
pas des FIAs». La CSSF renvoie notamment sur ce
point aux Questions/Réponses de la Commission Européenne du 25 mars 2013 considérant que sont, dans
le champ d’application de la Directive GFIA, les titres
représentant un droit de propriété dans [l’organisme
de titrisation] et excluant donc les titres de dettes qui
ne sont pas représentatifs d’un tel droit.
Il ressort de ce qui précède que si, en pratique et dans
la mesure où la Loi GFIA et la Loi Titrisation utilisent
deux définitions distinctes de ce qu’est une opération
de titrisation, tout véhicule de titrisation financé par
émission de capital ne pourra faire l’économie d’une
analyse détaillée, une très grande majorité des véhicules de titrisation luxembourgeois sont exclus du
champ d’application de la Loi GFIA.
..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
16.
Guidance note on the definitions of financial vehicle corporation and securitisation under regulation ECB/2008/30.
8 – ACE 2014/3
ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer