jackalope burger
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jackalope burger
jackalope burger — roman — par jim delarge 370 000 caractères (espaces compris) 65 000 mots 222 pages © jim delarge 2003 [email protected] 34 rue Debelleyme 75003 paris 06 70 70 97 89 -1- (…) chaque jour j’étais un peu plus en forme ma belle allure me revenait, mon moral remontait et ainsi au total, je vivais une époque heureuse. Denis Johnson Jesus’ Son Aujourd’hui ? On est jeudi. Jeudi 19 décembre. Année 2002. Et là je me retrouve à cinq minutes près au dixième anniversaire de sa mort. Alors en rentrant chez moi avec ma Valérie en tête je tape ce texto à 05h47 : « On pense toujours à toi. Tu manques. M. » Un palliatif que j’envoie à douze filles dont je tairai les noms ici. De toutes façons aucune ne s’appelle Valérie. Après ? Quelque chose ne colle toujours pas et je décide d’en finir avec White Female #0 puisque la sculpture la nuit a toujours fait partie de mes hobbies alors comme on dit j’oublie tout et tout va mieux. 10h06. Je dors toujours et G une réalisatrice rousse bonnet E me laisse ceci sur mon répondeur : « Oui. Mickey. Comme réveille-matin à six heures du mat’ j’ai eu mieux je te promets. On pense toujours à toi. Tu manques. Après le reste est inaudible. Aime ? Mais alors pourquoi t’es pas venu à ma projection petit lapin ? En tout cas ne me laisse plus jamais ce genre de message. D’une voix métallique ça fait peur. Ça me rend paranoïaque. Une voix de femme en plus. D’ordinateur. Beurk. Utilise ta vraie voix Mickey c’est beaucoup mieux comme ça. À très bientôt. Je t’embrasse quand même. » J’avais oublié que je n’avais que son fixe en mémoire et qu’un nouveau service Orange ânonnait les sms. -2- 11h32. Le vidéaste François-Xavier Tulart alias Fix ami de longue date fraîchement divorcé de son allemande Elke ou Heike me réveille avec son « merci de m’avoir enfin demandé pardon - la vie n’est que la vie - le futur est déjà du passé » texto incompréhensible puisque je croyais avoir uniquement demandé pardon avant-hier à Fariba ma décoratrice d’opéra au cul rebondi pour tout le mal que je viens de lui faire. Spécifier : Fix et Fariba se jouxtent dans la mémoire de mon Motorola. Simple erreur de curseur dans un répertoire. Vers midi ? Rage de dent. Excellente raison pour ne répondre à qui que ce soit et après avoir fait le plus grand des ménages je m’attable et fais des manières avec mon pied pacqué de la veille à la fois trop caramélisé et saccageur d’abcés. En guise de dessert je renvoie le texto de la nuit à un nouveau pack de douze mais cela avec de légères modifications : « Encore totalement déchiré je pense à toi (…). Je ne sais pas pourquoi. Tu manques. Mickey. » J’insère cette fois-ci le bon prénom dans le (…) en essayant de ne plus jamais intervertir mes destinataires. Ce qui prend un temps assez long puisque ce n’est plus un envoi en série mais douze envois de la copie avec insertion de prénom. En habitué de la procédure je m’en sors haut la main. Une infirmière de quarante ans – on va dire : D – brunette n°1 me tape presqu’aussitôt « appelle moi maintenant ». Seule réponse décidément. Du coup je veux bien l’appeler mais je me rends compte qu’elle ne se souvient pas trop de moi et ne comprend pas pourquoi elle est censée me manquer au bout de deux ans puisque qu’il ne s’est jamais rien passé de sérieux entre nous. -3- Au bout d’un certain temps D me demande quand même si j’ai une copine en ce moment. Je réponds : « Pas tellement. Et toi t’es célibataire ? — Oui je suis seule depuis quelques mois. » Ainsi je peux réserver ma soirée d’après-demain samedi 21 puisque je viens de donner rendez-vous à mon infirmière esseulée à 21h00 à la Belle Hortense le bar littéraire du 31 rue Vieille du Temple que j’affectionne encore malgré tout le temps que j’y ai perdu. 17h00 et quelques les affaires reprennent. C’est une seconde brunette mais à lunettes intra-pack n°1 26 ans dans les ONG qui m’appelle. Ça fait un an que je n’ai pas entendu sa jolie voix si claire et ça m’enchante maintenant. Brunette n°2 se révèle très enjouée au téléphone et commence même à diverger en parlant géopolitique et don de soi alors il faut que je lui fasse sentir sans trop la brusquer que je ne peux exceptionnellement pas trop discutailler là c’est vrai je suis en train de courir à mon rendez-vous chez ma dentiste rue Réaumur en tortillant à travers un vol assez compact de jeunes pédés cultureux alors je lui dis en bousculant l’une des taffioles que je m’excuse mais que là vraiment j’ai les tympans qui tapent parce qu’hier soir j’ai croqué un noyau d’olive si bien planqué dans le fromage d’une pizza livrée que je m’en suis éclaté une sagesse et que là donc il faut tout simplement que je fonce. On n’a toujours pas eu d’aventure avec ONG mais ça a failli quand elle m’a confié il y a un an qu’elle pouvait éventuellement déverser un flot conséquent de cyprine au moment de l’orgasme et qu’inquiète à ce propos à dix-huit ans elle était allée voir un sexologue qui lui avait confirmé que comme 8‰ des femmes elle pourrait encore à l’avenir déplorer noyer certains de ses petits camarades en cas de cunni ; ceci grâce à deux glandes extrêmement rares et prolifères à ce -4- stade dites de Sken situées de part et d’autre de ses petites lèvres car mutante c’est bel et bien une femme fontaine. Il y a un an je l’ai rassurée comme ça hey femme je crois bien qu’un jour je boirai de ton eau. Ce temps-là étant enfin venu j’exige de la voir le soir même. Mais comme elle a beaucoup de travail et part demain dans le nord fêter Noël chez sa grand-mère 8‰ me dit non alors on décide de se voir le 30 décembre au soir à mon propre retour du sud où je vais moi-même en famille festoyer comme un con. 20h et quelques alors que ma dentiste brunette n°3 mais version quinqua à lunettes a décrété il y a quelques heures qu’elle ne peut rien faire ni pour ma dent éclatée ni pour mon début d’abcès étant donné qu’elle n’opère pas à chaud je commence donc à m’enivrer tout doucement avec un blanc à vomir à la Belle Hortense sous Toprec antalgique et Birodogyl antibiotique. La Belle Hortense ? La librairie cave à vins à l’ambiance kaki très rasoir qui a su autoriser certains de mes débordements pour une raison que je n’ai toujours pas identifiée. Passablement excité je discute donc avec les unes et les autres puis je me vois offrant des roses et des verres en quantité à un savant mélange suédois gabonais esseulé au comptoir avec une paire de nattes. La métisse travaille au Centre Culturel Sarde. Une secrétaire qui se définirait comme assistante de direction. Je viens de faire la connaissance de brunette n°4. Quand elle est à point je lui fais essayer mon Stetson noir ce qui lui donne un sacré air de Comanche et nous rions beaucoup et minaudons jusqu’à ce que tout haut je ne remarque au cours d’un baiser que son haleine me rappelle étrangement l’odeur de cadavre à l’anchoi d’une femme réglée. Incapable de mentir je suis et cela me perdra. Bref devant mon aveu Métisse n°1 répond je comprends et un peu dépitée elle part se coucher dès minuit. -5- Avant qu’elle ne déserte en la retenant assez fort pour la rembrasser je lui garantis d’un coup de sourcil qu’on pourra éventuellement se revoir un jour si mon emploi du temps le permet. Elle tente cette expression ambiguë. Une plèvre. Ou pliure de lèvres. De pieuvre. Et elle déserte. Je rentre à la maison à la fermeture vers 02h et quelques mais pas seul puisqu’avec ce coup-ci une assistante de production autre secrétaire que je connais à peine et arrivée par hasard au comptoir de la Belle H décidément. Là : Imaginer Poil Châtain premier. Bigénaire au cul très plat dont là je tairai le nom jusqu’au bout. Longs poils beiges effilés au rasoir rebiquant à l’extérieur comme toute pétasse sur plateau télé. Yeux beiges révulsés voulant baiser ou biaiser. Tout ceci ton sur ton sur trench de cuir beige et insistant pour me suivre même s’il n’a jamais été question de coucher ensemble avant. Après une nuit d’un chichiteux effarant ça m’arrive souvent au coucher au lever à cause du côté quasi infâmant de la situation vers 10h00 je savonne quand même Poil Châtain Premier dans son bain. J’insiste sur les parties vraiment salies de son corps – façon : oh ! mais que c’est sale là – les seins la vulve l’anus. Les lui faisant mousser les pinçant et les fourrageant de mes doigts gluants de Saforelle un onguent périmé à pH neutre acheté par Zaza quatre ans avant. Zaza Bosch-Schwitters ? Encore une vidéaste mais helvète platine et surdouée avec qui j’ai vécu un temps certain puis rompu de façon radicale et dont j’ai pu récupérer l’appartement du 9 rue Charlot en toute logique donc quatre ans avant. En sortant de son bain après avoir été frictionnée à mort in Zazaland Poil Châtain Premier met du temps à lever l’ancre. -6- Ma baignoire comme d’habitude refuse de se vider tant la squame zazaïste cimentée à ses cheveux en pâte en bouche toujours les artères même quatre ans après et remonte parfois comme là en caillots pour iriser par en dessous la surface huilée d’une chose qui de toutes façons refusera de siphonner. Frictionnée mais toujours un peu moite PC1 fait encore un temps la chatte sur moquette. Beige sur beige. Puis elle enfourche vite l’un de mes jean’s sa culotte et le sien étant foutus pour l’instant et elle part rejouer les assistantes de production. Docu. Fiction. Rien à foutre. C’est à dire donner sa pauvre tonne de coups de fil dans le monde entier. Je me repose tout ce qui reste de matinée. Mon après-midi entière est consacrée à Jackalope Burger. Mon chef-d’œuvre. Réponse véritable à : « Mais qui es-tu Miki ? ». Le soir dans mes draps pleins de miettes je m’endors comme un bébé. Samedi 21 décembre 2002. De mon atelier meudonnais où j’œuvre en tant que peintre sculpteur c’est selon on va dire presque quotidiennement vers 16h00 je laisse ce message audio à D : « Oui Daliah toujours ok pour 21h ? C’était Mickey. Confirme-moi le truc. Je t’embrasse. » et Daliah – nommons cette infirmière esseulée – ne me rappelle que vers 18h?? pour me dire que non finalement puisqu’elle préfère aller voir un narratif-industriel au cinéma avec une copine et qu’elles rentrent toutes les deux dormir chez elle direct mais qu’on peut se voir quand même même heure même endroit demain soir dimanche 21h00 à la Belle Hortense ou en face au Petit Fer À Cheval. Les affaires périclitent. -7- Le Petit Fer À Cheval ? C’est un minuscule petit café très connu très cher toujours plein de gibier étranger et de franchouillards dans le cinéma dont le comptoir est tout simplement en forme de gros fer à cheval au 30 rue Vieille du Temple en plein Marais oui mais dans l’îlot goy-hétéro juste pilepoil face à la Belle H donc. Là-bas dès 20h30 passablement énervé par Daliah en revenant de mon atelier je dois aussi déplorer la présence de Poil Châtain Premier esseulée en terrasse. Mon innommable chatte sur moquette de la veille. Mais comme j’ai rendez-vous au comptoir avec Zoran Zupancic un ami marchand d’Art venu de Sarajevo je lui dis en la dépassant qu’il faut à tout prix que je rejoigne le maffieux géant chauve planté là à l’intérieur pour parler affaires. Urgent. Urgent. Ici : c’est assez cocasse un instant en effarouchant un amas de très jeunes merdes d’imaginer PCpremier s’étrangler avec ses cacahuètes. Vers 21h+? avec Zoran Zupancic en pleine palabre sur faut-il oui ou non que j’attaque la galerie Haüser-Wirth de Zürich après la galerie Kämpf de Bâle je vois arriver Lyson adorable petit chaton platine de 14 ans aux yeux très bleus. Sorte d’oisillon ébouriffé fraîchement tombé du nid faisant sa pose d’un quart d’heure. Lyson répète une pièce du Claudel ou du Büchner à l’Ange Magnetic le cours de théâtre privé d’à côté. Alors ça devient très touchant entre nous car après s’être plantée là entre mes genoux avec ses deux grands yeux bleus de bébé la petite fille m’embrasse sur la bouche puis me tend son sandwich au thon. Tandis que je croque dedans puis mâchonne assis au comptoir en surjouant devant mon camarade étranger elle ose venir me malaxer le haut des cuisses et remonter encore. Assez près du but elle stoppe net pour redécalotter sa cellophane d’un air ingénu et rengloutir une énorme bouchée de son truc. -8- Là ? Je ne peux pas m’empêcher de glousser tant ça singe bien une pipe. Fait-elle exprès ou bien : fait-elle exprès ? Mon rire nasal est aussitôt communiqué à mon bosno-serbe de 46 ans ZZ homme d’affaires écroulé qui me fait si honte à cet instant que je décide de l’abandonner ce d’autant plus qu’il n’a rien de très sérieux à me proposer. Et comme elle doit retourner répéter je dis à Lyson que je vais l’accompagner pour embêter également PC1 qui nous voit partir ensemble. C’est vrai j’ai dit à cette conne hier matin dans son bain qu’hélas j’avais un rendez-vous prévu avec une autre ce samedi soir et qu’on ne pourrait donc pas se voir. Elle doit penser que je devais voir Lyson alors que j’étais censé voir Daliah. Je la salue à connard en sortant. PC1 me répond d’un coup de sourcil et d’un mouvement de doigt à peine esquissés qui ne veulent pas dire grand chose. J’abandonne mon gentil alibi devant son cours de théâtre un peu plus haut. Mais Lyson tient visiblement devant ses camarades fumeurs de clopes à la pose à encore un peu m’embrasser parfum thon sur le trottoir. Je me laisse faire. Après ? Je remonte la rue Charlot pour faire quelques courses chez mon vieil arabe. En rentrant je tape « Vive demain » à Daliah. Après avoir mangé paupiettes de veau purée salade tout seul à la maison je me parfume la barbe pour qu’elle ne sente pas trop le thon de Lyson. Dose massive de cK be. Calvin Klein qui sent si bon la lessive ou le savon qu’il génère chez tout suspect une sainte odeur de sanitaire. J’anticipe à mon habitude sur toutes ces inconnues apprêtées et jetées en pâture le samedi soir dans mon quartier. 23h00. Après m’être suffisamment fait désirer je me décide enfin à me rimmerger au Petit Fer. On ne sait jamais. -9- Évidemment mon géant chauve de bosno-serbe maffieux est déjà parti vexé engloutir de grosses quantité d’alcool et de nourriture ailleurs mais PC1 est toujours là en terrasse ce coup-ci avec des amies à elle que je salue là plutôt amicalement. J’entends : « Et ton rendez-vous ? — C’est pas avec Lyson que j’avais rendez-vous c’est avec Daliah mais elle a annulé. C’est pas grave. Je la verrai demain. — Alors voyons-nous à la fermeture. — Yop. » Et je retourne en face à la Belle H on ne sait jamais où j’ingurgite une dose inhabituelle de vinaigre blanc. Or vers 01h et quelques arrive hummm Emma Merlin longue brunette n°5 fantasque quoiqu’en apparence quadra très bourgeoise avec son tailleur et ses lunettes. Une vraie amie psychiatre que je n’ai pas vue depuis fort longtemps et bizarrement ça devient très tendre entre nous puisque pratiquement nous ne jugeons pas très utile de parler. Je veux dire qu’au prétexte d’une conversation très privée nos fronts se rapprochent et que selon une logique interne on commence à se lutiner et ce de plus en plus jusqu’à la fermeture. Du coup à la sortie PC1 un peu ivre et esseulée trouve le courage de venir me faire toute une série de remontrances suite à une attitude incohérente et me menace même d’un doigt qui se met à tournoyer sous mon nez. Doigt que j’attrape très vite au vol et fais un peu craquer en le lui tordant. « Sois gentille. Heu. Radasse. OK ? Tu me laisses tranquille dorénavant ». Après avoir réglé ça je rejoins Emma Merlin qui m’attend super sex un peu plus loin dans la rue et nous allons prendre un dernier verre à la Feria un bar de nuit très vulgaire de la rue du Bourg Tibourg où ça devient n’importe quoi. - 10 - Là-bas il y a aussi Lyson fraîchement sortie de sa répétition je la serre très fort dans mes bras en arrivant et l’embrasse aussi un peu derrière une colonne. Je suis assez chaud car je lui prends la main et lui présente Emma. On ne sait jamais. « Emma. Lyson. Lyson. Emma. » Lyson prend l’air pensif et nous quitte alors avec Emma au comptoir on se saoule au Sancerre. Et se murgeasse très concrètement. Mais là je dois à tout prix aller aux toilettes et merde je me sens tout broyé de l’épaule en me retournant trop vite sur un colosse sous exposé qui vient passer sa commande. Un mur ? Matelassé. À contre cœur je lui cède la place en lui toisant les baskets. Après mon pipi sur lunette au retour longtemps après car je me suis recoiffé je crois bien deviner comme une Emma luminescente assise au comptoir déchirée et sexuelle avec collées dessus plein de petites bagouzes qui font des étincelles. Plus haut bascule dans son décolleté le grand gros noir américain que je viens de percuter mais avec là une langue extrêmement longue et violacée qui en sort. Il y a un léger mouvement de foule quand je montre deux incisives en me rapprochant. J’ai saisis le large cou noir super glissant et ajouté un simple mollard sur son œil blanc puis là maintenant je pousse le tout à la ronde. Au milieu du désordre irrationnel bouteilles tabourets déplacés très professionnelle mon ex-psychiatre me traîne très vite par la main vers chez sa mère qui a un très joli petit pied-à-terre pas loin. En boitillant un peu je me laisse inviter impasse Saint Claude. On ne sait jamais. Là-bas après un bain à deux quelques Bourbon et une dose massive de reproches oui au cours un long débat dans l’eau dans les draps léopard de sa mère à la sortie c’est comme s’il était le plus normal du monde que par derrière pour me faire pardonner je ne lui dévore sa croupe - 11 - savonnée assez longtemps en hommage au passé. Les couilles calées par ses jolis pieds. C’est la première fois. Je finis par obtenir un orgasme un peu plus tard quand enfin en retour mais un peu ralentie elle ne se retourne pour me promener sa langue instruite sur le périnée le scrotum le frein le méat et plus haut et plus bas en entonnant un air Bushman ou Malawi. Comme si elle ne savait pas faire autrement. L’Afrique. L’Afrique. L’Afrique. Le léopard reste intact hummm vu que son palais en est tapissé. Après ? Je ne l’entends pas recracher et assez logique je refuse d’être embrassé d’autant plus que son portable ne cesse pas de vibrer sur sa table de chevet. Ce soir normalement j’ai rendez-vous avec Daliah. C’est ce qui me trotte en tête au réveil vers 13h pfuit dans les draps léopard de la mère d’Emma. Alors je me lève et j’allume une cigarette. Mais comme je n’en ai presque plus je me mets à angoisser devant une Emma entortillée continuant de ronronner sur fond tacheté. Je cherche comment faire du café mais il n’y a qu’une saloperie de thé de fille sans théïne à la vanille alors je pars en laissant ce mot : Emma je suis parti me faire un vrai café à la maison. Rejoins-moi si tu veux. M. Bic bleu sur post-it rose de mon écriture infantile du matin et je descends tournoyer comme un fou pour trouver un tabac ouvert car Le Progrès tout proche est évidemment fermé depuis peu le dimanche. Chez-moi je me fais du café et peux donc aisément aller à la selle. Un peu plus tard Emma me rejoint et nous fumons beaucoup en parlant. Surtout elle. De son mari gentil qu’elle ne quittera jamais car c’est son frère depuis longtemps de ses amants successifs surtout le dernier un vieux patient d’origine touareg. Rare : L’homme bleu tout désintégré qui n’a pas arrêté de faire vibrer son portable toute la matinée sans qu’elle n’ait décroché. - 12 - Ce grand homme est censé être très sec jaloux et violent tendance psychotique quand il sent que sa maman n’est pas seule. Information inutile qui a là un peu trop l’air de vouloir les valoriser tous les deux. 16h05. Avec Emma on a très faim et on va prendre un tartare haricots verts au Petit Fer. Emma se met à téléphoner non-stop à sa mère encore une psy à la retraite qui veut en savoir plus sur moi. Si je n’ai pas trop sali ses draps etc. Puis à une amie. Puis à son frère à propos du cadeau de Noël à faire à son fils un surdoué qui mérite certains égards et attentions. Ce qui prend un temps de fou. À un moment jaloux je dois mettre des cendres dans ses haricots verts. Puis au dessert je lui demande de me masser les épaules et le cou car dos à l’entrée pendant qu’elle appelait la terre entière j’ai attrapé un torticolis à force de vérifier à droite à gauche qui rentrait au juste au Petit Fer. Parallèlement j’ai dû aussi surestimer ma résistance au Saint Martin. Vin blanc si déprimant que telle un ressort Emma décide de me lâcher pour aller s’offrir un pantalon de cuir beige rue des Francs Bourgeois puisque tout y reste ouvert le dimanche et ce d’autant plus avant Noël. Elle me dit qu’elle revient dans une heure et me conseille d’annuler mon rendez-vous de ce soir avec Daliah ce qui serait plus smart si ma connasse je cite doit se déplacer de loin. Je lui promets que je trouverai le courage de le faire mais des tas d’amis arrivent et j’omets. Dans mes va-et-vient entre le Petit Fer et la BH mon sempiternel verre de Saint Martin à la main rien à battre de rien. Le Petit Fer ? La BH ? Fantastiquement disponible je suis. Je peux même envisager en musardant si je veux cette très jolie chef-op avec ce très bel arc jugal qui boit toute seule mâchoire en avant un demi à la terrasse non chauffée du Petit Fer. - 13 - Vient-elle par hasard ou parce qu’elle fait partie de ma deuxième salve de texto ? Je ne le lui demande pas. Elle met quelques secondes à me reconnaître avec la barbe et le Stetson roux que j’arbore depuis peu. Je reste planté là devant elle le temps que ces méninges travaillent et ça y est clac on s’embrasse chaleureusement et je lui fais un gentil ça va ?. Jolie ChefOp me répond que ça ne va pas si bien puisqu’elle n’a plus de boulot à part un vague projet pour une pub L’Oréal et quelques courts métrages pas payés du tout. Alors je la coupe pour lui dire que moi je suis au top puisque comme elle peut le voir j’ai de quoi me déchirer comme il faut. C’est vrai. Plein d’amis argentés s’offrent plein de tableaux pour Noël depuis que je commence à exister du côté de Basel et de fait je ne sais plus où fourrer mes billets de 100 de 200 et de 500. Je parle en Euros là et je le lui prouve en dégainant une liasse. Ce qui n’est pas très classe. Mais après un silence je suis obligé d’ajouter qu’au présent je suis quand même moi aussi au plus bas puisque j’ai rendez-vous connement avec deux nanas en même temps Emma et Daliah en oubliant sur le moment que j’aie pu intégrer Bel Arc Jugal dans mon petit jeu de sms. Intra-pack2. B.A.J. a la délicatesse de ne pas relever. Sur quoi synchro Emma revient me sauver dans son pantalon de cuir beige. Je les présente et Baj dit qu’elle va nous laisser. Mais je paye son verre et c’est Emma et moi qui la laissons. À la Belle Hortense avec une Emma Merlin toujours aussi allumée je fais assez longtemps devant Séverine qui sert au comptoir comme si on était réellement amoureux pour qu’éventuellement elle le répète à sa meilleure amie Fariba mon ex préférées fraîchement éjectée. Fariba ? C’est je le répète ma décoratrice d’opéra à poil très noir peau très blanche mais cul dément ultra - 14 - rebondi de négresse taille fine bassin large pas jolie pire mortelle avec ce pur air d’iranienne froncée que Séverine m’a présentée il y a un an. Or selon Sèv j’aurais été avec Fariba il y a un mois un vrai salaud au point moi-même de le regretter ; d’où le pardon aviné que j’ai cru lui demander par sms il y a trois quatre jours. Pardon qu’elle n’a jamais reçu puisque aviné je l’ai envoyé à Fix à qui d’une certaine façon aussi je devais des excuses. En pleine séance de mamours Merlinois pour encore à distance par le biais omniprésent de Sèv la balance faire souffrir cette Fariba-là je me réchauffe donc une main concassée dans les beiges replis d’Emma. Mais prudent je me cache aussi derrière mon Stetson vissé sur le front au cas où Daliah franchirait le seuil. Heureusement Daliah n’émerge pas. Alors avec Emma Merlin un peu esseulé on décide de retourner chez sa mère. Chez moi ce n’est pas assez cosy elle s’en est rendue compte quelques heures avant à cause de pas mal de choses taxidermisées par mes soins qui traînent un peu partout et qui selon elle puent encore la mort : un lièvre avec fiché dedans des cornes de gazelle tout ça un porte-bébé Dayak avec incrusté dedans un demi crâne d’orang-outang tout ça et autres symboles de virilité maternité fertilité venus des antipodes à base de peau et d’os plus quelques vieux travaux porno plus spécifiques qui ne sont pas trop son genre non plus question vision de la femme. Bref retourner chez sa mère voir une vieille VHS c’est le prétexte culturel Le Portrait de Dorian Gray 1944 devant lequel je m’endors en lui mordillant avec des intervalles de plus en plus longs l’élastique un peu rance de ses bas qu’elle vient de mettre exprès pour ça. Mais Emma Merlin a très faim et après avoir tapé sur pause elle commande une pizza chez Pizza Hut qui arrive trente minutes plus tard. - 15 - Le ding dong me réveille. Je la laisse payer et on partage dans deux assiettes en carton le truc chaud pâte américaine fraîchement atterri. Tout en dévorant je prends garde aux éventuels noyaux expulsés de leur olive et si bien planqués dans le fromage on ne sait jamais. Après le soporifique Dorian et la pizza je daigne faire reluire une dernière fois au dessert les parois internes du sexe instruit Merlinois. Mais lundi 23 décembre vers 01h00 on décide de chacun rentrer dormir chez soi histoire d’enfin se reposer pour de vrai. J’escorte donc une Emma boitillante jusqu’à ce qu’un taxi n’arrive boulevard Beaumarchais. On s’embrasse parfum sexe clope et pizza et elle me remercie pour le super week-end qu’elle vient de passer. Emma peut donc rejoindre sans ambages dans le sixième son mari sympa. Un peu dégoûté je rentre sans vraiment tituber. Sur le trajet vers 01h09 mon testicule droit se met à vibrer vu qu’on me laisse : « Allo Mickey bonsoir c’est Daliah je suis désolée je me suis endormie j’étais très fatiguée je viens juste de me réveiller je comptais te voir ce soir mais là c’est trop tard il est une heure du matin ceci étant je ne te connais vraiment pas assez et je trouve ça assez curieux de se voir comme ça. Je voulais te dire que j’avais pas du tout envie de baiser en ce moment comme ça et avec un inconnu en plus voilà quoi mais si tu veux on peut se voir en tout bien tout honneur je veux que ça soit de la pure amitié entre nous voilà si t’es d’accord appelle-moi voilà Mickey je t’embrasse et à très bientôt quand même j’espère » En rentrant j’écoute ce message et je suis pris de nausée. Ça doit être à cause de l’odeur froide du tas de mégots d’Emma. J’aère jette les mégots et tout va beaucoup mieux. Daliah ? Stop-Eject. Je vais me coucher en enclenchant The Prophet’s Game avec Dennis Hopper 1999 une histoire de Serial killer grâce à laquelle je peux m’endormir. - 16 - 11h31. Vibrato sur mon matelas. Rien de spécial. Ma mère me réveille pour me dire qu’il fait très beau dans le sud et en grognant je lui dis super à ce soir. Dès midi et demie Pc1 ou un huissier à moins que ce ne soit la police Emma Viera ou Fariba est en train de tapoter assez discrètement à ma porte. Oui. Ça dure depuis une bonne demi-heure déjà. Avec de sacrés intervalles de silence. Je n’ouvre pas. C’est l’un de mes jeux favoris puisque ça développe chez l’intrus une forme d’instinct de chat guettant les moindres signes de sa proie. En l’occurrence : Moi. Je suis là ? Ou je suis pas là ? À toi de deviner gentil chachat. Mais là je suis là puisque tout en faisant joujou avec mon ordinateur Jackalope Jackalope j’écoute Rancid à fond. Rancid ? Une formation punk 90 issue de la côte ouest des États-Unis et évoquant un savant mélange de Ramones Buzzcocks Discharge et Disorder. Ce qui ne peut qu’attester de ma présence. Puis enfin à un moment plus de tapotements plus rien. 14h?? tout seul dans mon bain moussant je tapote à mon tour car j’ai du temps à tuer : « Des fois Daliah je te trouve un peu sérieuse comme fille c’est triste car la première fois je t’avais trouvée plutot rigolote. Adieu donc. » En descendant ma valise à la main vers 16h06 pour me rendre Gare de Lyon je peux constater en me viandant que mes escaliers viennent juste d’être cirés alors je pense que c’est peut-être la femme de ménage quadra reubeu pas très jolie qui a tapé à ma porte pour réclamer ses étrennes. J’ai bien fait de faire le sourd vu que j’étais encore avanthier sur mon compte courant à négatif de 1398 Euros et que je ne me sens pas si enclin que ça à dilapider ainsi à tout vent ma grosse liasse de grosses coupures au black. Vers 17h25 dans le TGV Paris-Avignon Emma Merlin me laisse ce message : - 17 - « Allo mon très cher Mickey Emma Merlin à l’appareil. Je voulais encore te remercier pour ce week-end c’était vraiment très très chouette non ? Sinon cadeau de Noël il faut que tu passes chez Anna Glatz. Elle a une super galerie rue Vieille du Temple. Je lui ai parlé de toi. Elle veut te rencontrer à tout prix. C’est une nana super qui expose des gens vraiment supers. Non c’est vrai elle est vraiment pas mal et qui plus est elle promeut des artistes comme (inaudible finissant en ski) et d’autres encore dans un esprit vraiment sympa. De toute façon il faut que tu me rappelles je t’en dirai plus. Allez joyeux Noël je t’embrasse très très fort mon grand hahaha allez ciao-ciao. » Mon grand hahaha ? Allez ciao-ciao. Je ne rappellerai plus jamais Emma. À Avignon il fait effectivement très beau. Souriants mes parents m’attendent. On s’embrasse et on fonce vers Oppède le Vieux où direct dans ma chambre je vais me coucher avec mes BD. Mercredi 25 décembre 2002. Jour de Noël. Du réveil au coucher pas de communication hors cellule familiale. Mamours. Mises au point. Dispute. Festin. Jeudi 26 décembre 2002. Vers 11h37 Séverine la serveuse de la Belle Hortense à poil très noir très lisse 2? ans peau très blanche et sourcils très droits et fournis + cul comme on l’imagine me tape « APRES LES CADEAUX DE NOFL JE TE SOUHAITE PLEIN DE BONNE CHOSE POUR 2003 SANTE BONHEUR FRIC QUOI DAUTRE ? L’AMOUR RETROUVÉ ? BISES. SEV. » - 18 - ? Je n’aime décidément pas les majuscules ni les coquilles dans les texto et je ne lui réponds pas puisque je prends avec mon père dans notre parc à Oppède un arbre mort à coups de hache et de tronçonneuse. Vendredi 27 décembre 2002. CADEAUX DE NOFL Vers 16h21 je laisse — tout en arpentant mes terres familiales à la recherche de psilocybes même si ce n’est plus trop la saison puisque je ne trouve que des inocybes et des clitocybes pourrissant sur pied — un message audio à 8‰ONG qui doit me filtrer. Ceci pour avoir confirmation de notre rendez-vous du 30 décembre au soir en lui proposant le comptoir de La Palette rue de Seine 20h00 vu que j’en adore les serveuses quinqua Mauricette la blonde Françoise la brunette. N°7. 8‰ me rappelle dès qu’elle a pris connaissance de mon message et sa voix claire et juvénile me ravit à nouveau surtout quand elle me confirme notre rendez-vous du 30 puisqu’elle me rappelle étrangement la voix d’Olga quand tout allait encore bien entre nous. Olga ? C’était une très belle ex de 1993 sosie héroïnomane et polonais mais sans accent d’une Helena Bonham-Carter d’1m88 sans les talons. Olga ? Un mannequin que j’ai jadis expulsée de mon deux pièces 10 rue des vertus dès que j’ai appris qu’elle était séropositive. Elle a d’ailleurs pu se venger après de façon excessivement outrancière on verra plus tard comment. Olga ? Tuée depuis en moto vers 1997 sur l’A11 dans le 92 où renversée par une Volvo elle a été décapitée eh oui par une glissière d’autoroute. Napo ? ou Nap Olivier est un grand ami d’enfance à poil ras et comme moi de petite taille mais à œil bleu clair de prédateur. - 19 - Il me défend souvent puisqu’il fait de la boxe Thaï dès j’exagère un peu et qu’un inconnu veut m’éclater par exemple le nez comme sans doute je le mériterais. Mais il est aussi traducteur aux Éditions du Cherche Midi et responsable de l’achat des droits pour leur domaine étranger. De plus il fait vaguement le nègre de temps en temps pour untel ou untel ce qui s’avère assez cocasse pour un ex-skin. Par contre en arrivant à Paris il a très vite abandonné son vieux look faisant un peu trop pédé du Marais et du coup il a viré socialiste. C’est dire. Or vers 21h15 Napo me tape ceci : « tu es à paris ou pas ? sinon tendresse et belles fêtes dans le sud! à bientôt donc. n. » 21h32. Je fais un prix de gros en tapotant à l’attention du jeune couple fragile et fluctuant Farida-Napo ne pas confondre avec ma Fariba à moi : « FN du sud je vous embarrasse très fort. M » car j’aime bien le laconisme de mes jeux de mots. 23h59. Vibre mon mobile sur ma table de chevet tandis que je tente de m’abrutir avec Esquisse d’une Sémiophysique de René Thom piqué à mon père. Je regarde qui s’affiche et relis Napo. Je ne réponds pas à son appel puisque je suis à Oppède dans le Luberon et qu’on ne peut donc pas festoyer ensemble ce soir et qu’il ne faut surtout pas insister. Mais une minute plus tard à 00h00 j’entends la vibration accélérée de ma messagerie car Napo ou ce que je crois l’être vient de me laisser un message extrêmement long ce qui n’est pas son genre et je dois donc me résoudre à entendre ceci c.à.d une voix de fille du sud très vulgaire quoiqu’assez mal imitée : « Ouiii. Mickey. Tu me manques trop c’est trop affreux la vie sans toi. Moi je veux pas continuer comme ça. Hè ? Si tu pouvais me rappeler au plus vite parce que je t’aime et que tu me manques. Je t’embrasse et même que je - 20 - mets toutes mes forces dans l’embrassement. Tu me manques. Tu me manques. Tu me maaanques. » Putain. Suit pendant au moins vingt secondes toute une série de gloussements et d’éclats de rire brouhaha assez typique de la Belle Hortense quand la fermeture approche. Signe qu’Hélène dont j’ai pu reconnaître la voix transformable par le vin n’a pas su éteindre correctement le portable de Napo. Hélène Sillex ? Petite fille de Paule Thévenin. Paule Thévenin ? Secrétaire ou éditeur - les versions divergent - d’Antonin Artaud qui sut conserver longtemps et déchiffrer aussi ses manuscrits à lui pour la publication de sa presqu’intégrale à la NRF. Hélène Sillex ? Vraie philosophe vraie brune innumérotable mais à la frange trop courte et au nez retroussé de salope. Ex à moi et ex de pas mal de mes amis mais également ex-assistante de Derrida fraîchement revenue de Ljubljana totalement ivre ce qui me fait glousser sur le coup tout seul dans mon lit. Samedi 28 décembre 2002. Journée morne et ensoleillée à couper du bois ça délasse puis à faire joujou avec un chien errant qui effrayait Léon et Léone mon vieux couple de paons. Dimanche 29 décembre 2002. Pas de communication hors cellule familiale sauf vers 19h05 quand une Hélène Sillex débarrassée de ses affêteries de l’avant veille me laisse : « Oui Mickey c’était Hélène je suis coincée à la maison avec un mal de dos incroyable à cause de mon aménagement d’hier. Tente de me rappeler mon nouveau numéro doit s’afficher. J’ai envie de te voir à ton retour du sud de savoir à quel point ça va mal tout ça. Bon rappelons-nous je t’embrasse très très fort. Baiser. » - 21 - Baiser ? J’enregistre le nouveau numéro d’Hélène on ne sait jamais. Lundi 30 décembre 2002. Grand retour septentrional. Dents pétées en avant. Crâne vert pâle fraîchement rasé. Barbe hirsute d’islamiste branché. Long manteau de rat musqué au vieux Patchouli puisque piqué à mon père période Hendrix Jimmy. Vers 16h0+? 8‰ jolie brunette à lunettes avec ses lèvres effroyables et son cul dément me laisse : « Oui Mickey c’est moi j’espère que tu vas bien. Je t’embrasse très très fort mon petit rat. À ce soir. » Quelque chose ne colle pas. Mon petit rat ? Je ne lui ai pas répondu puisque que je suis dans un endroit public non fumeur côté fenêtre première classe en train de m’assoupir sur États Voyous de Jacques Derrida dans Le Monde Diplomatique et qu’il est hors de question que ma voisine très grande et belle quinqua en tailleur violacé à moitié déchaussée lisant Le Corps Quantique de je ne veux savoir qui ne puisse extrapoler quoique ce soit sur moi à partir de bribes de conversation insipides. 20h39. Hélène Sillex me laisse : « Oui ami très cher c’est ton HS as-tu enfin réintégré la république maraisienne ? » HS ? Quelque chose colle trop. Je ne lui ai pas répondu puisque je suis comme prévu de longue date avec 8‰ qui toute parfumée cheap à la framboise une sorte de Gauthier qui pue et pimpante et poudrée et maquillée vient d’arriver à la Palette avec ses lunettes carrées. Ses trentecinq minutes de retard m’ont permis de minauder avec mes deux complices serveuses la blonde Mauricette et Françoise la brunette mais surtout me mettre la tête à l’envers avec seulement cinq Saint-Véran sur le super tapis antalgique Toprec. Ce qui a été fort économique. - 22 - 21h48. Hélène Silliex me laisse : « Oui. Mickey ? C’est à nouveau Hélène. Je sais que t’es à Paris petit farceur. Moi je suis au Petit Fer à Cheval avec Napo et Jip qui aimeraient bien te voir. T’es où ? J’espère que tu auras ce message. À tout de suite ». Jip ? À Paris ? Je n’ai pas répondu à Hélène puisque je suis là à la terrasse chauffée du bistro Mazarin avec mon sauté d’agneau et un 8‰ célibataire depuis deux mois avec qui je commence à agoniser en buvant du Perrier car elle n’a pas trouvé mieux que de me faire un tas de remontrances sur mon ébriété et mon hygiène de vie en général. Echec. Minuit et quelques je suis déjà tout seul dans mon lit et tente d’encore m’endormir devant The Prophet’s Game quand Cendrillon me tape : « t’es où ? ;-) » alors je tape « Home & fucked up » mais vers 00h50 Cendrillon me retape « We see you tomoro ? Helene’s back. » alors je retape « Œuf corse 9pm @bh ». Cendrillon ? Le vieux trav opéré chez qui je bosse. Non. Je plaisante encore une blondinette dans les films expérimentaux. 10h29. Au réveil j’envoie en gros le même message audio pitoyable à mes trois vieux amis — Napo : Nap Olivier. Jip alias Rembrand Jean-Pierre. Et je n’ai pu guère m’empêcher de l’envoyer aussi à Fix le FrançoisXavier Tulart du grand pardon octroyé sans qu’il n’ait été demandé — ce message ? Le voici : « Ouais hello toi ça va ici Mickey je reviens du sud chuis au courant de que dalle si t’as un plan dément pour ce soir appelle-moi ciao. » Aucun de ces traitres ne rappelle. 16h+? Hélène Sillex me tape : « Ce soir :flash-back+surprise :reveillon chez lulu lamy - 26 r de sévigné - code 13 abc - 5e ét - esc g - rv bh 21h - HS. » 13ABC ? HS ? À 21h00 pile après avoir œuvré tel un dément sur Jackalope Burger mon tout premier roman — codicille à : mais à quoi donc sers-tu Mickey ? — dehors le nez pour la première fois de la journée je mets. - 23 - C’est là sur le chemin de la Belle H que je dois croiser cette belle antiquité immatriculée 666 YW 75. Je me dis que ça peut être très mauvais signe et qu’il faut que je me méfie à tout prix en cette fin d’année dans le 75 à Paris de tout ce qui peut être YW ou Yves et William à la fois ou que sais-je avec un Y ou un W dedans durant ces quelques heures qui nous restent pour achever 2002. Extrait de Jeremiah Johnson avec mon nouveau Stetson beige et mon long manteau de rat musqué ton sur ton je pousse dès 21h07 la porte de la Belle Hortense. Jambes arquées air barbu farouche à la recherche d’YW. Pas de W en vue mais un Y(-van) très costaud à qui je commence par broyer la main par principe. Sinon la tendance générale étant au Yeeeeeeeee-rah ! j’embrasse le reste c’est à dire très exactement douze personnes. Pas de trace de Napo de Jip ou de Fix. Doit dans mon dos un grand complot s’ourdir. C’est simple il n’y a aucune tête inconnue et une Hélène Sillex que je n’ai pas vue depuis deux ans suite à son départ pour Ljubljana toute roucoulante sort des toilettes et s’approche dangereusement en ondoyant vers moi. Là : visionner HS. Pin-up fifty’s à la frange trop courte ou Betty Page juchée se dévissant les chevilles vers soi dans de luisantes cuissardes lacées out of date latex + talons aiguilles. Alors cette belle ex — apprêtée vraie philosophe vraie brune — ex à moi et ex de pas mal de mes amis — me serre très fort dans ses bras et m’embrasse sur les joues de suite au moins cinq fois. « Mais Mickey mais elle est où exactement ta monture ce soir ? — Ma monture ? Ce soir ? C’est toi HS. — Aaaaaaaahhh my gaaad. » Et elle s’écroule sur place en singeant très bien la pâmoison. Je commande une bouteille de Chablis et Séverine nous apporte une bouteille de Sancerre pas trop bouchonnée. - 24 - On se saoule donc avec Hélène en hommage au passé. 21h34. C’est Jacques Aumont mon ex-professeur d’anatomie générale – oui j’ai fait un peu de médecine trois quatre mois – Jacques Aumont donc qui est encore l’un de mes grands collectionneurs et aussi le père de Lyson – Jacques Aumont donc qui me tape ceci « Cher Mickeytous mes vœux siincéres et amicaux pour 2003ainsi que pour vos parentsje pense à vousProfesseur J.A. » Là visiblement PJA lui-même doit être HS et c’est le moment où je veux lui répondre que choisit mon vieux Motorola pour dysfonctionner lui aussi à sa façon puisque mon LCD se met à vouloir afficher Orange F à l’envers droite-gauche comme vu dans un miroir. Imaginer sa propre tête devant –7 9çπδ7O. Je ne veux y voir aucun signe néfaste vu que ça doit être un simple bug puisque s’affiche aussitôt après Vérifier Carte mais ce coup-ci à l’endroit. C’est ce moment du Grand Bug Universel que choisit Jip mon presque frère pour entrer en scène. Jip mon grand ami de toujours s’est métamorphosé pour la circonstance en comment dire ? Sosie de Cendrillon oui mais d’1m90 quand il est de dos car de face c’est autre chose. Il arbore cette fois-ci de long cheveux blonds tout neufs et décolorés qui sentent enfin vachement bon le shampooing. Jip a changé. Selon la rumeur : À la fois webmaster hacker motard business-angel et je ne sais plus trop quoi dans l’art. Il m’a pour ainsi dire à peine salué d’un coup de menton quelques secondes avant mais devant mon embarras il choisit de directement venir autopsier mon vieux Motorola en lui ouvrant le capot. Alors je me crois tout bonnement téléporté sept ans avant quand tout allait encore bien entre nous trois avec Hélène et que nous faisions alors comme tous les ados des films expérimentaux. - 25 - La batterie et la carte de mon mobile sont de fait pleines de cendres de poils de grains de tabac et autres micromiettes résolument infectes puisque je le fourre toujours dans la poche couille droite de mon Diesel. Jeans que je lave le moins souvent possible pour surtout ne pas trop le décolorer. Jip démonte et dépoussière tout en soufflant dans mon portable puis il ajoute quelques petites manips à lui secrètes en fin de cérémonie. Sur quoi on fait très exactement comme si on s’était quitté la veille. S’enivrer en silence. Alors qu’on ne s’est pas vu depuis 1996 et qu’on aurait pu au moins échanger quelques infos en les magnifiant. Chose que l’on ne fait pas. 22h15. Hélène est à point et je l’embrasse assez profondément en la tenant très fort devant Jip qui s’en moque enfin car le temps a passé entre eux. C’est comme si magnétisé et très tendre tout d’un coup je ne pouvais pas réellement m’en décoller. Le nez dans ses nénés. Tandis que toutes canines dehors plus haut et hurlant à la mort elle me mordille mon beau nouveau chapeau. Hélène est en froid avec son régulier encore un bosno-serbe mais là de Slovénie. Inconnu avec qui elle vient d’aménager et qu’elle a décidé de punir ce soir en passant son réveillon avec nous. Comme j’ai déjà pris une bouteille de Sancerre puisque selon Séverine le Chablis au frais n’est pas encore frais alors que tout le monde est au Champagne tiède j’en commande une seconde et je lui en verse un plein verre à ras bord pour l’achever comme elle le mérite. Elle est déjà sous Myolastan et Topalgic suite son mal de dos suite à son déménagement. Moi sous Toprec et Birodogyl suite à mon nerf à vif suite à on va dire l’olive. Et tout ça fait très vite l’effet escompté. C’est donc dans cet état qu’on déserte la BH. Quand mercredi 1er janvier 2003 à 00h03 une quinzaine de jeunes gens à pied arrive chez Lulu Lamy l’homo notoire du 13ABC 26 rue de Sévigné avec ces trois - 26 - minutes de retard là la cinquantaine d’inconnus est toujours en train de se gameller pour se souhaiter la bonne année. Alors on s’embrasse entre nous – on avait oublié – puis on embrasse le reste ce qui nous prend dix vraies minutes encore. Là : imaginer le bruissement de 8320 bises échangées. 65x64x2 en 13 mn. Soit de tête un bon 10,666 bises-seconde de moyenne selon Jip. 666 ? Après avec Hélène on se poste près de l’unique fenêtre ouverte du salon histoire de respirer un peu après tous ces étages et échanges bucaux mais surtout à cause de l’air ultra vicié. Mélange latent de vieux sperme de shit de Gucci d’oignon et de tabac. Dehors il fait très froid. Assis concassés à la fenêtre nous nous jetons sur les tartines de foie gras à l’Époîsse et au raisins muscat et nous ne cessons de nous lutiner goulûment entre deux verres du Chablis frais amené par nous pendant que Jip en belle blonde est au Champagne chaud et danse serré avec Cendrillon son clone qu’à la BH je lui ai présenté ainsi deux heures avant : « Cendrillon. Cendrillon. Cendrillon. Cendrillon. » Après ? Ça devient n’importe quoi car sous l’égide de Lulu Lamy il y a eu distribution générale de Kétamine sur mare d’alcools en tout genre. Plus tard je dois vouloir me décontracter et la langue et la vessie et je me lève pour musarder sur un nuage abandonnant une Hélène languide et dépoitraillée sous le prétexte d’aller pisser. J’en profite sur le chemin dégommant au ralenti trois quatre chamalows pour faire se déchausser toutes les filles en escarpins que j’ai envisagées. J’organise mon grand concours du plus beau pied de la soirée. Cérémonie au cours de laquelle je me retrouve à quatre pattes dans le vomi en train de lécher croquer et masser les orteils ennylonnés tendus et humides d’une foultitude de filles plus ou moins excitées tandis que plus haut crépitent et ronronnent quelques flashes et dv. - 27 - Cendrillon déjipée en Général Custer du Little Big Man fouaille une Farida vampirique et dénapoïsée en Sama Hayek d’Une Nuit En Enfer. Elles sont donc mon duo gagnant et récompensées par des trucs très délicats de ma part comme quoi mes dés sont pipés puisque ce sont les deux seules qui me font halluciner. Hélène jalouse dans ses cuissardes en latex qu’elle n’a pas osé ôter s’est mise à papoter avec deux types très beaux. Sortes de Warhol bruns en pantalons et chemises à rayures assez serrées. Ce qui me fait bien rire au retour du pipi longtemps après surtout quand de loin je vois que tout en papotant théâtre par devant avec Hélène eh bien par derrière ils n’arrêtent pas de se trifouiller le séant. Visiblement Lulu organise dans une back-room attenante sa grande partouze du nouvel an. Truc tenant absolument à déborder dans le salon. Arrivent donc chez le maître de céant de plus en plus de fiottes à poils longs et raies de côté plaquées se trifouillant les rayures. Indiscernables. Et avec Hélène parfaitement lassés on décide ici de lever l’ancre nos verres à la main d’autant plus que mon ex-duo gagnant tortille avec de parfaits inconnus dans la mode ou le cinéma plutôt bi à pois. Jip ayant disparu avec une styliste russe en tutu ridicule blouson de fourrure et crête — tout ça beurk rose sur rose. Rue des Francs Bourgeois je n’ai jamais vu Hélène divaguer autant alors je lui demande si elle est ok pour me suivre à la maison plus si loin pour fêter la revoyure. Entre deux renvois je crois entendre cela : « Olala Mickey pas ce soir là j’ai ma petite souris anti-dragon. — Je comprends rien. — Un truc horrible qui crache le feu avec une petite queue blanche qui dépasse. T’as pas senti ? Olala Mickey mes ragnagnas tu comprends mieux ça va ? » - 28 - Son ton condescendant ne me plaît guère et devant ce mensonge je ne peux faire avec mon verre de Chablis que ce grand geste de dépit dans la nuit. Zuip. Un peu trop imprécis en direction de son cou. Revenir sur la carotide. Bifurquer vers chez soi. Arrière fond d’inquiétude quand j’entends encore HS se viander tous les deux mètres environ. Il n’est que 05h34 quand je rentre à la maison. Là je mets un temps fou pour taper « troulove » à Vieira et Fariba mes deux ex préférées de l’année défunte juste pour les agacer encore une dernière fois. Je tape aussi un absurde « alorsalorsalors ? » à mon vieil ami Jean-Marie Wyloschky un créa dans la pub qui me doit 3000 euros et que j’ai à peine entrevu avec sa Marie à lui chez Lulu Lamy. Wyloschky ? C’était peut-être lui le WY ou YW dont il faut à tout prix que je me méfie. Avec ceci hélas en tête j’ai dû prendre la décision ultime d’aller escalader ma mezzanine puisque dès 10h25 je m’y réveille quand même lové en plein rêve montagnard où une inconnue très maigre et très intelligente mais pas très jolie vient de m’y reprocher sous une bise glacée d’aligner en gros trop de petits animaux morts sur un rocher. La fille en capuche beigeasse m’y enjoignait de surtout ne plus recommencer au risque que par ma faute tel un mégot le soleil ne s’éteigne définitivement. Ce qui me fait culpabiliser au réveil à en chialer. Dans ma mezzanine je me réveille donc seul et en larmes à 10h25 le cœur battant puisque Jesu Christianni un artificier corse ex-codétenu de Sainte Anne m’y réveille avec son « Je te la souhaite bien bonne. Jesu ». Un texto qui fait vibrer un peu trop près de ma tempe mon vieux Motorola avec qui je passe tout seul mes nuits depuis un certain temps. - 29 - 11h28. Avec mon café au lait et mes doigts tout nicotinés engourdis et tremblants qui puent à s’y méprendre la rouille et le sang je réussis à lui taper en retour « Meilleurs vents a toi dans cette tempete molle qu est la vie la salope » et je tente de me préparer mais j’abandonne très vite puisque j’ai pris juste avant une tonne de gélules bicolores et que je préfère monter me recoucher. 17h04. Notre hôte de la veille Lulu Lamy agrégé de philo nîmois vieil homo et ex comme par hasard de SainteAnne lui-aussi mais sympathique et très cultivé finalement me tape « exxxcellente gueule de bois a toi mon gland. » Mon gland ? Ce qui m’a offusqué. Sans doute et je le souhaite un sms en série. Je lui tape en retour « Je t’emmerde pedzouille tu me pourris la vie de longue. » Un tas de grumeaux extrait de mon petit passé caillé tient depuis quelques temps déjà à à tout prix se redélayer. Quelques protagonistes saupoudrés : Ma Valérie en tête avec ses dix ans d’omniprésence. Fix avec son pardon à la ramasse. Puis Zaza zazaïsée. Olga volvoïsée. Et Napo. Jip. Hélène. En seconds rôles. Et enfin là. Jesu. Lulu. N’en jetez plus. Transmutés en tritagonistes ou troisièmes rôles si on préfère. Ça doit être ça le Purgatoire. Le Purgatoire ? Du moins son avant-goût. Une sacrée gueule de bois dans une sacrée salle d’attente. Gueule de bois assortie de plein de petits flash-back entêtants où tous nos vieux amis ne pourraient s’empêcher de nous asséner au seuil de la tombe ça va aller ça va aller mon enfant. Seuls et eux-seuls battant cette chamade endogène le système circulatoire l’intime et l’interne tout ça alité avec ses grandes surprises arythmiques connaissant déjà la réponse : Il n’y a pas de pardon. - 30 - 17h43. Fix la Résurrection me souhaite la bonne année à sa façon : « La même mais mieux. La même mais mieux ? La même. Mais mieux. La même ? Mais mieux ? La même. Mais. Mieux. » Je ne lui réponds pas. 20h46. Fariba mon ex préférée de l’année défunte N°1 — ne pas confondre avec Farida l’ex régulière de Napo ni avec Vieira ex préférée de l’année défunte N°2 — un peu allergique à mon « troulove » de la nuit me trace ce splendide sourire Kabyle : « j’espère que ton année connard et ta vie en général seront bien aussi dévastées qu’est dévastante ta grotesque personne. » Je lui tapote aussitôt « Inch’ Allah ». 20h53 je ne sais pas pourquoi je ne pense plus ce vieux monde qu’en termes de R roulés québécois. J’allume mon iMac et Miki me dicte ceci : « Astèe d’tabelnacle. On m’a donné la vèe ? Melci du cadeau. Et de ce tluc vous pensiez que j’n’allais lien en faile ? Je suis là ècè maintenant poul me distlaile. Monde tu es là uniquement poul me satisfaile. Je me lepais de toi cal je m’ennuie. D’un ennuie à moulil. Je meuls. Je vès. Je suis la lage qui te scèe le vèt. La page qui te plend le chou. La hache qui t’sectionne l’genou. L’hibou qui t’ulule encule ! Les p’tèts cèseaux à ongles dolés qui ne songent qu’à te bien découper les lèvles. Et caetela. Et caetela. Le caillou dans ta chaussule. Labala-bala. Encole un jolè p’tè chou ? Louille. Louille. Louille. J’è plante mon clou. » Puis je décide de me masturber devant Sexy Toe Talk un spécial foot-fetish en VHS droppée et je tente d’à nouveau finir The Prophet’s Game mais j’endors avant. Jeudi 02 janvier 2003 Pas de communication avec l’extérieur. - 31 - Extraction de la dent dure. Anesthésie. Atelier. Peinture. Pas de biture. Vendredi 03 janvier 2003 09h30. Je suis toujours au lit en train de tenter de voir la fin The Prophet’s Game quand anonyme fait vibrer mon Motorola. Allo c’est moi. J’ai vaguement pu reconnaître la voix de ma voisine Vieira l’ex préférée de l’année défunte N°2 qui m’appelle de Roissy complétement jetlaguée à son retour du Mexique où elle a passé les fêtes avec son père qu’elle n’a pas vu depuis eh bien six ans. Mon troulove de l’avant-veille venant d’apparaître en zone française sur son écran elle veut à tout prix passer à la maison dans une heure boire un café. Je dis ouh yeah. The Prophet’s Game ? StopEject. Tel un ressort je me lève pour vite me faire un café pour aller à la selle aussitôt possible avant qu’elle n’arrive. Et je me mets Crass à fond puis Ministry pour me donner du courage. Crass ? Vieille formation de punks de l’Essex 77/84 assez engagés qui crachaient si bien leur haine du gouvernement Thatcher. Ministry ? Mur du son à chapeaux texans industriel des années 90. Ici : Filthpig 1995 produit par Hypoluxa & Hermès Panforlux. Je fais aussi un brin de ménage à peine pour que ça ne se voit pas trop et je planque certains trucs compromettants cessant ainsi quelques secondes de gesticuler devant mon grand miroir avec mes doigts éclatés en étoile et ma scie invisible. Et enfin je cours dans la salle de bain me parfumer la barbe mais j’ai trop la flemme de me doucher tant il y fait froid.11h pfuit et quelques. On frappe à ma porte. Je ne suis toujours pas allé à la selle ce qui me fait sursauter mais j’ouvre quand même puisque là Vieira a pris rendez-vous. Là : imaginer Helena Bohnam-Carter sur son palier. Oui mais de Mexico belle barre de sourcils bruns peau très blanche. - 32 - Ne pas confondre avec feue Olga car ce coup-ci d’un mètre cinquante. Mais un peu trop survoltée chargée piquante ou élégante à mon goût. Une pile. On s’embrasse très amicalement et en vire-voltant à travers mon salon elle me complimente sur ma tonsure et ma jolie barbe vu que ça me donne un sacré air mûr et terrible enfin. Je lui sers vite une petite tasse de café réchauffé pour l’occuper le temps d’inventer un contre-argument à l’attaque insidieuse qui ne tarde pas à arriver : « Alors franchement qu’est-ce qui t’as pris la dernière fois ? Pourquoi tu m’as pas ouvert ? — Mmmm ? C’est mon jeu habituel. Tu le sais. En plus comme par hasard j’étais en train de visionner Panic Room tu sais le dernier David Fincher alors j’ai pensé que de ne pas t’ouvrir ça me ferait voir le film en 4d tu saisis ? —… — Ou en quadriphonie comme on dit. Home cinéma. Non ? —… — Je me suis pris pour Jody Foster là tu comprends mieux ? Quand les méchants braqueurs tentent de la déloger de son abri en tapant à la porte comme des oufs. Tu l’as pas vu ? Mets-toi un peu à ma place. Eureureur. Tripant non ? — Écoute Mickey faire ça aux autres filles je comprends mais à moi ? Ça va pas non ? Je n’ai pas trouvé ça très amical tu le devines je pensais vraiment que nous avions une toute autre forme de relation. Ça m’a déçue. Ça m’a beaucoup inquiétée aussi. Il pouvait t’être arrivé quelque chose. — Quelque chose ? Ah oui et quoi donc ? Par contre tu sais les autres filles comme tu dis si bien sont très sympathiques aussi il ne faut surtout pas que tu les méprises comme ça. De plus taper pendant quarante minutes à ma - 33 - porte j’ai chronométré à un moment j’ai trouvé ça un peu poussif comme tu dirais. Quant à hurler la puerte ! la puerte ! pleurer éclater d’un rire absurde vouloir la défoncer ou crâmer ma porte avec ton briquet je n’ai pas trouvé ça très élégant non plus. » Je lui ressers du café pour qu’elle continue de se taire. Je la regarde sans doute d’un air sévère puisque j’ai ce coupci très envie d’aller aux wc alors Vieira se sent obligée de se déchausser pour me décontracter. Graduellement ça se met à puer la basket. Elle commence à me caresser le haut des cuisses et le bas ventre de ses tout petits pieds ennylonnés. Je suis assis. Elle aussi en face. Là : Ressentir une certaine relaxation aux niveau du scrotum. Elle joue bien des orteils comme je le lui ai appris mais hélas tout ceci est relativisé par les essences au concentré de Mexique qui remontent là raide me trouer les sinus. « Sinon toi au fait comment ça s’est passé avec ton père ? —… — Ouh ? Ouh ? — Il est ruiné il n’a plus qu’une gouvernante. » Elle continue à me stimuler super pro. Foot job. « Un ami l’a escroqué d’un million de Dollards. — Cool. — Oui et l’ami est en prison maintenant à Miami pour plein d’autres affaires. Du coup il ne peut pas rembourser mon père qui déprime à fond. Je ne sais pas si tu imagines bien ? Il n’a pu m’offrir pour la Corrida de Noël qu’une place au soleil avec les indigents. Les places à l’ombre étant trop onéreuses pour lui maintenant. Quoique ça en y réfléchissant c’était plutôt drôle du coup. — Ici ça serait pas plutôt le contraire. Non ? Hummm. En hiver ? » - 34 - Après avoir d’un revers évacuer la paire de si jolis petits pieds si odorifèrants insistant par à coups sans doute un peu trop autour de ma vessie voire de mes intestins je vais aux toilettes en mettant par pudeur le plus possible mon jet en sourdine c’est à dire en visant les bords de la cuvette voire la lunette ce qui est dur en triquant tandis que je constate que de mon méat exsude en fin de miction un fin filament transparent un peu gluant. C’est là que j’entends Vieira monter sur ma mezzanine où il y a mon lit : « Désolée Mickey je suis complètement jet-laguée il faut que j’aille m’allonger. » Quand je reparais dans le salon je vois qu’en fait elle se frotte à mort en altitude l’entre-jambes à cheval sur ma rambarde. « Un pipi de garçon à entendre comme ça sporadique avec tous ces pets refrénés et toutes ces interruptions tu peux difficilement imaginer l’effet que ça me fait. On dirait une vieille machinerie prête à exploser. Je suis toute mouillée maintenant à cause de toi. » Et bien que ça me traverse l’esprit je ne vais pas la rejoindre là-haut et je préfère lui dire : « Vieira tu ne voudrais pas plutôt aller faire joujou chez toi et dormir un peu non ? D’autant plus que là il faudrait franchement que j’aille à la selle à cause de tous ces cafés et toutes ces cigarettes en série. Et je préferais être seul franchement pour ça. Sinon c’est vrai ça me gêne. Et d’autant plus si toi ça t’excite de m’écouter comme ça faire mes besoins tout le temps. D’autant plus que là heu franchement il faudrait que j’aille bosser. Franchement franchement.» Vieira arrête net de se frotter en propulsant son cul très haut et elle redescend mettre ses espèces de sales Converse grises à bouts écrus. - 35 - « Mais moi-aussi je dois y aller j’ai rendez-vous à La Comète avec Lulu » Sur quoi on embrasse et se dit : « À bientôt ». Sur le seuil elle ne peut s’empêcher d’ajouter : « Non franchement tu devrais enlever tes lentilles de temps en temps t’as plein de petits grains de poussière incrustés dedans ça fait pas très net au niveau du regard. — Yop. — Non sérieusement ça fait combien de temps que tu les as pas enlevées ? — Neuf mois. — Non ? T’es dingue. Tu t’esquintes les yeux Mickey. Ne fais plus ça. — Eh oui. Ça fait très mal. Allez il faut que tu y ailles maintenant. » Et je lui ferme la porte au nez. Après ? Je vais aisément vous savez où puis je me lave les parties génitales avec soin au lavabo debout au gant car je n’ai pas très envie de mouiller le reste vu le froid. 13h00 je vais à Montparnasse avec le bus 58 pour prendre le train de banlieue qui me dépose chaque jour à Meudon chez Cendrillon où il y a mon atelier. Ici : Imaginer après un vieux portail en bois un grand jardin en friche et derrière les frondaisons comme un gros gâteau rose et blanc de deux étages – chez cendrillon donc – vacherin au pied duquel serpente un petit chemin boueux qui tortille entre divers hangards sous un labyrinthe de feuillus et conifères racornies et mène après un mini champ d’orties crotté de limaces au fin fond de tout à la maisonnette en ruine qui me sert de base secrète pour mes essais chimiques à moi : Polyuréthane acétone tu m’étonnes trichloréthylène et pigments en poudre sur panneaux de mélaminé blancs représentant en gros des sortes de pinnipèdes, des phoques, - 36 - des pingouins anthropomorphes proprement ravagés et dévastés échelle un oui mais affublés de moustaches d’Hitler et d’oreille de lapin. Merdouilles trash et poppy pour tout public qui se prétend averti. Mais là je décide d’œuvrer un peu sur la commande que m’a faite Jean-Marie Wyloschky puisque là héhé je voudrais bien être payé. La commande de Jean-Marie Wyloschky ? Un panneau de mélaminé 130x130 représentant en gros un homme nu à genou à la peau grise et glaireuse qui arbore un drôle de masque rouge avec plus bas une queue tumescente (mais pendante) personnage en train de fesser un splendide cul féminin émergeant d’on ne sait où couleur chair très inspiré de celui de Fariba mon ex marteau. Ne plus confondre avec Farida la future ex de Napo. Bref enfin seul je peux œuvrer comme un fou en oubliant les heures qui passent jusqu’à ce que la nuit ne tombe de façon caricaturale et que je ne me décide un peu meurtri à arrêter de m’exciter avec tous mes glacis sur cul rebondi pour vite rentrer à Paris me coucher car là franchement je suis mort. Samedi 04 janvier 2003 12h05. Au réveil j’appelle aussitôt Cendrillon pour me décommander in-extremis à son déjeuner à Meudon où m’attend aussi un duo de quinqua divorcées en chaleur « I’m so sorry Cend » — déjeuner où était prévu ce fameux rôti de veau à la casserole projeté de longue date — décommandement d’autant plus disons prégnant que ce coup-ci il neige. Cendrillon ? L’hybride platinium en pleine forme malgré son hémophilie grande amie chez qui je peins mes obscénités depuis l’aube de l’humanité ou du moins depuis qu’elle me prête cette jolie petite ruine au fond de son grand jardin. Et comme il neige toujours à 14h43 je vais me faire quelques petites courses gourmandes in Boboland - 37 - tout beau tout blanc rue de Bretagne le pays de Candy où les quadra jouent les tri et les tri les bi avec leurs bonnets leurs poussettes, leurs skates et leurs baskets. Je m’écroule dès 17h00 lesté par mon propre rôti de veau à la cocotte oui mais sauce café au lait de soja vanille pruneaux oignons tapioca cannelle muscade. Je n’attends plus rien de ce monde-ci. Dimanche 05 janvier 2003 14h17. Fortement démoralisé au réveil puisque c’est mon anniversaire je tape « Ce soir j’ai 29 ans. Bienvenu à la Belle H 21h. Mickey. » que j’envoie pour être tranquille à aucune ex c’est à dire seulement à une trentaine de mes faux amis. 17h14. Fix me tape « Felicitad jy srai ptet ms tre to car jai rendev apres sinon a+ » 19h13. Yvan Masson mon gros puto costaud dans l’édition me tape « peu pa rentre tre tar a pari bonaniv biz sinon on svoit biento » Personne d’autre ne confirme ou n’infirme putain. 21h00 pile tout modeste j’arrive à la BH tête basse m’attendant à une sorte de grand charivari mais je ne suis accueilli que par Fix mon vidéaste foufou ne pas confondre avec Jip l’homme des machines. Fix que je n’ai pas vu depuis bien deux ans mais qui là fait du bruit pour dix vu que là personne n’est encore là. Tels des frères réconciliés nous nous embrassons. Je commande une bouteille de Sancerre blanc et une bouteille de Guigal rouge et Sèv nous les livre au comptoir dans un seau à glace en y ajoutant toutefois une bouteille de Saint Martin blanc et une drôle de boite de Camembert contenant en fait surprise plein de petites bouteilles d’alcool en chocolat de sa part à elle. Là dessus avec Fix nous soupirons d’abord bien de félicité en nous revoyant ça faisait deux ans et deux ans avant ça - 38 - n’avait pas été le top puis invariablement on se met à bien absurdiser la situation internationale à l’ancienne se moquant très fort de Chirac Sharon Saddam Oussama Dobeul You Atta l’Irak les Twins les States et nous croyons donc faire scandale un moment auprès de belles inconnues mais en vain. « Alors ? Enfin divorcé ? » C’est ce que je lance comme pour nous réveiller. « Oui mais on reste ami. Elle et moi. D’ailleurs elle passera ce soir nous dire bonjour. — Ouf ? — T’inquiète. C’est cool. » Là : (au ton) je devine que Fix et moi entamons enfin ce qu’on pourrait appeler la phase la plus jazz de notre vie. Là dessus arrivent Pacôme Thiellement rédac-chef de la revue Spectre accompagné de Wacaco la jeune styliste japonaise avec qui il vient de se réconcilier. Je les présente « Fix. Pacôme. Pacôme. Fix. » oubliant Wacaco puis on parle beaucoup de Poppermost le dernier opus de Pacôme édité par Bastien Gallet de la revue Musica Falsa qui bosse aussi à France Culture vu que c’est un protégé de Laure Adler. Après ? J’interviewe rapidement Pacôme sur son docu sur Purple la revue d’Olivier Zahm un autre ami d’enfance à moi qui a décidément très très mal tourné tandis que Fix pirate notre conversation en soutenant d’un coup qu’Olivier Zahm n’a en gros rien inventé du tout puisque c’est sa tante à lui Frederika je ne sais plus trop quoi — portraiturée en 1983 par Jean-Michel Basquiat titre : « Freddie » ( se souvenir d’une tête de mort en pull à rayure jaune et noir) — Frederika qui a donc inventé cette esthétique grisâtre des mannequins moches héroïnomanes incolores et boutonneux et cela bien plus de dix ans avant la revue Purple. Bref sur ces circonvolutions insipides vers 21h34 Cendrillon me tape « gros pbl scooter. j’essaie - 39 - encore. A+. xx c. » Pauvre Cendrillon. Là dessus arrivent tour à tour 8‰ONG et Juliette lèvres de pieuvre. Alias Femme Fontaine et Métisse n°1. Ce sont précisément les deux non-ex que j’ai plutôt envie de m’offrir ce soir et pour être poli je dois les présenter l’une à l’autre et par conséquent les distraire un temps en oubliant le duo Fix-Pacôme en pleine discussion. Ne parlons plus de Wacaco qui semble en belle mutique hors champ s’emmerder à la japonaise. C’est durant ce grand moment de faiblesse — où ne se pose pour moi que le problème du choix : Juliette ? 8‰ ? 8‰ ? Juliette ? Juliette et 8‰ ? — le temps les choses et les êtres s’étirant de plus en plus et dans tous les sens — qu’entre la seule chose au monde que je n’ai pas du tout envie de voir en un soir comme celui-ci merde. Planant très haut au dessus de la foule roide la momie de Ramsès II 1m90. Une grande inconnue très laide que je ne cesse de croiser depuis quelques années. Ça me fait peur à force de la voir tout le temps émerger dans mon présent quand je m’y attends le moins en dépassant comme ça dans la rue de sa décapotable marron son indécrottable sourire préhistorique au vent. Je n’avais jamais pu la voir dépliée. Là ? C’est le parfait ptérodactyle rouge et or qui vient de pousser la porte de la BH oui mais assorti des plus belles longues papattes du monde. Une sorte de long pantalon en serpent à pattes d’éléphant. Le soir de mon anniversaire cette paire de gambettes moulées franchit le seuil de mon qg — mâchoires carnassières collées à son portable doré — où ignorant le monde à coups d’happy new year à perpétuité elle converse avec un être vivant sans doute à l’autre bout de sa Manche. Vers 22h?? alors que Pacôme et Wacaco viennent de partir pour se mieux réconcilier ma seule vraie complice Cendrillon me retape « j’abandonne mon scout est naze - 40 - trop froid bises » tandis que graduellement la Belle Hortense se remplit d’une foule compacte d’amis vociférants et se tenant très très mal. Jip+Fix+Napo+ le reste du monde que moi-même royal j’ignore totalement hypnotisé par le serpent. Je sens aussi que mon duo 8‰-Juliette se fait une concurrence insoutenable et que nous triangulons mal alors sous le prétexte de leur commander à boire pour les mettre à niveau je m’approche de la grande inconnue certainement plus riche plus mûre plus nocive assise toute seule au comptoir avec son fume cigarillo. Yolanda vient de se présenter à moi comme ça en éclatant très fort d’un rire très triste en me reconnaissant elle-aussi. Une femme d’affaires anglaise Yolanda Wellington Head of quelque chose International. Elle vient de me tendre sa carte non je le crois pas comme si nous pouvions d’une quelconque façon être en pool un jour tandis que Juliette et 8‰ à qui j’ai bêtement offert des roses et des verres en quantité vaquent à droite à gauche et se mettent même éhontément à intéragir avec certains de mes amis ravis. À tel point qu’au total dans la périphérie je vois Fix dégager avec 8‰ merde bras dessus bras dessous et plus tard Jip avec Juliette bof tant pis tandis que ma longue momie l’adhésif et tant attendu YW m’offre — elle est la seule — une douzaine de roses très vite achetée à un petit vendeur barbu. « Happy birthday to you Miki » Miki ? Bouquet piquant que je m’empresse de fourrer complétement ivre dans mon pantalon histoire de bien prouver à la foule compacte de mes amis restants que j’ai bien la bite en fleur ce soir. - 41 - Là dessus avec Yolanda Wellington nous nous enivrons abominablement. Assis en amoureux au comptoir je lui mordille le crâne devant Séverine qui pourra éventuellement le répéter à Fariba tandis que je demande de temps en temps à la Mort de me trifouiller le bouquet de ses longs doigts peints en mordorés vu que ses épines déclenchent vers plus bas là où les tiges sont calées des tas de réactions en chaine sur diverses régions de mon scrotum malmené. Sur quoi le crâne n’arrête plus de me mordre et la langue et les lèvres tandis que je lui broie plus bas très fort ses cuisses de boa encastrées dans les miennes. Mais au summum de la douleur lundi 06 janvier 2003 vers 00h45 front bombé alopécie galopante mâchoire et arc jugal saillants la momie fraîchement déchaussée se raidit pire encore et veut y aller puisque dès 7h00 demain matin elle doit être à son bureau. Je dois faire la moue un quart de seconde mais rectifie très vite « Ouh. Vas-y vite. Go. Go. Go. Go. À un de ces dimanches Yol. On s’appelle. » Pour une visite express d’atelier meudonnais car je lui ai appris entre deux tortures que j’y avais de magnifiques œuvres à dominante rouge-sang chose dont elle est censée être assez marteau ces derniers temps. J’accepte donc qu’YW m’y accompagne un de ces dimanches puisqu’elle vient de s’offrir une nouvelle voiture il y a peu car avec sa vieille Triomph 666 DCD 75 — décapotable dans laquelle je n’ai cessé de la croiser ces dernières années — eh bien j’aurais bien évidemment refusé. Puis YW me quitte puisqu’elle s’en va. Après ? un peu esseulé je dois minauder jusqu’à la presque fermeture avec l’ex-épouse de mon grand ami Fix. Elke ou Heike. Elle vient juste d’arriver à la BH sous anesthésie elle-aussi et j’omets de lui dire que son ex-mari vient de se barrer avec 8‰. Je préfère l’accompagner dans les toilettes lui trifouiller le sexe pendant qu’elle urine et en retour elle daigne pour - 42 - rire me prendre une seconde la verge dans la bouche pour qu’éventuellement je le répète à son ex-mari. Heike ? C’est un mannequin allemand très sympathique finalement fausse brune si joueuse depuis qu’elle vient de divorcer. Mais pour une raison inconnue elle aussi doit s’en aller. Après ? Excessivement flottant et frustré je crois me rapprocher de Geneviève Anoury ma délicieuse réalisatrice rouquine libanaise à bonnet E que finalement je raccompagne à la fermeture puisqu’elle habite sur mon chemin rue Barbette. Là où nos routes se séparent Geneviève absurdise bien la soirée venant de se tramer et rit beaucoup quand elle me décrit par le détail tout ce qu’elle y a observé cela sans m’embrasser le moins du monde vu que ça ne semble pas le propos. Et après avoir envisagé par politesse jeudi prochain une visite de mon atelier elle court monter ses escaliers car avec le froid elle a une terrible envie de faire pipi alors on se dit vite à jeudi à jeudi et je vais me coucher après avoir tapé ce lamentable et plaintif « Ça y est. Tout seul. Tout triste. Et clac tu manques à nouveau » que j’envoie à YW enfin je connais son numéro d’embaumée équarrie puis à Geneviève Anoury. Je n’ai évidemment pas le numéro de l’ex à Fix. Elke. Non. Heike. Affixe ? Élément linguistique à éventuellement ré-incorporer de temps en temps avant ou après le radical Fix pour en modifier toute fonction. Et c’est en tête hélas avec ceci que je m’endors. Lundi 06 janvier 2003 14h32. Je suis à Meudon sur la commande de JeanMarie Wyloschky c’est à dire sur le cul de Fariba et alors que je peste tout seul contre le prix des cigarettes qui vient brutalement d’augmenter je filtre Vieira qui me redemande - 43 - en gros le contact d’Hélène pour lui reproposer je ne sais plus trop quoi à rédiger pour le site de sa boite RVMR (Re :Vieira Marketing Research). 16h01. Je lui tape « HeyV! Contact HS : 0669697121. » 16h15. Alors que je suis toujours sur la commande de Jean-Marie c’est à dire sur le cul de Fariba en pestant contre je ne sais plus trop quoi — 8‰ me laisse « Je t’aime connard. » Malgré son hypothétique côté fontaine je ne rappellerai plus jamais cette femme. Vu le retard. Et le reste. En rentrant de Meudon directement à la maison sans prendre d’apéro je me confectionne une sorte de pot au feu. Un kilogramme de légumes avariés à l’épaule d’agneau dans le court bouillon de poisson safranné qui me restait dans ma cocotte sale. J’ajoute en fin de cuisson une tête de veau déjà cuite sous cellophane sauce gribiche pour remplacer l’os à moelle que je n’ai su trouver à cause de l’ESB. Le tout touillé s’avérant délicieux et gluant à souhait. Je n’appelle ni ne textote quiconque. 22h17. Je regarde Spider-Man un Sam Raimi loué quand Juliette Anderson me tapote « Je veux le numero de napo discretement merci. Ju. » Je ne pensais pas que ce Sam Raimi serait aussi nul alors je décide de visionner la fin de The Prophet’s Game qui s’avére très décevante elle-aussi alors je décide de me masturber devant Décadence Française un porno eighties suédois que je n’ai jamais pu voir en entier puis tente de trouver le sommeil devant L’Extravagant Monsieur Deeds un Capra en vieille VF année 40 ce qui est assez dur tant je me marre tout seul dans mon lit. - 44 - Mardi 07 janvier 2003 09h54. Pour lui faire croire que je ne suis pas si jaloux je réponds « 06 84 54 41 53. Napo va être ravi. Cruelle. » à Juliette qui est censée être avec Jip depuis mon anniversaire comme si je plaisantais en faisant semblant d’être un peu jaloux de Napo qui est censé être à nouveau avec Farida. À Juliette que je ne calculerai donc plus jamais. Je passe ma journée à bloquer devant la télé avec de vagues idées de suicide excessivement tarabiscotées. 18h54. Je filtre Napo qui me laisse ce message audio « Cher Mickey es-tu dans le quartier ? Moi je suis déjà à la Belle je t’attends sale bavard faut qu’on se parle. » 22h34. Juliette me tapote « T’es un vrai pote bises ju. » Je passe ma nuit sans répondre à qui que ce soit avec loués L’attaque Des Clones Descente À Paradise puis Jennifer 8 devant lequel je peux m’endormir vraiment lassé de ce monde. Mercredi 08 janvier 2003 11h43. Pour une raison qui me concerne au réveil je tape à une morte « Ici Mickey ! Comment vas-tu HS ? Vieux rat t’a-t’elle appelée pour un nième texte à la con ? ». No answer. Tout en culpabilisant un peu puisque je ne peins plus trop ces temps derniers je décide de continuer à m’acharner sur Jackalope Burger étriture étriture délivrant une réponse probable à : « Mais qui est donc Miki Ikillu ? » le reste important peu. Dans l’après-midi tout prend forme sous un certain pli que je ne décrirai pas ici. - 45 - C’est sans doute ça l’inspiration de la bouillie car Dieu lui aussi est mort certes mais son souvenir fort ressemblant me pourrit encore la vie. Dès 20h00 après relecture je trouve tout type de développement si superfétatoire et non avenu que – ne-pasenregistrer – je referme mon dossier et me retrouve tout seul dans mon lit glacé où tentant de me réchauffer auprès de la Jeanne d’Arc de Besson fort enflammée je peux taper « Hey point G ! Et si on remettait notre visite d’atelier à au moins +5°C c-à-d quand ? chais pas ! Love. M le maudit » à Geneviève Anoury dont j’ai enfin le n° de mob et avec qui je suis bêtement convenu le jour de mon anniversaire d’une éventuelle visite d’atelier demain jeudi 09. 20h55. Elle me tape : « hey bonnet m ok jtappel +tar luv g. » 20h57. Je lui tape « But still ok 4 any drunk nite F corse. » car j’aimerais bien me l’enfiler. Mais vers 01h14 jeudi 09 janvier 2003 donc Geneviève me retape « Still alive luv ? » mais là ça me réveille. Ça m’oblige à me repasser la fin de Jeanne d’Arc où Milla Jovovich crâme en beauté pour à nouveau trouver le sommeil ce qui est le cas. Du lever au coucher écriture peinture puis vers 20h00 biture car après m’être bien occupé du cul peint de Fariba tout l’après midi j’ai rendez-vous avec Napo au comptoir de la Belle. Là en l’attendant je suis obligé de sympathiser avec une grosse inconnue avec piercing dans le pif exceptionnellement revenue de Brooklyn (Williamsburg) où elle vit et dont je dois me moquer tant elle appartient à ce stéréotype des petites françaises installée là-bas. C.à.d overbookée entre trois quatre jobs différents comme médecine par - 46 - imposition des mains portant un nom chinois chant assistante de prod dans le docu ou la fiction + je ne sais plus trop quoi. Là dessus arrive ohhh une Geneviève Anoury glacée à qui je peux offrir un grog. Je les présente puis leur offre une rose blanche chacune puisque mon petit vendeur de roses barbu attitré venu d’un pays très lointain et musulman et donc touché par les cataclysmes ne m’en laisse pas vraiment le choix « Attention les filles blanche c’est le mariage ok ? » et elle me répondent hahaha tandis que je donne quatre euros à petit vendeur de roses barbu. Toutes deux sympathisent si bien en faisant semblant de parler anglais que ça me permet d’accueillir dans la minute qui suit Napo plus tranquillement. Nous entreprenons donc avec sérieux de nous saouler comme il faut. Ma tournée. Ta tournée. Ma tournée. Ta tournée. Et à un moment je peux glisser « Et avec Juliette ? Comment ça se passe au fait ? » et il souffle très fort tel un mec si las des turpitudes de ce bas monde qu’il s’en dégonflerait. « Elle ne me lâche pas. Regarde encore ce qu’elle vient de m’envoyer. » Et il me montre un texto au contenu explicite mais dont le détail m’échappe car de près tout se brouille vu que mes lentilles commencent là à vraiment déconner. « Désolé. Je pensais que j’avais bien fait de lui refiler ton numéro. Mais elle est plutôt bien comme fille. Non ? — Oui mais elle est trop jeune 23 ans j’ai déjà donné. Ça va. — Tu as peut-être raison. » Sur quoi arrive ce grand gros puto costaud bossant chez Gallimard. Yvan est toujours d’humeur massacrante et a là deux trois trucs à reprocher à Geneviève avec qui il est - 47 - censé sortir. Je ne savais pas. Avec Napo nous traversons donc la rue pour voir au Petit Fer qui il y a exactement. On ne sait jamais. C’est là que je peux croiser Jip qui fait de même mais dans le sens inverse et à qui je glisse donc au passage « Tu vas à la Belle ? Peux-tu dire en douce à Geneviève que je l’attends en face ». Une fois que Geneviève a traversé la rue après s’être un peu faite engueulée par Yvan pour son attitude en gros volage envers le monde entier ce qui est faux malgré les apparences mon portable se met à nouveau à vibrer. C’est Viera ex préférée n°2 qui me propose bof pourquoi pas ? de me rejoindre à la maison si je veux. Je réponds : « Ok 23h00 dans 20 minutes avec le plus gland des plaisirs Viera. » Ce qui vient de sonner un peu comme déplaisir et je dois m’excuser auprès de Geneviève et Napo que je salue. Et j’y vais car là vraiment j’ai une furieuse envie de rebaiser. Chez moi c’est à nouveau tout vicieux avec Viera puisque nous faisons en gros vachement l’amour à la taré prenons plein de bains chauds mangeons bien divers trucs qui moississent dans mon frigo etc attrapons pleins de torticolis et de crampes entre ceci et cela jusqu’au lendemain vendredi 10 janvier 2003 19h00 où elle doit y aller avec quelques rougeurs et en boitant un peu vu qu’elle doit tous les jours quand même par autodiscipline s’occuper de ses dossiers. On s’embrasse très fort puis se dit à très bientôt. Tandis que dans la minute qui suit je cours rue de Bretagne — tout en téléphonant à mon grand collectionneur Jacques Aumont le papa à Lyson qui reste ce week-end à la maison car bloqué par la neige dans son Loiret alors qu’il me doit 10000 Euros — au rendez-vous que j’ai avec Jean-Marie Wyloschky et sa Marie à lui qui - 48 - m’en doivent 3000 au Cochon à L’Oreille 15 rue Montmartre où nous entreprenons de nous enivrer comme prévu. Moi au Saint-Véran sur pied de cochon farci plus lentilles maisons. Jean-Marie et Marie au Morgon sur confit pommes sautée pour lui. Darne de Saumon pour elle accompagné de riz. Et on a minaude à trois dans ce petit restaurant charmant genre triolisme latent devant tous le monde ce qui est un peu gênant vu que ce n’est pas mon genre. Mais je tolère quand même très bien les pieds déchaussés de Marie Juicy. Enfin je connais son nom de famille. Git ici ? Joue ici ? Jouit ici ? Trop nul. Si jolie. Pieds voulant à tout prix s’introduire dans les pans de mon pantalon tandis que plus haut elle roule des gamelles au saumon à son Wyloschky très très amoureux ça se voit. L’alcool montant tout dégénère peu à peu. Marie J reprochant en gros à J-Marie de jouer les amoureux avec elle qu’uniquement en ma présence. Sur quoi pour les distraire je leur propose le Petit Fer en guise de dessert alors J-Marie paie pour tout le monde 96 euros et on y va. Sur le chemin ça n’est pas très cool puisque Marie J un peu ivre reproche à un moment donné à son W d’avoir dégradé d’un coup de pied taquin près d’un abri-bus une sorte de mobilier urbain. Il voulait se réchauffer une Church’s sur une poubelle verte. Mais devant le sketch civique de Marie un peu exagéré il est obligé de lui refiler un petit coup de poing sur le nez. Avec le froid elle le prend très mal. Le Petit Fer étant vide on va à la Belle. Marie n’adresse plus du tout la parole à Jean-Marie et je vois bien venir le moment où je vais l’amener chez moi. Mais en finissant mon verre d’un trait et sentant que ce n’est plus trop le bon soir pour solliciter mes 3000 Euros - 49 - je baille et dis finalement que je vais aller me coucher en payant la tournée. Sur quoi le jeune couple fragile J-Marie-Marie-J est bien obligé de se rabibocher en se filant encore quelques petits coups dans la nuit en attendant le taxi qui les ramènera à Neuilly. Samedi 11 janvier 2003 14h26. Je ne sais pas pourquoi je tape au réveil : « Jaune vié veut âne nourri » à Geneviève Anoury. Bonnet E. 15h20. Anonyme se met à vibrer et très didactique je suis obligé d’expliquer à Geneviève que vié signifie en gros vit dans le sud. Ou mentule. Ou chibre. Verge autrement dit. Comme dans l’expression hé mon vié madame Olivier qui veut dire en gros hé mes couilles et que je n’ai pas osé écrire jeune vié veut mais plutôt jaune etc eu égard à mes vingt-neuf ans jaunissants. C’est là qu’elle m’apprend que Maurice Pialat vient de mourir. « Ah. Quand même. Des fois. Place aux jeunes. Non ? » lui réponds-je l’air métaphysique car Geneviève est je le rappelle une très jeune réalisatrice. Alors elle me répond eh oui et ajoute qu’elle doit à tout prix aller s’acheter ses cuissardes en daim dans le 6ième. Je me rappelle que je lui avais promis un jour de l’accompagner pour la conseiller vu que les magasins de pompes féminines du 6ième c’est comme on dit mon truc. Mais là il s’avère que je préfère rester à la maison pour écouter France Culture où il y a une très bonne émission intitulée pourquoi restaurer les œuvres d’art ? Il y est question de combattre pour ne pas restaurer à tout prix car toute restauration est subjective et contingente. De la grandeur à se priver des moyens dont on - 50 - se targue. De logique paradoxale. Du fait qu’on ne doit pas compresser le temps. Que ça éteint la jactance de l’œuvre et autres conneries. Qu’améliorer l’état de surface en supprimant les griffures du temps équivaut à une piètre opposition à la mort nécessaires des choses. Oui mais que ces interventions elles-aussi vieillissent et peuvent parfois susciter de la nostalgie. Bref que le problème est d’ordre déontologique voire moral. Et que la façon dont on restitue au regard se révèle aussi le bulletin de santé d’une époque voire d’une société et que ça aussi ça a de la valeur. Bref vers 18h30 Geneviève m’appelle pour me donner rendezvous à la Belle dans une heure. Elle n’a pas trouvé ses cuissardes en daim. Ni au Bon Marché ni ailleurs. Mais elle semble très très gaie. Je me parfume la barbe. Et j’y vais. Sitôt à la Belle je peux constater qu’elle vient de me laisser un message tout frais que je n’ai pas senti vibrer en marchant étonnant me disant que finalement elle se décommande vu qu’elle est invitée au resto tôt par des amis qui ont un enfant et qu’elle doit y aller direct mais qu’elle me rappelle en sortant. Sur quoi je minaude assez longtemps avec une très jolie japonaise inconnue à qui j’offre une rose rose mais qui hélas baille et dit qu’elle doit aller se coucher alors qu’il n’est pas 21h00. Je lui dis : « Menteu-euse ». Mais comme j’ai appris que c’était une voisine rassuré je la laisse partir puisqu’elle habite rue des Gravilliers et que je la reverrai. Après ? Un peu esseulé vers 21h?? j’envisage peu à peu d’aller me faire quelques coucourses chez mon vieil arabe vu que je n’ai plus de café ni lait ni eau ni Tropicana au pamplemousse ni rien ni pour ce soir ni pour demain matin. Mais 8‰ m’appelle pour me dire qu’elle est avec Fix dans les environs et qu’ils passent tout de suite à la BH juste pour me dire bonjour. Comme si je n’étais que ce pauvre pilier de comptoir n’ayant que ça à faire : Être visité. - 51 - Je lui réponds séchement que j’ai vraiment eu ma dose de connerie pour aujourd’hui et que je dois y aller mais qu’ils peuvent passer quand même tous les deux avec Fix vu qu’il y a une super ambiance folle ici à la Belle ce soir. Ce qui est faux. Juste pour qu’ils se déplacent pour des clopinettes. Puis je raccroche et j’y vais. Mais vraiment putain que Fix s’étouffe avec sa femme-fontaine. Sur le chemin du reubeu je peux croiser deux belles longues brunettes de 20 ans avec culs assez nerveux qui me disent « Mikiiiiiiiiiiii ! Qu’est-ce que tu fais ce soir ? — Rien chuis dégoûté je rentre ciao. » Et j’y vais. 21h53. À la maison vibration dans mon pantalon. Hummm. Surprise. Sur mon LCD Fariba s’affiche et bêtement je décroche. Je peux alors ouir ce flot d’insultes ultra-vulgaires en provenance de la Belle Hortense où elle vient d’arriver. Séverine a bien travaillé pour moi en lui rapportant l’étendue de mes frasques. Mais à un moment un peu lassé par la déjection continue de gros mots je stoppe tout net en exigeant qu’elle me rejoigne à la maison dans la demi-heure. Le temps de me préparer un couscous congelé au bain-marie car je n’ai rien avalé de la journée ce qui me plombe littéralement l’humeur. Vers 22h3? alors que je filtre une Geneviève qui sort de son resto tôt débarque une Fariba toute neuve très physique le crâne vert pâle fraîchement rasé ton sur ton dans son treillis kaki. Elle arbore son air de tueur des mauvais jours et redevient pour moi – comment dire ? – une sorte de Valérie alors je marque un temps d’arrêt rote parfum couscous et tout remonte puisque je lui arrache une de ses Adidas orange qui se met à tournoyer puis là gicle sur ma bibliothèque en dégommant tout au passage. Entièrement déchaussée et bloquée par mes soins - Tiens ? Des chaussettes résille ? - elle m’envoie de grands coups de - 52 - pieds que savamment je pare. Son treillis craque. Son soustingue se délite. C’est que je la fous à poil en la malmenant dans tous les sens. Mais tendue sur la moquette à en exploser la grosse chauve aux seins fragiles ne trouve pas mieux que de venir là me mordre l’aine. La bave aux lèvres à moi d’y aller. Car après lui avoir du coude écrasé la glotte pour qu’elle ne lâche prise la salope je l’entraine avec fermeté dans ma mezzanine où j’enclenche Fric-Frac avec Arletty Fernandel et Michel Simon devant lesquels je l’encule à la taré en me remémorant mon tableau. Bouge pas. Enfin se concrétise la commande de Jean-Marie W. Dimanche 12 janvier 2003 Tout à l’heure à 14h00 j’ai rendez-vous avec Yvan Masson au Saint-Régis sur l’Ile Saint-Louis. C’est ce qui me traverse l’esprit au réveil à 12h08 avec le ronron de Fariba à mes côtés. Après l’amour et le café au lait elle m’offre tant c’est clinique et vicieux Monstres Invisibles de Chuck Palahniuk qu’elle avait dans son sac alors donnant-donnant je lui fais écouté Lunapark #0.10 un CD belge compilateur de poèmes lus par leurs auteurs eux-mêmes. Appollinaire sur le Pont Mirabeau va te faire empapaouter Maïakovski Huelsenbeck Schwitters Joyce Artaud Tzara Duchamp Cummings Gysin Dufrêne Guyotat. Et devant tant de convictions déballées nous rions beaucoup mais là j’ai mon rendez-vous professionnel dans un quart d’heure avec Yvan Masson et sans même nous laver et en puant le tigre nous y allons en se comme des bossus marrant dans la rue à s’en gerber dessus. - 53 - Fariba a l’extrême gentillesse tant il fait beau de m’accompagner en boitant jusqu’à l’Île Saint-Louis tout en trainant son vélo ce qui est un peu handicapant surtout quand on veut s’embrasser à cause des pédales qui nous massacrent les tibias. Puis telle une chauve Janny Longo elle y va de son côté pour vite rentrer œuvrer sur un projet de déco pour lequel elle est assez charrette. Là : Voir le plus beau cul du monde s’éloignant en pédalant de façon arythmique. Pour tout le mal que je vais lui faire à l’avance j’ai su lui demander pardon. Yvan Masson n’est pas en retard et m’attend narquois. Un gros puto costaud Leffe aux lèvres à la terrasse non chauffée du Saint-Régis. Égal à lui-même. Je commande direct un cassoulet et un verre de Sauvignon oui mais du bon tandis qu’Yvan me lance « Houlà celle-là elle est pas pour toi man ça se voit c’est quoi cette goudou ? — La femme que j’aime » et il recommande simplement une Leffe. Sans perdre une seconde nous allons au vif du sujet. À savoir son compte rendu sur Jackalope Burger version naze précédente puisqu’Yvan est devenu peu à peu quelqu’un de très important à La Noire chez Gallimard. Jackalope Burger ? Réponse sacrificielle à vous savez quoi. Là dessus durant une bonne heure au milieu des saucisses et des haricots blancs refroidissant Yvan lui aussi y va et ne m’épargne pas. Mon style vulgaire poussif et empesé alourdit une narration beaucoup trop resserrée sur mon héros focalisé et mes second rôles trop nombreux n’y sont pour ainsi dire pas du tout developpés et tout retombe comme ça tout creux comme une coquille de noix. Telle quelle ma chose est morte née. Sibyllin je lui demande après une saucisse : « Tu n’as pas peur dans la vie qu’un jour il ne t’arrive plus rien ? » - 54 - Ce qui aurait dû le sidérer tant ça venait à brûlepourpoint. Je sous-entendais qu’il ne lui arrive un impondérable du genre définitif mais face à son manque d’imagination je paye la tournée vu qu’Yvan a payé la fois d’avant en exigeant toutefois une note au garçon pour que ce rendez-vous reste strictement professionnel et déductible des impôts. Puis on s’embrasse en se disant à la prochaine on s’appelle et de loin j’entends encore Yvan dire bosse ! trouve un truc chais pas en brandissant le poing. J’adore ce mec. Un truc ? Je vais directement louer S.C.A.R. Avec Chazz Palminteri et Stephen Baldwin. À Couteaux Tirés avec Anthony Hopkins et Alec Baldwin. Et Sliver avec Sharon Stone et William Baldwin. 22h05. Je viens enfin de changer de lentilles et tout devient très très net. Lundi 13 janvier 2003 Après S.C.A.R. À Couteaux Tirés et Sliver au bout de quelques heures je peux heureusement m’endormir vers 04h?? sur Sale Nuit avec Mario Van Peebles fils de Melvin Kevin Dillon frère de Matt et Ben Gazzara. Lui-même. Pas de frère Baldwin à l’horizon. Ce soir normalement j’ai rendez-vous à 22h00 aux Cannibales avec Fariba. C’est ce qui me traverse l’esprit au réveil dès 07h06 avec l’odeur de cumin sauvage de celle que j’aime sur mon oreiller. 07h06 ? Les Cannibales est une cantine à bobo tenue par une néo-zélandaise bonnet D fraîchement atterrie dans le 11ème. Mais 07h06 me turlupine. Là ? 07h06 se convertit en 6h66. - 55 - Tel un ressort je m’éjecte et avec cette trique d’un type nouveau je vais pisser. C’est là qu’on agit M le maudit. C’est là qu’on prend parti Miki. Les signes ont enfin un sens. Velouté ? Ou émincé de Fariba ? Pourquoi pas ? Ça doit être ça être possédé. Ça fait appel à une pensée créatrice. C’est comme d’un coup réappartenir à cette grande chaîne de l’Humanité. Origines animistes. C’est ce que l’on nomme mâcher une mâchoire ou écouter sa propre oreille. Vrombir. Un vrai circuit fermé. La vie ? Comme Sainte Tautologie ? Ici : Pas de dogme. Non. Un chemin paradoxal. En soi. Contrit l’initié s’initie à lui-même assis sur son propre banc d’essai. Alors du matin au soir très obéissant en tentant de trouver un truc je trouve un truc et je ne trouve pas mieux que de faire Hara-Kiri en coupant tout en deux. Et ce n’est qu’après ce gigantesque copier-coller et le plus grand bordel de foutoir de couper-coller dans tous les sens que Jackalope Burger devient cela : - 56 - et j’ai persévéré jour après jour dans une existence que je crois être absolument remarquable. Denis Johnson : Le Nom Du Monde jackalope burger Là ? Je n’étais plus que ce singe. Je vire-voltais en rougeoyant dans ma nuit mais sans trop y croire j’entendis un bruit mat et mouillé. Aujourd’hui-aujourd’hui vola en éclats. Pas de douleur afférente. J’en fus presque surpris. Déçu je me tassai encore un peu plus en m’enfonçant dans le volant. Incandescente la vieille Volvo hoqueta. Une foule de petites idées en profita pour s’égrener sur le parebrise puis à peine un peu plus loin sur le platane dans une sorte de pluie ou mise à plat. L’une d’elles voulut surnager quelques temps. Un vague regret. Oui j’aurais dû épargner ce lapin à cornes qui avait traversé. Après ? Il n’y eut pas grand chose. - 57 - Un grésillement de guêpe malvenu presque harmonique. Bruit blanc rosissant. L’auto-radio s’était enclenché. Dans la mesure où des prégnances évoluent et ondoient dans un même espace-substrat je compris dès lors à quel point l’une d’elles pouvait s’intriquer dans la propagation d’une autre. Je retrouvais mon grand modèle dit des catastrophes. Les actes qui les induisaient — comme pour une proie son ingestion par un prédateur — deux font un — s’y révélaient topologiquement isomorphes à l’émission d’un actant descendant à partir d’un vagin — un fait deux. Tout s’éclairait. Seule la flèche du temps différenciait ces deux morphologies. J’étais en paix. Impardonnable mais en paix. Mon secret ? L’abrutissement. Ces symptômes on les connaitrait tous. On avait lu des revues scientifiques. Le déni de réalité ? On savait ce que ça signifiait. Plus concrètement PP1 était à l’œuvre. Cette enzyme efface quand il le faut nos données encombrantes. La Protéïne Phosphatase #1 agit au sein même d’un mécanisme actif de l’oubli. Je ne décédais pas. C’était beaucoup plus compliqué que cela. Une relecture avec option effacement à la clé assortie de couinements dans le grésillement. Mes yeux crépitaient ? Moi pas. Je dus me concentrer au delà du raisonnable pour savoir quand on était. Quand suis-je ? Seule question qui me taraudât. Où ? Je le savais. Je n’étais pas loin. Tout autour de moi. Ce phénomène ne pourrait qu’empirer mais là ce n’était plus si grâve. - 58 - Mars 1973 Ça prendrait beaucoup de temps et d’efforts à justifier toujours est-il que là je n’étais pas encore né. Peut-être conçu mais rien n’est avéré. Ce qui peut être amusant à spécifier quand tout le monde s’en fout. Moi le premier. Avril/mai 1977 Mes parents étaient encore allés travailler et vers neuf heures du matin j’eus l’impression d’être tout seul à la maison. Je m’ennuyais. Fadhila venait de me doucher. Elle avait eu du mal à régler la température du jet et je n’avais pas cessé de m’en plaindre. « C’est chaud. C’est froid. C’est chaud. C’est froid. » J’avais même un peu pleuré. Mais là j’étais propre et sec. J’avais été violemment frictionné de haut en bas par la grosse rousse aux collants couleur chair qui repassait pas loin. Fadhila ma nounou toute fâchée dans son coin. Je ne savais même pas pourquoi. Nous étions dans le salon. Elle était assise. Je jouais à terre avec mes Matchbox. Les yeux rivés sur ses talons. La montagne de chair préfèrait jouer avec ses babouches pointues puisque ses pieds ne cessaient de s’en extraire puis de s’y engouffrer à nouveau. Le droit le gauche le gauche le droit sans discontinuer. Par derrière j’observais la saynète tel un animal un peu abruti. Plantes de pieds tantôt arquées et obombrées au niveau des orteils tantôt concaves mais charnues. Apparaissant. Disparaissant. Dans un joli bruit de frottement. Je m’approchai avec mes voitures puis m’amusai à en faire atterrir une sur le talon droit ennylonné. Déchaussé - 59 - c’était son tour. Je visai la couture du renfort. Une Renault à l’envers voulut rouler tout doucement sur une plante qui se déroba. Ça semblait la chatouiller puisque Fadhila me le dit mais la plante revint se rechaussa puis se dénuda encore. En se repositionnant. On était réconcilié. J’insistai. Puis crus entendre : « Humm c’est gentil là » car les roues étaient de plus en plus caressantes sur la plante immobilisée. Mais j’entendis : « Arrête ». Je jetai la Renault qui s’accidenta un peu plus loin je contournai le dispositif et enlevai délicatement sous la table deux babouches de cuir jaune qui sentaient juste un peu le mouton peut-être. Pas de réaction plus haut. Je me retrouvai à quatre pattes sous une djellaba de satin lila où il faisait humide. Je me frottais l’entre-jambes contre un tibia encore et encore puis dévalai vers plus bas les pieds nus si doux. Qui me bloquèrent. Les babouches ayant été garées plus loin. J’avais trois ans j’étais en pyjama et venais de tomber raide amoureux de dix orteils recourbés joueurs charnus et mobiles qui s’amusaient à me faire danser depuis que je les avais capturés et conservés ainsi tout prisonniers entre mes cuisses. Les orteils agiles me caressaient maintenant. C’était leur métier. Pouces de nylon le droit le gauche frétillants frôlant anus scrotum gland en faisant de petits ronds tandis que j’embrassais plus haut dès que je le pouvais quelques replis baveux. Fadhila continua de repasser en fredonnant. Un truc que je ne comprenais pas. Ça dura. Je jouis. Elle aussi. Un jour lors de ce rituel que Fadhila aurait judicieusement baptisé plus tard woilà kiki mes parents nous surprirent. Et la virèrent. - 60 - Après ? Je mis à rêver d’elle. Mais quand je voudrais à nouveau prendre mon pied avec celui de ma nounou évaporée il y aurait toujours hélas dans ce rêve un peu répétitif une nouvelle babouche sous celle que je viendrais juste de lui enlever. À l’infini. Mercredi 05 janvier 2000 « Miki ? Mais elle est où Zaza ? — Oh je crois qu’elle a pété un plomb et qu’elle est retournée à Genève il y a deux ans. Vivre chez Gerhard son père je crois. Ça marchait pas trop bien pour elle ici tu ne te souviens pas ? — Elle aurait pu me prévenir. Tu prends quoi ? — T’as pas eu son mail ? Un Meursault. Moi. Si. Vous étiez vraiment mariés ? — Non elle était contre en fait mais on a eu de bons moments ensemble. Au début. C’était prévu. Le problème c’est qu’elle n’a jamais été très fidèle. Tu saisis ? Deux Meursault s’il vous plait. — Oui je sais super instable comme greluche. C’est ce qui faisait son charme aussi. — Bon anniversaire mec. — Na zda`roviè Wyloschky. — Avec quelques qualités beaucoup d’humour tout ça ce qui est assez répandu en fait chez les suissesses. — Elle n’aimait pas trop suissesse je me souviens elle préférait helvète. — Très touchante. Vicieuse. Rigolote. Belle bouche. — Très triquante. Super vicieuse. Très rigolote avec son accent à couper au couteau. Elle manquera. Sinon toi ça va ? Tu me diras combien je te dois pour la vitre. — La vitre ? Ah oui. Laisse tomber on devait foutre un double vitrage de toute façon. - 61 - — Cool. Sinon ? Les affaires ? Elle m’a toujours très très bien parlé de toi. Tu savais ? Avant. Par lettres. Puis après quand on s’est remis ensemble. Mais c’est vrai qu’elle s’est barrée d’un coup comme ça. Pfuit. Évaporée. Du jour au lendemain. J’ai récupéré son truc 9 rue Charlot à l’Hotel de Retz depuis. — Ah bon ? J’ignorais. Oui non moi ? Les affaires ? On est en train de se viander mec. Sinon elle m’avait beaucoup parlé de toi aussi. Tu dois t’en douter. Tu semblais être chais pas trop quoi pour elle. — Cool. Oui non moi aussi ça va très mal les affaires. En tout cas elle t’a aimé ça c’est sûr. C’est assez étonnant tout ce silence. Des fois je suis un peu inquiet. J’avoue. — Elle n’aime personne Zaza. C’est pas son truc. Ou alors elle aime tout le monde. — En tout cas tout le monde l’aimait. — Ouais. Un peu trop des fois. — En tout cas moi j’aurais adoré sa tête. J’ai beaucoup travaillé dessus depuis c’est vrai j’oublierai pas. Ses jambes. Ses jolies pieds. Lui bouffer les orteils la chatte tout ça. Sinon elle avait un sacré cerveau et un goût certain comme fille tu crois pas ? — Hahaha. Tu veux dire parce qu’elle nous a chaperonné nous à un moment donné dans sa petite vie de grosse bourge? — Entre autre. — T’es marrant. À ta belle gueule Miki. — À la tienne. Jean-quoi déjà ? J’oublie toujours. — Jean-Merde ou Jean-Marie comme tu préfères. — Uhuhu. À notre 21èmesiècle. Qu’il soit le plus… religieux possible. — Ou qu’il ne soit pas. Man. Bon anniversaire Miki. — À toi JM et à l’amour. Où qu’il soit. » - 62 - ?? jan/fév/mars 1980 Un savant barbu et à lunettes commentait à la télé certains des comportements observés chez les tout petits. Ce professeur était fier d’avoir dispatché tout un réseau de caméras vidéo dans une crèche et il commentait avec des mots que je ne comprenais guère les déambulations erratiques de ces espèces de gros bébés foireux baveux titubants et frotteurs que nous avons tous été. La voix-off s’amusait à distinguer parmi les plus volubiles les déjà leaders des soi-disant dominants-agressifs. Du coup je me mis à hoqueter en exagérant un peu. Quand ma mère me fit taire puis m’avoua faire sa thèse avec ce barbu-là raison pour laquelle elle se concentrait sur ce documentaire mon hoquet cessa aussitôt vu que je mis à supputer qu’il n’était vraiment pas impossible qu’il y ait aussi plein de caméras dans ma chambrette à moi. Fâché je déclarai que j’allais monter me coucher. Ce que je fis. Puis je me relevai et commençai à minauder tout seul dans la pénombre de ma chambre en tournoyant sur moi-même pendant ce qui me sembla être des heures. Cercles de plus en plus grands puisque j’entrepris de me taper la tête contre les murs. Pas de réaction en bas dans le salon ? Alors je me laissai entrainer les bras en croix toutes griffes dehors dans cette vaste opération d’arrachage systématique de cette espèce de papier peint à rayures beiges qui ornait mes murs à cette époque-là. Ce qui me rappela ce truc de destructivité évoquée dans le documentaire en question. Mais ce qui m’émoustilla le plus durant cette séance ce fut le bruit de l’arrachage du papier ce rouïk-rouïk-rouïk des lambeaux devant ces hypothétiques caméras. À s’en faire péter les ongles. - 63 - Ma mère trouva ça curieux le lendemain matin en voyant le résultat mais elle ne s’alarma pas trop vu que j’omis de lui avouer que je savais qu’il y avait des caméras partout. Je me justifiai au contraire en affirmant que la tapisserie tout simplement ne me plaisait plus. Ce qui était aussi le cas. À mort le beige. À mort les rayures. Déjà. Le week-end d’après alors que mes parents m’avaient encore laissé tout seul à la maison pour aller revoir Le Tambour de Schlöndorff à l’Utopia d’Avignon je pus vérifier en attaquant le mur plus sérieusement qu’il n’y avait jamais eu de caméra derrière. Ce qui me déçut particulièrement ce manque de vice de leur part à eux. Si peu influencés par le barbu malin. Le vendredi 24 novembre 1998 vers 23h?? ivre-mort en rentrant tout seul à la maison je ne pus m’empêcher de taper : Irène j’en ai bien conscience maintenant vous fûtes la seule à m’avoir touché. Quant à votre fantôme sa nouvelle absence est fort coupable si j’ose dire et certainement imputable au fait qu’on vous interdise maintenant en très haut-lieu d’interagir avec moi-même extrait de votre petit passé. Au nom de sacro-saintes lois. D’outre-tombe. Et c’est ce qui vous rebute tant maintenant Irène toute aliénée que vous êtes dans votre momort à vous. Car même si je ne vous vois plus ni ne vous entends plus sur France Culture ou ailleurs je vous sens encore et vous renifle tout autour de moi mais seulement quand je travaille Irène quand je commets tous ces petits corps - 64 - meurtris amputés et flétris en série. Plâtre résine. Mes White Females. Plâtre résine cuir verre os ciment terre caoutchouc cristal cheveux clous céramique rafia. Durant ce truc vaudou d’art-thérapie Merlinois où je suis censé me sauver de je ne sais plus trop quoi. Oui je vous sentais encore jusqu’à ce que ma Zaza ne disparaîsse elle-aussi toujours en train de me toiser avec ce recul séculaire que vous aviez su engranger d’un coup dès votre toute jeune éternité. Mais vous disparûtes très récemment car toujours un deuil en chassera un autre et il en sera toujours ainsi. Miki N’ayant plus vraiment de contact d’Irène Omelianenko j’avais gardé cette lettre et l’avais faite vieillir en l’insérant bien roulée en boule dans le ventre d’une de mes White Females. Mardi 23 décembre 1980 Depuis un bon quart d’heure déjà j’étais affamé et parcourais sans trêve une pièce de cinq francs à la main quelques longs couloirs vides à la recherche d’un distributeur de bonbons. Je me promenais tout seul dans l’un de ces vieux batiments de l’école vétérinaire d’Alfortville ou MaisonAlfort dans le 94 où mon père avait officié en tant qu’étudiant d’abord puis chargé de TP/TD il n’y avait pas si longtemps. Du moins c’est ce qu’il m’avait dit. C’est ce mardi matin-là au cours d’une visite informelle Noël c’était le surlendemain tandis que mon père réglait encore quelques trucs administratifs dans un beau - 65 - bureau marron tout près de la bibliothèque que je tombai en arrêt au détour d’un couloir devant la photo de C3PO. Oui mais comme différent. Puisque plus vrai ou juste plus sale là juste à l’entrée du Musée d’Anatomie. Une pub pour Star Wars ici ? Ce robot avait été commis par un certain Honoré fragonard cousin du peintre connu entre 1766 et 1771 homme qui fut c’était écrit en tout petit sur l’affiche l’un des tout premiers directeurs de l’école en question. Ce grand homme dont on voyait de gros bustes un peu partout ici avait été démis plus tard de ses fonctions soidisant pour magie noire puis réhabilité à la Révolution puis par l’Empire. Tout ça à cause de centaines de préparations anatomiques séchées vernies mises en scène et non dénuées d’humour. Puisque c’était écrit là en encore plus petit sur l’affichette que je déscotchai roulai et volai. Sans doute pour me rassurer le rouleau à la main je voulus en avoir le cœur net et je décidai de pousser la porte de ce musée déserté et de continuer ma promenade au milieu de toutes ces rangées de squelettes d’animaux et de bocaux poussiéreux au contenu flou et décoloré. Il était où faux C3PO ? C’est là que je stoppai net au détour d’une allée pleine de moulages pas très supers devant un savant mélange encastré d’écorchés d’homme et de cheval éclaté. En arrêt. Là. La bave aux lèvres. On y voyait tout le dedans de quelqu’un oui mais qui ? c’était même pas écrit ça disait juste Cavalier de l’Apocalypse juché sur tout le dedans d’un animal oui mais éclaté et sorti. Les nerfs les veines pas de peau les tendons les os les organes génitaux et tout le reste maintenu en l’air comme ça on ne voyait même pas comment. - 66 - Un peu critique je préfèrais C3PO je me persuadai peu à peu que cette grande chimère sous verre vu son air et sa couleur dorée aurait plutôt eu un goût de chips chinoise à la crevette si on la croquait. Huileuse et salée. Mais rien n’y fit. Oublieux de ma petite flaque de salive bue par mon pull à carreaux je ne pouvais plus bouger. Là le temps dut s’arrêter. Quand mon père me retrouva il se mit à bien me secouer pour me réveiller et trouva ça curieux ça se vit à son sourcil quand je justifiai mon hypersalivation ainsi « Moi le musée le matin c’est fou ça me donne faim » et le vétérinaire en herbe me prit par la main en disant : « Alors allons manger » Mon père avait mis ça sur le compte d’un truc qui allait passer. Pas plus pas moins. Avril 1997 Après le décés d’Irène Omelianenko chaque jours j’étais un peu moins en forme ma belle allure me quittait mon moral descendait et ainsi au total je vivais une époque horrible. Mais le miracle arriva puisque je fus reconnu à ma juste valeur. Enfin puisque j’étais sélectionné par le musée d’histoire de la psychiatrie du CHS de Ville-Evrard pour servir de prétexte culturel à toutes ces conférences en hommage à Antonin Artaud. Antonin Artaud remis à la mode cinquante ans après sa mort et qui aurait séjourné làbas quelques mois avant la guerre de 40 entre ses deux stages à Sotteville-les-Rouen et Rodez comme tout le monde était censé le savoir. - 67 - Sous l’égide d’Emma Merlin la psychiatre qui me donnait tout simplement envie d’être le plus fou possible je m’étais appliqué quelques mois durant à deux douzaines de portraits en série du poète en 55 x 65 après être tombé en arrêt un jour sur ces clichés extraordinaires d’un certain Loulou Pastier grand oncle d’Hélène Sillex et petit frère de Paule Thévenin un zazou d’après-guerre qui très malin se serait amusé à croquer Artaud avec son 6x6 juste avant sa mort quand à la libération le poète s’était réfugié du côté d’Ivry alors qu’il était atteint de son cancer du rectum comme tout le monde est censé le savoir puisque officiellement il est mort assis dessus. Or j’avais donc moimême iconisé le ouf cadrage photomaton. Et de ces 25 images peintes j’avais fait une vidéo à la verticale d’une seconde puis d’une heure. Un vrai dessin animé en boucle infinie où l’on voyait la tête à Toto s’émacier avec son long nez qui trempait. Son arc jugal saillait son poil rare et filasse se rejetait en arrière tandis que son maxillaire inférieur édenté lui se rejetait en avant. Tout ça esquissant une sorte de cri muet provenant d’une bouche noire creuse et amère. Le morphinomane s’y déformait tandis que son beau regard bleu qui plaisait tant aux femmes car il n’avait plus que ça s’ouvrait tout froncé professionnel et profond. Bien sûr tous ces portraits filmés connurent un certain succés. D’autant plus que la grimace s’y ralentissait s’inversait peu à peu dans son morphing puis se figeait tandis que tous ces vidéogrammes se décalaient se fondaient et qu’Artaud devenait flou vaporeux et comme un vieux souvenir tout craquelé et vachement vert foncé. - 68 - [ 29 mai ; 26 juillet 1997] Je me retrouvai Galerie De France rue de la Verrerie chez Catherine Thieck à deux doigts de Beaubourg pour ce « Têtes à Têtes » ou exposition de groupe en hommage au poète maudit revivifié. J’étais accompagné de Miguel Barcelo Georg Baselitz Balthus Jean-Charles Blais Christian Bonnefoi Karl Dreyer Jean Dubuffet Max Ernst Man Ray Erro Jean-Jacques Lebel Alain Fleischer Jim Dine Rebecca Horn Abel Gance Ernest Pignon-Ernest Sarkis et autre Nancy Spero qui y étaient allés eux aussi de leurs petits crobards ou installations ou totems insipides dans un hommage si sincère à leur héros aplati. Pas vraiment touchée par l’éventail de tous ces simulacres Hélène Sillex petite khâgneuse au profil boudeur devenue grande m’écrivit amoureusement ce merveilleux article paru dans Le Monde1 qu’elle me consacra à moi et à moi seul oubliant tous les suiveurs artaldiens de la dernière heure puisque d’autres flagorneurs s’en chargeaient. Jeudi 25 décembre 1980 De retour dans le Luberon le surlendemain de l’école vétérinaire tout ça c’était Noël alors on m’offrit entre autre mon tout premier chaton. Tigré sevré rebondissant et tout mignon avec ses moustaches sa langue si rose et ses tous petits cris attendrissants. « Prends-en bien soin hein Miki c’est très fragile à cet âge-là . 1 Là : Aller à la fin - lire note n°1 - 69 - — Ouiiiii. » Suite au pelage je l’avais appelé le tigre. Assez fier sur le parking devant chez moi je le présentai à tous mes amis en le tenant comme on était censé tenir un chaton. C’.à.d par la peau du cou. Mais rétif aux caresses maladroites de tous ces inconnus le tigre voulut m’échapper. Je le sentis. Alors je le retins. Hélas il ne trouva pas mieux que de me labourer doigts et avant-bras et de s’y incruster si fort que devant ma stupeur fusèrent même quelques rires autour de moi. Pour me débarrasser de la risée je projetai le tigre contre un mur. Et vexé je décidai de le punir un peu plus là devant tout le monde. Mon opinel après se mit à sentir le ronron alors je pris le minou vibrant à pleine pogne et me mis à bien le secouer pour qu’il se vide au maximum. Bouillie de tout ce qui put bien dégouliner comme ça à coups de caillou si bien frappés sur le bitume ensoleillé que ça en fit parfois des étincelles. Tout en continuant avec mon couteau de touiller le jus ou bouillabaisse qui en résultait. Tous mes copains étaient restés cloués et scotchés là autour de moi poussant toujours plus de birk bark beurk devant mon exploit. Quand fondamentalement inspiré je ne pus m’empêcher d’ajouter encore un peu de liant en déféquant sur le tas de boue tiède et féline tout poilu et ratatiné ils ne purent eux-aussi s’empêcher d’en faire autant à tour de rôle du moins tous ceux qui en avaient envie. Dès l’après midi le scandale éclata et Noël fut gaché. Tous les parents s’étaient réunis en avaient débattu entre eux. Ils tentaient de reconstituer ce qui s’était passé. Puis ils nous convoquèrent nous les enfants et nous assénèrent le sourcil froncé : « Ah là c’est pas bien ce que vous avez fait c’est pas bien du tout vous le saviez ? Oui ? Non ? » auprès - 70 - de leurs chères têtes blondes prises toutes de ce type de baillements incoercibles. « Il ne faudra plus jamais faire un truc pareil. Plus jamais jamais. Ok ? » Punition générale. Personne ne me balança et tout se tassa comme à l’accoutumée puisque cette saynète se reproduirait texto à chaque nouveau chiot chat cochon d’inde et autre coq occis sans que jamais plus rien n’ait jamais plus de conséquences de toutes façons. Lundi 11 mai 1981 Pour des raisons politiques sûrement je reçus un bon coup de pied en pleine face alors que je rattachais un lacet lors d’une rixe sous le préau à cause de Mitterrand. Le lendemain au réveil mardi 12 mai 1981 je constatais que j’avais perdu la vue de l’œil droit. C’est à partir de cet iris blanchâtre virant peu à peu au bleu nuageux que dans la cour on commença à m’appeler Dracula. Juin 81 - juin 83. On m’opéra puis réopéra de cette cataracte dite traumatique de suite au moins six fois. L’œil droit d’abord normal puis le gauche même s’il était intact car il fallait parait-il toujours tout équilibrer. Et ainsi de suite. Et ainsi de suite. On se contenta à chaque opération de me peler le cristallin couche par couche tel un oignon. Sans l’ablater d’un coup et sans évidemment non plus envisager encore le moindre petit implant. Chose qui allait m’intriguer puis me lasser à force puisque je ferais chaque fois cette expérience du curare. Le poison promulgué à dose homéopathique était censé occasionner sur le terrain de toute opération la - 71 - plus parfaite immobilité oculaire mais il donnait surtout chaque fois très bien au réveil les deux yeux bandés cette impression particulière d’étouffer tout en se payant une bonne séance d’abdominaux et de dorsaux d’au moins vingt-quatre heures. Éternité sombre où une foule d’infirmières faisant clap-clap-clap autour de moi n’arrêtaient pas de me dire qu’après j’aurais de très très beaux yeux et que j’étais si courageux de rester si tranquille. Bien sûr je n’avais pas vu venir le coup de pied. Tout focalisé que j’étais sur mes lacets. Et personne ne s’étant dénoncé j’en découvris un tout nouveau sentiment. Il y a un avant et il y a un après et on ne peut rien rembobiner. Comme si certaines choses pouvaient enfin avoir des conséquences. Le problème étant que là c’était sur moi. Je ne fis pas d’enquête véritable sur ces faits et voulus longtemps me contrefoutre de l’auteur de ce coup de pied. Personne autour de moi ne comprit pourquoi je laissais courir comme ça. En réalité naissait dans mes soubassements quelque chose de grandiose mais d’inidentifié qui faisait que j’exultais en secret. N’ayant plus vraiment de cristallin on me proposa une nouvelle correction à +20 dioptries sous la forme d’une grosse paire de lunettes à verres très convergeants. Ce que je refusai tout net à cause de la tête que ça me faisait. Car là ce n’était plus Dracula mais plutôt Woody Allen et il allait peut-être maintenant falloir cesser d’exagérer. On me proposa une nouvelle paire de lentilles hydrophiles à 70% assez chère que je n’enlèverais presque plus jamais au risque d’expérimenter à nouveau œdèmes cornéens et canaux lacrimaux bouchés en série. Ce qui s’avéra acceptable puisque là autogéré. Tout alla beaucoup mieux. C’était l’époque j’avais sept huit neuf ans où je commençais à m’entîcher pour Bosch-Brueghel. - 72 - Ça aura été des heures que j’aurais passées tout seul une loupe à la main dans ma chambrette à moi sur tous ces Tout L’Œuvre Peint. Peu à peu je reproduirais moi-même au pastel Portements De Croix et Triomphes De La Mort en série assortis de ribambelles de têtes coupées aux yeux crevés. Samedi 02 Septembre 1996 Villejuif service des soins palliatifs. Dernier étage de la vie. Murs jaune vif baignés de lumière grise grâce aux grandes baies vitrées. Plein de gros bouquets d’orchidées. Un piano blanc. À queue. Des voix flûtées. Un personnel vachement gai sans doute trié sur le volet vaquant clap-clapclap d’une chambrette à l’autre. Une senteur diffuse de violette ou de framboise. Brise sur escharres. Enregistrés des chants d’oiseaux du Vivaldi du Céline Dion du Balavoine et du Michel Berger en sourdine remixée. Bref j’ai poussé la porte de la 612. Silence. Heureusement. Un squelette chauve se redressa sur un lit. Trois mois avaient passé depuis notre première et dernière rencontre. Yeux encore plus bleus très gonflés voulant sortir. Tentant de s’accrocher très vite à quelque chose une équerre bras raides tenant le volant farfouilla l’air devant. Va et vient de signes incompréhensibles sur manettes invisibles. Fade planait tiède cette odeur d’excréments et de plastique échaudé. J’avais déjà vécu ça. Trompe du sempiternel éléphanteau anorexique et transparent la sonde naso-gastrique laissait goûter pleins de petites choses. Un long Bahhh s’échappa de la bouche qui excréta un filet brun sur un drap. - 73 - Irène Omelianenko était seule et se découvrait. Elle mettait à distance la flaque l’occultait pudiquement en poussant le drap souillé à coup de pieds gonflés au bas du grabat. Ce faisant elle me fit admirer son sexe. Rebondi. Mont chauve aux lèvres ourlées et décolorées. Sortant au delà du raisonnable. Re-bahhh. Elle tourna la tête vers moi mécaniquement par àcoups et pleura en me voyant. Hoquets de crâne silencieux. Je m’approchai sans me présenter. Sans dire : « Irène c’est Miki je venais juste vous dire adieu. ». Je sentais que ça ne servait à rien. Elle avait l’air de ne pas me reconnaître ni d’entendre très bien. Je pris une main fragile vibrante moite presque fondante la serrai très fort et de l’autre caressai le front en nage. Elle ferma les yeux. La bouche était amère. Crevassée. On devait l’hydrater autrement. Irène se laissa aller sur l’oreiller. Àcoups douloureux. J’admirais ses abdos au boulot. Ses côtelettes saillantes. Il n’y avait pas vraiment de seins dessus. Juste deux plis. La main forte finalement guida la mienne vers un ventre troué de tuyaux. Je caressais les durites il y en avait partout ça devait la chatouiller car elle accompagna ma main vers plus bas. Irène était sèche. Puis moins. Presque onctueuse. Je lui frôlais le sexe tout doucement. Elle s’évanouit. Je continuais. Elle ronfla. Mais elle fit la grimace et se tut dans un drôle de hoquet. Sa mâchoire s’affaissa. Je sortis. Personne ne m’avait vu. Métro. Rentrer à la maison. Ligne 7. Direction La Courneuve. Sortie : Pont Marie. Rue des Nonnains d’Hyères. À gauche : Rue de Jouy. Rue Tiron. À gauche : Rue de Rivoli. Direction Hotel De Ville. À droite : Rue Vieille du Temple. À gauche. Rue du Perche. Pile poil face au 9 rue Charlot. Monter les escaliers. Rentrer à la maison. - 74 - Zaza n’était pas là mais le calque d’Irène y était déjà. Omniprésent au stade terminal lui-aussi m’attendant très angoissant et culpabilisateur et toujours en train de me refaire plus de bahh ! comme ça sursaturés dans les recoins quand je ne m’y attendais le moins. Pourtant je n’y étais pour rien. Sa tête était dans mes yeux. Quand je les fermais. Mais quand je les rouvrais aussi. Pendant des mois j’en eus un nombre de crises cardiaques incalculable. Tout était de la faute du noir. Des parcelles de blanchâtre en mouvement dans le noir. Dans la vision périphérique. C’était ça les fantômes une sorte de cataracte ou blanc mobile insinué dans tous nos recoins. Pas plus. Pas moins. Encore un sale truc optique sans doute. Je n’entendrais plus jamais cette voix qui m’avait sauvé la vie. Les dimanches d’avril/mai/juin 1983 la Sainte Victoire était ma seconde mère. Ma première maman en fut toute émue quand je le lui appris. Il faut dire que c’était une très jolie chaîne calcaire des préalpes aixoises plutôt ample et majestueuse qu’on escaladait en famille chaque week-end depuis mes 6 ans. Peu à peu j’en avais exploré chaque face chaque crête chaque éboulis chaque gouffre à travers tous ces passages parfois un peu délicats comme le Pas du Berger le Pas des Dinosaures ou le Pas de la Savonnette. J’en adorais l’éventail des senteurs de ce biotope et vouais un véritable culte naturaliste à ce savant mélange de ciste de genêt d’aspic d’argéras de pin de thym de pets de lapins et de caprins dont je me repaîssais jusqu’à plus soif tous les dimanches. - 75 - Or au pied de cette grande croix métallique toute rouillée au sommet haute d’au moins dix mètres il y avait le Refuge dit des Moines un ancien presbytère hanté qui puait le feu de cheminée mais cette maisonnette toute usée par les vents dominait une falaise d’au moins huit cent mètres. C’est là pensif voire poète au pied de sa croix avec son pain au chocolat que j’aperçus un jour un alpiniste fluo en train d’émerger de cet à-pic. Tout essoufflé à travers son cliquetis de harnais de baudrier de mousquetons et de crochets. Peu à peu j’émergeai moi-aussi de ma torpeur et blasé vins me poster penché la bouche pleine pour bien apprécier la performance du héros. Pour la première fois je ressentis cette forme d’éblouissement assortie de ce mouvement d’arrière en avant comme une singulière envie de s’envoler. Il faut dire que ma vision monoculaire applatissait ces distances que le cerveau restitue heureusement oui mais à retardement. Mon père conscient du danger se précipita et me retint par derrière me faisant vraiment mal aux bras me les broyant presque sous le prétexte que son grand frère à lui quelques dix ans avant avait dévissé ferme au même endroit. Mais lui solidaire avec l’ensemble de sa cordée. « Mais heu ça va je regardais juste » Après ? On aurait recousus tous ces dévissés en se trompant un peu parfois puisqu’un des défunts se retrouva avec l’alliance de mon tonton. Ce qui aurait engendré par la suite toute une série de plaisanteries familiales du plus haut mauvais goût. Question : Les légistes ne s’étaient-ils trompés que pour ce doigt-là ? Mais la promenade se poursuivit presque normalement ce jour-là sur la crête plein-est jusqu’à ce que notre trio père mère fils ne tombe en arrêt sur une petite carcasse d’avion de tourisme en rouge et blanc en contre-bas qui n’était pas là le dimanche d’avant. - 76 - Tel un cabri ébaudi je dévalai mon propre éboulis pour mieux apprécier l’étendue des dégâts et me faufilai vite dans la carlingue défoncée pour voir s’il n’y avait rien à grapiller. Mes parents me rejoignirent et m’enjoignirent d’aussitôt sortir en me traitant de sale petit ouistiti vu que c’était vraiment dangereux tous ces bouts de verre et de plexi ainsi que toutes ces taules recourbées rouillées et coupantes et que c’était vraiment malsain aussi de se vautrer comme ça sur des sièges déglingués imbîbés de sang séché. Je dus m’extraire de la carcasse à contre cœur après m’être vite imprégné de ce nouveau remugle. Moleskine bakélite et chairs crâmées. Quand six ans plus tard suite à un nouveau crash sur sa face sud l’adret desséché ma seconde mère crâma intégralement à son tour j’en fus tout endeuillé mais je me mis à penser je ne sais pas pourquoi que c’était peut-être aussi à cause de moi. Comme si je l’avais souhaité secrètement. Jeudi 03 Juin 1996 La nuit précédente j’avais hélas rêvé qu’en rase campagne je conduisais 666 DCD 75 mais dans un étrange contexte puisque je la conduisais à fond tout seul et joyeux — Fix et ma vieille Volvo ayant été éjectés une bonne fois de mon inconscient — avec la dépouille de Valérie dans le coffre pour m’en débarrasser une bonne fois comme on dit. Découvrant enfin une sorte de clairière appropriée chaque fois qu’à coups de pelle je voulais enfoncer la fille sous la terre une sale rafale de vent soulevait tout et le corps dénudé de Valérie reparaîssait à l’infini. À la fois toute molle et desséchée cuir bleuâtre irisé ou doré brunâtre ininhumable. - 77 - Sa momie souple multicolore et applatie me regardait sans me voir clignant des yeux à l’infini le gauche le droit le gauche le droit sans discontinuer. Alors ses dents se mirent à crisser tandis que 666 DCD éclatait par derrière en pleine tempête de tous ses enjoliveurs d’un grand rire métallique et affreux même que ça me fit bizarre même en me réveillant. De plus et comme découlant de ce rêve toutes ces serveuses en blouse noire-là s’avéraient dès 18h30 les plus laides du monde et elles me faisaient peur elles-aussi à force je ne savais même pas pourquoi. Yeux jaunes à fleur de peau. Vieux cadavres nonchalants aux accents de la Creuse mentons en galoche cheveux noirs tirés gras fines bouches limite moustachues. Castées sans doute pour ça puisque La Tartine rue de Rivoli bar à vin nicotiné était un endroit dit sérieux et authentique puisqu’il n’y avait plus que de vieux clients pervers clonés en brochette au comptoir dégueu. 18h45 Irène Omelianenko était en retard. Allais-je la reconnaître ? Ou plutôt l’identifier puisqu’on ne s’était jamais vu ? Oui. Une quadra poussa la porte avec juste un petit quart d’heure de retard. Air fragile. Peau transparente. Sourcils bruns très droits très fournis. Œil clair bleu-vert. Nez pas trop de chez nous à la grecque. Ample chevelure noire on va dire ondulée. Je devinai des racines blanches quand elle se découpa sur le plafond brun nicotiné démarche mal assurée toute de noir vêtue elle-aussi décidément. Malgré la douceur du temps elle était en manteau. Elle s’excusa pour le retard puis s’assis directement à ma table un peu branlante. Légère odeur de médicaments. On ne se salua pas comme quoi je devais aussi correspondre à quelque chose qu’elle-aussi avait imaginé. Assez long silence. C’était le portrait de la voix que j’avais en tête. Je me repaîssais de sa tristesse. Elle me - 78 - calmait. Sa lenteur. Aussi. Je n’étais pas déçu. Elle commanda un Perrier. Drôle d’idée. Car moi j’étais au Chablis. Elle portait des escarpins de velour bleu très sombre pas de collant cheville fine blanche assez bien épilée. Mais avec quelques petites rougeurs dessus. Elle m’observait en souriant. Elle gardait son long manteau noir aux gros boutons de bois carrés en forme de molaires avec les racines et tout. Blanches beiges bleues grises. Égayant le noir de la silhouette. Regard franc. Voix caressante quand elle me glissa un gentil ça va ? mais différente de celle de France Culture. Pas les mêmes inflexions ni les mêmes réglages sans doute. Elle était belle. Très belle même. Tout était dans son sourcil intelligent et sa paupière supérieure qui s’ouvrait bien comme il faut. Son cillement lent et sa pupille dilattée. Tout était dans l’angle de son cou et celui de sa joue. Tout était dans le front tout était dans le menton. Sa pommette et sa fossette rigolote. Tout était dans le pli nasogénien ses lèvres ourlées son rire brutal sa moue son fi son rien. « Alors ? Miki ? Pas trop dur la liberté ? — Comment le savez-vous ? — Ça se voit. — Vous arrivez à occuper vos journée ? — Oui écriture peinture biture. — Vous peignez ? — Oui je vous ai même apporté quelques petites photos pour rire. — Montrez. — Voilà. Ce ne sont que des travaux préparatoires. On va dire. —… — Uhuhu. C’est amusant. Ça a l’air de vous déplaire. — Oui. Je pense que vous gagneriez à vous débarrasser de certaines choses. Ça se confirme. Mais ce - 79 - n’est pas si grave. Vous êtes très jeune après tout. Vous savez ? Vous comprendrez en avançant. — C’est ce que je fais. — Vous avez du travail. Il y a trop de signes pour l’instant. Trop de pathos apparent. — Trop de signes ? — Trop d’éléments trop de choses. Vous n’allez pas à l’essentiel. Vous vous perdez. Il faut détruire pour mieux reconstruire vous savez. Il faut savoir aussi beaucoup jeter. — Détruire ? Jeter ? Ça ça me plaît je vais y réfléchir. Mais j’aime bien aussi recycler des fois j’avoue. Quant à l’essentiel ? J’ai du mal à voir ce que c’est. Mais sachez que j’ai une immense confiance en votre jugement. Irène. Je ne sais pas pourquoi. Je vais essayer de vous écouter. Promis. — C’est bien mais est-ce que vous sentez Miki que c’est quand même là la toute première et toute dernière fois que l’on se voit ? — Vous vous ennuyez ? — Non. Je vais m’en aller très bientôt. — Vous voulez dire mourir ? — Oui. — Ça se voit. » [1983 - 85[ Du plus haut que je puisse remonter il appert qu’omniprésent Jean-Pierre Rembrand fut mon meilleur ami de tous les instants. Une sorte d’associé en somme. Jip c’est ainsi que je l’avais baptisé était un être plutôt long à la croissance précoce ou accélérée mais fidèle et dégingandé belle barre de sourcils bruns et plutôt nerveux et odoriférant mais avec la Force en lui et nous faisions donc les 400 coups ensemble en CM1 CM2 l’école buissonnière tout ça pour aller voir quelques vieux Bruce Lee en série au - 80 - Rex d’Avignon ou pour rester jouer à Chat Percé ou à Hot Dog à coup de serpettes ou de chalumeau oxhydrique dans nos garrigues à nous. Chassant comme il se devait chats et chiens toujours du côté des Monts du Vaucluse. À l’est d’Avignon. Lui-même habitant plutôt côté Ventoux moi plutôt côté Luberon. De fait on avait un sacré bout de route chacun de son côté le matin le soir en autobus bleu-blancrouge Les Autocars Arnaud entre chez nous et l’école. Une bonne heure de trajet pour se rendre dans notre belle cité papale. Point de toute rencontre méphitique à venir. Or durant tous ces va-et-vient et depuis pas mal de temps déjà mes rêves érotiques pédestres avaient de plus en plus tendance à vouloir se terminer avant terme comme on dit. Je me retrouvais chaque fois au réveil tout raide puis flageolant-flageolant et ne sachant plus que faire afin de tout rembobiner afin que les choses se manifestent comme elles auraient dû. Mais le soir du lundi 20 septembre 1985 lors de cette douche mirifique historique voire en rentrant du collège — après avoir si bien convoqué l’image floue d’une Fadhila retournée baleine échouée tortillant sur la grève cul nu énorme rebondi faisant exploser sa résille — on peut dire que ma trouvaille manuelle obstinée là pendant une bonne demi-heure accompagnée de cette promenade de jet brûlant sur mon gland fortuite d’abord eut de quoi ouvrir après les plus belles perspectives. Cette explosion des sens eut un tel goût de reviens-y que dès le lendemain soir comme un sacré don de Dieu mardi 21 septembre 1985 sur la nationale 100 vers 17h35 un peu avant ce grand rond point très moche de Réalpanier à Montfavet je pus entrevoir de mon bus cette grosse dame à genou déchaussée et vibrante sur un trottoir. Posture très proche de la Fadhila de la veille sauf que son cou faisait un drôle d’angle avec le caniveau. - 81 - Son casque était à l’envers et il en sortait une mare de sang qui faisait des vagues. Une vendangeuse ? Oui. Dans la mesure où seules les vendangeuses sur leurs vieilles M bleues de Motobécane mettaient trop souvent hélas à cette époque ces fameux casques gris et moches comme ça à l’envers. C.à.d que ça leur faisait une tête d’Alien souvent et là quand en plus elles étaient partiellement décapitées après leur accident de mobylette l’envers en était d’autant plus démultiplié. Sans faire un véritable endroit ce qui s’avérait assez troublant. Déchaussée. Décapitée. Bandant. Débandant. Double décapsulage aux extrémités trouvé somme toute bandant ce soir-là. Choqué par moi-même je me mis à éclater d’un rire pour le moins suspect dans l’Autocar Arnaud qui me ramenait du collège. J’entrais en sixième cette année-là. Eclat de rire qui contraria fort niveau secousse mon travelling latéral perso je perdais des miettes d’images tandis qu’en bande-son autour de moi la tripotée de filles hystérisait en direct ou se régurgitait dessus devant la lente agonie de la grosse. Mais le bus pris dans son encombrement sembla vouloir se décider à redémarrer enfin tandis que tardifs les secours arrivaient. Je ne compris pas bien ce qui se passa sur le champ puisque dans ma tête au milieu des parasites venait de résonner pour la première fois comme une voix venue de la radio et je crois bien puisque je l’ai noté après qu’elle me serina quelque chose très proche de ça : « Fragilisés à perpétuité avec toujours en perspective ce type de coup de massue final-là humains je vous reconnais bien répétant à l’infini là je suis vivant mais je me tue à le dire. » Ce que je trouvai fort didactique de la part de ce Dieu-là tant et si bien que je ne pus m’empêcher la nuit venue de convoquer dans mon lit ma nouvelle invitée la - 82 - vendangeuse qui même raccourcie s’entendit à merveille avec Fadhila puisque transmuté en tas d’oreillers et travercins je pris la nuit venue ce duo en sandwich délicieux. Lundi 14 février 1996 Ainsi peinte en bleue une petite souris se promenait sur une tête de cheval. Le crâne de l’équidé avait été placé dans un aquarium qui se remplissait peu à peu. Un tuyau d’arrosage noir était planté dans sa joue et dispensait vite l’eau et les bulles nécessaires au remplissage dudit aquarium. On aurait dit que la tête avec son large sourire respirait ou fumait par ce tuba. La petite souris à l’origine blanche mais fraîchement trempée dans le bleu de méthylène semblait paumée et faisait des ronds de plus en plus petits sur la tête du dada. Le tout baignait dans une lumière orangée du plus bel effet. Mais l’eau montant les périgrinations du rongeur sur le crâne devinrent encore plus réduites et concentriques et la petite souris bleue aux yeux rouges finit même par se noyer. C’est là que j’intervins : « Ok Jip là tu passes en 70 images seconde. Zoome. Attends encore un peu. Vas’y. Cute. » Et Jip s’exécuta foutut tout au ralenti en plein shooting même si ça ne se faisait pas suite à l’exposition qui changeait et corrigea donc l’ouverture. L’Arriflex ronfla et hoquetta et Jip zooma enfin sur la souris qui se débattait rapido dans l’eau puis de plus en plus puis mollement puis flotta puis coula peu à peu dans le liquide rosissant. Elle rebondit un temps sur la tête immergée et fraîchement tranchée du cheval qui diffusait encore un peu de sang. Et Jip cuta enfin après son laps de temps à lui comme je le lui avais précédemment dit. - 83 - C’était le matin-même au lever après mon xième café au lait que je m’étais rendu tout seul aux abattoirs de Carpentras. Histoire de glaner quelques accessoires nécessaires au décor de ce court métrage qu’on était en train d’adapter avec Jip d’un de mes rares scripts écrit en détention un an avant. Tournage dans sa cave insalubre à Bédoin au pied de ce fameux Mont Ventoux. À l’abattoir un employé m’avait invité à me rendre au sous-sol dans une vaste salle blanche entièrement carrelée murs sol plafond faisant un peu piscine vidée. Là j’avais été exceptionnellement autorisé à attendre quelques longues minutes tout seul une clope au bec ce pour quoi j’étais venu. La scène baignait dans une lumière plate du plus haut réalisme. Provenant d’un goulot accompagné d’une forte odeur de foin et de crottin s’était rapproché ce mix résonnant de hennissements et de sabots. Du fin fond de la pièce parquée par des barrières la queue-leu-leu étroite des futures victimes trépignait impatiemment vers moi. Jambes écartées bras croisés j’étais resté de marbre raide frontal sous le puissant néon zénithal. Un employé en ciré blanc était chargé de gérer le flot. Tantôt tapotant la croupe des vieux chevaux tantôt leur chuchutant à l’oreille : « Là là là ça va aller les enfants vous allez voir c’est très rapide tout ça. » Il s’adressait à de vieux canassons sourds à tout conseil qui tentaient en vain de ruer avec leur yeux blancs exorbités en vain car trop tassés. Mais ils étiraient leur cou le plus haut possible puisque ça ça leur était autorisé. L’employé fit avancer le premier de la liste tout marron et mité et à ses pattes arrières tout en parant savamment les ruades à coups de trique il crochetta ferme et décontracté une grosse paire de menottes reliée au plafond - 84 - par deux longues chaines costaudes toutes rouillées et huilées. Alors il contourna son dispositif et lui colla par surprise un bon coup de poinçon sur un front avec son pistolet à air comprimé. Pfff. L’animal n’ayant rien vu venir s’en écroula sur le champ. Sans mal apparent. Se cassant juste une patte ou deux qui craquèrent dans la chute. Il s’en retrouva aussitôt à l’envers hélitreuillé et désarticulé. Deux naseaux et une langue avaient trainé une seconde sur le carrelage car l’employé avait actionné un levier déclenchant cette opération. Quelqu’un d’autre arriva par la gauche un autre employé en ciré blanc avec un grand sabre à la main. Il éventra l’animal les quatre fers en l’air pris de spasmes vite du cul au cou. Deux testicules géants giclèrent au passage et allèrent rouler loin loin loin. À cette distance le ciré blanc s’en était retrouvé comme à pois rouges. Puis peu à peu comme à rayures mais un peu plus claires. Une grosse masse de tripes multicolore venait de faire flotch sur le sol carrelé. Déjà à trois mètres je dus reculer encore d’un pas chassé ou deux. Un plein bol de café au lait acide voulut remonter quand le tsunami fumant noya mes souliers mais je préférai roter. Planait cette odeur de dedans chaud à la fois fade et concentré. Une foule d’yeux blancs s’était révulsée. Conjonctivés presque roses ils chialaient. N°2 fut pris en main pour une toute nouvelle opération. Menottage. Poinçonnage. Hélitreuillage. N°1 émettait encore quelques vagues filets nonchalants de bave rouge et moussante et je vis même du fiel vert aussi se coller aux cils et au pif quand il se retrouva tout translaté et suintant sur le côté droit. Un dispositif de treuils poulies et rails électriques collé au plafond s’ingéniait à le faire se balancer encore un peu. Un autre employé tout blanc tout neuf émergea à droite et commença à tout dépecer en tirant très fort sur le cuir. - 85 - Il prodiguait de temps à autre quelques petits coups de canif judicieux sur des parois transparentes. Tissu conjonctif ou nerfs et cartilages freinant son travail. Il débita le tout la scie circulaire à la main. Il projetait ses morceaux membres peau tête carcasse dans des coins différents. Il commençait à se confectionner des tas. Vidé déjà se pointait N°2 alors qu’était pris en main N°3 pour une énième opération. Un quatième employé servile ramassa la lourde tête de N°1. Il la prit par les dents du haut et en dépiauta la langue et les joues si bien que je dûs intervenir : « Non stop pas les yeux ». L’employé bailla et emballa la chose dégoulinante puis me la tendis raide à moi surpris par le poids. Le tout était serti dans un film transparent scellé et thermocollé. Et propre. Enfin. Mais ça se mit à exsuder par en dedans au point de surgonfler la cellophane. J’entendais plein de micro-ploutch quand j’appuyais à répétition sur l’un des globes rose et noir oculaire à fleur de plastique. Un air triste me fixait de ses longs cils décoiffés noyés dans le jus rose. Je remontai vite payer au rez de chaussée. Hors taxe. Je récupérai le reste de ma fraîche collection. Têtes de moutons et de vaches écornées. Le tout dûment emballé lui-aussi. Et j’embarquai mon lourd fardeau dans un chariot puis foutus le trésor dans le coffre de ma Volvo. Et je retournai à Bédoin pas loin où Jip Hélène Napo et toute l’équipe m’attendaient. Titre : « Petit-Olivier et Helena » Réalisation : Miki Ikillu. Production : Jokeisnogoodbaby Scénario : Miki Ikillu. Images : Jean-Pierre Rembrand. Interprétation : Hélène Sillex, Olivier Nap. - 86 - Décors : Miki Ikillu, Jean-Pierre Rembrand. 26 mn. 16 mm. Couleur. 1996. Synopsis : Petit-Olivier un jeune skin fraîchement émoulu prend en stop dans sa Volvo une pauvre fille trouvée sur le bord d’une route du sud en pleine campagne le cul rougi à l’air. Immobile et prostrée sur sa valise à quatre pattes toute roide et muette Helena semble avoir été violée alors Petit-Olivier la recueille chez lui. Mais devant son mutisme obstiné il commence à faire joujou avec elle l’attache puis la photographie à poil dans les poses les plus improbables toute immergée qu’elle est dans un monceau de têtes d’animaux dépecés. Et il la viole gentiment lui aussi de temps en temps. Jusqu’au moment où elle semble se réveiller et se met à lui marmoner un truc mystérieux et inaudible sans doute en langue étrangère puisque ça fait paniquer Petit Olivier. Alors pour se rassurer il se met à reconsidérer sa pute de l’est sans doute échappée et à la cajoler puisqu’il la détache et décide de lui offrir à manger pour se faire pardonner. Il lui concocte un coq cuit entier au four qu’il a au préalable plumé vivant devant elle puis éventré à la main pour bien épater sa prisonnière. Mais celle-ci se révèle peu perméable à cette démo et se contente de tout dévorer plus tard calmement en tout suçottant longuement. Os après os. Sur quoi Petit-Olivier s’endort rassuré. Alors pour taquiner son geôlier Helena pond sur sa tête endormie un œuf cru qu’elle vient juste de s’enfoncer dans le sexe. Puis elle en profite aussi pour lui pisser dessus un peu pour rire. Sur quoi Petit-Olivier se réveille douché mais le visage souriant quoique les yeux encoquillés tout en se pourléchant les babines pleine de pisse et d’œuf. Voilà. C’était une véritable histoire d’amour qui commençait. Mais ce court métrage sur la tolérance envers la différence ne verrait jamais le jour même si presque toutes les scènes allaient effectivement être dans la boite. Car l’ambiance du tournage dégénéra peu à peu puisqu’il s’avéra que l’œuf en question même cru ne voulait pas toujours si bien se casser sur la tête de Napo et que ça lui faisait mal aux globes à force en lui tombant sur les yeux à - 87 - cause de la super pression vaginale. Ou alors parce que quand l’œuf se cassait bien comme il faut il arrivait qu’Hélène Sillex n’ait plus du tout envie de pisser. Ce qui occasionna un gaspillage de pelloche effarant. Ces deux actions devant selon mon script se retrouver à tout prix dans le même plan vu qu’il était hors de question de tricher en montant cut-cut dans un raccord dans l’axe à la con. De plus au fur et à mesure du retour des rushes 16mm il s’avérait que Jip maîtrisait plutôt mal son Arriflex puisque frileux il avait préféré tout le temps la mettre sur rail et qu’il avait fait avec une foultitude de panotravelling du plus haut pathétique au lieu de la jouer vibrato à l’épaule comme le propos s’y serait prêté. Ses cadres y étaient aussi trop relâchés. Trop carrés. Bref de concert nous convînmes que c’était nul. Déprimé par principe je m’envoyai un jour Hélène la mauvaise pisseuse et régulière à cette époque encore de Jip. Puisqu’elle voulait à tous prix avec moi passer à la casserole en douce. Elle voulait jouer les Betty Page intello mais ne me plaisait plus vraiment avec ses sourcils trop épilés. Bref je m’étais quand même laissé faire. Jip revint cette fois-ci un peu trop tôt de porter la pelloche à développer et suite à nos mines rougies il se rendit compte de nos frasques en douce et nous dûmes lui avouer la vérité. Il m’épargna. Je sortais de taule et ça me donnait un sacré prestige et certains droits. Il oubliait le tour que j’avais jadis joué à Fix et voulut bien comprendre cette nouvelle trahison. N’y voyant aucun rapport. Mais il se mit dorénavant à se défoncer trois fois plus. Et mutique il maîtrisa tout de moins en moins. Napo piquait pendant ce temps-là crise sur crise d’épilepsie à cause du gyrophare et du stroboscope Lynchien que nous avions dû louer pour dynamiter nos plans. Le tout couplé au tempo d’Aphex Twin à 220 bits minutes qui assourdissait la campagne alentour pendant nos prises de - 88 - vue nocturnes et ceci lui vrillait la tête et le corps à force. Napo était encore en train de pisser au lit suite à Sabril Tégrétol et Delpaleine ses anti-épileptiques quand les forces de l’ordre alertées vinrent en plein tournage à Bédoin le cueillir un matin. Balancé par un ami lui-aussi de toute façon suite à cette vieille affaire de profanation carpentrassienne oubliée. Notre projet artistique tel une petite souris bleue en tomba définitivement à l’eau. Hélène la sorbonnarde disparut sans dire où ; tandis que Napo Jip et moi et d’autres étions encore en garde à vue. Sur quoi dégouté mais innocenté dans cette affaire-ci fuyant ce sud méphitique je remontai à Paris recabosser ma Zaza puisqu’elle s’étaient envoyée en douce en l’air en mon absence avec je ne sais plus qui un ex peut-être Jean-Marie Wylotchky. Jean-Pierre Rembrand dut lui stagner encore un peu dans sa vieille cave toute dégueu puis il vira informaticien comme tout le monde ou hacktiviste ou hacker cracker crasher on ne sait plus selon les rumeurs. Puis il monta à Paris fomenter sur le net un certain coup fumant 3D à l’échelle planétaire. Sans qu’il n’estime crucial que l’on ne se revoit forcément. D’autres dirent qu’il bossait en couverture sur des génériques et les habillages d’Arte ou TF1 ou qu’il montait des sites à droite à gauche c’est dire. Et qu’il se faisait plein de blé. En tout cas je savais qu’il n’était pas mort dans un réglement de compte ni d’OD ni du Das ni pendusaigné en zonzon comme la plupart de mes soi-disant amis de l’époque. Du moins pas encore. [1985 - 87[ En sixième cinquième avec Jip on était déjà très lecteurs de Science & Vie et donc très en avance sur nos petits camarades. Lui-même s’octroyant le domaine math- - 89 - physique moi plutôt biologie. C’est vrai je m’étais découvert une véritable passion pour les arthropodes. Lui c’était plutôt les trous noirs les neutrinos positons négatons photons cations et anions. Moi donc plutôt les insectes arachnides crustacés myriapodes dont je me targuais de connaitre chaque embranchement groupe ordre sous-ordre et famille par cœur. Mais par dessus tout j’adorais dégommer les guêpes. À tel point que mon père avait déjà donné mon nom oui mais en latin à l’un de ces héminoptères microscopiques qu’il aurait su découvrir un jour par hasard dans une vigne gentleman farmer barbu tout de velour beige vêtu sa sempiternelle loupe à la main. Tricogramma Mikii. Elle s’appellait comme ça dorénavant sa microscopique découverte à lui dont la larve encore plus microscopique était censée être un parasite de la Tordeuse de la Grappe une chenille elle-même parasite de la vigne. De fait — lors de ces incontournables essais de lutte biologique voulant à tous prix remplacer tous ces pesticides polluant nos nappes phréatiques — ce parasite de parasite fut pouponné à l’Inra puis vaporisé sur notre grand vignoble français afin de l’épargner définitivement des ravages des méchantes tordeuses de gragrappes. Or donc j’adorais dégommer les guêpes. C’était l’un de mes sports favoris. Mais les vraies les grosses les banales les visibles dites germaines mais aussi les maçonnes. Puis les bourdons les taons les frelons les coléoptères mais aussi les papillons. Génocide en plein vol. Avec les baguettes chinoises que nonchalant j’accrochais toujours à ma ceinture. Ce qui épatait tout le monde c’est vrai chez moi dans les bois dans les prés ce côté Tortue Ninja de la Mort dégainant et fouettant l’air vif et alerte d’un coup de poignet tel un chef d’orchestre super allumé sorti d’un dessin animé - 90 - dégommant ainsi tout ce qui vole à chaque coup ou presque. Par ailleurs vif et alerte toujours je demeurais le meilleur en français vu que ma mère petite femme brune mais lettrée me donnait des cours particuliers et me laissait de plus libre accés à sa grande bibliothèque pleine de trésors sur l’éthologie la psychopathologie et la criminologie. Alors passablement arrogant je corrigeais peu à peu et reprenais aussi parfois mes profs à la moindre erreur ce qui me fit beaucoup d’ennemis à force parmi ces derniers. Parallèlement j’étais devenu normal le meilleur en anglais grâce à Daphné une cousine cavernicole de ma mère herbivore et traductrice assez bien gaulée malgré ses dreadlocks décolorés. Araignée qui ne me lâchait pas vu mes progrés jusqu’à ce que je ne lui fasse des avances assez sévères et qu’elle ne décide de m’abandonner. Elle et ses sandales scandalisées. En classe c’était Jip qui me distrayait au delà du raisonnable avec son « Y a t’il eu oui ou non un ou plusieurs Big Bangs ? Peut-il y en avoir d’autres ? S’il n’y en a eu qu’un n’y a t’il vraiment rien eu d’autre avant ? Notre univers à nous est-il en constante expansion et va t’il se diluer à l’infini ? Ou bien très énergétique va t’il un jour se recompacter en un point et un seul ? Et là en cas d’absorption définitive par un grand méchant Trou Noir notre univers pourra-t’il ressusciter dans une Fontaine Blanche ? Y a t’il donc oui ou merde des univers parallèles ?» Jip sentait que tant que nous les hommes n’aurions point de réponses satisfaisantes à tous ces questionnements majeurs rien ne tournerait jamais rond où que ce soit et nous poursuivions donc en plein cours de ceci ou de cela nos interminables et grandes discutions perçues hélas de loin comme sempiternels bavardages. - 91 - Évidemment nos professants tentèrent peu à peu de nous séparer. Moi-même devant stagner au premier rang avec les fayots car je n’y voyais goutte au tableau. Lui-même étant propulsé au dernier près du radiateur tant il était supposé avoir une très mauvaise influence sur moi du moins c’est ce qu’on croyait vu qu’il était d’origine plus modeste et s’exprimait ou se justifiait moins bien que moi en cas de litige avec l’autorité. Alors malgré son génie incompris rien n’y fit et Jip se retrouva parmi les cancres et se mit dès lors à recruter à mort parmi eux. À tel point que dès qu’on se retrouvait enfin tous réunis dans la cour peu à peu s’instaura une forme de guerilla larvée puis ouverte entre groupes et sous groupes de pré-adolescents : La masse (vulgaires résidus sportifs fans de Michael Jackson et Prince d’un côté) versus les extrêmes (les cancres et les têtes adeptes des Meteors et d’Einstürzende Neubauten d’autre part) comme nous comme ça s’était toujours fait un peu partout. Mardi 1er janvier 1996 ter Minuit et quelques. Après tous ces étages le cœur battant je me tenais devant ce chez-nous dont bizarrement Zaza avait conservé la clé. Comme si elle avait repris l’appartement ou qu’elle ne l’avait jamais lâché malgré son mariage. Devant cet ex-chez-nous donc enfin je frappai trois fois à la porte. Elle ouvrit. Longue seconde de silence. Nous nous ruâmes l’un sur l’autre. Nous nous frottions et reniflions à la taré. Dès le palier. Grand moment d’émotion mâtiné de regards intensifiés. - 92 - Je venais de sortir de taule une semaine avant et c’est juste après ces quelques atermoiements et ça va ça va ? t’es sûr que ça va ? de belle Sharon Stone effarée devant mon tibia ensanglanté drôle de coupe de cheveux que nous décidâmes d’aussitôt faire lanlaire élégies plein vent ragoutant rectum tracements toute puissance caprine recta toutime et turbidités. Je ne la reconnaissais plus trop. Sans m’en rendre compte je me retrouvai à genou rouge sur le grabat gris. Elle avait vieilli. Puis je me mis à goûter au glabre nantis le Mont de Vénus à Zaza prolixe et rasé autrement dit et tout alla beaucoup mieux. Rembobinés en 69 nous goûtions la plaisanterie séquelle de teignes transcendées. Mais nous ajustâmes un voile au substrat soucieux. Soucieux de redéraper. Il faut dire que durant cette première séance de sexe – historique levrette après deux ans d’abstinence et un peu de gêne aussi – je n’avais cessé de glisser de son con à son cul et de son cul à son con déconner renconner le plus involontairement du monde tant Zaza était huilée et trempée au début et moi vaillant malgré mon déficit en sang. Mais pour une raison inconnue encore tout s’était asséché et avait commencé à faire très mal et il s’avéra que je débandai à un moment où j’aurais pas dû ce qui m’énerva aussitôt. Le temps n’était pas à ça et nous rebraguettâmes. Zaza puisqu’elle comptait mettre le nez dehors ce soir-là avaient ingurgité antécédemment moult saloperies hallucinogènes champi et autres ramenés de sa Suisse natale. Or ce mix se révélait plutôt anaphrodisiaque pour elle. Puis pour moi-même plus tard. J’avais picoré dans sa réserve secrète et je sentais que Dieu et ses molécules n’allaient pas trop tarder à vouloir s’exprimer en moi également. - 93 - C’est pourquoi en ce divin jour des retrouvailles tout foira plutôt. Mon membre aurait certes pu tenter d’influer à nouveau sur la belle rage à Zaza mais c’est comme si ce dernier très indépendant ne voulait plus du tout du tout obéïr à la commande. Ce même en mode manuel. Ellemême demeurant close et rêche ce même en mode digital. Quant à mes mains et ma ceinture fort indépendantes ellesaussi elles en décidèrent curieusement puisqu’elles vinrent là se nouer sur le joli minois. Là : la peur s’octroya le monde. Monde abruti devant miroir par Dieu et ses molécules ciré. « Hélas Zaza là ze crois bien que ze suis en train de t’étrangler. » Du tout je ne reconnaissais plus du tout ni n’appréciais l’état de mon état puisque j’osais le dire « N’aie crainte Zaza ze n’existe pas » en lui faisant craquer un truc dedans. Et c’est là que ma pauvre Zaza comme si je venais d’appuyer par mégarde sur la mauvaise touche Rewind (ou autre) choisit subitement de trop exister en se déroulant et se démultipliant de façon aussi rigolote. Il y en eut partout des Zaza et il fallait toutes les dégommer une par une toujours et de plus en plus. Et de plus en plus grosses et enflées et bouffies les Zaza. Presque laides. Rebondissantes. Et marbrées. Comme si le monde entier était en train de faire bloc ou pâté et était en train comme ça en vagissant de devenir du Zaza et de se gélifier ainsi zazaïsé. Mais le jour se leva enfin. Cette fameuse année 96 ? Également. Comme emmitouflée par un rieur-né. Libre. Enfin. Récemment je pestais en rang allangui ? Là j’exultais en pâté mouillé aux cotés d’une Zaza en train de ronronner dans le gris souris des draps de sa mère. Mais vers midi elle réussit à me retousser dessus : « Le nucléaire ! L’informatique ! Ces vieilles chimères se dropent et se gargarisent déjà à ton nom. Miki. Le sais-tu ? - 94 - Miki ! Top of the top ! Miki ! Roi des bandits ! Miki ! I kill you ! » C’est ce qu’elle me hurla au réveil me compressant les couilles à m’en faire péter un tympan. Elle ressuscitait balafrée en ce Jour de l’An hirsute jouant des incisives et avec tous ses yeux une bonne dizaine une vraie muraine creusés et tout noirs par en dessous. C’était bien là le rêve de l’assoiffé de contraires son papa de me tuer. Je le devinais vu ce qu’il supputait de ce que j’aurais fait de sa fille. Son suisse d’industriel de papa à elle. En réalité Gerhard BoschSchwitters me détestait. Cet ex-client richissime à qui il m’était arrivé de revendre jadis période libertaire quelques petites natures mortes pour décorer son si joli petit château un peu trop riant à son goût au début. Plein son parc j’en avais installé des trucs à pourrir. Monumentaux. Des tas d’os d’animaux que je récupérais en soudoyant des employés de zoo. En fourgonnette frigorifique. Grâce à mon papa à moi. Mais ç’avait été parait-il un peu trop pour le papa à Zaza tant ça s’était mis a devenir très insalubre chez lui. Puisque le voisinage les forces de l’ordre et les services vétérinaires la SPA tout ça avaient un jour débarqué inquiétés par tous ces vols de gerfauts tournoyant à l’infini autour de mes pyramides d’os et mes tipis en peaux. Gerhard Bosch-Schwitters ? Papa pourtant destinataire averti au début collectionneur de têtes lui-aussi eh oui affublé de Zaza sa rejetone perverse. Zaza sans le plus petit doute sourcilleuse s’était révélée prête à opter pour le pouvoir du père cette mâne miraculeuse et elle avait préféré me dédaigner à l’époque une première fois subséquemment et au passage. Elle le paierai. Alors l’index dans l’engrenage je décidai ce Jour de l’An-là quelques années après pour le taquiner encore Gerhard à distance d’ourdir à son encontre ce truc mihumain : - 95 - Je lui offrirais le lendemain le surlendemain le sursurlendemain quand tout irait mieux la tête de sa fille. Suisse idée. Par Chronopost. Ce que sûrement beau papa là apprécierait sur le moment vu que cette fois-ci ce ne serait qu’un simple moulage. Après ? Avec Zaza nous nous concoctâmes ce matinlà un sacré brunch à base de diverses choses qui moisissaient dans son frigo. Un ragoût de lapin à la cocotte mixé avec des noix de Saint-Jacques des crevettes décongelées recongelées de l’ananas oxydé et du chou rouge. Le tout cuit dans de la bière Jenlain. Baies de Genièvre. Cumin. Et nous restâmes collés ensemble avec ces hauts et ces bas pendant une éternité frisant l’infini. Éternité trouée il est vrai de quelques petites disputes légitimes comme ça arrive parfois entre gens bien. ? 14 juillet 1988 « Bastille Day ? Ouh yeah ! » Zoe Greenacres était une belle fraise Tagada et je ne demandais que ça. C’était une très jolie comment dire ? raclure de seize ans plutôt obèse et mystérieuse quoiqu’un peu provinciale avec ses spikes around comme ça white blonde et crépée une vraie statue de la liberté. Avec son tee-shirt à croix gammée retardataire mais d’époque piqué à Smut son grand frère punk 77 décédé d’OD. Zoe avec ses collants résillés roses filés ses grosses loches tatoués d’hirondelles ses aiguilles à coudre dans le nez. Zoe avec ses Doc Marten’s 18 trous bordeaux et coquées que j’avais d’ailleurs mis un certain temps à délacer et à lui ôter. - 96 - Zoe pieds nus maintenant hummm avec son kilt bleuvert relevé à genou sur la tatable de mélaminé blanc penchée son big butt ou gros séant résillé rose devant mon nez. Zoe avec ses grands yeux verts-bleus dans le miroir maquillés à mort en vert et bleu sourcils rasés son haleine de bubble-gum et de glue à la fois quand elle me roula comme à tout un chacun sa fameuse première gamelle baveuse entre deux bouffées dans son sac en plastique à rayures jaunes et noires. Zoe la grosse guêpe défoncée qui sentait la fraise et le noyau benzénique acétone tu m’étonnes et qui n’avait pas arrêté de me faire « Ow fuckin’hell fuckin’hell » de sa voix pâteuse et engluée après que je l’eus coincée dans les vestiaires du Anworthy Liberal Hall lieu de toutes ces débauches franco-anglaises plein de battes de cricket et de baskets qui puent à Poole durant ce séjour linguistique puisque j’avais quatorze ans et que là il était bien temps. Il faut dire que durant ce tout premier coït j’avais dû y aller en aveugle et un peu fort avec mon ainée car en fait je m’étais retrouvé en train de lui ravager l’intérieur en lui enfonçant son tampon très très loin puisque dans la hâte elle avait dû oublier de l’enlever tellement elle était abrutie par la colle ou dû m’expliquer qu’elle en avait un oui mais en anglais. Bref toujours est-il que le contact filandreux que j’avais ressenti dedans m’avait plutôt déçu vu qu’on m’avait certifié auparavant que tout ça serait plutôt du genre confortable et doux et chaud et mouillé et profond or là question profondeur moite ça s’avérait plutôt court et sec vu que je butais sans cesse sur un drôle de truc plutôt rapeux pour le gland. Bref à la fin après toute une série de petits cris de joie de douleur comment savoir et les fameux fuckin’hell à répétition repu mais la bite en sang je compris enfin que j’avais fait très mal à Zoe et il nous fallut au moins un bon quart d’heure à tous les deux pour lui extirper l’intrus tout ratatiné à l’intérieur avec son fil paumé et tout et tout. - 97 - Ce qui me valut d’obtenir ce cours d’anatomie gratis intime TP en VO plein de ow my god ow my gaaaaade à l’américaine et dont vraiment j’avais le plus grand besoin. Lundi 31 décembre 1995 bis Sur le chemin de chez Zaza — ou plutôt dans ces rues vidées de toute présence humaine croisement rue Charlot rue du Perche dans le troisième où habitaient untel une telle et untel-untel et notamment donc Zaza Bosch-Schwitters — Cendrillon la blonde la plus sexy du monde un peu ivre en voulant l’ouvrir heurta violemment — elle-aussi du tibia mais plutôt là dans le gras du mollet là où il y a toutes ces veines et artères propres à éclater pour un oui ou pour un non — une espèce de ferronnerie très pointue et vicieuse qui dépassait de la grille vraiment pas engageante de l’Hotel de Retz puisqu’elle venait d’être tout fraichement défoncée. Or je m’en rendis compte aussitôt Cendrillon était hémophile ou tout comme tant elle se mit à pisser le sang de manière vraiment inconsidérée sans retenue ni pudeur ni cri mais avec calme paix et naturel. Elle s’assit puis s’avachit. Ce qui causa un grand émoi parmi tous ses amis. Tous s’éparpillèrent pour chercher du secours au lieu de compresser ou garrotter la plaie comme il aurait fallu. Je m’élançai clopin-clopant car moi-aussi mais pour d’autres raisons j’avais le tibia arraché qui perlait à la recherche comme les autres d’une saloperie d’ambulance et de sang. J’atterris un peu plus loin rue Pastourelle en visant une pauvre décapotable arrêtée. Une vieille Triomph curieusement immatriculée 666 DCD 75. Véhicule marron qui précisément comportait une fille très maigre très bizarre qui précisément vers minuit faisait mumuse avec un portable doré à coups d’happy new year à perpétuité. - 98 - Mardi 1er janvier 1996 donc. Moi j’étais toujours trop parano pour avoir un portable trop peur de me faire à nouveau trianguler par les flics et j’ordonnai à la fille d’arrêter sa connerie et d’appeler une ambulance. C’est ce que fit à contre cœur cette anglaise chauve en manteau de fourrure bleue trigénaire anorexique avec son sourire si snob dentaire malin et moqueur sans doute pour masquer sa très grande surprise de m’avoir vu ainsi atterrir tout ensanglanté autant dire sur elle. Tout en jouant avec le pommeau des vitesses je lui serinai à la taré « Allez allez allez vite vite vite vite vite » mais tout en serinant je ne tardai pas à prendre conscience que j’étais bien quelque chose comme donneur universel puisqu’on m’avait dit ça dans ma plus tendre enfance. Abandonnant ainsi le pommeau et un crâne décapoté bafouillant à moitié au téléphone je me re-précipitai auprès de Cendrillon grande mourante esseulée en vue d’une éventuelle transfusion. Cendrillon gisait toute recroquevillée. Je m’accroupis auprès d’elle. Lui serrai une main glacée. Elle s’était évanouïe. Tous ses amis pédés avaient fui pour chercher une cabine. Il n’y avait plus de réseau pour les mobiles à cause de tous ces gens se souhaitant la bonne année en même temps. Elle gisait toute seule dans sa flaque avec ses spasmes toute déchaussée et offerte. Sa jupe estivale s’était relevée très haut. Ses orteils vibratiles et ennylonnés durent battre un moment la cadence sur mon aine. Elle avait de grands pieds creux et nerveux. Ces pouces charnus frôlaient mon épididyme. J’entr’aperçus son string violet. Pleins de petits poils frisouilles et orangés en dépassaient. Une grosse quantité de liquide continuait de s’écouler plus bas faisant toujours plus flaque toujours tout en se mélangeant au mien qui lui peu à peu se tarissait. C’est là que je réalisai que Cendrillon était un mec. - 99 - Un renflement sous le string petite bite scotchée par en dessous me l’attestait. Or dans mes bas étages à moi j’avais ressenti et c’est ce qui me révolta un drôle de frisson ancien courant alternativement du scrotum au gland puis revenant à la prostate comme si trois micro-aliens se réveillaient en même temps frétillants et s’apprétaient à jaillir très méchants de leur neuneuf. Frisson que je détournai différai et convertis en le sursoyant. Je me re-focalisai sur mon unique but de la soirée Zaza qui m’attendait — et sur la débauche d’énergie que je risquais fort de devoir dépenser sous peu si les secours arrivaient et me laissaient à moi encore assez de sang pour honorer Zaza comme elle le méritait. Et je n’eus plus du tout envie de sauver Cendrillon avec mon bon sang de donneur universel. Ce qui me plongea dans des rêveries éthiques assez profondes. Mais les pompiers Samu SOS-Médecin flics et livreurs de pizza freinèrent tous presqu’en même temps. Une foule noire et une foule blanche se disputèrent pour transfuser Cendrillon. Match nul les noirs et les blancs gagnèrent en même temps en s’associant en dernière instance. Lui instillant un peu de plasma pour redonner le change. Dans une camionnette rouge. Ou une camionnette blanche. Véhicule bloqué par d’autres véhicules bloqués dans cette ruelle soudain encombrée. Sans qu’éjecté de la scène je n’aie à intervenir en tant que donneur finalement ce qui m’aurait fait mal universel ou pas et que je ne me pose plus de questions tant je commençais moi-même à être plus que dans les vaps. Là : Vague témoin des choses le cul vissé sur une bite en fer. Les secours me voyant vaciller insistèrent même pour m’embarquer moi vu l’aspect peu ragoûtant de mes propres étages inférieurs. Moi aussi mais pour d’autres raisons le tibia en sang j’avais. Je me débattis tel un forcené. J’avais d’autres chattes à fouetter et ce dans les minutes qui suivraient. - 100 - Laissant au sol une belle trace d’unijambiste je désertais la scène abandonnant Cendrillon et une bandelette d’invertis dévoués criant tous à moitié au miracle puis enfin je rejoignis ma Zaza qui devait bien se morfondre à force de m’attendre. Samedi ?? juillet 1988 À mon retour d’Angleterre ce fut un peu comme si mes parents ne me reconnaissaient plus comme si je m’étais enfin tenu droit ou que s’était opéré en moi un changement radical ou que j’étais enfin devenu adulte à l’exception peutêtre d’une sorte de mohican d’un autre âge violacé que m’avait tailladé Zoe durant nos adieux déchirants ce qui n’allait peut-être pas faire si sérieux pour les voisins. De fait ce samedi soir-là tout auréolé mais un peu triste à cause de Zoe ma fiancée que je ne reverrais plus jamais je n’eus juste à dire que « Lui ! » en désignant le sosie de Woody Allen qui sortait d’un resto. Le poil rare et à lunettes. Alors certains de mes petits camarades Jip + d’autres furent bien avisés de prendre ce quinqua parisien en Panama dans cette ruelle de Carpentras à cinq contre un à coups de pied au sol pendant un temps suffisamment long pour me remonter le moral. Lundi 31 décembre 1995 premier J’avais quitté l’avant-veille une cellule familiale très compréhensive puisqu’elle m’autorisait — à condition de devenir quelqu’un de très très bien mon sursis de deux ans pouvant tomber à tout moment — à réinvestir mon vieux cloaque parisien 10 rue des Vertus pour œuvrer dans ce vaste domaine des Arts plastiques et surtout rejoindre ma - 101 - Zaza plus belle des salopes en perspective qui soit. Zaza Bosch-Schwitters ? C’était Sharon Stone en helvète et héritière mais très intelligente. Elle vivait avec son mari ou ce que je croyais l’être un trigénaire plus que mimi fier et friqué lui aussi mais avec ce vocabulaire très étendu et retors des créa dans la pub ayant grandi à Neuilly. Du moins c’est ce que Zaza m’avait écrit puisqu’elle se situait à l’exacte première place de ce que j’espérais être la longue liste de mes correspondantes à oblitérer. De plus Jean-? le mari venait de monter sa propre start-up et c’est vrai qu’il m’accueillit plutôt froidement ce soir-là huit jours après ma libération quand super dégoûté par ce grand dehors vraiment trop dilué je m’introduisis chez eux prêt à tout révolutionner chez le jeune coucouple. 12 rue des Coutures Saint Gervais à côté de chez Picasso le musée un peu aviné je leur avais quelques secondes avant fracassé à coup de pied la fenêtre de leur salon alors que le jeune couple était censé organiser pour ce réveillon 96 ce qu’on pourrait appeler une belle sauterie entre jeunes gens fiers friqués et diplomés. En enjambant mon fatras de verre j’avais demandé à quelqu’un de très fâché tentant de vouloir balayer « Chuis Miki. Elle est où Zaza ? » un peu abruptement. Et c’est là que je pus réaliser combien déjà le mari avait dû entendre parler de moi. Zaza ? Celle que j’avais vraiment cru aimer deux ans avant mais surtout durant toute ma détention et cru aussi revoir comme par hasard mais je n’étais plus si sûr de loin la veille taillant des plumes à tout va entre deux performances ou durant une soi-disant performance niveau -1 à Pompidou. Chose qui avait l’air de se faire dans ce type de contexte. Forcément dégouté la veille je m’étais débiné puis l’avais regretté. J’étais donc revenu niveau -1 mais ne l’avais point retrouvée. - 102 - Tandis que là Jean-? le mari me tournait maintenant salement le dos d’autres me dirent que je salissais la moquette avec mon sang « M’en fous. Elle est où Zaza ? ». Je dégoulinais veugra. On me répondit que Zaza avait disparu depuis huit jours. La date de ma sortie telle que je la lui avais écrite. Fou furieux comme rarement et j’avais vu faire ça dans un dessin animé anglais j’envisageai de me barrer par là où je venais d’entrer. C.à.d de sauter du balconnet de ce premier étage d’où je venais d’émerger en fracassant tout vu que je n’avais ni leur digicode ni leur téléphone ni rien alors que je voulais jouer antécédemment avec le jeune couple à Surprise Sur Prise en escaladant leur gouttière. Mais je me ravisai niveau saut étant donné ma nouvelle faiblesse au tibia perlant sur moquette. Et ce d’autant plus que le 200m2 était comment dire ? achalandé d’une grosse quantité de meufs plus ou moins déchaussables. Tandis que je saignais toutes continuaient à siroter en grelottant Gin-To et autres Coca-Light comme si de rien n’était. Ou croquaient amuse-gueules et autres gâteries au shit ou gobaient taz ou kétamine à tout va. Mais surtout elles continuaient de tortiller très sex sur ce beat imbitable. Saloperie de remix eighties soi-disant réécoutable. Ce qui m’enragea tant ça me rappelait des trucs de jeunes insouciants vus chez cette grosse merdasse d’Ardisson. Les extraverties invertis travello intello et autres stylistes archi vidéastes et designers tous branleurs de très très haut vol mexicains new-yorkais canadiens et japonais obscènes poussaient leurs wooouuuh-rhou yeeeeeeeeeeeeeee-rah et rah rah rah. Avant de tout fracasser je reconnus heureusement une vieille amie Cendrillon qui me gratifia d’un Mikiiiiiiiiiiiii de folle en me reconnaissant puis elle me confia après aspiration de tympan en guise d’embrassements que Zaza et cela ne devait pas être ébruité avait justement disparu pour me - 103 - rejoindre et m’attendait depuis huit jours pas loin dans notre ex-chez-nous parisien. D’où la haine de Jean-quelque chose Machin-Machin le mari. Je quittai la scène apaisé laissant un unique pas rouge sur la moquette cyan avec Cendrillon et cinq-six autres tarlouzes à rayures qui étaient dans le secret. Tous voulant on se demande pourquoi faire le coup à Zaza de surprise regarde qui revoilà. Lundi ?? octobre 1988 « Hey Jip ? T’as vu le bicorne ? — Arrête si je rigole trop après je vomis. Quoi ? — Le bicorne. Tu l’as pas vu ? — C’est pas du tout un bicorne. C’est la tête à Napo. Léon. Squatte pas l’stick. Miki. Fais tourner. » Napo était un suiveur plutôt sympathique mais visiblement un peu oppositionnel avec sa crêtasse moitié frisouille comme ça toute racornie et baroque et faisant un peu chapeau quand il déambulait tout seul l’air sérieux dans la cour du collège Joseph Vernet. Or depuis une bonne demi-heure déjà je l’observais hypnotisé par son va-et-vient rebondissant dans ses grosses rangers marrons trop grandes pour lui. Il faut dire qu’en audio Jip me démontrait par a+b je ne sais plus trop quoi puisque le joint faisait son effet et que j’avais décroché depuis l’intro de ses présupposés. Alors je fis ce petit signe à Napo pour rire. Napo l’air digne s’était approché de notre banc avec son jeune bouc et c’est très gentiment que je lui dis ceci : « Môssieur Napo il va falloir très sérieusement envisager quelque chose pour cette crêtasse vous le savez. Il existe d’excellents gels de la bonne colle à bois de la laque pour faire tenir tout ça. Et surtout d’excellentes teintures - 104 - pour enjoliver le tout. Veuillez donc très vite faire quelque chose pour cette couleur maronnasse-là absolument dégueu. Svp. C’est vrai. Sans déconner. Je dis ça pour toi man. Faut assurer dans la vie. Non ? Je te conseille le vert ça ira très bien à ton teint. — C’est ça. » Le lendemain Napo virait skin comme pour nous emmerder tous mais sans penser à mal. Il n’avait pas eu le choix et avait résolu son petit problème capillaire à la racine. Septembre 1989 Et c’est dans ce type de vacuum qu’un an après tout veut enfin se dépelotonner puisque c’est là que Fix tel le nœud de mon histoire apparaît. La première fois Fix le parisien un nouveau en seconde technique s’avéra plutôt du genre beau gosse quand Jip et Napo l’introduisirent dans le cercle place de l’Horloge dans notre belle cité papale où agglutinés et bruyants assis à vingt à la terrasse du Mistral nous effrayions les passants. Beaucoup plus chafoin que les autres Fix. Grand et sec. 16 ans. Avec l’accent pointu et le charisme d’un grand roux aux yeux bleus de nordiste. Tout ça avec cet air de fou ailleurs dont il jouait à satiété. À tel point que mon panache et autorité en furent presqu’entâmés. Il la jouait très bien et c’est donc avec lui et quelques autres huiles très sélectionnées parfois même majeures qu’on forma peu à peu cette nouvelle bande-ci : Jip - Napo - Fix - Marco - Elmer Ike - Spider - Mario - Smut - Spike - Stronger - Cellier Joubert - Casa - Shazam - Cunningham - Napalm - Bomba - Stiff - Nadji - Teurba - Fred - Nounours - Le Chinois - - 105 - Speed-Ball - Lukas Zpira - Christ - Tim - Tom - Joy etc + moi. Un truc dur et beaucoup plus sérieux et étendu qu’auparavant. Pas de meuf. Mais avec plein de petites radicelles un peu partout dans le grand sud. Truc établi sur quelque chose de faux comme tout malentendu qui n’éclate pas dès le début mais qui perdurerait comme ça au delà de tout. Bref on restait collé tout en se détestant les uns les autres mais sans le savoir encore. Or chaque fois que le week-end on goberait un trip ensemble ceci pour nous fédérer ou casser le rythme de nos échauffourées il faudrait que Fix nouveau ciment invente un truc rédibitoire. Ainsi une nuit de novembre 89 vers trois heures du matin congelé au sommet du Pont du Gard alors que ça chauffait méchamment à trente mètres de haut entre deux trois de nos ouailles pour une question de briquet volé ou mystérieusement disparu je vis Fix se poster à reculons pas à pas au bord du gouffre. Dos au danger. Je l’admirais faire sans trop y croire. Il n’y avait pas de rambarde vu que cet accés au sommet du pont déromanisé était censé être condamné. Le reste de la bande festoyait se bastonnait ou bredouillait des trucs insensés en bloquant connement sur la maquette du paysage. Là : se souvenir de tout type de commentaires émis par de jeunes hallucinés croyant encore à tout ce qu’ils voient. Bref Fix les bras en croix toisa donc une dernière fois la foule gélifiée de ses nouveaux amis façon je me suicide les mecs vous m’emmerdez trop en fait et il bascula dans le vide. Quand avec Jip nous nous ruâmes pour mieux apprécier les dégats en répétant merde les mecs il s’est tué les mecs nous le découvrîmes à seulement vingt centimètres du rebord en contrebas se tenant encore nul ne sut jamais comment il fit par deux doigts crispés tout blancs sur une - 106 - prise insignifiante. Il nous faisait coucou de sa main restée libre comme ça les pieds dans le vide avec toujours incrusté sur sa bouille moqueuse son mémorable sourire en biais d’allumé à moitié crispé. Après ? Jip et moi dûmes le hisser pour ne pas avoir sa mort sur la conscience. L’acide lysergique avait toujours eu cette tendance à vouloir nous ramollir un peu. Fix la résurrection s’avéra cette nuit-ci cette sorte d’alpiniste précoce. Givré. Des hautes cîmes. Mais il se prit par la suite à mon goût un peu trop souvent pour l’Homme Araignée. Et des fois j’en aurais marre de l’excuser et de le sauver. Dans la nuit du week-end d’après dans un squat du côté d’Oppède le Vieux historique donc et pas trop loin de chez moi nous étions déjà tous là avec nos sacs en plastique à sniffer de la Dissoplast. C’était sa nouvelle mission à Fix de soudoyer le vendeur et d’acheter notre combustible par grosses boites de 200 tubes de colle à rustine chez Motobécane. La dizaine de bougies répandues un peu partout dut faire à un moment un peu trop fumeur de shit à son goût. Putain les mecs on n’est pas des babas bordel. C’est ce qu’il éructa en perçant une petite bouteille de gaz qui trainait là et il nous la jeta dessus au travers de la pièce à un moment par lui jugé opportun. Un chalumeau vire-volta puis cogna partout avec sa flamme ardente toute bleue puis jaune d’au moins un mètre de long. Nous émergeâmes assez vite cette fois de notre torpeur bredouillante en voyant tous comme ça notre mort arriver en train de griller dans un squat tous ensemble et il y eut un grand mouvement de foule engluée vers les escaliers. Mais les escaliers étaient bouchés par un vieux sommier déglingué et nous nous empalâmes les uns les autres contre ses ressorts. Les premiers étant esquichés par les derniers. Se décoinçant les uns des autres nous dûmes retraverser l’enfer pour nous défenestrer. - 107 - C’est bien là que je me pris pendant une fraction de seconde ce grand retour de flamme en pleine poire car la bouteille de gaz continuait de valser telle une comète rebondissant un peu partout propulsée par son jet. Elle n’explosa pas. Après ? À moitié aveuglés et asphyxiés nous atterrîmes donc dans la rue le feu au cul mais au grand complet. On gerbait du nez de la bouche on rotait se dégueulait en beauté les uns sur les autres pour s’éteindre le dos la nuque le séant secoués tous d’un si grand éclat de rire sur le trottoir chevilles foulées que nous n’en voulûmes pas du tout à Fix qui venait de devenir là le meilleur pour ébranler notre quotidien et nous cohésionner comme il le fallait. Notre habituel lieu de débauche crâma en beauté. Ça s’appelait créer l’événement. Toujours. En toutes circonstances. Les pompiers n’intervinrent que très tard dans la nuit laissant une ruine noire inondée et fumante qui fit longtemps saignée au milieu de la cité. Avec d’autres le lendemain je dus moi-aussi virer skin tant mes tifs cils et sourcils avaient été roussis puis réduits en poudre à la racine. Mais si promptement que ma brûlure n’atteignit jamais qu’un premier degré et tout repoussa après quelques crèmes à la con. Des moments comme ça il y en eut des milliers des moments où l’on adorait confondre hier avec aujourd’hui et aujourd’hui avec demain tout ça parce que nous devînmes peu à peu ce type classique de superhéros vu que depuis Fix on se défonçait comme des immortels. C’est à partir de cette époque-ci que ça se mit à déconner grandement chaque fois que j’entendais une pouf parler de vie après la mort. Il fallait vraiment qu’elles soient naïves ou abruties avec leurs NDE pour ne pas réaliser que la lumière du bout du long couloir avec tous ces connards phosphorescents qui vous disent viens ! viens ! pour ne pas réaliser que cette lumière-là très autoritaire n’était que la - 108 - putain de grosse lumière du réveil et du retour parmi les vivants. C’est vrai ce long Couloir de la Mort-là anaérobique était un truc qu’on empruntait nous plusieurs fois par séance dans un sens puis dans l’autre et en travers nous au moins chaque week-end et on en faisait pas toute une métaphysique. ?? mai 1990 Napo était parallèlement resté l’unique skin de la bande je n’en avais pas toléré d’autres et donc pour se faire remarquer une nuit avec trois-quatre autres pauvres clones chauves de ses amis à lui cousins que je toisais comme des merdes quand je les croisais il ne put s’empêcher sans trop s’en vanter après de profaner en douce le cimetière de Carpentras. Curieux quand on y songe de voir comme une toute petite moquerie dans une cour de collège suite à une crêtasse trop frisouille peut être à l’origine plus tard de résonances médiatiques ou politiques insoupçonnables. L’effet papillon ? Rien à foutre. Bref quand on se cotoyait encore avec Napo et les autres au début même défoncés on se contentait d’allumer des feux de joie chez les gens. Mais en leur absence. Ou de balancer n’importe quoi d’un pont sur l’A7 sans trop viser les voitures tellement on s’ennuyait. Mais les décédés à cette époque on ne jouait pas trop avec tant on estimait rester des jeunes gens bien et fort respectueux et du genre plutôt à réagir ainsi dans ce type de contexte : « Moi un bouffon me touche mes morts moi je m’en gague si je le chope je me le fais à vif le mec. C’est vrai le mort si tu l’encules avec un parasol il se relèvera pas pour te mettre une gifle hein ? Que moi on me touche moi vivant je m’en bats la race je lui mets une balle au mec. Pouh. Dans la teuté. » - 109 - C’était comme ça et pas autrement. Mais c’est vrai qu’après tout a dû un peu s’effilocher. ?? juillet 1990 C’est le bel été de nos 16 ans que notre trio de la mort – autrement dit : Jip Fix et moi – dur noyau de cette joyeuse bande de cons en devenir décida de se perdre une bonne fois en se coltinant tente et sacs à dos gourdes et godillots au cours d’une mémorable randonnée pédestre à travers ces chemins pierreux de l’Ardèche. Décision dûment improvisée tant notre trio s’ennuyait et ce comme on peut difficilement imaginer. Évidemment on se prit assez vite pour des hurons ou les seuls rescapés d’un cataclysme inouï puisque les seuls êtres humains que l’on croisa s’avérèrent des mutants plutôt dégénérés. Notre première nuit en pleine garrigue à dix kilomètres de tout autour de notre feu de camp et du frichti crâmant gentiment dans sa casserole toute noire et gondolée on entendit donc crac à un moment juste derrière nous puis un « Ça va pas ça va pas non ? » vociféré et qui allait en se rapprochant. Et on vit débouler de derrière un fourré agité une sorte de garde champêtre qui nous fonça dessus très très très ulcéré. Devant notre volte-face hostile réflexe légitime brutal mais conditionné tout en planquant nos joints on ne sait jamais cette apparition nous dégaina par surprise une super dague effilée et se mit à bien pavaner autour du feu en nous faisant avec devant les yeux de grands moulinets. Ce faisant très martial toujours le fantôme nous intima de surtout ne plus bouger là là là assis genre maître-chien puis il se mit à nous réciter le torse bombé dans son va-et-vient quelques bribes d’articles plus ou moins légaux sur toutes ces peines sévères encourues par les jeunes incendiaires. - 110 - Or son discours se perdit dans des circonvolutions qu’il n’avait pas prévues et le garde champêtre se laissa tomber puis se déchaussa autour du feu les orteils dégueu en éventail. Là devant notre trio sans voix. Sans raison aucune encore il remonta le bas de son treillis et se mit torse nu en poussant un vrai râle de plaisir puis il me demanda s’il pouvait tirer une taffe sur mon truc juste une une seule. Alors Dédé La Défonce c’est ainsi qu’il se présenta après quinqua-sexa puant le rouge l’urine et le tabac le cône aux lèvres se mit je ne sais pas pourquoi à vouloir m’expliquer à moi l’origine de sa très grande faculté de survie en squattant mon stick. Truc inhérent à un certain sentiment de rage féroce qui l’aurait toujours animé. Truc dont il ne se serait jamais départi lui-même ne savait pas pourquoi et ce au delà même de toute limite. Truc qu’il eut l’air de regretter du sourcil à un moment tant on aurait dit qu’il avait des choses pas nettes à se faire pardonner. De concert on en profita pour se moquer un peu de lui sans qu’il ne s’en rende compte d’abord puisqu’il était en boucle et sourd à tout sarcasme comme ça arrive parfois chez certains professeurs particulièrement défoncés. Dédé troll pieds nus maintenant et en posture de lotus crasseux commença donc son récit par le bas en nous dégainant l’un de ses tibias. Tout excité Dédé qu’il était à l’idée de nous faire admirer sa belle collection de cicatrices. Tibia noueux tendu avec il faut bien l’avouer un drôle de creux dessus au milieu à la fois brillant rose et plissé comme une paupière ou un prépuce puisqu’il s’agissait d’une morsure de serpent qu’il aurait un jour jadis dans sa jeunesse bien nettoyée puis dépiautée jusqu’à l’os grâce à sa dadague fétiche plantée là à côté de lui puis sucée à mort enfin afin d’en extraire tout le mélange sang-venin amer. - 111 - Terrain qu’il aurait cautérisé ensuite en se versant dessus vite fait toute la poudre d’une cartouche de douze qu’il aurait allumée après super maso avec son zippo. Après ? Ce furent tour à tour ses poignées d’amour ses aisselles ses épaules flasques ses tempes grises qui y passèrent. On va dire les zones neutres à la périphérie pas très vitales donc d’où il fouetta de ses doigts gourds et nicotinés de longues estafilades blanches traces de balles qui l’auraient soi-disant juste effleuré. Il aurait toujours eu ce cul lui Dédé dans la vie alors que lui face à l’ennemi faisait mouche à chaque coup plein centre et dégommait comme à la foire à ce qui parait. C’est là que Dédé en profita pour se relever triomphal et qu’il nous dégaina très vite encore d’un geste taquin de sa besace un vieil automatique noir et huilé tout enroulé dans son chiffon à carreaux cracra et c’est là qu’il en profita pour nous mettre bien en joue le salaud. Ainsi il fit mine de nous exécuter chacun à tour de rôle d’une petite balle dans le front en nous faisant pfui pfui pfui de sa bouche édentée mais en singeant très bien le recul. Tout bascula car là c’en fut trop. Je me lâchais enfin puisque je me mis à exploser du nez et de la bouche en partant de mon grand éclat de rire à moi moqueur chuintant et légendaire face au vieux dragon foireux debout face à nous. Car avec le feu derrière à contre-jour ç’avait été une grosse gerbe de postillons luminescents qui avait été émise durant la salve des pfuis en question et ils n’en finissaient pas de nous retomber dessus ces postillons tels de grosses étincelles lestées et puantes. Le vieux diable du coup se marra bien lui-aussi en s’étranglant un peu comme s’il n’avait plus trop l’habitude. Tout froissé et déformé une seconde par une toux assez inquiétante. Et il nous demanda l’air à nouveau coquin debout le flingue à la main si on avait déjà oui ou non entendu parler nous les - 112 - jeunes de cette recette spéciale dite du canard laqué du Mekong. « Le canard laqué du Mekong ? Vas-y raconte Dédé. » La pupille irradiée il ne put s’empêcher de s’enfoncer à gros coups de sourcils d’un autre âge dans un récit alambiqué en évoquant un certain rituel de bidasses où chacun des membres d’une unité d’engagés jadis après un bon nettoyage au lance-flamme dans un village se devait à tour de rôle de coïter avec la plus belle canne rescapée en jouissant bien de son cloaque défoncé et de la série de petits coups de palmes prodiguée sur ses couilles prêtes à exploser. Une fois la canne bien farcie par toute l’équipe c.à.d toute laquée par en dedans la tripotée de soudards se l’embrochait vivante se la faisait griller et se la partageait tels des cannibales frères de foutre caramélisé pour une plus grande unité de toute unité. Visiblement nostalgique notre vieille loque de Dédé marqua un arrêt et conclut d’un coup de sourcil en disant qu’il valait mieux faire ça sur des animaux plutôt que sur des enfants non ? que c’était humain hein ? et qu’il fallait bien rigoler parfois tant les temps étaient durs. Alors que sous Napoléon ce genre de choses se serait pratiqué sur des nouveaux-nés ou sur des femmes et des éphèbes à travers des trous de baillonnettes édictés au préalable là là là ou là. Époque qu’il eut l’air de regretter. Sur quoi il se mit à farfouiller dans son entre-jambes comme si ça le grattait à mort puis à brûle-pourpoint comme ça il nous dégaina sa queue. Rosacée et cisconcise. Beurk. Mais à reflets kaki. Je reconnaissais ces veines éclatées du branleur invétéré. Il semblait vaguement vouloir nous la proposer sa queue comme si ça pouvait nous intéresser. Mais devant nos rires frisant l’étranglement vieux Dédé se leva tel un ressort dégrisé et il se débina en maugréant la queue à la main et se renfonça dans sa nuit à jamais. Notre trio en resta bouche - 113 - bée une seconde puis fit résonner très fort après sous ses duvets ses rires et ses pets jusqu’au petit matin. Jusqu’à ce que notre feu s’éteigne de lui-même enfin. En arrivant à Saint-Flour une semaine plus tard cheflieu du Cantal après quelques échauffourées dans des campings un ou deux vrais départs de feu et des bluettes avec des hollandaises des anglaises ou des allemandes très collabos notre trio d’iroquois exténués voulut se rafraîchir un soir dans un café. Après quelques mauresques et autant de baby-foot avec des inconnus nous ne prîmes plus garde au regards de certains des autochtones puisque nos tignasses et nos piercings faisaient tant partie des choses qu’on avait intégrées qu’on les avait oubliées. Or il appert qu’une certaine catégorie de moustachus empastissés et bouffeurs de cacahuètes ne le vit pas de cet œil. Quand notre trio d’affamés s’éclipsa sans payer plan basket classique pour se confectionner dans un coin de place de village un vrai repas avec des petits pois en boite oignons lardons grillés sur notre réchaud — je ne vis pas foncer sur nous cette Renault toutes portes ouvertes qui voulait nous dégommer comme à la foire encore. Un certain instinct de survie s’empara de mes camarades qui super synchro me bousculèrent et trainèrent tout deux par les épaules me sauvant in extremis du bolide vengeur. Dos au danger je n’avais rien vu venir. Après quelques invectives en se relevant nous vîmes que le véhicule s’amusait un peu plus loin à faire demi-tour dans un crissement de pneus à la Starsky et Hutch suivi d’un coup d’accélérateur de ouf pour nous redégommer en seconde. Notre trio dérangé dans son souper préféra déguerpir devant la meute de villageois qui s’agglomérait en cercle pour tout simplement nous faire la peau à l’ancienne. On avait même aperçu au loin qu’émergeaient quelques fusils et chiens-loups prêts pour la traditionnelle battue du - 114 - samedi soir. Le trio prenait ses jambes à son cou abandonnant les sacs précieux et dévala les ruelles en s’enfonçant dans la vallée. Rien n’arrêta la meute ni la nuit ni le risque de s’en prendre à ce type particulier de gibier au contraire. La course-poursuite dura toute cette nuit de pleine lune à des kilomètres à la ronde. À un moment donné épuisé ou inattentif en dévalant sa pente Fix fit une cabriole puis un vrai vol plané en avant en s’embronchant sur des racines qui dépassaient vachement d’un chemin de grande randonnée. Comme s’il avait fait exprès. Ce qui n’est pas impossible. Alors n’en pouvant plus et pris de spasmes en dévalant bon public ma propre pente je partis moi-même d’un si grand éclat de rire et m’écroulai moi-aussi si bien que Jip freinant et croyant que je devenais fou en paniquant au delà du raisonnable me sauta dessus et me secoua si fort en me hurlant dessus « Calme-toi calme-toi Miki. » que je ne pus dès lors étouffer mon rire qu’en mordant très fort dans l’une des putains de racines qui dépassaient. Fix et moi nous nous relevions tout écorchés et hilares face au sérieux de Jip tandis que le danger continuait plus haut de se pointer mollement à coups d’aboiements et de sifflets. La course effrénée reprit de plus belle jusqu’à ce qu’on ne trouve refuge enfin chez un fermier en béret en contre-bas dans la vallée. Au petit matin ce gentil paysan à la langue rocailleuse nous conduisit en tracteur planqués sous une bâche chez les gendarmes qui nous protégèrent comme il se devait de cette meute de oufs moustachus armés et empastissés prête à bouffer quoiqu’il advienne de l’étranger certains soirs de pleine lune. Mais nous ne portâmes point plainte car s’amuser entre amis était une chose qu’on comprenait. - 115 - De retour dans le vrai sud horizon de soi-même crasseux gare d’Avignon on se fit aussitôt coincer dès la descente du train par une quinzaine de flics. Après ce contrôle de routine on nous conseilla fortement de changer de look vu qu’un jeune maghrébin s’était pris la veille un bon coup de parasol dans le thorax plein cœur lors d’une rixe avec d’autres iroquois retardataires Avignon Place de l’Horloge. La Place de l’Horloge qui avait été totalement saccagée comme ça s’était toujours fait. C’est vrai qu’on ne réagit pas trop sur le moment puisqu’en chœur on dit : « Encore ? » On se débinait poliment mais un jeune flic lisse nous rattrapa : « Faites bien attention les jeunes ce coup-ci c’est du sérieux il y a une vraie chasse à l’homme là chais pas si vous savez. Chais pas moi vous devriez faire quelque chose organisez-vous armez-vous j’étais comme vous avant eh oui y a dix ans ça craint sérieux là. Sérieux sérieux sérieux. Un bon conseil faites quelque chose et faites le vite » Je lui répondis super poli :« Oui ok merci mais on a l’habitude vous savez. » Et notre trio d’adolescents s’enfonça dans les ruelles comme à l’accoutumée en la ramenant très fort devant tous ces touristes cultureux en bob ou Panama. Leur crachant à la face ou leur éructant je ne sais plus trop quoi chaque fois qu’ils osaient nous détailler. C’est là qu’on prit la mesure de ce drôle de truc. Comme des mouvements tout partout tout autour de nous loin dans la vision périphérique et c’est là qu’on vit la meute de reubeux pas cool s’agglomérer. Armée de pelles de battes de manches de pioches et de nunchakus. Téléphone arabe + quelques schlass sans doute bien planqués pour le moment. Meute prête pour la traditionnelle chasse au kepon d’Avignon comme si on y avait été pour quelque chose nous dans toutes ces histoires de parasol. - 116 - Car c’est vrai Carpentras n’était vieux que de deux mois et avait dû susciter encore des émules à droite à gauche dans notre Vallis Clausa ou Comtat Venaissin embrasé. Puis dans toute la France. Puis dans le monde entier. Nos sacs si difficilement récupérés à Saint Flour tombèrent à nouveau et ce fut à nouveau la coursepoursuite dans les ruelles d’Avignon. Simple ratonnade à l’envers. Direction l’Ile de la Barthelasse. Entre deux bras du Rhône. Tout droit. Pas le choix. Là les poumons en feu après avoir vite traverser notre Pont Daladier on rebiqua les crouilles au cul vers une haie de vieux cyprés déplumés en contre bas à la lisière d’un pauvre champ de pommiers où l’on s’enterra littéralement sous un mélange de momottes meubles feuilles mortes mousse ronce lierre desséchés. Tandis que patrouillait tout près une meute à coup de ziva qui allaient en s’éloignant. Là pas fiers on attendit la nuit déshydratés tels des piverts la crête applatie. Plus tard dans la nuit on se fit rapatrier par le reste de la bande planquée elle dans les bleds alentour. Une fois tous enfin réunis chez Jip dans sa vieille cave toute dégueu on dut prendre cette mesure des mesures puisqu’on décida de ne plus jamais se séparer et de s’armer nous-aussi jusqu’aux dents puisqu’il faudrait bien un jour cesser d’exagérer et prendre enfin en main son destin. Septembre 1990 Ce qu’on subit tous cet été-là on allait le faire subir. Chacun de son côté. Au quintuple. Sans pitié. Dès la rentrée j’avais dans ma mallette ma hache et mes deux pistolets à eau l’un rempli de soude caustique l’autre d’acide chlorhydrique on ne sait jamais afin d’expérimenter — sur la gueule de quiconque la ramenant ou voulant juste encore - 117 - un peu s’amuser avec nous — ces fameuses réactions acidobasiques enseignées oui mais pas pour rien dans notre lycée. Mars / avril 1991 Printemps de nos dix-sept ans. Apparurent dans la cour bien planqués dans nos sacs de sport les tout premiers guns grenailles trafiqués puis canons sciés et il appert que de plus en plus d’exactions virent le jour comme ça gratuites à la sortie de tous les cinés lycées macdo gymnases et boiboites d’Avignon. Puis de tous les environs. La bande s’était lancée dans cette vaste industrie de la dépouille de dealeurs — et autres mafieux paumés gitans reubeux et autres trafiquants — plus confortable moins de plaintes — à qui après m’être bien fait passer tantôt pour client tantôt pour grossiste on faisait toujours le même coup après que j’ai ordonné changement de décor ! en leur collant par surprise au tout dernier moment mon tout nouveau joli petit calcal de calibre tout rouillé dans la narine. Tandis que les miens autour se déployaient et faisaient paravent et cercle souriant. Surprise. Elles se retrouvaient à poil toutes ces pauvres taches soi-disant hors-la-loi. Dépouillées jusqu’à l’os. Ce qui nous faisait toujours un peu d’argent de poche. Parallèlement et depuis quelques temps déjà on répétait tous - moi au chant - Fix à la basse - Napo aux percus - + quelques autres aux chœurs - chez Jip - claviers machines - dans sa cave toute dégueu vu qu’on venait de monter ce groupe de ouf appelé H@ss haine en allemand puisqu’on avait dix-sept ans. Jip ? Dans le groupe ? C’était l’homme des machines et des mélodies aussi parfois le sampler une sorte de calculateur prodige avec son casque sur les oreilles et tous ses écrans multicolores partout autour de lui. Jip ? Avec son odeur de cuivre ou de bouc + - 118 - crapauds morts. Fumet qui ne le quittait alors jamais c’est vrai. En pleine répétition il était capable de s’arrêter net s’il hallucinait d’un coup le résultat d’une différentielle ou autre intégrale qui lui trottait en tête. Il était capable de prendre ainsi plein de notes pendant dix secondes à notre grand dam schizo avec son casque vissé sur les oreilles. Normal vu qu’il était en S option math lycée Mistral. Le problème c’était qu’il adorait se rendre au bahut ou aux répettes avec des batraciens décédés dans les poches de son 3/4. Faire gerber le monde entier semblait être son unique but le monde entier se demandait pourquoi. Mais Jip quoiqu’il advienne resta le meilleur en math même qu’il aura 18 au bac plus tard sous trip et sans avoir révisé du tout du tout. Jip ? Un vrai génie. Or moi évidemment j’avais été rapidement évacué en option bio puisque j’avais décroché définitivement dès que j’avais appris que i2 était égal à -1. Fameuse équation révélant ces fameux Nombres Imaginaires ou Complexes ou Irréels ou que sais-je et qui signifiait à peu près que les amis de mes amis étaient en gros mes ennemis. Ce qui m’avait désappointé sur le moment vu que quelques années auparavant on m’avait dit l’inverse. Lui Jip ça ne l’avait pas heurté comme quoi ça devait être un sage vu que tout ça put se vérifier par la suite. C’est vrai les amis de mes amis ne furent plus jamais mes amis. Amis qui eux-même ne le furent plus jamais vraiment non plus d’ailleurs. Samedi 5 février 1992 La preuve ? (…)2. 2 Là ? Aller à la fin - Lire note n°2 - 119 - Il faut dire que survenait depuis quelques temps déjà cette fameuse époque dite des éphédrinades 3 et que ce samedi soir-là après la répette de H@ss Fix et Jip s’était amusés dans notre cave toute dégueu à enregistrer en douce mon incroyable déblatération auprès de ce que je croyais être ma très chère bande toute ouïe. Car au courant de la blague ma dizaine de fans s’était tue et m’avait laissé comme ça aller au bout de ma chose sans même me couper. Mais après heureusement ma troupe ne put s’empêcher de se chauffer la tête avec n’importe quel solvant. Arrêtant ses sarcasmes. Trichlo Eau Écarlate colle à rustine. Pas de coco. Pas d’héro. Mais bons vrais trips selon les arrivages buvards speed crack taz et compagnie. Selon les préférences de chacun. Puis nous prîmes nos caisses ou celles de nos parents et la bande au grand complet une trentaine d’invalides harnachés avec plein de petits trainards dégobillant encore un peu partout se retrouva une heure plus tard sur le parking du Hot Spot une boite de ploucs de Vaison la Romaine pleine de vieux Rockabilly crasseux Bikers ou Hell’s des campagnes. Nous mîmes tout à feu et à sang. Blitz Krieg. Et nous nous débinâmes aussitôt après. Nous nous retrouvâmes en pleine nuit dans la nature pansant nos plaies tels une harde de félidés multicolores cornus téléportés au bord d’un ruisseau noir l’Ouvèze je crois qui commençait à enfler dangereusement comme le montrèrent dès le lendemain ces fameuses actualités. Zapping de fin du monde circonscrite en un point et un seul. Vaison sous les eaux. Déluge télégénique occultant invariablement nos performances à nous. 3 Délire logorrhéïque sous éphédrine, vasoconstricteur bronchodilatateur stimulateur du système parasympathique qui fait qu’en gros en montée on raconte toute sa vie très vite même à des étrangers et ce de façon très très très éhontée. - 120 - Dimanche 21 juin 1992 Lors de notre seul et unique concert en plein bac lors de ce festival trashcore en l’honneur du Sida où par miracle on avait été sélectionnés je me la pétais donc très fort Nosferatu car une poignée de teuffeuses en folie toutes rasées et percées elles aussi venaient de se taillader exprès pour moi au coupe-chou leurs beaux gros bras blancs et gras. Bras savamment tatoués de codes barres et autres logos comme ça se faisait beaucoup alors. À tour de rôle j’en profitai donc pour leur lècher à grand coups de langue tout ce qui pouvait bien gicler tandis qu’elles faisaient mine d’exulter. Mais rappelé à l’ordre par les miens je dus à un moment m’interrompre pour aller entonner sur scène la gueule en sang c’était notre tour notre nouveau hit Necrolover qui fit aussitôt fureur tant le public était chose aisée à ébranler quand on savait y faire. Roooooooorrr hahaha rrrrrrrrrrr hypercrachouillé sur le micro avec les twiters à fond que je me plûs à réensanglanter en me pétant deux incisives. Come on. Well our name is Hass. Not Crass. Over the otherrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrs. Intro qui balança sans que personne ne s’y attende un truc à la taré tout neuf et énervé synthétique et saturé auquel rares furent ceux qui pouvaient vraiment résister. Et ce fut l’enfer. Ces paroles y étaient inspirées d’un vague fait divers décrit par Erich Fromm dans La Passion De Détruire ouvrage piqué à ma mère très vite devenu mon livre de chevet. Même qu’elle m’aurait dit après : « C’est bien mais maintenant il va falloir lire L’Art d’Aimer. » - 121 - Mais revenons à ce show et à la vingtaine d’Éphédrine — poul à 120 au repos — additionnée à mon demi-litre de vodka dégueu — mélange qui fit ce que ça fit surtout quand parmi le public barriolé une jeune caillera très provocatrice courageuse mais délocalisée se mit à smurfer toute seule et à breaker pauvre racaille en survêt Tacchini sur notre hymne à la camarde. Ce qui se révéla pour le moins du genre pas du tout préconisé. En starlette sur scène au milieu du déchainement général moi Miki demi-dieu les bras en croix d’un coup de sourcil moteur action à deux reprises j’avais désigné le pauvre smurfeur. Une quinzaine de mes afficionados ne purent que le piétiner à l’ancienne le réduisant en bouillie tant pis pour lui. Quand le service d’ordre intervint avec toujours ce laps de temps très caractéristique Jip en profita pour m’arracher le micro et commença même à tous les agonir d’injures en rythme en français et en anglais. Tandis que Fix à la basse imposait son tempo à l’échaufourée qui se transmuta en émeute généralisée. Ce qui fit que tout se mit à tourner au vinaigre surtout quand ce terrain de foot avec tous ses menus aménagements tentes et frêles barraques à frites fut littéralement saccagé et carbonisé par notre équipe de joyeux petits cons de suiveurs à la traine. Les videurs se replièrent dans leur guérite sous les jets de pierres canettes et autres cocktails préparés pour l’occasion comme si on avait prévu le coup vu qu’on avait déjà tous garé nos caisses en position de départ pour filer fissa au cas où. Ce qu’on fit après s’être bien éclaté. Tout ça tandis que le pauvre smurfeur agonisait à moitié perclus de coups au sol toujours et de toute façon au sol c’était un smurfeur en sang avec quand-même tout autour de lui le veinard un sacré grouillement de bonnes pétasses pleines de pitié qui n’arrêtaient pas de lui caresser et de lui éponger le front tout en nous insultant et en chialant à moitié on se demanda - 122 - pourquoi. Après ? H@ss fut interdit partout par arrêté préfectoral ce qui tombait bien puisque la moitié des nôtres Napo et la tripotée d’anonymes commençait à virer — de l’apathie à la vraie violence radicale — hooligans des stades et que ça vraiment je ne pouvais pas blairer ni Jip ni Fix non plus d’ailleurs vu que le foofoot c’était pas pour nous même comme prétexte vu que nous nous avions un tempérament beaucoup plus artiste et d’autres joies dans la vie. Dimanche 19 décembre 1992 Hélas est-ce vers cinq heures du matin — alors qu’avec Fix on venait de s’enfuir d’une soirée très vulgaire après une certaine sonate dite La Tempête donnée dans un cloître Abbaye de Silvacane près d’Aix soirée très vulgaire et emperlouzée où en duo triste et un peu décontenancé on n’avait rien pu soulever puisque Jip le barbare lui s’était déjà casé avec Hélène et nous avait lâchés — hélas est-ce ainsi rongés tous les deux par ce sentiment de grande vanité des choses état qu’on savait entretenir et ripoliner alors comme un axe un peu tordu oui mais bien huilé dans notre vie tout en serpentant à fond Combe de Lourmarin à travers nos collines noires excavées gondolées et toutes déchiquetées par mes phares normal vengeurs puisque fendant la bise vu qu’on avait investi à perte Fix et moi ce soir-là dans une vaste mais fallacieuse opération de culbute à tout va de ces gros séants de grosses bourgeoises du sud oui mais là en vain et pour des clopinettes — hélas est-ce ainsi rincés voire hypnotisé et dépités par tous ces zigzags à travers tous ces arbres et pointillés blancs défilant à perpette sur fond noir brillant délavé par l’orage et par les vents — hélas est-ce ainsi enclins qu’on tomba sur le retour à travers mes essuie-glaces si loin encore de chez nous sur un pauvre point blanc oui mais qui allait en grossissant. - 123 - Un bonze près d’un stop. Ou sempiternelle racaille détrempée près d’un coude dominant connement une pente. Skin qui allait en se féminisant puisque cette apparition à hanches larges nous fit de grands coucous désespérés un peu défoncée elle-aussi en émergeant d’un pôle invisible sorte de boiboite clando sans doute toute soli-solo dans un treillis gris-camouflage se recolorant. Par pitié Fix décida de l’embarquer tant le zigzag départemental D943 était désert ce soir-là et que la nuit était plutôt fraîche ventue et mouillée et très propice aux rencontres hétérosexuelles comme on dit. Après un bref échange vocal et quelques kilomètres avalés plus loin venu de derrière survint ceci : « C’est quoi au juste cette pure bonne zic que vous écoutez à donf là les mecs ? —… — Hein ? Du Scriabine ? —… — Ouh ? Ouh ? — Prélude et Canon. 37ème duo pour violon. Béla Bartòk. Interprété par les frères T’aurais-pas-dû-monter. Tu nous as pas reconnus pétasse ? » De ce ton mi-goguenard mi-pâteux que je sus trouver au moment précis où comme par hasard Fix au volant de ma vieille Volvo dépassait le domicile de la fille à pleine vitesse. Ce qui fit que l’inconnue scandalisée se métamorphosa en gargouille dentue. « Descendez-moi là. Wo. Vous faisez quoi là ? Vous vous arrêtez. C’est là que vous me descendez. Wo là pour de bon les dalpé je vais m’énerver là. — Chut. ». C’est ce que je me sentis obligé de dire tout en défourayant le vieux fusil à pompe. Puis me retournant vers elle j’indiquai à la grosse derrière qu’on allait juste la baiser - 124 - oui mais un peu plus loin. Mon canon jouait devant son nez. Le descendez-moi là descendez-moi là se fit plus intempestif. Bon prince Fix emprunta un petit chemin de terre adjacent entre un champ de ceci et un champ de cela très pentus pour aller faire demi-tour soi-disant. Mais il préféra aller piler net et déraper un peu plus loin vers un vieux bouquet de cyprés sur quelques galets jaunes ressemblant exagérément à des cèpes. Extrait du véhicule je me déroulai. Je titubais. Je le déplorai puis revacillai une seconde en souriant sous la bruine. Je m’étirais. Je m’hydratais. Les bras en croix tel une drôle de plante carnivore croîssant à vue d’œil. Sa branche droite alourdie par le joujou encombrant. J’armai le piston qui claqua en l’air. Je me retournai et invitai la grosse à sortir en lui tenant gentiment la portière. Dans un baillement feint sous la bruine à l’inconnue ainsi tenue en joue je demandai de nous remettre l’intégrale de ses effets. Sa tune ses papiers ses affaires ses Nike son treillis son gros collier en plaqué sa virginité. « Vous ne savez peut-être pas mais on me fait pas le coup à moi là les mecs vous ne connaissez pas mes frères vous allez le regretter franchement vous savez pas qui chuis ça se voit. » Le coup partit. Je rouvris les yeux. Ne vis que de la fumée. Je n’avais pas trouvé mieux que de descendre la fille là comme elle nous l’avait dit. Je ramassai une Nike qui gisait à mes pieds. Je me relevai sans jeter un œil au pied nu plus loin et sentis dans la seconde qui suivait le sol caoutchouteux qui me ramener vers Fix. Fix me remballa et fit vite demi-tour sur la fille éventrée là sur les faux cèpes. On entendit un petit cri puis le badaboum sous les roues. Je démontai le fusil je le caressai ou l’essuyai puis je le rangeai dans son étui. J’otai mon gant ensanglanté et dus me - 125 - masser l’avant-bras droit. Ma langue s’occupait de mon index écorché vif. J’entendis une crécelle au loin me demander si tout était ok et si ça allait. Mes tympans bourdonnaient. Les essuie-glace grinçaient. La pluie s’était arrêtée. Ça puait le chien mouillé la poudre et le caoutchouc. Uniquement concentré sur mon doigt je répondis « oui » à Fix dans un registre aigu et traînant que je ne me connaissais pas. Oui agrémenté d’une chose rauque interne comme si quelque chose m’avait fait quelque chose. « Oui tout est ocré. » J’avais dit. Fix se sentit obligé de me rassurer en me disant de respirer que ce n’était pas si grave que ce n’était qu’un accident et qu’on s’en remettrait si on décampait. Après ? Douché et lessivé nous continuâmes notre route. Fix décontracté au volant de ma vieille Volvo fonçait. Direction : Bonnieux. Lacoste. Ménerbes. Oppède le Vieux. Je respirais mieux. Fix se ramena chez lui d’abord bien sûr. À Lacoste. Il habitait avec sa mère une très jolie petite maison où grimpait une glycine extravagante en forme de gros nœud de serpents au repos mais prêts à se ranimer à tout moment pilepoil face au château du divin marquis comme on dit. Ou plutôt sa ruine. Trajet silencieux que je trouai d’un ou deux je ne sens plus mon doigt et là enfin devant la glycine Fix récupéra son vieux fusil à pompe et décida qu’on ajournerait nos futurs rendez-vous : « Je t’appelle. Et s’il te plaît putain tu me jettes cette putain de Nike. Ok ? » Je pris le volant. Mon index droit séchait en l’air. Je répétais « putain de recul de sa mère » et je rentrai chez moi direct. Oppède le Vieux. Je ne dormis jamais aussi bien que cette nuit-ci dégommé que j’étais par nos trois bouteilles de Tokay sur trip éventé. Mais c’est le lendemain que tout commença. - 126 - Le lendemain ? — qui était le même jour — je crus même avoir halluciné cet incident or cette hallu eut une nette tendance à vouloir me faire croire qu’elle était vraie surtout quand je vis mon doigt. Et au loin jetée dans un coin une Nike bicolore gauche esseulée et maculée taille 37 qui me regardait. Choses que je dissimulai à mes très chers parents en leur faisant croire que vraiment j’avais vraiment là la gueule de bois des gueules de bois. Et que donc il fallait que reste couché toute la journée. Ce qui était aussi le cas. Lundi 20 décembre 1992. Mais ce n’est que ce lundi matin-là lendemain véritable très tôt en lisant le journal local acheté à la va vite à Morières genre mec normal qui doit se rendre en catastrophe à la fac à Montpellier Provençal + Méridional que tout se concrétisa chaque fois en première page. Sauf que ça mentait invariablement puisque ça affirmait que le corps d’une certaine Valérie Montagne dont on voyait la photo jolie souriante un peu enveloppée mais l’air triste avec ses boucles d’or aurait été découvert sans vie la veille par un randonneur du dimanche l’abdomen criblé de chevrotine un pied nu et les cheveux entièrement rasés sur l’un de ces petits chemins vicinaux menant au prieuré de Saint-Symphorien. Sans trace de violence sexuelle apparente. Une autopsie était en cours. Les cheveux rasés ? Crise cardiaque assortie d’une substantielle envie de gerber. C’était pas nous. Ce que je fis dans mon caniveau près de la Volvo puis sur le journal. Genre mec normal qui n’aurait pas du tout digéré son xième café au lait. Mais ça mentait invariablement puisque on l’apprendrait plus tard cette Valérie n’était morte en réalité que douze heures après d’hémorragie interne inopérable après avoir vraiment pu - 127 - donner à son découvreur et aux forces de l’ordre notre signalement + celui de la Volvo en détail comme il fallait et tout et tout. Mais cela de façon sans doute un peu étranglée puisqu’elle confondit légèrement le rôle du « grand » et celui du « petit » or ça on ne le savait pas encore. Et c’est à partir de cette lecture-là que je commençai dans la vie à me sentir plutôt pas bien du tout. Comme si certaines choses écrites devenaient là tout d’un coup encore plus concrètes que la réalité. [ déc 1992 - mars 1994 [ Fix avait déjà choisi de s’évaporer vers d’autres contrées plus montagneuses et moi-même je quittai la fac de Montpellier puis je m’exilai à Paris pour poursuivre ma première année de médecine dans une fac un peu plus huppée comme si le plomb en sortant de ce canon-là ne s’était pas automatiquement transmuté en or et qu’il fallait y remédier. Même si ce type de transfert n’est pas du tout évident en milieu de semestre étant donnés les programmes spécifiques le numerus clausus les listes d’attente et tout le bordel j’arrivai quand même — grâce à mon père même s’il ne compris jamais vraiment pourquoi j’insistais pour me barrer de Montpellier — j’arrivai donc par miracle à obtenir la dérogation nécessaire. Mais je me mis surtout à peindre et à sculpter dans mon nouveau taudis parisien rive droite 10 rue des Vertus dans le 3 chez les chinois on va dire de façon frénétique. Peindre et sculpter de drôle de choses tenues secrêtes et je cessai même de rire pendant au moins quinze mois les tripes dûment vrillées par un truc incompressible et inattendu. Peu à peu je laissai tomber mes TD puis mes TP de l’après midi car à la fois trop déprimé et trop inspiré puis - 128 - mes cours du matin enfin à part ceux bien entendu d’Anatomie Générale dispensés par le Sieur Jacques Aumont à qui j’ose encore prétendre devoir tout. S’entâma cette période dite la plus perfide et pénible de ma vie correspondant si bien à mes débuts de plasticien. Je découvrais — puisque je commençais à me prendre si aisément pour un savant mélange de Bacon Basquiat Joel Peter Witkin — qu’il se pouvait fort qu’en commettant toutes ces petites choses turlupinées que tout ça puisse aussi très bien un jour me servir en cas de procés. Si mon meilleur ami Fix et moi-même étions arrêtés par exemple. Pour me disculper d’une certaine manière tant vraiment ce type d’expressionnisme brut et racoleur démontrait combien j’étais capable d’être traumatisé et de culpabiliser pour de vrai si je voulais. Et c’est là que très romantique au bout de six mois ferme de pure création assortis d’une somme conséquente d’effondrements de soi-même sur soimême quelques insomnies tout ça c’est là que peu à peu je m’autorisai à à nouveau enfreindre l’espace. Je réussissais de moins en moins frileux à m’immerger graduellement dans ce grand bain de parisiennes car il fallait bien par tous les moyens se ressaisir et tenter d’oublier un jour — grâce à la prise massive et conjointe d’alcool et de médocs — ce pour quoi ça n’allait plus vraiment dans la vie c’est vrai. Et c’est dans ce contexte-ci qu’apparut cette vieille motarde d’au moins vingt-huit ans. Olga une drôle d’autruche polonaise et héroïnomane d’un mètre quatrevingt-huit et quelques. Plutôt dans la mode. Fine et brune. Et presque jolie. Avec ses lèvres de trois kilomères de long. Et très gentille et protectrice avec moi. Oui mais avec un étau peut-être un peu trop musculeux entre les papattes. - 129 - Le reste étant plutôt creux et décharné puisqu’elle jouait les mannequins pour la tantine de Fix. Frederika je ne saurai jamais quoi. Une nuit du printemps 93 Olga me charia donc en moto chez des amies à elle qui avaient un très grand jardin à Meudon chez une certaine Cendrillon collée à cette époque encore à une certaine Zaza toutes deux dans l’art vidéo. Ainsi musclée d’en-bas sous un cerisier Olga s’amusa à un moment donné devant ses caméras amies à s’empaler de tout son poids sur moi. C’était la première fois. Au début tout allait bien mais à un moment estimé crucial Olga jugea bon de se rejeter sauvagement en arrière complètement tarée et irrespectueuse des codes et j’entendis donc crac comme si elle m’avait vraiment pété quelque chose à l’intérieur tendon ou que sais-je type tissu conjonctif spongieux ou caverneux à la base de la queue. Une véritable panthère déchainée dans tous les sens et toute griffue et chevauchante sous l’orgasme écœurant car vraiment exagéré. Je n’avais pas l’habitude à cette époque de me faire filmer par deux inconnues avec de ce type de furie-là. Je n’avais que dix neuf ans et goûtais sans le savoir mes tous derniers mois de liberté. Mais au petit matin je me souvins de quelques clés et étranglements appris au judo quand j’étais plus petit et je me vengeai dans la chambre que nous prêtait Cendrillon. Cendrillon ? Saloperie dans les performances le living théâtre la photo et la video porno. Cendrillon cette meudonnaise délurée avec son grand jardin. Alors je pus immobiliser Olga puis lui imprimer sur le haut des cuisses là sans caméra et sur le bas-ventre toute une série de petits motifs symétriques à coups de mégots rougeoyants. Elle ne se rebiffa pas trop toute culpabilisée qu’elle devait être de m’avoir fait mal juste avant dans le feu de l’action comme on dit. - 130 - Alors je profitai de sa clémence pour la retourner et l’entreprendre à ma façon à moi. Elle se laissa faire tandis que je poussais mes fameux feulements de tricératops matînés aussi parfois de loulou de Poméranie enragé il faut bien l’avouer jappant tout en la priant de surtout ne plus bouger de se taire de faire la morte là toute raidie comme ça m’avait toujours plu. Le lendemain flottant au réveil je me reconvertis en centre irradié du monde. Point rouge clignotant sur la cacarte. Je me sentais très décadent. L’antimatière molle dure ou visqueuse par excellence. Un petit pain de plastic errant mais devenant grand prêt à nouveau à s’envoyer en l’air pour un oui ou pour un non et je remis ça et je remis ça avec mon mannequin raide jusqu’à ce qu’en fin de matinée elle ne se décide à se picouser là devant moi et que dégoûté je ne la largue une première fois en beauté. Ce drôle d’état moitié planant où j’errais d’une conne à l’autre avec parfois quelques petites remises de couverts dura presque neuf mois jusqu’à ce qu’Olga — à qui je n’aurais heureusement craché qu’une semi-vérité sur mon affaire pour bien lui prouver par capillarité que j’avais moi aussi quelques petits trucs pas nets qui déconnaient et que donc il fallait surtout pas me faire chier — jusqu’à ce qu’Olga donc visiblement ne me balance aux keufs en beauté pour se venger après l’une de nos disputes et qu’en fait bizarrement tout aille beaucoup mieux pour moi pour Fix pour le monde entier vu qu’on se tenait prêts sans trop le savoir depuis pas mal de temps déjà Fix peut-être un peu moins que moi à payer définitivement nous aussi tous les deux dans la joie. - 131 - Dimanche 02 mars 1994 De retour dans le sud pour dire bonjour à mes très chers parents car bizarrement je les aimais de plus en plus comme le plus austral de ce que je savais être — m’attendait cette fois un courrier banal et consternant évoquant une certaine convocation à la gendarmerie. Quinze mois venaient de tramer depuis mon pénible incident. Et évidemment la convocation en question pour ce dimanche-là curieux n’est-ce pas ? n’était officiellement qu’uniquement-uniquement pour remise à jour des papiers militaires soi-disant. Oui. Mais je le sentais bien déjà l’enquête tout autour de moi se resserrait. Pleins de petits signes néfastes me le suggéraient. Je savais donc aussi qu’il n’était pas impossible que je sois là aussi en train de me livrer. Sur le trajet de la rémission à fond dans la Volvo gémissante de feu mon grand-père qu’on me prêtais gentiment quand je descendais dans le sud je m’interrogeai : « Je me le prends ce platane ? Je me le prends ? Ou je me le prends pas ? ». Mais les platanes défilaient. Puis se raréfièrent. Puis furent remplacés par des vignes. Et je ne me pris rien du tout. Les gendarmes préférèrent jouer ça en deux temps avec moi. Car cette première fois ils me reçurent juste pour voir ma tête et me jauger. Il faut dire que j’avais tenté depuis les faits de reprendre une vie presque normale à Paris en jouant les carabins et me casant si gentiment chez Zaza Hotel de Retz la dernière fille en date que j’affectionnais peu après que j’eus rompu avec Olga. Les gendarmes se contentèrent de quelques commentaires oiseux sur ma photo d’identité comme quoi j’avais une drôle de tête dessus puis ils me laissèrent repartir après avoir vite - 132 - examiné le paquet de trucs administratifs que je leur avais fournis. En revenant chez mes parents rassuré je téléphonai à Fix réfugié dans son chalet alpin du côté de Chamonix en tant que ou prof d’escalade ou moniteur de ski selon la saison pour lui dire que tout est ok que c’était vraiment pas du tout du tout pour notre affaire et que ces keufs étaient vraiment super relou de m’avoir laissé repartir comme ça. On évoqua tout autre chose puis se marra bien tous les deux. Même si son rire à lui sonnait parfois comme un peu aigre. Comme s’il dissimulait très mal une grande peine souterraine. Dimanche 09 mars 1994 On me re-convoqua ce week-end d’après — car par flemme j’étais resté vautré sur canapé à la maison chez mes très chers parents histoire de me reposer (mais soi-disant pour réviser) — ce coup-ci par téléphone pour re-remise à jour des papiers militaires et là c’était particulièrement urgent vu qu’il y avait encore eu un bug et qu’il fallait tout réinitialiser d’urgence au risque que ça soye le bordel et qu’on doive se taper son service même si on venait juste d’être réformé. Je devinai que ce coup-ci j’étais bon. Mais en même temps sans me l’avouer je restai accompagné d’un petit doute optimiste indécrottable défaut qui me fit me redéplacer avec mon paquet de justificatifs médicaux comme quoi j’étais censé être Y6 et quasi-aveugle sans mes lentilles sans même plus envisager du coup le moindre petit platane. En arrivant sur place le petit doute optimiste s’étiola. Inflorescent. Blanc. D’abord. Oui mais du lys à l’aphte un empan. Air plus bleu aussi plus resserré. - 133 - L’ambiance avait imperceptiblement changé depuis le dimanche d’avant. Pleins de petits signes encore. Des séries de chiffres bizarres. Frémissants. Plus de monde. Une foule d’hommes beaucoup plus silencieuse. Froncée. Monochrome et attentive. Faisant semblant de vaquer ou pulsant mais mal moins de civils aussi. Bref ça puait le piège à con. On m’introduisit dans un petit bureau tilleul avec plein de têtes punaisées aux murs. Je reconnaissais des ennemis. Puis des amis. On me fit attendre quelques longues minutes et un gradé entra en m’attaquant comme ça presque léger tandis j’identifiais sur fond tilleul une vieille photo de moi prise par Olga. Libellule d’un libellé : « Alors Monsieur Ikillu ? C’est quoi cette affaire d’affaire ? De keufs relou et tout et tout et de vous laisser repartir comme ça ? » Oh non pauvre Miki. Trop con le mec. J’étais sur écoutes. C’est ce qui me traversa l’esprit. Mais je ne pipai mot préférant déployer tout autour de moi cette grosse gerbe de points d’interrogations que je savais disséminer à bon escient quand parfois je voulais prendre l’air innocent. Un vrai colonel surgit avec encore plus de barrettes sur les épaules. « Alors Monsieur Ikillu ? On nous a beaucoup parlé de vous. Vous le saviez ? Oui ? Non ? Alors on en a beaucoup parlé entre nous. Puis on a décidé de vous inviter. Voilà. Je ne sais pas si vous savez mais on a plein de billes dans notre sac et elles vous concernent. Toutes. Il nous manque juste encore quelques petites pièces pour reconstituer tout le puzzle. Vous allez nous aider n’est-ce pas ? » Je répondis oui. Un réflexe. Et ce colonel repartit vraiment pressé en récupérant un cartable. - 134 - « Heu excusez-moi messieurs » Tentai-je devant la foule de moustachus bleus qui se bousculait en entrant. « mais je vois mal le rapport avec le bug. Là. Et puis d’abord quel est ce problème de billes ou de puzzle que vous semblez avoir tout d’un coup ? Je suis un peu perdu. Je dois avouer. — Avouer ? Comme tu y vas fils » Surrenchérit le premier « Mais on sait déjà tout et depuis longtemps tu sais. On sait par exemple que c’est toi qui conduisais ce soir-là on sait que c’était un jeu que ça a tourné au vinaigre on sait que vous vouliez juste lui faire peur mais pas lui faire trop de mal on sait que c’est pas toi qui as tiré on sait que c’est un accident. Voilà. Ça va ? — Un accident ? » Tout ça sans me dire : Jouer avec qui. Tirer sur quoi. Quand ? Où ? Comment ? Comme si tout ça était sousentendu depuis le début. « On veut juste savoir qui est ce Fix. —… — QUI ? EST ? CE ? FIX ? — Fix ? » Je me retrouvai au milieu d’un cercle de plus en plus sympathique et devinai pour éviter tout contact avec ces hommes qu’il serait judicieux de changer de registre. Après quelques atermoiements légitimes un semblant de catatonie etc il faut se mettre à ma place quelques gratouillis et après avoir tirer à mort sur mon mégot il est vrai que je m’entendis couper court : « Ok. C’est bon on arrête tout. » Le cercle put s’ouvrir. Et se convertit en hémicycle très très très ouï. Enfin je mesurais combien vraiment j’étais un pur enculé dans la vie. Je fis donc peu à peu semblant de craquer en tout déballant lentement puis le plus vite possible pour vraiment faire speeder le pauvre sténo. - 135 - Cette histoire d’accident venue d’on ne sait où un vrai miracle me plaisait bien tout d’un coup. Olga ? Putain de balance. Tout fut converti à la vitesse éclair en l’espèce de légitime défense d’un éventuel jeune plaisantin Fix à moitié terrorisé par une éventuelle méchante racaille énervée Valérie qui s’était prise la décharge dans l’abdomen par pur accident donc. Évidemment je sentais qu’il n’allait pas tarder à être bienvenu de cracher le vrai nom de Fix vu que ça faisait partie du jeu des petites pièces manquantes pour finir le joli puzzle. Et que là il aurait été malvenu voire douloureux de tricher je le sentis. « Allons-allons » Qu’un gentil enquêteur me demanda d’un ton badin comme pour me réveiller : « C’est qui ce Fix ? Son vrai prénom par exemple ça commence par quelle lettre ? — F ! » Tout fier de connaître la réponse. « Tu te fous de nous Miki ? F c’est pour Fix ! — Oui mais ça vaut aussi pour son vrai prénom je vous assure. » Voyant que je venais de me faire baiser depuis que j’avais mis comme ça un doigt dans la balançoire quelques minutes avant et sachant que ce jeu du Chat et de la Souris mixé avec des Chiffres et des Lettres pourrait aussi bien durer encore des heures voire des jours voire des années je déballai la suite comme si vraiment rien dans la vie ne valait plus rien. Ce qui là était le cas. « R. A. N. Ç. O. I. S. X. A. V. I. E. R. T. U. L. A. R. T. Voilà. » Ce qui lettre par lettre me sembla particulièrement indolore. « Bien. François. Xavier. Tulart. Pourquoi Fix alors ? Il se fixait à quoi ton petit camarade ? - 136 - — François. Xavier. F ! X ! Fix ! On n’a jamais été du genre à se piquer si vous voyez ce que je veux dire. On a peut-être eu bien des défauts mais pas celui-ci. » Durant ce long moment suspendu où tout le monde semblait faire mumuse avec tout le monde évidemment je décrochai du présent et me mis à halluciner cette scène des aveux comme filmée par en-dessus puisque je devins connement cette caméra collée au plafond. Si bien que l’autre moi-même resté assis en bas dut commencer à s’étirer mollement à surjouer et à exulter les bras en croix tout en arborant ce sourire lumineux comme si vraiment il se moquait de la terre entière. Ce qui était le cas. Si bien qu’il se fit méchamment secouer par un nouvel enquêteur qui lui par contre interprétait très bien le rôle du méchant. Si bien que le Miki du haut et celui d’en bas en déduisirent qu’il valait mieux se ré-associer vite fait et ils décidèrent de concert de se justifier en disant au flic méchant que s’ils se tenaient si mal tout d’un coup eux Miki1 et Miki2 c’est qu’en fait ils ne s’étaient jamais senti aussi bien et que s’ils souriaient ainsi benoîtement c’était sans doute à cause de tout ce bien-être que leur procurait cette séance des aveux. Evidemment cette version elle-aussi tenait. Si bien qu’— au bout de quelques heures après avoir dû répéter bien dix fois cette histoire de vinaigre réappropriée toujours la même tant que faire se peut et décrit par le détail tous le processus acétique en foutant tout comme il se devait sur le pauvre dos du pauvre Fix — ils me dirent : « C’est bien c’est bien fils. » En me tripotant l’épaule. Je fus pris d’une telle migraine en réalisant ce qui venait de se tramer. Quelle peine pour mon père ma mère leurs frères et leurs sœurs et surtout pour le pauvre Fix que - 137 - par pitié devant mon air pâlot on m’offrit un Tranxène. Je me sentis alors autorisé à solliciter en leur très haute bienveillance l’autorisation de prendre congé pour aller m’écrouler sur le lit en béton qu’on me proposait dans une chambrette attenante. Là ? Je me lovai puis m’endormis dans une couverture kaki qui décidément sentait juste un peu le vomi. Pas le mien. Pas encore. Là. Purement vidé et soulagé. Lundi 10 mars 1994’ Le lendemain matin on me réveilla avec « Encore une belle journée de soleil ! » et un gobelet de café et je fus déféré au palais où l’on me présenta mon juge d’instruction une jolie débutante toute sérieuse et froncée. Encore tout redéballer. Le truc flou les cyprés les cèpes le vinaigre sa mère tout ça. En s’en tenant aux strictes déclarations de la veille. J’ai rien vu juste entendu. Mais ma jolie juge me coupa en me tendant un jeu de photos et me dit d’une voix qui tombe : « Veuillez examinez attentivement l’ensemble de ces documents. S’il vous plait monsieur. » Je ne compris pas trop puisqu’il s’agissait d’une pile de photos en 13x19 noir et blanc brillant-margé d’organes en vrac totalement déballés dans des cuvettes en alu. Des mètres d’intestins un coeur un foie des poumons et puis plein de petites choses en charpie que là décidément je ne reconnaissais pas. Je me dis que c’était bien le genre de photos que j’aurais pu moi-aussi collectionner. Or au fur et à mesure des images je voyais bien que le tout sortait d’un abdomen voire d’un thorax et pendouillait en tas de part et d’autre d’un tronc. Puis tout se retrouva rentré comme par miracle bien à sa place bien rangé dans ce qui pouvait être une fille coupée en deux. - 138 - Mais zoom arrière au fur et à mesure des photos et tout se retrouva recousu-recousu avec du gros fil noir. Je pus enfin voir la tête « Vous reconnaissez votre victime ? » toute de traviole les lèvres pincées et clignant de l’oeil pour l’objectif. Je marquai un temps d’arrêt. « Mais ... — Vous reconnaissez votre victime ? — Mais on lui a jamais fait ça c’est dégueulasse. » Quelques larmes voulurent pointer mais elles hésitaient à dévaler. « Ça ? Ça s’appelle une autopsie. Vous reconnaissez donc votre victime. — Mais non. Pourquoi vous lui avez fait ça ? — Ça ? C’est la loi. Vous reconnaissez votre victime ? — Oui » très faible et en reniflant. Un nouveau miracle se produisit. Une vraie larme surgit à gauche et se mit à dégouliner lentement. Je la laissai opérer son long parcours sans l’essuyer digne et touchant pour que la juge la voie bien puis je choisis de me taire en regardant dans le vide. En bas à gauche. Comme un mec en train de réaliser ce qu’il pouvait bien être aux yeux de tous. Ce qui fut aussi le cas. Alors ma jolie juge silencieuse me tendit une Menthol puis me l’alluma avec son briquet doré. Mais « Personne n’aurait un Kleenex ? Ou un Lotus ? » c’est ce qui m’échappa comme à quelqu’un qui se réveillerait presque joyeux. Ce qui fit trésaillir la juge sa greffière et la tripotée de flics. « J’aimerais bien pouvoir me moucher si la chose est possible » L’air à nouveau digne dans sa douleur. Et la jolie juge m’offrit un plein paquet de Leader-Price à la menthe et c’est là que vraiment je tombai amoureux. - 139 - « Je vais être obligée étant donnée la gravité des faits homicide volontaire je vous le rappelle de vous incarcérer. En avez-vous bien conscience Monsieur Ikillu ? » S’excusant presque dans le ton comme si c’était sa première fois. « Oui je sais point d’illogisme Madame vous faites votre métier. » C’était comme si complètement taré je le lui avais autorisé. Lundi 10 mars 1994’’ Vers 12h34 en débarquant à SteAnne maison d’arrêt d’Avignon je fus d’abord happé par la pure odeur fécale qui y régnait. J’étais tombé bien bas là dans l’égout le vrai et pour un mec comme moi il y avait vraiment enfin de quoi exulter. Au greffe on me sermonna sur les règles de la zonzon demanda si j’étais malade ou pas homo ou pas je ne sais plus trop quoi ou pas et on m’inspecta rigoureusement l’ampoule rectale. Puis me demanda de tousser penché comme s’il pouvait bien tomber quoique ce soit du genre calibre lime lame poudre seringue fil d’ange scie ou que saisje de prohibé. On m’abandonna après dans le pire endroit au monde au rez-de-chaussée dans ce qu’ils appelaient la cellule des arrivants où l’on ne devait soi-disant stagner que quelques heures avant d’être dispatcher aux étages dans tel ou tel quartier. Braqueurs pointeurs assassins isolés infirmerie mineurs mitard reubeux femmes toxicos travailleurs. Où allais-je bien pouvoir atterrir ? Or à cette époque tout était plutôt mélangé sauf pour infirmerie mitard femmes et mineurs je l’apprendrais après pour des raisons de sur-effectifs vu que Ste Anne était à cette époque pleine à on va dire 300%. - 140 - Et là enfin tout seul dans ce cloaque dit des arrivants ça ne traina pas je me dis qu’il était temps de lâcher la rampe ; attendu que mon juge autre sosie d’Helena Bohnam Carter les flics le directeur les matons et toute la zonzon s’étaient amusés à me faire comprendre que j’étais parti pour un long voyage de 20 ans ; attendu que j’étais tombé pour homicide volontaire HV étant tamponné en rouge et de traviole sur mon dossier; attendu que Fix mon bon complice de copain interpellé entretemps grâce à moi-même mais surtout grâce à Olga devait hésiter je le comprenais à avouer ce qu’il n’avait pas fait. Rapidement j’envisageai le carreau cassé de la fenêtre. J’allais me trancher la carotide la jugulaire ou la fémorale une des trois ou les trois très vite et sans trop réfléchir ; attendu que tout était d’une clarté limpide et que comme on dit il n’y avait plus trop d’espoir pour moi ici maintenant ; attendu que mes perspectives d’avenir étaient plus ou moins bouchées à long terme et surtout attendu que le reste quand je serais libérable à quarante ans à poil gris et édenté ne m’intéressait pas vraiment. J’escaladai le gros tuyau brûlant et arrachai à la fenêtre défoncée un petit triangle de verre tout incrusté de vieille merde projetée qui trônait comme ça à trois mètres de haut. Mais au moment où je m’apprêtai à commettre l’irréparable j’entendis ceci. La clameur. - 141 - Un truc inédit long général sauvage sans fin jamais ouï. Assemblée de T-Rex de lions et de babouins à la fois. Plein de fureur de joie de haine et de trémolos vibrants. J’étais dans le zoo et un but venait d’être marqué à la télé par l’OM ou que sais-je genre nous. Là forcément je marquai un temps d’arrêt. Dus me gratter la tête avec le triangle. Réfléchir posément. Hésiter. Puis me relever et dire tout haut : « Non ! Je reste ! Ça ça m’intéresse. Ça ! Le cri. Ça ça m’intéresse. » Le cri je voulais l’entendre encore la sauvagerie la vraie démultipliée et c’est ainsi que je décidai de survivre et de jouer moi-aussi au sociologue ou ethno-musicologue ou éthologue à mon tour donnant-donnant jusqu’à la fin des temps. Poète je ré-examinai mon morceau de verre arraché et me dis que si je m’étais raté là à l’instant d’avant je me serais quand même super infecté avec ce triangle-là résolument le plus infect du monde et que tout septicémique je serais quand même mort après. Il y eut encore une forme de secousse dans l’air comme si une foule immense s’ébranlait au dessus de moi et à nouveau la clameur. C’est là après un drôle de clic clac crac clang que la porte s’ouvrit et qu’entra en scène Maurice le Gitan. Sous les applaudissements et les cris de joie du couloir en liesse sans doute à cause d’un nouveau bubut. Ou action. Maurice ce gominé. Complètement emplâtré de la tête aux pieds. Avec ses béquilles sport. Bleu blanc rouge fluo. Tout classieux vulgaire et souriant. La cigarette aux lèvres et puant le Petrole Hahn à deux mètres. Après les présentations d’usage « T’es tombé pour quoi ? — Meurtre. Et toi ? » - 142 - il m’avoua être là juste pour la nuit vu qu’ils seraient jugés le lendemain lui et ses frères mais que lui étant sorti en provisoire six mois avant il n’allait rien choper juste du sursis contrairement à eux c’est pourquoi il était entré avec une pure cargaison de shit huile herbe dreu et cachetons. Le tout planquée sous ses plâtres factices. Et il avait hâte de les retrouver tous ses frères le lendemain pour leur refiler le trésor. À eux et à eux seuls. Pour prouver sa bonne foi il sortit d’entre ses orteils qui dépassaient la plus molle barrette d’Afghan du monde à 37°C et on en roula un tranquille. Puis deux puis trois puis quatre. Une heure plus tard à la fenêtre toute défoncée je chantais pour toute la taule : « J’irais bien me balader. Seul avec ma fiancée. Dans les bois dans les prééééééééééééééés. Lui montrer ma mobylette. Ma nouvelle paire de basket. Ma provision de suceeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeettes. Oooooooooooooooooh eho ehoooooooooooooooooooo. Oooooooooooooooooh eho ehoooooooooooooooo. » Lundi 10 mars 1994’’’ Dédé alias le Général alias le Naturaliste Camarguais me fit pâlir quand vers 17h30 à moitié défoncé et parano suite à la tripotée de joints de Maurice je débarquai tout beau tout neuf dans cette cellule pour sept de 15m2 si proprette et astiquée que c’en était suspect. Car après les présentations d’usage « T’es tombé pour quoi ? — Meurtre. Et toi ? » Dédé s’en vanta en sourcillant et ça semblait un rituel bien huilé : « Ah moi ? Tu sais. J’aimais bien avant dehors j’avoue c’est vrai empailler un petit peu tout ce qui bougeait dans mon marais. Tu vois ? Flamands dauphins rats musqués ragondins taureaux thons aigrettes et petits garçons. Eh ouais. Je suis tombé pour une quinzaine de meurtres sur mineurs. Ça va jeune ? Et c’est vrai aussi que - 143 - j’aimais bien des fois me les farcir avant pendant ou après leur avoir coupé le kiki. Voilà ! Ok ? Ça va petit ? » Ce qu’il eut l’honnêteté de m’avouer un peu abruptement comme s’il parlait de quelqu’un d’autre tant il avait l’habitude à force au bout de trois ans à attendre son procès d’enjoliver en bassinant la cellule avec sa nature sa pêche sa chasse dans les boites d’Arles de Nîmes de Tarascon de Palavas ou de Carnon. Cellule 132 après mon tout premier repas hummm les bonnes papâtes bien cuites-recuites au bon jus de Tchernobyl et durant la partie de tarot réglementaire où tous je le sentais étaient déjà en train de tester mon humour je reconnus peu à peu mes cartes à la mains et je mis de longues secondes à l’admettre Dédé la défonce mon ex-faux garde champêtre ardéchois oui mais là comme rajeuni et renforcé avec des dents toutes neuves trop blanches. Drôle de surprise. Lui ? Un putain de tueur en série ? Oublieux de notre toute première rencontre moi-aussi je m’étais assagi en quatre ans Dédé jouant avec son dentier ample et majestueux lança d’un coup comme ça en l’air mine de rien : « Bon stop ! Les gars ! On attaque ? » en s’adressant aux autres Jesu Marin Enzo Lulu et Jo tous à moitié italo-espingouins. Et l’un d’eux Lulu reprit même comme ça : « On attaque ? Maintenant ? Maintenant ? » Et Dédé confirma. « Attaquons ! Attaquons ! » Comme si il n’en pouvait plus à force d’attendre. Je me demandai quelle pouvait bien être cette histoire d’attaquer-attaquer maintenant-maintenant étant hélas déjà persuadé qu’il ne pouvait qu’être question pour moi maintenant que de passer à la casserole et de me faire sauvagement éclater le cul au dessert comme dans les films - 144 - par ces six vieux pervers proprets tous sans doute tombés pour la pointe même que c’était un scandale qu’on m’ait mis dans cette cellule pour longues peines. Sans doute voulait-on en très haut lieu me faire payer double pour mon exaction à moi somme toute assez insignifiante selon la version officielle et j’en déduisis que décidément je vivais dans un monde pourri. Je pâlis donc en laissant tomber mon pauvre jeu de cartes et dus murmurer très faible d’abord puis en me raclant la gorge après : « Qu’est-ce que c’est donc les mecs que cette histoire d’attaquer-attaquer ? » et en choeur morts de rire ils me répondirent l’air énigmatique et plein de sous-entendus vicieux : « Ah ben ouais nous quand on attaque on attaque. — Et on attaque bien tu verras. Ça fait mal sur le moment mais après le résultat est joli joli joli. Tu verras j’te dis. » Je pâlis donc un cran de plus m’imaginant mal servir soudain de jolie petite soubrette pour tous ces purs empaffés de sadiques grisonnants et violeurs d’enfants vu que j’avais juste vingt ans et que malgré mon air glacial je savais hélas être plutôt mimi par en dessous. Alors eux n’en pouvant plus devant mon air que je ne saurais qualifier puisque je ne me vis pas écroulés tous les six sous la table crurent me rassurer ainsi : « Mais non fils ton cul on n’en veut pas. Pas encore. » en redéconnant. « C’est juste l’heure du tattoo petit. Ici après le tarot y’a tattoo. Tous les soirs. On s’attaque à fond. T’inquiète. » Et ils se défroquèrent tous ce qui se révéla très inquiétant. Ils s’apprêtaient à se tatouer les uns les autres par paire sur les cuisses sur le dos et ailleurs toutes les - 145 - motocross roses et autres coeurs brisés poignards couchers de soleil et croix stylisées que ces gros cons de taulards aguerris et plaisantins pouvaient bien imaginer. Ou recopier. Tout ça en se faisant saigner à mort les uns les autres et en suant et puant comme il se devait. Tel le gros clown foireux qu’il était son aiguille à la main et ses demi-lune sur le nez tricotant cette rose insipide sur le cul de Lulu Dédé crut bon d’ajouter : « Wo petit t’ies encore tout pâlot t’iang veux de la couleur ? » Là : Auditionner Gérard Meylan dans un film d’horreur tourné par Guédiguian. « Tieng ! » en me montrant sa belle collection d’encres chinoises bien rangée en dégradé dans sa vieille boite de godasses à moitié rafistolée. « Tu verras t’y prendras goût toi-aussi à force. Hè ? » J’étais le bienvenu. Je retrouvais mes couleurs. Le sang avait cessé de battre à mes tempes car avant je m’étais tenu prêt au grand déménagement brutal à coup de tabouret circulaire imprévisible sur toute la tablée qui leur eût arraché la gueule à tous ; mais finalement là en vain et pour des clopinettes. Au couvre-feu vers minuit je m’endormis épuisé et comme rassuré par tant de convivialité tandis que la 132 continuait à déconner en gloussant dans l’obscurité. Lundi 17 mars 1994 Sas. Queue leu leu. Sas. Couloir. Sas. Escalier. Sas. Salle d’attente. Sas. Détecteur de métaux. Sas. Foufouille. Fous-toi à poil. Tourne-toi. Penche-toi. Tousse. Retournetoi. Ouvre le bec. Tire la langue. - 146 - Montre tes chicots du fond. Rhabille-toi. Couloir. Parloir. Trouve toi-même ta famille tes amis ton père ta mère. J’avais trouvé. Deux silhouettes à contre-jour me rappelaient quelque chose agglutinées dans un réduit du genre cagibi. J’ouvris la porte vitrée. Un petit muret crépi nous séparait. Trois chaises d’école. Pas de grillage. Pas de vitre blindée. Pas d’hygiaphone. Mais deux paires d’yeux rougis qui m’attendaient. Trois gorges se serrèrent. Nos mains se prirent très fort. Main gauche dans mains de père. Main droite dans mains de mère. Mes parents se redressaient pour m’embrasser. Une joue chacun. Pris en étau j’embrassai en retour leurs joues ointes de larmes. On s’assit. Assez long silence. Ma mère put articuler : « C’est vrai ce qui s’est passé ? C’est vrai ce qu’on nous a dit ? » Mes yeux brûlants s’étaient fermés car mes cervicales avaient acquiessé. « Mais on n’a rien vu. —… — Comment as-tu pu nous cacher ça si longtemps ? » —… J’avalai de la salive. Le visage de ma mère était détrempé. Ma glotte avait fait un drôle de bruit. Mon père se statufiait. « Je ne sais pas. —… — Je ne sais plus rien. — Ça va ? Tu n’as rien à nous dire ? On ne t’a pas fait de mal au moins ? — Personne ne peut me faire de mal. — Tu es sûr ? Tu nous le dirait ? On peut te faire changer de cellule si ça ne va pas. On peut … — Tout est ok maintenant. Ça va mieux. C’est avant que ça n’allait pas. - 147 - — Mais on n’a rien vu. Comment a t’on pu ne rien voir à point-là ? —… —Tu aurais dû nous parler. On t’aurait aidé. — Tout est dans mes tableaux. Pardon. — Mais c’est toi qui a tiré ou pas ? — Fix a tiré. Moi je conduisais. — Mais lui dit que c’est toi. — Normal mais c’est faux. — On te croit on va tout faire pour te tirer de là. —… — Tu sais quand les gendarmes nous ont convoqués et dit que tu avais tout avoué en rentrant j’ai voulu me » Voir un fleuve sur le visage d’une mère déformée. « J’ai voulu me. Me. Mais au moment où comment ? j’allais le faire tu es apparu. — ??? — Si. Et tu m’as dit non maman non ne fais pas ça il y a un espoir je vais m’en sortir tu verras et je ne veux pas que tu manques ça. Tu souriais alors je ne l’ai pas fait. Mes yeux brûlèrent davantage. Si brûler davantage était possible. Ma voix était ferme. Une partie de moi n’était pas là. « La prison ? C’était dehors. Je vous assure. Tout va aller très très bien maintenant. Croyez-moi. — Tu as besoin de quelque chose ? Dis-nous. On va te prendre le meilleur avocat. — Oui. D’argent. C’est tout. Une grosse quantité de fric. Tout est payant ici. Je savais pas. Télé papier-cul trucs mangeables stylos blocs timbres radio Ricoré oui y’a pas de vrai café ici rasoir tabac clopes journaux. Tout. —… - 148 - — Tiens au fait je me suis déjà abonné à Positif et à Libé comme ça au moins je pourrai entendre tous les matins Mikiiii ! Libération ! » Voir le sourire triste de ses parents. « Ok. On te laisse un mandat. Deux mille francs ça ira ? — C’est un bon début. Je devrai pouvoir tenir la semaine. — Tu te fais racketer ? — C’est pas mon genre. Vous savez. Disons qu’on m’a déjà avancé quelques trucs. — Quoi ? — Une foultitude de trucs. — Bien. Tu fais attention au sida. » Imaginer sa propre tête offusquée à travers le regard lessivé de ses parents. « Hahaha. Ah oui c’est vrai. Non c’est pas trop mon genre non plus. —… — Pourquoi ? Vous aviez quelques doutes ? Non le seul risque ici c’est l’encéphalite il va falloir me faire rentrer une grosse quantité de livres. Ok ? Je vous ferai une liste. — Bien. Compte sur nous. On est avec toi mon petit Miki. — Mais moi aussi je suis avec vous. Maintenant. Merci. Merci de le prendre comme ça. — Tu es notre fils. — Je sais. » Adieux déchirants mais dignes. Je m’attendais à pire. Nos dix minutes s’étaient écoulées. Embrassements. Mon père n’avait pas ouvert la bouche. Normal. Juste émis un début de larme et quelques tousseries et soupirs. En partant il me jeta un regard que je ne lui connaissais pas. - 149 - Mélange d’amour et de reproche. Je lui répondis en clignant de l’œil gauche. L’air sévère. J’assure. Maintenant. T’inquiète. ? 04 avril 1994 Enzo faisait semblant de déféquer derrière le petit muret car il avait décidé de s’arracher une veine de l’avantbras du poignet jusqu’au coude. Cependant il ne répandit qu’un litre de sang ainsi que quelques vagues lambeaux verts et bleus tout entortillés dans nos toilettes à la turque. Grâce à la molle microlame d’un bic jetable on imagine difficilement la prouesse. Une fois recousu ou agraffé n’importe comment en revenant de l’infirmerie quelques heures plus tard il se fit salement bousculer par les matons qui l’escortaient en le chariant. Alors il se débattit en vue de s’éclater la tête contre un mur de rage en regagnant la cellule jeté comme une merde. Je le réceptionnai puisque j’étais le plus près puis tentai de l’immobiliser mais malgré son état et son mètre soixante-cinq Enzo avait une force surhumaine et il me fit mal alors ce rigolo avec son envie de mourir à tout prix. Mais les autres me prêtèrent main forte et on arriva à le calmer en lui caressant le front à coup de « Alors alors alors ça va pas non ? T’es pas bien ici avec nous ? — Si. » Sa mère avoua-t’il après à toute la 132 en reniflant venait juste de lui dire au parloir qu’Adolph son vieux Pitbull avait eu une attaque et risquait d’y passer d’un jour à l’autre. Ce qui ne faisait pas partie des raisons dites valables pour se saigner et je ne pus m’empêcher de me payer à contretemps un grand éclat de rire interne en visionnant dans mon for intérieur une vieille teupu à la retraite avec son cabas et sa toque tentant de traverser par un soir d’hiver - 150 - pluvieux et glacial cette putain de Cannebière tout en trainant sa vieille loque d’Adolph obèse limace toute paralysée du train arrière pour l’emmener se faire piquer chez le veto d’en face au risque elle-même de se faire écrabouiller par une bagnole tant vraiment le monde extérieur était et avait toujours été ce truc cruel. Le lendemain ? 05 avril 1994 ce fils de pute d’Enzo était tout penaud. « Comment on fait alors Miki si on coagule aussitôt ? — Prends de l’aspirine avant. Espèce de taré. Ça liquéfie à mort à ce qui parait. » Ça le soulagea d’entendre ça. Ste Anne le 21 avril 1994 Là : Imagine une belle cellule de moine cubique enfin presque d’environ quatre mètres d’arête enfin presque puisque le plafond est en voûte céleste style roman. Imagine sept personnages immobile ou presques. Là : Imagine en fond sonore une musique secrète comme j’aime György Ligeti Lux Æterna. Imagine sur un poste télé encastré à deux mètres de haut un dessin animé dont la bande-son ingrate vient se méler au chœur à la fois sourd ample et aigu du GL cité plus haut. Là : Imagine des murs tilleul sur lesquels ont été collées puis arrachées des générations de femmes à poil. Quelques bouts de femmes moisis subsistent dans les recoins les plus inaccessibles. Le tout est assorti d’imprécations graffitées et autres scarifications murales assez discrètes ; + quelques cloques dans la glycéro où l’on à force voit des visages amis. - 151 - Ici : Imagine une table branlante et sept tabourets tout aussi branlants. Formica. Vides. Car les sept silhouettes gisent sur leurs lit. Il est onze heures du matin. Un rayon tente de pénétrer la cellule enfumée par un fenestron situé plein-est. Là : Noter la présence de barreaux rouillés et huileux assortis d’un grillage très serré. Cette fenêtre est ouverte. Ça vaut mieux à cause de l’odeur. Là : Imagine Ligeti cédant sa place à un baroque anglais style Purcel Henry. Orgues et voix de castras ô homme pleure sur tes lourds péchés se mélent à un autre dessin animé. Six faces crispées sont maintenant braquées sur la télé. Un seul regard reste baissé. Là : Imagine le septième passager assis sur son lit le dos douloureusement enchassé dans l’armature métallique du lit superposé il occupe celui du bas ce septième personnage donc un casque FM sur les oreilles écrit oui mais il ne sait même pas encore à qui. Là : Imagine Purcel ou son clone lui aussi devant céder sa place à une musique des plus dissonante. Sourire. Enfin. Le septième personnage cherche ses mots roule une cigarette augmente le volume. Il veut de toute évidence en avoir plein les oreilles de ce bruit-là car les dissonnances du dehors ne sont que pures douceurs comparées aux dissonnances du dedans. Amère volupté. L’un des six autres clowns met la table. C’est normal c’est comme par hasard son tour aujourd’hui. Yeux cernés mégot pantoufles barbes de trois jours jogging gris odeur âcre de sueur froide normal c’est la peur il vient de débarquer. Suspendu le néon toujours allumé est recouvert de lambeaux de couvertures kaki histoire d’épargner la rétine des clowns. Si fragile. - 152 - Le septième personnage rallume son mégot à lui fixe la porte blindée et applaudissement FM c’est la gamelle qui entre. Alors il se gratte mord son bic bleu et jette un regard plein de souffrance vers l’écran car X-Or vient de commencer. Repas. Attente du courrier. Il y a des jours avec et il y a des jours sans. Le septième nain prie pour que ça soit un jour avec. Mais il n’est pas le seul. La vaisselle est en train de se faire. Le nouvel esclave s’applique. Là : Imagine une musique concrète assonnante très belle. « Equivalence » de Jean-Claude Eloy. 1963. Fond fixe amorphe. Larges plages dans les registres aigus. Chocs accélérés puis ralentis. Allant très bien avec la vaisselle. Mais l’ambiance s’étiole inepte. Salle d’attente. Huis clos. Saloperie sousjascente. Blabla heureusement inaudible pour le narrateur et septième assiégé avec son beau casque Sony tout neuf sur les oreilles. Miki. PS : Aujourd’hui a été un jour avec chère et belle Zaza. Tu es ma Blanche Neige du jour. Tu as donc droit à cette bafouille. J’ai réceptionné ta lettre vers 13h13. Demain je crains que ce ne soit le même topo. Avril-mai 1994 Je ne pus m’empêcher dans les jours qui suivaient et cela dès réception de leur toute première missive d’envoyer ce même courrier oui mais en changeant les prénoms du post-scriptum à une trentaine de filles à qui mon grand ami - 153 - Jip avait heureusement pu donner mes toutes dernières coordonnées. Mr Ikillu 57302K. Cell 132. 35 bis rue Banasterie. BP 109. 84035 Avignon cedex. Le mot « Maison d’Arrêt » ne figurant pas dans le libellé de l’adresse une ou deux connes mirent un temps fou à croire à mon arrestation véritable pensant encore que je déconnais à distance. Sur l’unique vieux PC ronflant de « l’école » je leur avais donc confectionné une copie de la lettre à Zaza oui mais comme personnalisée puisque transmutée « pour elles et elles seules » en une vraie chose poétique illisible de trois pages car passée à la moulinette de mes bugs en prenant bien garde par la suite d’insérer le bon prénom dans l’enveloppe qui y correspondait. Puis je réclamai à Jip d’autres correspondantes car j’estimais que je n’en avais pas assez. ??? juin 1994 Abdel un barbu viré du G.I.A. se retrouva complètement prostré dans la cour quand après s’être vanté d’avoir enculé Lulu Lamy dans les douches je m’étais moqué de lui : « Là man t’as déconné t’es sûr d’être plombé là man. » Il ne s’en remettait pas. « Wo ! Miki ? Tu crois que je l’ai attrapé le sida ? — Sûr ! » Miki le moqueur. Abdel était arrivé deux mois avant remplaçant Marin dans la 132 un anonyme libérable. - 154 - Abdel ? Un arrivant la tête en sang après son accident dans une course-poursuite avec les flics suite au braquage d’une pompe à essence où ils avaient lui et ses deux complices viandés et grillés violé leurs deux otages une sorte de vieux couple de pompistes crasseux. Après l’accident et la fusillade qui avait suivi les flics lui avaient lâché un berger allemand à Abdel qu’il avait dû achever à la main faute de munitions il avait été entrainé pour ça en lui arrachant la mâchoire rapido au risque lui-même d’y laisser une couille ou deux tant l’autre était enragé. Mais ce Rintintin était gradé une sorte de lieutenant chez les chienchiens et les flics l’avaient vengé en laissant Abdel à poil pendant douze heures menotté à un radiateur et même qu’ils lui avaient pissé dessus un peu chacun à tour de rôle genre chien-chiens euxaussi. Deux mois plus tard (donc) après sa douche avec Lulu le Sida tout ça et quelques jours avant sa tentative d’évasion du Palais de Justice Abdel s’entrainait à courir comme dans les films dans la cour avec les mains jointes sur le coeur comme s’il avait eu des menottes. Ça amusait tout le monde pendant le grand tournoi de tarot de voir ce futur sidéen avec sa barbe de 333 jours déambuler et tortiller du cul dans son va-et-vient indécent et ridicule. N’en pouvant plus à un moment donné je lui fis ce croche-patte et Abdel s’écrasa comme une merde en s’écorchant méchamment les mains. Il eût eu de vraies menottes c’eût été la poire. Il se releva furax. Je balisai un peu à ce moment-là. Mais Abdel se ravisa et sourit même en voyant que c’était moi et pas un autre qui l’avais crocheté de cette façon si traitresse et radicale. J’étais son ami. Le vice incarné. Quand il s’évada quelques jours après en fracassant la fenêtre du juge Abdel fut aussitôt coincé dans une impasse. - 155 - Lulu lui avait refilé un croquis foireux des alentours du Palais et les flics s’amusèrent encore un peu plus avec lui cette nuit-là. Après ? Abdel fut transféré dans un truc beaucoup plus disciplinaire et sérieux et la 132 sut qu’elle n’en entendrait plus jamais parler. 14 juillet 1994 C’était quand même un vieux costaud vicieux Dédé tout grisouille à moitié gitan et parti pour perpette et incontestablement à coup sûr et depuis les débuts les bras agissants de la cellule. Moi j’en étais devenu peu à peu la tête pensante. C’est dire l’entité parfaite que nous formions à nous deux dans l’adversité. Ce 14 juillet-là Gérard légionnaire d’origine pied-noire la quarantaine nouvel arrivant authentiquement pervers remplaçant Abdel fut complétement frappé par la moiteur sombre de la 132. Dès 11h00 il envisagea de la ramener très fort au garde à vous en chantant la Marseillaise devant la télé où il y avait un défilé que personne ne regardait. Peu à peu il voulut imposer son rythme moqueur et tonitruant à la maisonnée en jouant les chefs d’orchestre. On lui laissa une petite chance. Il n’en profita pas. Absorbé par mon courrier je n’eus qu’à sourciller et m’éclaircir la gorge en direction de mon associé. 11h30 la gamelle se pointa. Le chef nous ouvrit. Une boule de nerfs se déchaina. On entendit un grand couac. Gérard s’était retrouvé en pleine Marseillaise pris par la couenne du colbac et assommé contre un coin de mur. Dédé l’éjectait de la cellule comme une merde de chachat lui son paquetage et son matelas. Il remuait de l’air le Dédé. Très vite. Très fort. Et ni Gérard ni le maton de service n’avaient eu le temps de dire ouf ni d’avertir qui que soit. Ils avaient été mis comme ça devant le fait accompli tandis que la 132 applaudissait. - 156 - Ce grand maton monsieur Fabre n’eut plus dès lors qu’à acquiesser et à dire au pauvre mégrétiste de rassembler ses affaires de saigner en silence dans son survêt tricolore de moins en moins bleu-blanc de faire le mort avant qu’on ne lui trouve un nouveau havre le plus loin possible de la 132 sinon l’administration le savait c’était pour lui la mise à mort assurée légendaire dans les règles de la zonzon. Bouche éclatée sur lavabo avec dents partout et tout et tout et tout et tout. Tous les matins malgré ce type d’échauffourées je savais que Dédé le Grand y irait invariablement au réveil de son : « Tieng vé un jour de plusse. Un jour de moinse. Tu verras on les enculera tous dans l’ordre ou le désordre t’inquiète. Ung par ung. » Que ç’en deviendrait pathétique à force même s’il allait y avoir des variations dans le ton tantôt enjoué tantôt presque métaphysique. ? 1er septembre 1994 Ce presqu’ado de Jesu Christiani ressemblait méchamment à De Niro jeune dans Mean Streets c.à.d toute crispouille du visage et toujours très très hargneux et dégoûté par la vie et ses aléas. Mais c’était le parfait corse innocent vu qu’il avait été balancé lui-aussi par une salope qui protégeait son mac pour toute une séries de casses qui avaient eux-aussi mal tourné. Jesu avait donc pris pour l’autre empaffé et avait été jugé comme ça à l’emporte pièce aux soi-disants flagrants délits comme si on l’avait pris sur le fait ce qui était impossible vu que là c’était le parfait corse innocent. Or ce pauvre Jesu avait déjà écopé pour une vieille affaire de deux ans de sursis et il devait donc se taper sa peine 18 mois plus les 2 ans en question du genre - 157 - incompressibles. C’est dire combien il la mangeait mal sa gamelle. En plus il était très malade tout bossu et constipé puisqu’il avait deux énormes cicatrices recto-verso. Fermeture éclair qui lui courait sur le bas-ventre et sur toute la longueur du dos étant donné qu’à six ans côté recto on lui avait enlevé un certain nombre de mètres de colon suite à une péritonite où il avait failli y passer alors que côté verso il avait été opéré presque en même temps d’une scoliose dégénérative et invalidante même qu’il avait plein de vis de plaques d’écrous et de boulons dans le dos qu’il fallait lui changer une fois l’an durant toute sa croissance on imagine très bien à son indécrottable rictus sa souffrance ; inclusions qui faisaient qu’il sonnait toujours sous le portique du parloir ; ce qui était très humiliant pour lui d’autant plus qu’à poil devant les matons pendant la fouille vraiment il ressemblait à un drôle de truc à découper selon les pointillés ; ce qui occasionnait toujours ces commentaires plus ou moins oiseux ironiques et suce-pets de la part de nos geôliers toujours prêts à la ramener dès qu’ils supputaient une quelconque faiblesse chez l’un ou l’autre de leurs pensionnaires ; ce qui n’était pas très cool de leur part ; ce qui prouve bien que ces gamins eux-aussi devaient s’emmerder ; ce qui était leur métier ; ce qui prouve bien qu’eux-aussi seraient à plaindre en dernière instance vu que durant toute leur pauvre vie ils passeraient au moins autant de temps en zonzon que n’importe quel criminel sinon plus ; ce qui était quand même bien fait pour leur gueule. Or moi au moins dans la cour je lui avais appris à lire à Jesu et à écrire aussi. Pour ne plus jamais signer n’importe quelle déposition le desservant ; vu qu’il était totalement analphabète ; vu qu’à six ans et plus il avait passé plus de temps sur les lits d’hopitaux que dans les cours d’école et vu que (donc) après son retour parmi les vivants c’est plutôt au fond de la classe près du radiateur qu’il avait passé le reste - 158 - de sa scolarité ; vu que ses sales instits l’avaient pour ainsi dire complètement oublié tant il était plutôt du genre discret. C’est dire quelle bande d’empaffés cette engeance de soixante-huitards a pu se révéler quand on y réfléchit. Ce premier septembre 1994 jour de sa sortie Jesu me jura qu’il allait non pas buter tout de suite la putain de salope et son connard qui l’avaient balancé mais plutôt les foutre d’abord tous les deux à l’amende et au tapin jusqu’à ce qu’il estime lui être remboursé. C’est à dire au bout d’un certain temps car quand on paie on paie ok mais à un moment il faut savoir dire stop et faire payer à son tour au moins trois bonnes fois avant d’exécuter toute sentence. Rançon. Paiement. Monnaie. Sainte Trinité. Ste Anne le 27 septembre 1994 Chère Zaza c’est à la suite d’un rêve où tu apparaissais tout ce qu’il y a de plus affriolante et soumise en frétillant dans un bain moussant où je t’enculais par devant mais rêve qui hélas ne se terminait pas très bien pour toi qu’un immense remords s’est emparé de moi. Ce retard dans notre communication est imputable très chère à la richesse de mes activités de reclus. Lecture écriture peinture et bluff. Je peux quand même me targuer d’avoir appris tout hey-bi-ci-di Artaud Burroughs Céline Drachline autrement dit. En quoi consiste au juste la vie fantasmatique du Miki d’aujourd’hui ? Caresser la chair bien sûr immer noch mais surtout pouvoir admirer un vrai grand ciel je veux dire hémisphérique entier à 180° faire le derviche dans un pré trébucher et me rouler dans l’herbe humide tel un chienchien enragé enfoncer mes doigts dans la terre sous une - 159 - tempête de vent et d’eau. Pas d’exagération. Voilà. Les éléments la nature Priape dieu des jardin. Quant à la peinture alles ist erlaubt ça me fait un effet assez fou les formes. Mes bonnes femmes je les choisis bien grasses de préférence et je fais l’admiration de tous maintenant. Ça chante le corporatisme. Il faut dire que c’est beaucoup plus pratique à comprendre ici les femmes. Je t’en ferai parvenir une ou deux si tu veux. Bien à toi Zaza. C’était Miki. Les 28 29 30 septembre 1994 je ne pus m’empêcher d’envoyer ce même courrier à mon staff des 30 étudiantes Unef ID complaisantes. Ce qui me prit autant de temps à recopier que si je leur avais écrit un tout petit truc personnalisé et amoureux à chacune. Recopiage à la main. Car on m’avait interdit l’accés à l’ordinateur. Mon précédent mailing ayant incroyablement inquiété d’une part le prof qui y avait vu une trop grande dépense de papier pour mes cochonneries pleines de fautes de frappe et d’autre part l’administration qui avait vu dans mes afféteries stylistiques un encodage en vue d’une belle éventuelle. Lundi 17 octobre 1994. Dehors il fait beau. L’affirmation a quelque chose de prosaïque mais au bout de sept mois dans mon enclos j’étais bien en mal d’avancer autre chose. Oui. Ce matin-là et sans - 160 - que l’on ne m’en avertisse avant j’avais bel et bien été extrait pour aller faire appel en personne sur le refus de ma mise en liberté provisoire Chambre d’Accusation à Nîmes. Le dehors avait gardé ce côté encombré même à huit heures du matin. Les platanes voulaient rester encore verts et les vieux sur les trottoirs demeuraient toujours aussi laids. Je m’attendais presque à autre chose. Sur la nationale mal réveillé j’avais ressenti des prémisses de nausée suite aux cahotements du fourgon cellulaire. Ce qui n’était pas mon genre avant. J’avais associé ça au dégoût. L’horizon est trop grand. Voilà ce que je pensais. Le soleil peut-être un peu trop chaud. J’aurais dû avaler quelque chose aussi avant de partir. Mais j’avais préféré occuper le quart d’heure qu’on m’octroyait à me raser et à choisir avec soin mes habits. Je n’eus même pas le temps d’aller aux wc. J’avais opté pour un pantalon de velour beige pas trop moule-couille mon polo Fred Perry gris propre et ma paire de derby marrons que j’avais cirée. Devant ma belle allure d’étudiant en droit ces juges n’auraient plus qu’à s’incliner et à réparer l’erreur. J’avais poussé le vice jusqu’à me laisser pousser les cheveux et à les rejeter savamment de côté. J’avais aussi élagué mes favoris. Leur décision allait être favorable. J’avais chaussé mes Varilux. Mais qu’a fait cet intello pour mériter ça ? C’était ce qu’ils penseraient. Mais mon avocat ce pleutre s’embarqua ce matin-là dans une plaidoirie tarabiscotée avec plein de fautes d’accords en intervertissant notamment ses duquel et des dont. Plaidoirie néanmoins flatteuse puisqu’il évoqua mon QI et le fait que j’étais inscrit en médecine au moment des faits. Choses qui si l’on en croit les quintes de toux en cascades et les sourcillements d’en face auraient été plutôt à charge en fait. Quand cet incapable traita cette auguste assemblée de tas de schizo suite à leur refus buté d’abandonner illico l’accusation de complicité de meurtre la réponse des anciens qui ne m’avaient toisé - 161 - qu’une demi-seconde chacun par dessus leurs demi-lune fut raide comme barreaux bien aimés. Sans appel cruelle et anodine : « Messieurs. Attendu que les faits sont particulièrement odieux et étant donné le trouble grave causé à autrui et attendu que les deux inculpés se renvoient l’un l’autre la responsabilité des faits pour préserver par conséquent l’ordre public nous décidons qu’il est hors de question de remettre l’inculpé en liberté. » J’avais sué froid c’est tout. Après cette rengaine dans une chambrette attenante mon avocat se perdit en explications excuses et encouragements et il me quitta la queue basse. Je restai de marbre tout comme ce tribunal des grandes instances de Nîmes. Très beau. En accord donc avec mon environnement. Toujours. Mes gardes du corps me remirent mes bracelets modèle 91 très confortables avec un peu de mousse dedans et m’avouèrent que j’avais bien fait de faire appel à Lombard Paul pour la suite car bafouilleur n°1 ne faisait vraiment pas le poids. Eux-mêmes l’avaient senti. Sur le retour vers midi je guettais la sortie des lycées nîmois. La mode avait eu le temps de changer en si peu de temps. Je me serais cru en 70. Et en l’an 2000. Les visages étaient hâlés lisses et insouciants poupins et vides. J’eus à nouveau droit aux commentaires des gardiens de la paix sur la circulation : « Mais qu’est-ce qu’elle attend cette salope pour passer ? Wo connasse tu vois pas que t’as la priorité là ? » J’esquissai mon sourire narquois. Ils me permirent de fumer. À moi parce que j’avais l’air sympathique. J’enfumai et ils toussèrent. Ils n’étaient pas si crédibles eux non plus comme personnages si peu habitués les pauvres au tabac gris. La vitesse ça fait du bien. Ils avaient ouvert la fenêtre - 162 - de devant suite à la fumée. Le vent c’est un véritable bonheur. En arrivant en Avignon avant de rentrer à la maison je me mis à inspecter l’air de rien les murs extérieurs de l’enceinte. Miam. Miam. C’était l’heure de la gamelle. Patates ou fayots ? Pierres apparentes. C’était très mignon tout ça. Ma geôle paraissait minuscule désuette inoffensive. Historique en un mot. Oui mais avec des murs un peu trop haut peut-être. En entrant je fus frappé par l’odeur familière mélange d’égoût et de patates les néons tout ça. Patates donc. Suite à la coutume dans un recoin je toussai penché. Puis remontai quatre à quatre mes escaliers. Faisant encore en route un clin d’œil ou deux à des passants puis des séries de hello enjoués de la main aux caméras des sas automatiques. « Oh ? Oh ? Surveillant ? Je suis lààà ! Je suis de retouuur … Gaaaardes ? La poooorte s’il vous plaît ! Il faut que j’aille faire pipiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Oh ? Oh ? Surveillant ? Pi ! Pi ! Pi ! Pi ! Pi ! Pi ! Wo surveill-àh ? Wo cheff-àh ? Vous m’ouvrez oui ou merd-àh ? » Sésame bien proféré pour qu’on ouvre mon sas pour de vrai. Et ce n’est qu’après dans mon jaune-pisse couloir perso qu’il fallut que je me reconfectionne cette nouvelle tête-ci de circonstance avant de rentrer en cellule. J’assure. Grave. Après ? Je subis les sourcillements interrogateurs. La 132 m’accueillait avec son « Alors ? — Alors rien il fait beau dehors. » ? 24 décembre 1994 Loiseau ? C’était un parapsychologue conférencier du genre Christ à lunettes. Il arriva comme par miracle en plein Réveillon de Noël et il nous fit aussitôt le coup du - 163 - Devin à table comme dans les banquets d’Astérix vu qu’on partageait tous nos colis de 5 kg d’extra hors cantine et que la table était littéralement surchargée de victuailles — sauciflards jambons saucisses fromtons trucs froids papillotes tartes bûches surprises babas yop truffes caviar teuch huitres miches figues noix dattes dreu daubes cc civets crevettes cachtons cornichons mortadelle pâtes d’amandes méchouïa foie gras petits pois chocolats — trésors changeant de l’ordinaire tendrement envoyés par tous nos proches parents et amis du moins ceux qui ne nous avaient pas oubliés. Au bout d’une heure de son gavage indécent après ses 36 heures de garde à vue Loiseau rassasié nous avoua au dessert l’œil enluminé en picorant encore un peu que dès la toute première seconde en franchissant le seuil il avait su qu’il serait si bien accueilli ici que c’était une bonne cellule qu’il y régnait de bonnes vibrations et que donc tout irait bien pour lui ici qu’il était par conséquent rassuré et humble il remercia la tablée façon Caine dans Kung-Fu. Il était tombé pour avoir soigné à mains nues la vulvite d’une petite fille de quatre ans dont la mère sa maîtresse du moment avait par jalousie porté plainte. Griefs qu’il contestait puisque la petite fille en question avait en fait deux mille ans puisque c’était la réincarnation d’une certaine MarieMadeleine et que donc il n’y avait eu ni détournement de mineur ni attouchements puisqu’il était sur terre pour soigner les gens et que la sexualité vraiment si vous saviez c’était pas son truc. Il voulait jouer au foufou avec nous ce qui n’était pas si habile ni intelligent de sa part surtout quand il commença à se fabriquer un pendule pour nous prédire à tous combien on allait choper en nous baladant son dispositif foireux sur le front. Devant nos mines déconfites à moi il avait dit 5 ans aux autres 10-15-20 ans son joujou n’étant visiblement réglé que sur des multiples de 5 devant nos mines déconfites (donc) il voulut à un moment - 164 - tempérer en disant que son truc tu vois c’était la magie blanche pas la noire parce qu’il était trop facile de virer côté obscur et d’occire quiconque à distance juste avec sa photo. Ou l’un de ses cheveux. Par exemple. Pour nous inquiéter mine de rien. Mais qu’en fait ça ne l’intéressait pas du tout vu que c’était un Raëlien vu que son truc tu vois c’était de cloner l’humanité et de construire avec sa bande de canadiens des Cévennes des immenses terrains d’atterrissage pour soucoupes volantes ou cigares volants sur la Lune et sur Mars vu qu’ils allaient lui et les siens acquérir du terrain sous peu là-bas. Même qu’il trouvait fort désobligeant d’être cantonné ici avec tous ces détenus puisque ça compromettait gravement le grand projet de sa vie. ? 02 février 1995 Or peu à peu voyant qu’il aurait le plus grand mal à convaincre la 132 son juge et le reste du monde Loiseau entâma sa petite grève de la faim comme tous les soi-disants innocents et il fondit en un mois. Mais quand c’était son tour de ménage il n’y coupait pas et nous-autres l’obligions à frotter le sol récurer les toilettes à quatre pattes à balayer dans les recoins mettre la table comme il fallait faire la vaisselle à fond. Etc etc. Tout comme nous. Pas plus pas moins. Quand c’était notre tour. Sans pitié pour son hypoglycémie. Même quand il se mit à ne plus arrêter de s’évanouir et de nous ennuyer avec sa litanie de vous ne me comprenez pas. ? 05 mars 1995 Quand Loiseau se fracassa tout seul le menton sur le lavabo en collapsant durant son tour de vaisselle il est vrai - 165 - que là on le balança fissa aux matons et il se retrouva à l’infirmerie où il se fit vraiment rééclater la bouche en beauté tant il prenait la tête à tout le monde. C’est là s’il lui était resté encore quelques neurones au taquet qu’il eut pu certainement réaliser combien la 132 était la cellule la plus cool de toute la taule mais que surtout pour elle c’était un travail de tous les jours de vigilance d’abnégation voire de démocratie et d’hygiène et de compromis mais que surtout on avait beau être bon Dédé et moi et tout autre centtrente-deuzart il ne fallait surtout pas nous chauffer avec ceci ou cela. Lundi 17 mars 1995 Ça faisait trois semaines que j’attendais la visite de Maître Lombard mon tout nouvel avocat un ponte ou bâtonnier de Marseille acoquiné avec Chirac. Du coup je me sentais obligé de me raser tous les jours pour faire bonne figure au cas où il se matérialiserait sans prévenir. Car s’il était convaincu de mon innocence il serait convainquant. Autant croire que propre et rasé puisse connoter innocent. Mon précédent défenseur éjecté m’avait fait tout un caprice suite à la concurrence déloyale mais aussi il n’aurait jamais dû me prédire dix ans. Lui ce socialiste avec son livre en cours Les Dessous De La Robe comme il aimait à s’en vanter chaque fois — tandis qu’invariablement rose se concrétisait quand je l’écoutais si avenant en faisant craquer son string un immense vagin baveux enflant sous une jupette. Vagin me regardant de toute sa conjonctive en voulant à tout prix émerger de part et d’autre de sa ficelle — plutôt que de me parler de mon affaire. - 166 - Ma seule fierté étant d’arriver un jour à me taper des séances de 80 pompes ou 200 abdos d’un coup là j’y arrivais le reste — toutes ces histoires de bafouilleurs et de façons de s’en sortir un jour — importait peu car je perdais de plus en plus la mémoire puisque j’avais cette impression d’avoir toujours vécu ici parmi les miens et que le reste mon beau dehors passé était plutôt du genre rêvé. Les filles le soleil la bande l’horizon les apéros les exactions les pique-niques le printemps la création les virées la famille les trips les gueuletons les études l’avenir tout ça. Alors de temps en temps je me convoquais au plus bas en fermant les yeux très fort jusqu’aux larmes et je rembobinais tout vautré sur mon grabat. Du plus loin que je puisse remonter. Je cherchais et par conséquent finissais par trouver quand était quoi au juste. Je déterrais ainsi une foultitude de choses marquantes que je consignais une à une. Et puisque ça fit vite une bonne centaine de feuillets autobiodégradants mon truc je trouvais ça plutôt bon à force de forcer. Au risque de trop s’auto-balancer parfois en cas de fouille intempestive. En même temps cette prise de risque écrite m’excitait à un point que l’on peut difficilement imaginer. Peu à peu j’avais trouvé cette chose de maquiller chaque page de ce que je croyais être le roman de ma vie en courrier reçu. Ainsi j’apposais à mes écrits des dates récentes. J’utilisais des stylos différents de la main gauche de la main droite bics feutres rollers bleus noirs violacés. J’apposais en en-têtes des adresses extravagantes de nanas improbables et en bas des signatures biscornues ou arrondies s’inspirant de mes correspondantes véritables. Pour le corps du texte en cas de foufouille je comptais avec raison ni plus ni moins sur la flemme des matons. - 167 - Le tout étant bien sûr plié en quatre et inséré au petit bonheur à mon véritable courrier reçu. Jeu : Tenter de retrouver une page en particulier au milieu de tout ça. Autre problème je ne disposais au début que d’une seule sorte de papier issue des mêmes blocs à carreaux stupides et mes efforts de dissimulation ne servaient à rien. Comment trente nanas différentes auraient-t’elles bien pu m’envoyer de si longues lettres écrites sur ce même papier pourri ? Alors je dus me résoudre à très vite cantiner au vaguemestre une grosse quantité de rames blanches 80g neutre universel genre étudiant ce qui entama fortement mon pécule de survie et fit sourciller ce préposé au commandes auquel je dus répondre la première fois : « Oui non c’est pour l’alphabétisation de la cellule je leur fait faire des lignes des dictées tout ça ça les occupe ça les calme et pour les comptes aussi au tarot on y joue beaucoup vous savez et puis pour notre courrier courant aussi je les incite à rester en contact avec leurs proches à renouer avec d’anciens amis etc à répondre aux annonces de cœur c’est beaucoup plus économique ainsi par rames de 500 que par blocs de 30 vous trouvez pas ? On est ok ? Donc ? Ça ira ? — Mais oui Miki on est ok. » me répondit ce grand gros dégueulasse de vaguemestre mou Monsieur Blois toujours si ok en réalisant le bénèf qu’il pourrait se faire sur mes trois rames de 500 feuilles par mois. J’étais pour lui le client idéal pour ceci comme pour le reste. Or tout stagnait depuis quelques semaines question écriture puisqu’il me fallait hormis tronquer certaines vérités inventer pour faire plus vrai donc créer. Esclave de soimême. Ce qui me faisait parfois chier. Faire beaucoup de recopiage à la main. Des insertions et autres affêteries. - 168 - Mais ça m’occupait tant les vraies distractions était plutôt rares ici au frais dans mon tupperware mais ce rien finit par me contenter. Ce lundi 17 mars 1995-là jour historique s’il en était j’avais enfin trouvé le titre. Jackalope Burger. Une chose ancestrale extraite de mon petit passé. Et c’est vers ici qu’émergèrent les toutes premières bribes de cette chose compostée que tout type de lecteur peut maintenant parcourir d’un œil morne en tous cas. Jackalope Burger ? Un sandwich déshydraté. Fuck this and fuck that. Je t’encule. C’est ce que je voulais. Multicouche et à la viande d’un hypothétique animal du désert. Hydrophile donc. Aillé et super faisandé. Un mélange de chacal et de lopette avariée uniquement apprécié des seuls vrais cowboys. Chose pas très équilibrée donc ne ravissant guère nos mères peuchère ni les femmes ni les fiottes. En tout cas vrille si intime puisque j’en avais entraperçu quelque chose de très approchant une nuit de février 92 dans mon maquis à moi après ingestion de ce qu’on devrait appeler une dose massive de LSD. Là ? Auprès d’un ruisseau noir enflant au delà du raisonnable tel un tigre blanc oui mais à pois rouge j’avais léché mes plaies sans discontinuer puis apaisé la soif qui me taraudait en me trempant la gueule dans l’eau. Hummm. Ce bon goût de boue. Scène suivant de quelque heures ce que la bande et moi appellerions plus tard le massacre du Hot Spot. Oui. Moi tigre blanc. Rare souple et mugissant dans sa nuit mouillée avec son enclume dans l’estomac. J’avais osé interroger là vautré sur la grève un Dieu à barbe bleue très présent tout d’un coup et irradiant à côté de moi sur le vrai sens à donner à ce mot Jackalope qui venait là si saugrenu de résonner dans ma tête dans le temps précédent. - 169 - D’autres (ses satellites) — car Dieu géant bleu de cinq mètres de haut préférait me toiser assis en bourdonnant — m’avaient répondu que le Jackalope en question se révélait mon animal totem. Bouffon me servant de conscience supposé provenir comme son nom l’indiquait en anglais de la contraction jackrabbit+antelope croisement d’un cervidé de base et d’un sacré lièvre du désert de l’Arizona. Moi le tigre : Un gentil lapin à corne ? Le jackalope s’était alors matérialisé et s’était mis à gambader en zigzaguant sous mon nez dans une prairie ensoleillée donnant encore çà et là de petits coups de cornes répétitifs aux papillons et aux fleurs alentour. Un vrai Walt Disney. Très déçu j’avais été rassuré par les autres — la quinzaine de chamanes amérindiens cornus eux-aussi et assis en cercle autour de moi — puisque leur chef au nez busqué sorte de Jip me jura que le chant nocturne du Jackalope en question était en ceci spécifique qu’il pouvait rappeler parfois l’étrange mélopée d’un bébé tigre enroué qui eût la nuit siflotté le Sacre du Printemps. Ç’avait été plus fort que moi j’avais siflotté le Sacre du Printemps. Premier mouvement. Dès lors la déité barbue bleue fluo qui n’arrêtait pas d’irradier telle un bourdon atomique de cinq mètres de haut s’était animée tout d’un coup. Et Barbe Bleue golem printanier fit trembler le monde avec son boa de pâquerettes et ses lunettes miroir rouge qu’il venait de jeter au sol très très très ulcéré. Dieu s’apprêtait à daigner une réponse à mon félin trop félin questionnement : « Who am I really ? » Car Dieu était américain et la clef c’était le Sacre. Un grand éclat de rire tellurique dentu et inextinguible avait alors annihilé la parodie de monde autour de moi. Les chamanes l’ongulé nain (vecteur ou - 170 - substrat) les fleurs les papillons tout ça s’étaient effrités dissout par l’haleine de Dieu. Ce n’avait été qu’une demi-réponse. Tigron courageux refoulant son côté lapin obtus c’est ce que je lui avais rugi en français au milieu de la tempête : « Ceci n’est qu’une demi-réponse. Qui suis-je vraiment ? » Alors la réponse entière hélas était venue : La maquette de Vaison La Romaine point nodal où j’ondoyais en fut littéralement submergée. Moi et mes ouailles cette centaine d’améridiens reconstitués harnachés et proliférants en avions été littéralement subjugués mais nous prîmes la fuite devant la réponse de Dieu : J’étais bien la tempête. La colère de Dieu. Aguirre Harry Grey Martin Guerre Martin Grey Hannibal Lecter Johnny Staccato Zorro Zoroastre Calimero. Au lieu-dit haine puissance haine acmé de toute scansion Dieu avait fait semblant de tout arrêter. Et là en total déséquilibre mes tripes avaient fait bloc jusqu’au sternum. De joie et de haine. Des petites voix autour de moi psalmodiaient : « Pas de souci. Miki. Trop bon ce trip. Wouahrah. Trip de chez trip. Wouah-rah-rah. De la pure bebom ce peutri. » Mais cette injonction venue d’ailleurs avait ressuscité le précédent morphing. Molo d’abord puis de plus en plus rapido. Truc trouvant sa vitesse de croisière. Dieu s’était octroyé le monde redevenu pâté de têtes scandé et traversé de droite à gauche puis de gauche à droite par des saletés de zébrures trop nettes. Tout ça s’entrecroisait en rose vert jaune fushia façon horrible Vazarelli puis disparaissait vers le fond en pulsant encore au delà de tout dans l’invisible. - 171 - Saintes Écritures qui se reliraient elles-même : Lone Sloane Oscar Matzerath Jean-Baptiste Grenouille. Tout y passa. Julien Sorel Fanfan La Tulipe Cheech Chewbacca Travis Bickle Jack Torrence John Doe Jack L’éventreur Joe l’Indien John Mc Cabe Jack Crabb Andreï Roublev Barry Lyndon Gilles De Rais Hal R2d2 J.R Rocky Rambo Al Capone Freddy kruger Dracula Jean De Florette Jean de la lune Mathô Matrix Macbeth Maximax Mac Giver N°6 007 Batman Candyman Starman Superman Super Mario Sue perdue dans Manhattan. Robin des Bois Elephant Boy Elephant Man Lancelot Du Lac Le Duc De Guise Accatone Amadeus Antoine Doinel Indiana Jones Ben Hur Clyde Barrow Brewster Mc Cloud Bronco Billy Butch Cassidy Jeremiah Johnson Charles Foster Kane Sky Materson James West Lord Brett Sinclair David Copperfield Huckleberry Finn D’artagnan Elmer Gantry Kaspar Hauser Artemus Gordon Athos Portos Aramis Robert Paulson. Toutes les petites voix de mon clip expérimental continuaient de se battre en interne. Très autoritaire tout en me grattant les bras les tibias j’avais pu intervenir tout haut : « C’est ouf ce que Dieu peut être enfoui dans nos glandes. C’est fou non les mecs ? Ce besoin de Dieu ce besoin d’excréter puis de toujours remâcher ce cher mot amoché. Dieu ? Who are you really ? Deux demi-saucisses alanguies ? Lobe droit ? Lobe gauche ? L’hot dog ? Le bicaméral. Ça gratte. L’unique en sandwich ? Hummm ? C’est ça l’Amour ? Ow my gaaaade les mecs. Un sort. Une investiture. La monadologie. Dieu ? Diable ? DD ! Notre yin-yang pépère et odieux qui nous fait chanter bas et grave. Ensauce-nous de ton miel d’encre. Please. Dédé. Please. Une bonne fois. Que nous puissions y voir clair le jour. Phase-nous trais-nous concentre notre jet. » - 172 - Là : Me prenant au mot en avait profité pour rejaillir l’horrible Robinson Crusoé Tom Pouce Tom Sawyer Capitaine Wyatt Capitaine Flam Barbe Bleue Barbe Noire Barberousse Bartleby Belphegor Benvenuto Cellini Matt Helm Mister Chance Mister Pink Boris Godounov Brancaleone Harry Tuttle Bronco Apache Bronco Bullfrog Bronco Buster Brubaker Buck Rogers Bugs Bunny Bugsy Malone Bulldog Drummond Cactus Jack Cagliostro Caligula Caravaggio Vidock Lacenaire Korben Dallas Moi Pierre Rivière Cisco Kid Peter Foley Coca-cola Kid Crocodile Dundee Mandrake Ric Hochet Jack Crowford Ivanhoé Raspoutine Billy the Kid Dédé la Musique. « Ô Dédé ? » Intervins-je. « Fi du rendu de pleurs beau lent et clair et continu l’indéfectible lien qui transmute le pis en chair le mol en désir. Nous te louons Dédé car nous avons belle vue maintenant de ton oeuvre intermittente. But. Please. Stop. Please. Nous aimerions bien redescendre. C’est vrai. Il faut savoir tresser sa ligne. De mire. De fuite. De vie. Toujours. Savoir scander siruper slacher. Médire. Provoquer des raz de marée. Ok. S’enfler. Subir les pires jurons. Se rembobiner. Accoucher de peu comme ça l’illusion. Mais là non non non. Stop. Stop. Stop. Y’en a marre. Pure O.D de tézigue. Vas’y gaj-dé Yahvé. — Donnie Brasco Paul Atréïde — Ok vas’y déroule venge-toi — Edmond Dantés Ed Wood Merlin L’enchanteur Marco Polo Le Baron de Munchhausen Eddie Chapman Piter De Vries Fantomas Felix Le Chat Ferdinand Le Taureau » - 173 - Mon Esperanto puait comme tout idiolecte et toute glabelle abjecte. Fort était à craindre cet empifpaf mortel conjuguant mes sens asservis. La facilité ? L’inconscient ? Quelles foutaises quand on s’y penchait. Trop nul ce trip. Je parlais de crêtes mais m’y complus-je ? Non ça jamais. Je croyais être au sommet je croyais y rester perché alors que je dégringolais m’éloignais de la ligne de front la frontière d’où je pouvais croire encore un peu jouxter l’humain car ma montagne était molle et ma notion de crête des crêtes elle-même puait l’homme et sa virtualité. Inhumer l’exhumain ? Exhumer l’inhumain ? Trop nul ce trip. Kalidor Kaliban Rahan Danny Wilde Wild Bill Hickok Kit Carson Général Custer Peau de la Vieille Hutte Crazy Horse Geronimo Sitting Bull Leather Face Rastapopoulos Nessie Rascar Capac Gummo Mowgli Mickey Mouse Commissaire Kramer Commissaire Moulin Commissaire eh merde Commissaire Mégret Muad Dib William Blake Iron Man Aktarus David Vincent Vincent Vega Incredible Hulk Frank Booth Lagardère Boudu sauvé des eaux Guillaume Tell Usul Attila Liberty Valence Alfredo Garcia Jacou le Croquant Nans le Berger Hercule Poirot Goldorak Oum le Dauphin Skippy le Kangourou Jacques le Fataliste Jean Sans Terre Ali Baba Barabbas Bartabas Albator Taras Boulba. Là : Calmer le jeu. S’agenouiller devant son œuvre me sembla vital au risque de tomber à plat de me délayer et de rire tel une connasse à perpétuité. Guillaume le Conquérent Johnny Grasso Henry Chinaski Mylord l’Arsouille Bob le flambeur Nevada Smith Snake Plisken Nick Carter Guillaume de Baskerville Jonathan Harker Harry Powel Adso De Melk Bernardo Gui - 174 - Bruce Lee Hrundi Bakshi Jorge De Burgos Trinita Oncle Vania OSS 117 Paco l’infaillible Pancho Villa Peter Gunn Le Petit Poucet Le Petit Prince Peyrol le Boucanier Babs Johnson Pinocchio Popeye Joseph K Marsellus Wallace Bobby Peru Quasimodo Quentin Durward Pussy Cat Raphaël le Tatoué Johnny Cool Roger la Honte Rewak le Rebelle Rigadin Rintintin Rantanplan Rouletabille Rusty James Sandokan Sarati le Terrible Scaramouche Scareface Serpico Simon du Désert Sinbad le Marin Smith le Taciturne Soliman le Magnifique Lenny Nero Superargo Surcouf Taram Tartarin de Tarascon Tartuffe Tarzan Cochise Thomas l’imposteur Kakita Akanishi King Kong Milou Sancho Pansa Charlot John Klute La Fayette Landru Larry Flint Larry le Dingue Larry le Liquidateur Orion le laveur de planètes Leo The Last Leon Morin Prêtre Lepke le Caïd Loopy De Loop Fred Madison Lucky Jo Lucky Luciano Mac Coy aux poings d’or Macho Callahan Maciste Mad Dog Mad Max Le Magicien d’Oz Major Dunddee Walerjan Wrobel Malcom X Jacques Clouseau Mandrin Maniac Mark Dixon Martin Roumagnac Stanley Ipkiss Mathias Sandorf Maurin des Maures Bret Maverick Merlin l’Enchanteur Mery per sempre Michel Strogoff Christophe Colomb Alvin Straight Tyler Durden Mister Flow Mister Frost Mister Love Mister Patman Mister Wong Mister Deeds Mister Maggoo Mister Smith Mister Jack Mister Hide Mister Cory Mister Ruggles Machine Gun Kelly Moby Dick Modo Kane Casanova Seth Brundle Professeur Higgins Professeur Tournesol Monsieur Personne Monsieur Ripois Monsieur Hire Monsieur Verdoux Monsieur Klein Monsieur Bébé Monsieur Hulot Monsieur Lange Monsieur Pipelet Monsieur Spock M’sieur La Caille Best Man Big Man Bad Man Mad Man Dutchman Electric horseman Casimir Michel Poiccard Caleb Cal Trask Mister Goodbar Action Jackson Samuel Polaris Ramon Yarritu Bad - 175 - Lieutenant Adhémar Lamplot Philip Marlow Action Joe Rick Hunter Gaston Dominicci Thomas Crown Alfie Agantuk Alfred le grand Lemmy Caution The Amazing Transparent Man Andreas Schluter Antony Adverse Antonios das Mortes The Ape Man Pat Garret James Cole Jeffrey Goines Arsène Lupin Joe le killer Joss Randal Ivan Tchonkine Richard le Téméraire Till l’Espiègle Barton fink Double Face Bibi Fricotin Greystoke Billy Bathgate Billy Boy Billy Budd Billy Jack Billy le Cave Billy le Menteur Billy ze Kick Jeffrey Beaumont Bob le Flambeur Bob Roberts Bobby Deerfield Bobby Ewing Bomba Enfant de la jungle Joe le Bon Tuco la Brute Setenza le Truand Pépin la Bulle Boniface Somnambule Max Von Mayerling Buddy Holly Bwana le Diable le Vicomte de Valmont Pee Wee Geppetto Calouchard Sganarelle Caltiki Monstre Immortel Buridan Héros de la Tour de Nesle Zébulon Castor Pollux Gaston Lagaffe Achille Talon Nicolas Pimprenelle Peter Biberkopf Don Juan DeMarco Casper Catlow DrWatson Jakie Rabinowitz Chilly Willy Chéri bibi Le comte Zaroff Chino Valdez John Chisum Arnie Cunningham Randal McMurphy Chubasco le Rebelle Chuka le Redoutable Roderick Usher Roderick Raskolnikov Ruby Rhod Monsieur Poulet San Antonio Constantin le grand John Mohune Francis Coplan Pollux Troy Le comte Yorga Tony Wendice Cyrano de Bergerac David Goliath Chingagook Derzou Ouzala Saturnin Farandole Congo Bill Roi de la jungle Dr Stangelove Dynamite joe Don Juan Don Loppe De Aguirre Déjà Vu Don Quichotte Don Corleone Don Q Don César de Vega Don Quitin l’Amer Don Pedro de Ursua Don Fernando de Gusman Don Camillo Dark Vador Frère Tuck Petit Jean Akim Zembla Beaumarché l’Insolent El Chuncho El Condor El Mariachi El pistolero El tigre El Gringo Mookie Dobermann President Muffley Droopy Snoopy Du Guesclin Duffy le Renard de Tanger Elliot Ness - 176 - Le P.R. Deltoïde Edward aux mains d’argent Forster Lafont Eric le Vicking Le Juge Cordier Le Roi Arthur Gauvin Pendragon Mordred Titin de la Capelette Thierry la Fronde Thibaud le Croisé Niquedouille Escartefigue Monsieur Brun Maître Panisse Monsieur Seguin Toto le Héros Asim le Grand Dick Laurent Sid 6 point 7 Le Schpountz Le Petit Lord Fontleroy Black Beauty Ringo kid Irénée Fabre The Amazing Colossal Man Farinelli Fausto Barbarico Ferdydurke Bill Lee Feu Nicolas Fievel au Farwest Fifi la plume Flash Gordon Fra Diavolo Jimmy Popeye Doyle Fucking Fernand Future Cop Gar El-Hama Gasparone Gator Gawin Castor Troy Gogol d’Algol Yearl de Mars Urm le Fou Iragaël Elric le Nécromancien Vuzz Kroll Torquedara Varenkor Shann Imperator De Toutes Les Galaxies. Mais ce qui me posait problème à moi ici maintenant ce lundi 17 mars-là Miki le taulard après avoir trouvé le titre et quelques développements c’était quand même bien le style. Façon à force de forcer forcément le forçat se défausse. Ou que sais-je et ça me turlupinait. J’aurais fait un bon nouvelliste scénariste lettriste ou équilibriste si j’avais fait d’autres rencontres dans ma pauvre vie. Voilà ce que pensait la cocotte-minute in vitro. Ça c’est sûr moi là maintenant-maintenant tout seul à sept si fayot avec mon beau casque Sony plein de faux contacts sur les oreilles verrouillé sur France Cul France Mu France Mu France Cul tel un moinillon priant dans son dortoir aux murs cloqués qui puait des pieds au lieu de communiquer avec ses très chers coreligionnaires desquels il eût eu tant à apprendre s’il les avait écoutés. - 177 - Mai 1995 Cette grande khâgneuse d’Hélène Sillex régulière de Jip fraîchement diplomée à Paris commença à me turlupiner en secret en me tarabustant avec ses cartes postales vierges. Vierges — oui non il n’y avait jamais eu d’encre sympathique dessus — suite à notre divorce scripturaire puisque je venais de lui interdire de continuer de m’écrire étant données toutes ces insanités dont elle m’avait littérairement submergé. Délires vaginaux masochistes où elle voulait à tous prix que je la bute un jour. Courrier forcément scruté et analysé par ma jolie juge qui à coups sûr jalouse avait dû en penser le plus grand mal. Je décidai de ne plus répondre à son amas de cartes postales — muettes underground en noir et blanc très contrasté représentant ces putes japonaises d’Araki attachées ou se piquant ou pire encore comme des cadavres de Joel Peter Witkin en train de se rouler des gamelles — que par l’envoi de tonnes d’autoportraits façon Bacon très sages pastels sur cartons que je produisais à la chaîne ou en vaticinations et automatismes plus ou moins poétiques. Mais on ne se disait plus rien. Dehors ce qui m’avait frappé quand elle s’était mise avec Jip c’était le profil boudeur d’Hélène son si joli petit nez presque trop court mais si obscène et sa lippe froissée en avant. Une vraie bouche à pipe. J’avais été incapable de le lui dire. Dehors. Trop nerveux. Il y avait trop de choses qui m’attendaient et je le savais quinze mois même avant mon incarcération. Dedans hélas j’en serais devenu con. Elle me l’avait écrit. Elle ne s’était pas gênée. Suite à ma réaction frileuse à moi mis face à toutes ses insanités. Elle ne doutait de rien visiblement avec sa prose complaisante. Le grand drame d’Hélène Sillex on aurait dit que c’était de se sentir - 178 - coupable d’être innocente ; ou quelque chose peut-être pire que cela. Je me serais presque abaissé à lui demander maintenant que le temps avait passé une photo de son profil boudeur. Comme ça. Histoire de lui refaire le portrait. Ou de me branler à perpétuité en son honneur. Mais je n’osais pas. Trop fier pour ça. Dimanche 06 juin 1995 La voix d’Irène Omelianenko m’arracha des larmes à nouveau même si ça ne se vit pas et ceci se reproduisait à chaque fois depuis pas mal de temps déjà. Tout ça grâce à son émission Clair De Nuit sur France-Culture que j’écoutais au casque tous les dimanches soir. Or ce dimanche soir-là vers minuit à la lueur de ma bougie cire de Babybel + mèche en poil de serpillère je lui écrivis ceci : Sainte Anne le 6 juin 1995 Chère Irène Omelianenko ça fait maintenant quinze mois que pour rien au monde je ne manquerais un de vos Clair De Nuit. Quinze mois cela équivaut exactement à la durée de mon incarcération. Sans rire en cela elle aura eu du bon à tel point que d’ores et déjà je promette solennellement que même après ma sortie loin d’être proche parait-il je ne me disperserai plus le week-end raison essentielle de ma chute et que je resterai bien sagement tapi à la maison à écouter votre émission. C’est dire. Mais trève de flatteries. Pourrait-on me faire parvenir une bibliographie détaillée de ce Pierre Drachline étant donné le grand choc que me procura votre lecture si érotique de son Coeur À L’horizontale ? - 179 - Dans l’espoir bien à vous. Miki. Mardi 27 juin 1995 Et la réponse miraculeuse est arrivée ce jour-là. Comme ça. Un petit bout de bonheur griffonné à la va vite. Miki Paris 24/06/95 cela fait des jours que je veux vous répondre à vous dans ces murs doublement murs d’Avignon. Votre lettre m’a fait sourire un peu à la façon sourire qui mord. Vous prenez les choses avec humour. Vous faire parvenir une bibliographie détaillée de Pierre Drachline ? Il n’est hélas que ce que vous en avez entendu à la radio. Il a fondé les éditions Plasma puis les a enterrées. Sinon il est critique littéraire au journal Le Monde et travaille un peu au Cherche-Midi car il faut bien manger. Il a écrit d’autres choses mais je ne crois pas qu’elles n’aient échappé au pilon. Amitiés. - 180 - Irène O. Lundi 03 juillet 1995 Lulu Lamy était un savant mélange de Serge Daney et de Jean Douchet. Sorte de désagrégée de philo perverse nîmoise toute guimauve grisonnante et joueuse tombée pour harcèlement chantage au diplôme et fellation octroyée de force transmutée en homicide involontaire suite à la crise cardiaque d’un de ses doctorants sucé. Bon suceur donc. Or ce lundi-là il voulut jouer sous la table avec moi vers midi à — et il n’aurait pas dû — jeu de main jeu de vilain. Je sursautai évidemment mais dans le même mouvement je lui plantai ma fourchette dans le cou : « Toi Lulu tu me frôles encore les couilles rien à foutre j’te perce moi ma salope. » Tout en faisant joujou avec sa pomme d’Adam c.à.d en faisant mine de la lui décapsuler à la fourchette tout en le maintenant bien fort par sa saloperie de catogan. L’autre poupoule s’était renfrognée toute vexée sensible et outragée. On était pas tous pédé en zonzon loin de là et quand plus tard on voudrait par arrêté ministériel envisager de nous distribuer des capotes là on frôlerait l’émeute et la révolution sauvage car le vrai tas d’enculés ç’avait toujours été eux et bien eux ce tas d’empaffés du Ministère de la Santé de mes couilles. Sans doute avaient-ils trop vu de nanars ricains où il n’était question que de ça zonzon = cul éclaté ou trop lu de cette sous-merde de Jean Genet ou de ce relou d’Eddie Bunker qui faisaient presque passer jadis tout taulard aguerri pour la pire des fiottes oui mais de quel droit ? Lundi 14 Juillet 1995 Lors de cette chose fomentée par des théatreux d’Avignon sales intermittents en visite je fus cruellement - 181 - déçu par tous les vieux mâles de ma cellule quand ils se proposèrent pour une perf avec des perruques blondes bas résille et tout ce qui s’en suit dans une chorégraphie suggestive pour faire rire la taule toute entière oui mais à quel prix ? Car dès le lendemain matin mardi 15 Juillet 1995 Enzo obligé par Lulu à y participer prit en une seule fois toute sa provision d’Aspégic de honte et il resalopa les chiottes en cessant de se louper cette fois-ci et comme on a du mal à imaginer. La 132 puis la presse en furent tour à tour toutes bouleversées. On emballa son petit corps dans des draps beiges puis dans une bache verte et nous ne le revîmes plus jamais. Lundi 01 septembre 1995’ Fortement culpabilisé par les miens à cause de cette histoire d’aspirine stockée j’obtins mon transfert aux Baumettes. Mon instruction venait de se terminer. Transfert pour rapprochement familial soi-disant. Ce qui était archifaux puisque là c’était équidistant. Nous nous dîmes donc adieu la larme à l’œil en nous embrassant tels des frères puis nous nous promîmes de nous écrire. Chose que personne ne fit. Centre de détention. Marseille. Les Baumettes. Batiment B. Registre d’écrou du prévenu condamné : 57302K Nom : Ikillu Prénom : Michael dit « Miki » Incarcéré le 10 / 03 / 1994 Transféré le 01 / 09 / 1995 Libérable le : Date de naissance : 05 / 01 / 1974 Taille : 155 cm Cheveux : noirs - raides ; Yeux : noirs Type européen - 182 - O rhésus négatif Note administrative interne : R.A.S Signes particuliers : 2 incisives cassées - pas de cristallin - port de lentilles cornéennes - pas de cicatrice - pas de tatouage. Chefs d’inculpation. H.V. / complicité Lundi 01 septembre 1995’’ Ma nouvelle taule batiment B était un savant mélange de trucs marseillais fraîchement repeints qui puaient en bleu électrique et de trucs complètement cramés qui puaient encore plus. Le tout accompagné depuis les fameuses émeutes d’une discipline toute roide et spéciale comme il se devait. Après le greffe et tout le grand tohu-bohu de bordel de couloirs inconnus et de sas à perpétuité je me retrouvai avec mon barda de vie accompagné d’un jeune et long surveillant à moustache peu fournie qui me glissa in extremis : « Attention là on te met avec le tueur des Goudes cellule 347 Siegbert Neubauer si tu veux changer de cellule dis-le vite à la gamelle mais sois patient Ok ? Ça prendra un jour ou deux faut attendre un transfert en centrale Ok ? C’est plein à craquer ici. Alors tu calmes le jeu. Tu lui parles pas. Ce con ne comprend pas un mot de français de toute façon. Ok ? — Oui. Ok. Merci. Mais au bout de dix-huit mois, j’ai l’habitude des marteaux vous savez je sais les gérer à force » Après le clic clac crac klang dans la cellule carbonisée de 6 m2 je n’eus pas le temps de poser mon lourd paquetage que la sonnerie de la promenade retentissait. - 183 - Un géant rouge se décoinça de son lit s’embroncha sur mon truc au sol et me bouscula en sortant sans que je ne devine au passage sa tête aux contours flous gras et décolorés. Dans la queue leu leu descendant dans la cour en me dandinant dans une sorte de surplace par un goulot d’étranglement tel un chien-chien je suivais le géant rouge dans ce boyau de barbelés où un tas de matons à coup de triques imposaient un silence qui de toute façon ne viendrait jamais alors j’attaquai direct en lui sifflant par derrière : « Hallo Sie da wie heiβt du Archloch ? » Cette sorte de géant sourcilla en se retournant puis éclata d’un rire teuton assez sanguinaire. « Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Sieggy heiβe ich. Und du kleine schönne Arch ? — Miki Ikillu. Da meint’s in Englisch : ich töte dich. — Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! Ar ! » Alors dans la cour plutôt fayot j’eus une nouvelle mission : traduire en français puisqu’il me le tendait avec un bic vert rongé son courrier larmoyant à son avocat d’office. Par miracle tous les loups-garous de clando affamés des Baumettes fraîchement arrivés eux-aussi me laissèrent tranquille allant taxer ailleurs clopes montres baskets et blousons un peu plus loin près des latrines en plein air comme effrayés d’approcher l’ogre barbu rouquin chauve en haut mais nuque longue qui continuait pas loin son tournoi de ping-pong félin et rédibitoire. Sieggy cette sorte de Bozzo électrique édenté vicking moitié Hell’s moitié mac dans le civil mais là en survêtement roux ; homme qui eut de plus comme un drôle de smash pour parachever le tout. - 184 - Lundi 15 septembre 1995 À Sieggy je demandai mon procés se rapprochant à grands pas de me tatouer sur le coeur ma signature stylisée à l’envers droite-gauche drôle de pictogramme pour conjurer le sort et pour qu’à l’avenir dans le miroir je me rappelle toujours m’être signé et estampillé moi-même : Un vrai bandit dandy ready-made. Moi. Miki. À perpétuité. Sieggy me fit ça à l’arrachée à la sauvage en noir avec trois aiguilles côte à côte pour aller plus vite. J’en eus le téton gauche labouré croûteux et purulent pendant une quinzaine. Sieggy sa spécialité à lui dehors c’était les putes de l’est ligotées dont il couvrait la tête d’un sac poubelle et qu’il d’un shoot sportif précipitait connement toujours du haut de la même calanque. Sorte de règlement de compte intraspécifique entre fouteurs de merde d’outre-Rhin délocalisés ou déterritorialisés comme on préfère. Un pur enculé mais en réalité un vrai pote. Paris 23 sept 95 Miki Miki Miki À quoi joues-tu mon ami ? Je ne te reconnais plus du tout dans ta toute dernière lettre. On dirait du Guyotat mais en plus drôle. Ou un vieux dossier Mac-Write traduit en World. En tout cas c’est très branché et tu imites très bien les bugs et les palilalies. Quoique tu ne maîtrises pas toujours si bien les occurrences et itérations. As-tu au moins lu Gilles Deleuze : Différence Et Répétition ? Ou Monique Plaza : Écriture Et Folie ? Tu devrais. Je te les enverrai. - 185 - Sinon construction d’un personnage. Soit. Je est un autre. Ok. Mais je ne connais pas l’autre et le je devient d’un remarquable flou artistique. L’entrée au temple des initiés devient la descente infernale dans les limbes d’un inconscient aux détours de plus en plus flous et retors. Logique en détresse ? Non. Mais S.O.S itinéraire jalonné. Certes. Pour la sortie on peut s’éjecter sans problème mais indique au moins l’entrée. Ô toi lumière clignotante. Espoir pas encore perdu pourtant puisque tu écris. Faux dialogue sans doute mais en tout cas délire à deux déjà possible. Néant verbal ? Je ne pense pas. Au commencement était le verbe c’est bien connu. Nous poserons donc les premières pierres d’un univers sans règle, sans obligation, un monde de papier où les choses ne seraient que des mots et où nos désirs prendraient la forme de ces petits caractères aux formes bizarroïdes. Mais ce ne sera déjà pas si mal et on pourra partir tous les deux ensemble très loin comme ça. De toute façon rien n’existe en dehors de ça. Et c’est pour ça que je t’écris. Non pas seulement pour mon adorable petit Miki dont j’ai un peu partagé la vie et à qui il arrivé de sales histoires quand il était tout petit mais aussi pour moi. Je ne sais pas si un fantôme évanescent te fait kiffer mais je ne veux pas que tu t’enfermes alors donnantdonnant je t’obligerai à creuser ma propre plaie et tant pis si tu ne comprends pas tout c’est réciproque et on s’en fout. J’aimerais te voir te visiter c’est vrai tu me manques mais j’ai si peur que tout se rebanalise entre nous. Donc homme privilégié tu bénéficieras de ma nonbarrière scripturale à jamais et ô combien plus excitante. Pour donner une apparente épaisseur à cette lettre j’ajoute que mon propre avenir me fait peur mais - 186 - incertitude même pas accablante attente du je-ne-sais-quoi qui fera tout exploser. Aboutissement le plus probable le mot fin. Fin de quoi ? Réponse attendue d’urgence. Néantiser toute seule ça fait peur des fois. Je vais peut-être me marier. J’ai rencontré un type rassurant il y a quelques temps. Il est marrant il s’appelle Jean-Marie Wyloschky. Il te ressemble un peu. Mais c’est toi que j’aime Miki. A jamais. Je te turlutte. Ta Zaza. J’avoue ne pas avoir bien compris sur le moment à laquelle de mes lettres Zaza pouvait bien répondre. Mais après un tas de supputations ayant engendré une somme conséquente de grattouillis Zaza ne pouvait avoir répondu qu’à une lettre que je ne lui avais pas envoyée. Puisque ce coup des bugs et de la super-répétition je l’avais fait à toutes sauf à elle puisqu’elle était censée avoir uniquement reçu l’« original » du 21 avril 94 dix-sept mois plus tôt et non son avatar perverti dispensé aux autres connasses. J’en déduisis qu’une certaine censure ma juge ou que sais-je avait bloqué durant toute mon instruction l’envoi en groupe de ce vieux courrier bogué-là ce pour une raison inconnue et ne l’avait enfin posté que dès clôture de mon dossier et mon transfert aux Baumettes en intervertissant parfois putain comme là mes destinataires. Ce qui avait dû foutre un bordel effroyable entre mes correspondantes. Chose qui éclairait d’un jour nouveau certains des petits malentendus qui avaient suivi entre les unes et les autres. J’étais démasqué. - 187 - Mardi 02 octobre 1995 Dans la semaine qui précéda notre procés nous dûmes être déférés avec Fix au palais afin de signer quelques actes et papiers. Nous nous étions très peu cotoyés tous les deux vu qu’on nous avait judicieusement séparés durant nos dixhuit mois d’instruction moi-même ayant dû stagner en Avignon comme on dit alors que Fix lui avait été compacté à Marseille avec les vrais de vrais de purs empaffés oui mais du Batiment C. Or là marseillais tous les deux moi Bat B lui Bat C - et même si nos versions divergeaient encore quelque peu vu que nous nous accusions littéralement l’un-l’autre ce qui était le jeu - on peut dire que nous fûmes plutôt contents de nous revoir même si nous nous toisâmes un peu au début. Mais lors de cette revoyure in vitro nous nous trouvâmes plutôt pas trop changés et le naturel revint au galop. Sans même nous concerter nous éclatâmes de rire synchro face à une lourdeur administrative assortie d’une ribambelle de fautes de syntaxe élémentaires relevées auprès d’une des plus hautes instances de la zonzon. Pas de punition. Nous étions accompagnés pour ce transfert de groupe au palais d’un trio plutôt précoce lui-aussi une fille + que mimi + deux types interchangeables tombés pour attaque de fourgon. Quelques deux ans avant alors qu’ils étaient tous encore mineurs et en bonne santé la fille aurait allumé un des deux convoyeurs pouh dans le cou et aurait blessé l’autre à l’aine. J’avais lu ça dans le méridionnal. Or l’automatique emprunté à son corse de papa s’étant enrayé elle avait vu le survivant l’entre-papattes en sang mais très courageux se faire toute une joie de tout faire foirer en les mattant tous une bonne fois à coups de calibre. Même qu’elle s’était ramassée une balle dans l’épaule. - 188 - Mais ce bon père de famille même blessé son partenaire agonisant au sol à côté aurait gardé son bon sang froid en épargnant le trio le tenant en respect dans sa ligne de mire au risque lui-même de collapser en attendant les forces de l’ordre et les secours eu égard à leur jeune âge par pure pitié donc au lieu de les truicider comme il aurait dû. En très haut lieu on avait décidé de juger nos deux affaires lors de la même session d’automne aux Assises des Mineurs d’Aix-en-Provence puisque elles étaient censées avoir peu ou prou la même thématique. Je ne vis pas en quoi à part l’emploi intempestif de guns. Du coup fut déployé pour cette extradition un dispositif extrêmement honorifique pour de jeunes malfrats puisque en dehors de notre fourgon blindé était requise toute une bande de motards et autres voitures rapides banalisées faisant plus ou moins pin-pon à outrance. Ce qui fit qu’évidemment on se prit aussitôt pour les ennemis publics n°1-2-3-4-5 enfin réunis vu que tout ça pouvait aussi signifier qu’on pouvait comme des grands bénéficier de complicités extérieures. Cela nous permit surtout de réaliser combien parfois l’argent public est bien mal géré ; truc dont on se contrefoutut sur le moment puisque toute cette débauche de moyens était bien là dépensée pour nous honorer. Nous étions donc là tous les cinq + cinq flics dans notre fourgon blindé à nous enchaînés les uns aux autres par les mains et par les pieds. Un véritable collier de perles mais avec quand même au centre pas de doute une pierre bien plus précieuse que les autres. Or cette petite chose blonde assassine et émaciée se mit à arborer un authentique air de mépris. Incrusté à la fois sur la narine et la mâchoire qui n’arrêtaient pas de s’exprimer à intervalles réguliers. Avec de légers décalages. La narine d’abord. Toujours. Dilattée. Puis la mâchoire en l’air. En réponse. Crispée. Plusieurs fois de suite. - 189 - Tout ça sans cesser de toiser la vieille grappe de flics assise en face. Ce qui m’apparut sur le champ du plus haut sexy-hargneux quand je me mis à l’observer de profil. Subrepticement d’abord puis de plus en plus fréquemment. C’était ma toute proche voisine. C’est là que je commençai à lui faire de la cuisse peu à peu sur notre banc. Moi-aussi à intervalles réguliers. Mais là soi-disant émetteur de signaux pour en découdre avec la grappe d’en face. Et non pas piètre érotomaniaque. Mes injonctions rythmées reçurent même quelques réponses synchro ou désynchro selon. Comme quoi elle-aussi devait être en pur manque. Alors à la fin notre tempo s’adoucit et nous nous retrouvâmes tous les deux proprement collés de la basket à la clavicule en passant par la cuisse et les fesses. Mon coude frôlant parfois un téton dur comme un caillou. Sans jamais se regarder en face. Animés tous les deux de ce mouvement invisible moite et ondoyant. Ne pouvant faire guère mieux à cause de nos égards pour nos voisins et complices qui visiblement n’auraient pas toléré que notre duo tire une bonne fois sur la chaîne commune en voulant se toucher pour de vrai. Ce qui aurait impliqué à nouveau ce tas de losers dans une forme de beat qui n’aurait pas été pas le leur. Ce tas de jaloux. Concentrés uniquement eux sur leurs Nike et le destin qui va avec. Et c’est ce moment précis-là où les choses devenaient très sérieuses entre la petite tueuse et moi c’est ce moment précis-là que choisit notre fourgon pour arriver à destination. Alors quand la porte s’ouvrit en grinçant je me levai d’un coup et plantai des yeux très méchant dans ceux du flic d’en face en interprétant très bien mais muettement : « Attention là t’es prêt ? Parce que moi là je vais sauter et m’arracher » Même si j’étais entravé de la tête aux pieds. - 190 - Si bien que l’agent se crispa encore un peu plus sur sa mitraillette qu’il dirigea mollement vers mon pantalon ce qui me fit débander aussi sec. Après ? Tout se déchaîna trop vite. Et vu que notre retour à Fix et moi était prévu par un autre convoi je ne sais plus pourquoi je devinai qu’on était en train de me séparer à jamais de ma fiancée. Nos regards profitèrent de cette ultime seconde pour enfin se croiser. Je ne reverrai plus jamais ça. Je t’aime. Je te tue. Dégage. Ça vaut mieux pour toi. Juste avec les yeux. Je lui fis le même coup en miroir. Comme si on allait se faire exécuter chacun dans son coin et qu’il ne fallait surtout pas faire de chichi avec ça. Mais je ne pus m’empêcher d’ajouter un lamentable :« Vu le paquet que tu vas te ramasser connasse chais pas moi je crois que je me buterais. » Ce que je trouvai très rock-and-roll sur le moment. À tour de rôle moitié tirés moitié poussés ce 2 octobre-là dans les sombres couloirs du grand palais cloqués nous eûmes individuellement tous ce privilège d’être présenté au grand gros président de la cour des assiettes d’Aix-en-Provence on dira toujours ainsi une fois jugé pour Assises idiolecte intraspécifique j’en suis désolé. Cet homme se révéla un être plutôt courtois et élégant puisqu’il tint bizarrement à ce que l’on apparaisse devant lui démenottés autrement dit presqu’aixois libres et citoyens. Et sans la plus petite présence policière autour. On va dire dans la pièce. Comme s’il fallait cesser d’exagérer. On nous laissa donc seuls à un moment. Juste lui et moi. Hummm c’était tentant. Dans son beau bureau marron à lui – tentant de quoi ? – plein de compas d’équerres de baromètres et de rapporteurs en bois. Et là j’avoue je ne compris pas trop ce qui se trama puisque ce juge grand et gros barbu venait juste gentiment de me parler comme ça : - 191 - « Ma mère elle-aussi quand elle a décédé a été dévorée par son chien » Tout en me faisant signer tout un tas de trucs là là et là que je ne daignai pas lire ça me fit bizarre même qu’ « à ce propos » ce juge ajouta-t’il après « Je viens de croiser votre avocat, Miki, maître Lombard » Miki ? Lombard mon ponte ou bâtonnier de Marseille fort onéreux et même qu’on eût dit à ce moment-là que ce gros nounours de juge voulait me rassurer en me laissant sousentendre que tout risquait de très très bien se dérouler pour moi au procés. Etant donné mon dossier. C’est à l’instant où l’on se quittait la scène n’avait pas duré une minute que ce magistrat placide me fit ce clin d’œil rapide. Je crus l’entendre répéter : « Ma mère aussi quand elle est morte a été découverte dévorée par son chien » Comme s’il y avait eu palabres au sommet. Puis pleins de petits arrangements zarbis entre hautes instances. Non mais quelle est cette sorte de monde roumoumou dans lequel je vis ? Plein de bonnes étoiles gluantes qui ne cesseront donc jamais de me harceler telles un troupeau de fans en chaleur ? C’est ce qui me traversa l’esprit car venait juste de se remanifester c’était clair ce truc fondateur farceur et ironique surpuissant prêt à interférer quoiqu’il advienne en ma faveur. Par delà les lois par delà tout. Sans même me consulter. - 192 - Jeudi 11 octobre 1995 Comment relater de façon objective le procés lapidaire qui fut le vôtre une semaine plus tard ? Comment sans tomber dans l’argutie évoquer les plans dans les plans des uns et des autres ? Comment dire : Miki tu t’es confectionné cette tête d’innocent — tu as voulu y croire — tout le monde y a cru. Comment affirmer : Fix a un peu cafouillé dans son interprétation ; il aurait dû lire Stanislavski. Comment indiquer que c’est le matin-même de ton procés en te concentrant à mort aux toilettes que tu as eu cette illumination : Surtout ne pas demander pardon. Le dire à la fin de ce procés. S’offrir ce luxe : « Je ne demande pas pardon. » Laisser monter l’émotion. Laisser se dresser toute cette forêt de points d’interrogation tous ces sourcils en forme de sapins puis laisser mollement retomber : « Car j’estime être impardonnable. Impardonnable d’avoir laissé faire un acte aussi odieux et surtout de ne pas avoir su porter secours à notre pauvre victime innocente tout juste blessée ni de m’être livrer plus tôt à la justice des hommes ». Et jouir de cette forêt de sapins abattus. Et applatis. Et débités. De ce souffle suspendu et du soupir fédérateur qui lui a répondu. Ça doit être ça le théâtre Miki. Tu l’as vécu tu l’as écrit : « Tous ces inconnus sont là pour moi grâce à moi aujourd’hui tous enfin réunis pour cette cérémonie. » Tu as écrit juste après : « Je contrôle l’émotion, je contrôle tout. » Comment rapporter ce malentendu notoire quand à la barre s’affaissa Olga — au moment précis où comme par hasard index tendu tu la fixais en te grattant la jugulaire — alors que citée comme témoin elle devait juste expliciter quel genre sous ta croûte d’innocence de vrai salaud tu - 193 - pouvais être en vrai ? Voyant ton geste taquin elle avait préféré se rétracter en collapsant. Belle mutique pensant que tu la foudroyais à distance. Comment rapporter ce malentendu notoire quand — au moment particulièrement pénible où le pauvre papa épleuré de votre victime évoquait la mémoire de sa fille un être si doux et timide si cultivé honnête et pacifiste — quand à ce moment précis-là un peu largué tu choisis de chuchoter à Fix ce il neige ! en lui désignant du menton l’air apitoyé le tas de saletés pelliculaires répandu sur les épaules de Lombard. Devant vous. Blanc-grisaille saupoudré sur robe noire. Tu as écrit : C’est cette secousse chez mon ami cet éclat de rire comprimé et à partir de ce moment précis-là où nous aurions dû logiquement pleurer et à cette distance ces quelques mètres + ses larmes obliques de rieur lâche ses épaules vibrantes etc qui ont pu être ainsi interprétables par l’audience le jury et le reste du monde comme l’expression finalisée de son unique remords. Spectaculaire. Et enfin rendu public. Tu seras épargné. Car qui dit remords dit culpabilité. Grâce à son flot lacrimal. Oui mais spécieux et fallacieux. Après un délibéré d’une heure à peine et parce que tu avais bien décroché de ce monde tu entendis comme venu d’ailleurs « Cinq ans dont deux de sursis » pour toi Miki — le pendule de Loiseau avait raison — « Dix » pour Fix. Avec les grâces et la conditionnelle tu avais un pied dehors. Demain. Ton meilleur ami innocent un orteil. Après-demain. À la fin de cette parodie tu pris le micro et comme venue d’ailleurs encore tu entendis ta voix voler : « Merci. Vous n’aurez point à le regretter. » - 194 - Tandis que Fix s’indignait en circuit fermé vociférant qu’il était innocent et qu’il allait faire appel. Impavide tu le vis se faire escorter manu-militari par deux grands gaillards bleus avec une extrême fermeté tandis que tu quittais la scène ample et majestueux sous les crachats de la partie civile mais avec tous les égards policiers. Quant à ta petite tueuse trois jours avant elle s’était pris dix-huit ans dans les dents. Mais elle s’était fait aussitôt son verdict connu tout un plaisir de tout abréger en avalant toute une grosse motte d’épingles coupées en deux. Tu ne pourras plus jamais la refrôler. Tu reprononceras son nom. Parfois. Valérie. Encore une. La nuit. Les Baumettes le 12 octobre 1995 Irène j’ai quitté ces murs doublement murs d’Avignon pour ceux non moins épais des Baumettes et par là même ai troqué mes pigeons gris contre des mouettes blanches. Rien ne change. Les charognards se nourrissent aussi de nos scories. Je suis un peu paranoïaque. Votre lecture de Jean Genet l’autre fois je l’ai prise pour moi. Cela remonte à trois semaines maintenant. Il s’en est passées des choses en trois semaines. Maintenant je paie dans la joie. Je ne pense pas que vous lisiez particulièrement ce genre de presse qui aime à relater toutes ces exactions des petites gens toujours est-il que je n’aurai à apprendre à compter que jusqu’à trois. Trois ans ferme c’est ce que je mérite. Mais cela vous intéresse-t’il ? Je ne sais pas. Ici j’ai un gros souci. Je ne vous entends presque plus. - 195 - Trop de parasites. J’en suis malade. C’est le métal. Vous comprenez moi dedans je ne jure que par vous. Or il y a toujours cette notion de dette à payer. Un jour peut-être aurai-je à vous baiser si vous êtes ok. Miki Samedi 10 novembre 1995 Je n’avais toujours pas obtenu de réponse. J’imaginais Irène vu sa voix comme une très belle ukrainienne très triste très brune et à oeil très clair. Quand je pourrais la croiser à ma sortie pour la remercier d’avoir existé j’espérais qu’elle serait effectivement belle pâle triste et brune aux yeux bleus. Sinon je ne pourrais jamais me l’envoyer. Mon voisin du dessous Habib était mon pharmacien et durant mes tous derniers mois aux Baumettes il m’aidait à tenir le choc puisqu’on faisait un peu de troc tous les deux bière contre shit par le yoyo. Le yoyo ? Un sac en plastique au bout d’un drap tressé totalement prohibé car on aime bien se pendre avec mais qui sert avant tout à troquer à peu près tout et n’importe quoi par la fenêtre d’une cellule à une autre car aux Baumettes contrairement à Sainte-Anne il n’y avait pas de grillage en plus des barreaux.. Or ce samedi soir-là Sieggy et moi avions très envie d’en fumer un pour mieux apprécier le porno de minuit sur Cunul+ crypté on disait comme ça tellement on n’y voyait goutte. Je tapai donc trois coups au sol avec le balai c’était notre signal puis je me mis à la fenêtre et criai de la voix la plus sudiste virile blasée et fatiguée possible : « Wo Habibo ? —… — Wo Habibo ? Wo Cousin ? — Houwi ? - 196 - — Wo en-bas ? C’est Miki. — Wo en-haut ? Wo c’est toi Miki ? — Houwi ! C’est Miki ! T’ian a ? — Houwi y’en a. — Jo t’envoie le yeuyeu. — Wenvoie le yeuyeu fils. — Tu l’as ? — Houwi ! » Je ne l’avais jamais vu Habib vu qu’il appartenait au quartier reubeu des dealers du dessous (moi aux criminels blancs du dessus) et j’imaginais avoir affaire au pire caïd des Baumettes étant donné bien sûr la pire sourde voix de basse détraquée du Habib. Moi-même je m’étais d’ailleurs très vite mis au diapason. Résultat : Bonne fumette. Bonne branlette. Les Baumettes 23/11/95 Zaza J’ai peur. Peur de ne plus jamais rebondir. Je suis complètement abruti par le bruit. Pas celui qui fait suite à tes silences portatifs non mais le bruit de la folie. Le vrai. La vraie. Tu n’y es pour rien. Je t’avais écrit « Je veux pouvoir accepter tous tes silences » C’est vrai ne l’oublie pas. C’est vrai. Et c’est faux. Ménage-moi maintenant avec tous tes mariages tonitruants. Il est terrible pour un hibou d’avoir à se mettre à ululer le jour. Je vais me recroqueviller. Le vase clos. Ça ça me plaît. - 197 - J’ai pour cela un muscle dans l’oreille interne que j’arrive à mouvoir volontairement. Pour m’abstraire du monde comme on dit. Je me concentre par à-coup et mes oreilles se bouchent c’est vrai j’entends alors des pas dans ma tête comme sur des gravillons ou des parasites radio c’est selon. Le bruit du sang dans sa tête. Un petit muscle qui cogne percute et broie le cérumen. Tu es la première à qui j’en parle. Bientôt mon meilleur ami m’échappera tu sais l’assassin involontaire. Pour lui au moins c’est clair il a foutu sa vie en l’air. Alors dehors il va falloir que je me fasse de nouveaux amis. Ici le bruit est assourdissant et je ne peux plus exercer mon pouvoir sur les hommes - les vrais - sur leurs mâchoires leurs machines leurs hauts-parleurs leurs sonneries leurs chariots leurs télés leurs radios. Sur le vacarme des mouettes non plus ordurières et blanches. En même temps je sais que tout ça va me manquer plus tard. Mais maintenant ici le moindre cliquetis d’ongle la moindre chiquenaude nerveuse d’un voisin germain sur le métal du lit superposé me plonge dans cet état : La haine de tout ce qui peut prétendre être défini par 46 chromosomes. Bipèdes à quatre pattes. Je t’écris Zaza avec ce bruit-là qui parasite tout. Ce bruit dont pâtit ce beau « nous » scripturaire. Ce bruit qui se superpose si mal avec celui plus intime de tout se qui se noue et se dénoue et craque sans fin dans ma cocotte-minute. Un vrai bordel. Je ne me laisse pas aller curieusement puisque j’écris tu l’as écrit. Je serre les dents juste et elles explosent une à une. Alors je salue chez moi ce calme apparent qui pourrait bien se révéler la chose la plus inquiétante si on y réfléchit. - 198 - À la recherche d’une certaine douceur ? J’aimerais pouvoir verser ne serait-ce qu’une larme mais je suis sec. Et moi qui pensais en entrant dans l’ombre pouvoir enfin prier devenir fou et me réconcilier avec moi-même. J’ai tout raté je suis récupérable. Enfin je ris bien des fois je me raccroche à des mouches dans la vision périphériques. Je ris bien bien sûr puisqu’il n’y a pas de quoi. Heureusement là miracle repasse György Ligeti « San-Francisco Polyphony » par l’orchestre de la radio suédoise. Direction E. Howarth. À fond ! France Musique ! Je les encule. Mais je sens que pas loin dans une chambrette attenante une merde vivante va se venger avec NRJ. J’ai beaucoup de mérite tu sais. Mais d’une façon ou d’une autre tout ça se paiera très cher. Stop makin’ sense ! Il y a une grande probabilité pour que j’aie comme on dit une permission de Noël du 24 au 26 décembre histoire de passer les fêtes en famille tellement je me suis bien tenu et retenu. Quant à ma liberté conditionnelle elle semble fortement compromise (examen définitif de mon dossier le 17 décembre) étant donnée « la gravité des faits » et la maigre assurance de me voir réinséré en ne proposant pour tout certificat de travail qu’un boulot d’aide-soignant à l’hopital psychiatrique de Monfavet tu sais celui sordidement connu pour son Christ et sa pauvre Camille Claudel. Car je doute fort que ma mère n’ait le courage de me présenter ainsi à ses collègues : « Cher ami je vous présente mon fils il n’a pas de diplôme mais il sort des Baumettes trouvez-lui donc une petite place d’apprenti aide-soignant au pavillon des - 199 - psychotiques il est très sérieux malgré les apparences je vous revaudrai ça. » Tu sais en quoi cela consisterait ? À nouveau dans la fange la ptomaïne well c’est ma copine n’est-ce pas ? J’en suis tout imprégné depuis quelques années. En tout cas si j’étais vraiment libérable je serais assigné à résidence et genre bloqué sur place puisqu’obligé d’aller pointer au moins une fois par semaine chez ma juge d’application des peines (on dit JAP) et chez un expertpsychiatre oui mais de mon choix pour une sorte de suivi comme on dit. Zaza je te bouffe la teuch. Miki PS : Ci-joint mon nouveau numéro 04 90 76 56 66 vu que mes parents sont maintenant sur liste rouge vu le nombre de farces téléphoniques qu’ils ont eu à subir grâce à moi ces derniers temps. Tout ça bien sûr pour que tu me souhaites un Joyeux Noël Zaza j’y tiens quelque peu. Tu verras au téléphone j’aurai chopé l’accent et je serai fort ému. Dimanche 24 décembre 1995 Quelle ne fut pas ma surprise le divin jour de ma libération quand au greffe après des sas des sas des sas j’entendis une sorte de Jamel Debouzze fluet et endimanché répondre à un autre reubeu travailleur qui venait de l’apostropher comme ça : « Wo Habibo con d’tes morts ? J’y crois même pas pour Noël t’ies libérab toi ? - 200 - Auquel Habib dut répondre du tac au tac : « Houwi. Fini pour moi la gamelle enculé-ha. Et tou-ha joyeux Noël-hè et reste encore un peu sucer tes morts raah. ’Tain de balance que t’ies. » J’avais reconnu la voix cassée de constipé de mon nain de voisin mais je pensai qu’Habib lui-même démythifierait trop en me voyant pour la première fois et je n’allai point le saluer d’autant plus qu’il y avait foule entre nous puisque pas mal de fins-de-peines bénéficiaient pour bonne conduite de leur permission de Noël. Mais l’heure était grave et pour évacuer mon angoisse d’avoir à affronter ce jour-ci l’autre monde je me forçai à me concentrer avec mon beau faux sourire de con incrusté sur les lèvres uniquement sur toutes ces perspectives en forme de culs radieux à l’infini qui s’offraient à moi-même et mon paquetage dorénavant. Paquetage contenant ma belle grosse pile de feuillets dissimulés roman interdit s’il en était tout déguisé en courrier reçu c.à.d je priai pour inidentifiable en tant que tel lors de cette ultime foufouille. Ces gardiens-là corses pieds-noirs ou marseillais fort pressés ne se révélèrent pas très lecteurs de pattes de mouche grave erreur si vous voyez ce que je veux dire puisque s’ils avaient intercepté mon trésor et découvert ma vérité je n’aurais pas mis si aisément dehors ma bite coupable ce jour-ci. Quand vers 11h40 le grand portail des Baumettes grinça abominablement ce dimanche 24 décembre personne ne se précipita pour sortir. Je fis même tout pour être le dernier à enfreindre l’espace car malgré ma liberté conditionnelle véritable — et non pas une piètre permission de Noël — dûment acquise auprès de ma chère J.A.P fraîchement conquise innocent les mains pleines quelque chose en moi ne s’y sentait pas autorisé. - 201 - Nauséeux il faut bien l’avouer au bout de 656 jours de trou tout m’apparut trop loin ou trop grand. Un des deux. Encore un sale truc optique sans doute. Et j’éprouvai ce vertige à l’horizontale en me demandant où étaient mes parents. Je compris en cherchant leurs regards dans la foule des familles indigentes et frigorifiées mais heureuses que je me serais bien coltiné dix jours de plus premièrement pour que ça fasse un joli petit chiffre rond au hasard 666 puisque j’avais toujours espéré être maudit à jamais. Mais c’était comme si d’une chiquenaude le doigt du Barbu en avait décidé tout autrement puisqu’il m’autorisait à sortir dix jours avant à Noël tel son fils fraîchement ressuscité. Je découvris deuxièmement que j’aurais bien aimé me payer dix jours de plus ou plus encore puisque le ciel les barres d’immeubles les éléments et le reste semblaient vraiment vouloir m’aspirer ce matin-là. Ce qui était loin d’être si agréable. Se faire avaler comme ça par Marseille suceuse bouche de vieille. Chose qu’on a du mal à imaginer si on ne le vit pas. C’est donc ce que je dis en plaisantant après les avoir embrassés à mes très chers parents venus gentiment me chercher : « Je me serais bien tapé dix jours de plus ». Premières paroles d’homme libre. Et là les bras encore ouverts ils ne comprirent pas trop pourquoi. Les bras leur en tombèrent. Sur le trajet dans le beige cabriolet de mon père interdit de fumer dans la voiture mais je pus m’ébaudir de la vitesse du paysage hivernal si net si vaste si beau si clair si éblouissant si merveilleux si plein de givre. Si mes couilles. J’avais envie de vomir et de pisser aussi tout mon soûl depuis que j’avais vu la mer sur la corniche. - 202 - Arrivé à Oppède vers treize heure je pus constater qu’avaient poussé pleins de nouveaux petits lotissements moches et puis plein de nouveaux ronds-points aussi qui donnaient connement sur d’autres ronds-points en travaux donnant souvent sur rien. Je n’aimais pas la pointe que j’avais sur le plexus quand le grand portail du Paradéou s’ouvrit automatiquement. Jardin à l’anglaise mas provençal pierres apparentes un seul étage tuiles romaines. Mistral. Ciel bleu foncé. Pas de piscine pas de glycine mais pelouse brunie par le froid et mal tondue sous les arbres centenaires. Un ruisseau faisant glouglou. Léon et Léonne vieux couple de paons jouant les T-rex au loin en se bastonnant au soleil. Une beauté obcène relativisée par pleins de petites sculptures de jardin à moi qui faisaient un peu peur la nuit en s’aimant comme ça de façon saugrenue sous la lune. Toujours immatriculée 666 TU 92 la vieille Volvo de feu mon grand-père dans un coin. Pièce à conviction recouverte de feuilles mortes de poussière et de givre. Et de scellés stupides. À tout ça il y avait une logique qui ne m’échapperait jamais plus. Après un bon vrai repas simple — pour mieux apprécier le festin du soir à coup sûr richissime en acides gras polyinsaturés — repas simple et équilibré donc avec plein de crudités de l’huile d’olive du rôti de bœuf froid piqué d’ail et après cet authentique arabica fuck the Ricoré — je pus enfin monter prendre un bon bain chaud et moussant dans lequel je me branlai voluptueusement. Jet de bulles chaudes sur gonades valsantes follement remuées qui put m’évoquer sous un autre angle ce Hè pète-moi sur les couilles yah ritournelle ancestrale des gitans des Baumettes maintes fois ouïe à tout propos et qui quand elle s’adressait à un pair signifiait bien pire que je t’encule puisque sous entendu là ton cul est vacant et que je suis en train de te - 203 - baiser par devant comme on baise une femme chose que tu es. Tout en fumant un cigare offert par mon père repu la télécommande mouillée du Sony à la main j’enclenchai en boucle à donf dans mon jacuzzi de vieilles vieilles vieilles chaussettes de CD. Useless. Kill The Thrill. Lofofora. Double Nelson. Happy Anger. Miskeen. Et autres saloperies frenchcore que je n’avais plus écoutées depuis fort longtemps. Tandis que la maison tremblait sous les décibels tout me sembla à nouveau si familier que tout sembla aller beaucoup mieux. Purifié je remis mes vieux habits des champs. Après avoir salué tout l’après midi cigare sur cigare en leur caressant l’écorce de bas en haut chacun de mes arbres centenaires et après avoir arpenté mille fois mes deux hectares de terre dans un va-et-vient indécent me rappelant étrangement mes longues promenade de zonzon oui mais en plus vert et long je me demandai si je n’avais pas rêvé tout ça. Puis. Si je n’étais pas en train de rêver ce nouveau tout ça-là. En cherchant nez au sol Marasmus Oreadus mon marasme des prés ou d’Oréade. Mousseron d’automne qui en amas aligné ressemblait si étrangement à des constellations de tétons découpés disséminés par un ogre petit poucet. Hybride tout paumé qu’il eût été pour retrouver le chemin de son destin à lui. Or je ne trouvai pas de champignons. Pas de chemin. Pas de destin. Juste des feuilles mortes momifiées par le froid. Mais je rectifiai le tir en décidant que tout ça était de la pure réalité et que j’étais libre enfin et que si je le voulais je pouvais faire des ronds de sorcières moi-aussi n’osant toujours pas m’échapper du jardin tournoyant ainsi jusqu’au soir où le trio père mère fils devant son feu de cheminée décida de fêter Noël gaiement comme toute famille normale enfin réunie. - 204 - Totalement déchiré et émouvant avec pour fond le premier concerto pour violon et orchestre de Sergeï Prokofiev un truc si beau à en pleurer je n’arrêtai plus au dessert avec mes ah ça va mieux ça va mieux là. Nous en eûmes tous la larmette à l’œil en nous tenant très fort les mains à trois. Après ? Mes parents me bordèrent dans des draps parfumés. J’étais l’unique fruit de leurs entrailles. Tout irait beaucoup mieux pour moi pour le monde entier. Chaque jours je serais un peu plus en forme ma belle allure me reviendrait mon moral remonterait et ainsi au total je vivrais une époque heureuse. D’autant plus que j’aurais bientôt à honorer ma Zaza ma correspondante préférée dont j’attendais l’appel imminent. Zaza ? Vidéaste complaisante et vicieuse tantôt étudiante aux Beaux Arts tantôt à la Fémis ou ailleurs ou parfois simple intermittente à droite ou à gauche. Adorable et excitante Zaza. Cette Sharon Stone qui m’avait permis de tenir le choc tant elle m’avait submergé de l’infini de ses délires vaginaux mais parfois aussi cérébraux mais qui avait ceci étant un peu abusé avec toutes ses perspectives de mariage. Totalement lâchée dans son courrier Zaza comme Hélène et les autres étant donné bien sûr la distance et surtout purement émoustillée par la perspective de se refarcir un jour à sa libération un sagouin dans mon genre véritable correspondant de l’autre côté du miroir que j’avais pu devenir pour elle pendant ces 22 moislà. Le temps était venu pour elle de s’acquitter de sa dette. Curieusement elle omit à Noël de me rappeler comme il était prévu. Copier. Coller. Cinq-six ans plus tard : - 205 - Lundi 04 février 2001. Là : J’étais toujours vivant puisqu’estomaqué car je venais de découvrir dans ma boite aux lettres certainement griffonné à la va-vite la veille dans mes escaliers ce drôle de mot : Miki Tu m’as vraiment pourri la vie. Si j’en suis là c’est à cause de toi. Je pensais que tu allais me demander pardon. Il n’en a jamais été question. Ne m’appelle plus. Stop donc connard une bonne fois dégage de ma vie. FX car grâce à sa tante Frederika qui avait pignon sur rue j’avais pu reprendre contact avec François Xavier Tulart quelques jours avant. Or c’est vrai que la veille dimanche 03 février 2001 ç’avait été un être excessivement roux froncé mais raisonnable et très élégant qui était apparu sur mon palier. Une éternité venait de se dérouler et on avait bien mûri chacun de son côté. Tels des frères nous nous étions embrassés. Fix m’avait fait le très grand honneur ce soir-là d’être accompagné de sa dulcinée ou épouse Elke ou Heike une longue et fausse brunette avec un super accent à couper au couteau. Couple que j’avais invité à entrer dans mon modeste chez-moi. Heure des bilans accompagnée d’une grosse quantité de blancs. Fix après ses longues années au frais — il avait été condamné à dix ans mais n’en avait effectué que six grâce à sa conditionnelle — venait juste à sa sortie de virer lui aussi poète vidéaste et performer. C’est dire tout le recul qu’il avait toujours su avoir. Comment avait-t’il pu se remettre si vite dans le bain ? Question. - 206 - À des fins artistiques vers 97-98 me prouva t’il en me dégainant son book il aurait monté tout un énorme dossier pour demander la nationalité togolaise afin de proposer sa cadidature aux jeux olympiques de Nagano. Le Togo n’ayant pas vraiment de représentants pour les épreuves de slalom géant. C’est dire l’imagination qu’il avait toujours su avoir. Mais ceci lui aurait été refusé pour la simple raison qu’à cette époque encore il était tout simplement en zonzon. Ce qui ne l’avait pas empêché d’exposer dès sa libération vers mars 2000 toutes les étapes du dossier. Photos courriers aux ambassades réponses administratives doléances et autres galerie Lavigne Bastille tout ça agrandi en Cyba sur alu ce qui s’était révélé encore très osé. Un mois plus tard il faisait breveter son Rubber Penix-Fix® un préservatif arôme et saveur pénis qui aurait aussitôt fait fureur rue Sainte Croix de la Bretonnerie dans le gay Marais. Preuve qu’on a toujours su correctement brainstormer en zonzon. Lieu de débauche pas aussi terrible que ce que les media en disent. Il aurait en effet avec Jean-Pierre Rembrand autre chercheur-trouvailleur fraîchement ressuscité puisqu’ils s’étaient associés avril 2000 su faire établir à Grasse une spectrographie de masse du parfum en question pour synthétiser un drôle de fumet assez ressemblant j’avoue à base d’un savant mélange d’essences de crevette de thon de crabe ou de maquereau. Je ne sais plus. Ce qui aurait permis à mes deux ex-meilleurs amis d’aussitôt envisager de faire fortune. Ce qu’ils firent à leur échelle. Été 2000 avec l’argent des préservatifs Fix+Jip auraient produit un long métrage vidéo. C’est d’ailleurs ce qu’on décida de se projeter ce soir des retrouvailles en apéritif. Une drôle de fixette avec un sosie de Sophie Marceau. Mais ce film à caractère masturbatoire s’avéra vite trop expérimental pour moi puisque tourné en S-VHS - 207 - et pire dans l’esprit que toutes ces déjections tournées en DV c’est dire produites par Dogma 95 et ce petit malin de Lars Von Trier. Montage curieux de scope à scope pour faire plus trash ringard amateur. Une grosses quantité de drops en altéraient l’image et dans le cadre le fil du microcravate avait été laissé visible par exemple scotché hyperauricularisant le zouip-zouip-zouip de la Sophie entièrement encaoutchoutée. Énième hommage au bondage latex féticho agrémenté d’une sacrée pub pour son Rubber Penix-Fix® lucratif. Ainsi que pour le sous-sol du BHV. Quoiqu’assez émoustillant à de rares moments. Là : Imaginer Sophie Marceau suçant un marteau des manches de tournevis chromés encapotés etc l’air absorbé tout en se chauffant le haut du clito à travers trois quatre culottes en plastique superposées. Ceci grâce à l’aide d’une ponceuse circulaire Black & Decker tournant à vitesse grand V. Vinyl virant à l’opaque blanc puis au jaune cloqué en se déchiquetant couches par couches créant ainsi ces roses aux pétales décoiffés de plastoque échaudé. À la fin du générique Low-Tech assumé étant persuadé que ce qu’il aurait toujours revendiqué lui Fix en toutes circonstances c’était fatalement d’être toujours le plus grand clown du monde alors fatalement j’avais cru bon de ricaner en le complimentant puisque là pour moi il y était enfin arrivé. Silence. Son épouse me sauva en ajoutant que dans les mois qui suivraient le DVD @lien-X-nation soustitre : A Rubber Discipline allaient être distribuée par des amis de Solingen Marqui’s Video The Fetish Factory Ltd avec qui elle était en accointance. Tout en préparant à manger je m’abstins de leur avouer que je doutais fort que l’on n’en entendît jamais parler. - 208 - Plus tard Elke ou Heike elle-même percée tatouée et encaoutchoutée de haut en bas n’arrêtait de bailler puis de me regarder méchamment depuis que j’avais évoqué un peu nostalgique à table nos souvenirs de sales petits pourris du sud. Au cours de cet unique diner à trois tout fut sans doute trop cuit ou pas assez le stress de la revoyure une pizza trop cuite une pizza trop crue et une salade trop salée baignant dans l’huile d’olive et tout dégénéra mollement mais sûrement. Ce fut en conclusion comme si j’avais poussé Fix à avouer ceci ou cela à la justice quand on était plus petit ce qui est faux et que ça lui aurait gâché la vie par la suite. Ma version à moi le descendant radicalement là. J’avoue. Ce qui reste très ambigu comme problématique et mérite reflexion mais n’est peut-être pas si faux. Comment savoir ? Comment savoir comment les choses se passent réellement ? Au dessert je restai pantois quand je compris au milieu des framboises congelées qu’hélas tout était fini avec mon meilleur ami puisqu’il se leva de table lui et notre lourd passé commun sans même me dire au revoir entrainé par la vindicative Elke ou Heike. Mardi 11 septembre 2001 Lyson était une adorable petite fille de douze ans plutôt platine et à poil court et œil bleu vif et visiblement très intelligente puisque c’était la fille de Jacques Aumont. Jacques Aumont fut jadis à Paris mon professeur d’anatomie générale. À moi Miki période carabine. Mais il était devenu aussi peu à peu un grand collectionneur à moi. - 209 - Or ce soir-là historique j’eus le très grand honneur d’être présenté à Lyson par sa mère Jacques n’ayant pu se déplacer ou étant resté coincé devant la télé lors d’un de mes vernissages chez ce bon vieux affairiste de Thaddaeus Ropac puisque j’exhibais chez lui quelques unes de mes White Females plastinées à bloc rue Debelleyme dans le troisième. Titre de mon exposition : Le rouïk-rouïk-rouïk des lambeaux devant les caméras. Car il y avait aussi de la vidéo. Une coïncidence encore. Très sérieux les quelques pédés sulfureux qui s’étaient déplacés m’ennuyant fortement je m’approchai de la petite fille. Elle caressait la résine d’une de mes momies pop. Très perspicace elle avait dû y déceler la présence d’un peu de Zaza un peu de Bosch un peu de Schwitters. « Madame vous ne seriez pas vous-même un peu aussi Jacques Aumont ? » Et Lyson petite fille sérieuse et froncée me répondit d’une voix robotique tout en se dandinant bizarrement : « Je n’suis pas Jacques Aumont. Je n’suis pas Jacques Aumont. » J’enclenchai cette chose : « Aha ? C’est ce que lui-même me narrait la dernière fois que je l’ai vu : je n’suis pas Jacques Aumont je n’suis pas Jacques Aumont je suis sa fille je suis sa fille. Alors je lui ai dit Jacques ? Vous déconnez ? » Et auprès de Lyson petite fille sur le qui-vive je ne pus m’empêcher de ré-enclencher : « Jacques tu déconnes encore. Je t’ai reconnu. » Elle avait le grand front intelligent de son père. À peine perturbée Lyson me décocha un soi-disant grand coup de pied dans le tibia en robotisant derechef : « Exac. Tement. Jacques. Aumont. Est ma. Fille. Jacques. Aumont. Est ma. Fille. Exac. Tement. » - 210 - Je restai de marbre mais lui collai quand même aussi un faux grand coup de pied dans le tibia. Car sa mère était là à observer la saynète à distance. Air circonspect de mère se demandant à quoi sa fille joue encore. Le robot se fâcha : « Plus tard. On se. Ma. Riera. Plus tard. On se. Ma. Riera. Et. Je te. Cuisinerai. Nerai-nerai-nerai. » Assez vicieux et en me tapant à moitié. Devant mon inertie Lyson alla jusqu’à s’assouplir et s’agenouilla. Planquée par un amas humain elle en profita pour me planter raide à travers mon pantalon heureusement son index droit dans le cul. Christ de Dürer désignant le Très Haut ? Ou poupée mécanique toute boguée qu’elle serait subitement devenue ? Recta quoiqu’assez interloqué je me re-saisis : « Me cuisiner ? Ça ça m’étonnerait. » Mais j’ajoutai connement : « nerait-nerait-nerait. » en éloignant la menotte baladeuse et Lyson se releva un peu frustrée. Là ? Ce fut comme si New York venait d’exploser pour de vrai. Ou pire que je vienne radicalement de virer contre toute forme de terrorisme. De l’absurde rendu possible. Cette enfant venait de me prendre à mon propre jeu et m’émouvait très fort avec ses tonnes de clins d’oeil. Vers 23h00 totalement déchiré je me retrouvai téléporté chez Omar un resto à couscous pas si loin de chez Thaddaeus 47 rue de Bretagne auprès de mes très chers collectionneurs triés sur le volet. Du moins tous ceux qui s’étaient déplacés. Toutes les bourgeoises pleuraient gloussaient et péroraient à la fois. Et surtout ne pouvaient s’empêcher de plaindre tous ces pauvres pixels grillés se défenestrant à la chaine. Thaddaeus et les hommes eux plus pragmatiques refaisaient le monde comme s’il était à refaire et n’arrêtait pas de parler de guerres mondiales à venir et d’un marché de l’art qui n’était pas près de se redresser. - 211 - Pour détendre l’atmosphère — c’est vrai que je n’avais vendu ce soir-là qu’un truc stupide gai et léger — j’évoquai avec de grands gestes à table en renversant mon verre mon histoire d’enfance avec Fadhila et mon amour consécutif des adorables petits petons féminins aux orteils si joueurs sous leurs si jolis collants transparents. Notre nappe s’en retrouva toute tachée. Mais au dessert je me fis offrir au milieu de toutes ces cornes de gazelles un véritable bouquet de gambettes. Toutes les femmes de la tablée totalement éhontées devant leurs maris ébahis s’étaient déchaussées exprès pour moi. Toutes se rapprochaient l’air malin. Les bouteilles tombaient. Les maris reculaient. Un grand bouquet d’orteils ennylonnés remua sous mon nez de façon très rythmée et mortelle. Une douzaine de pieds. Ça sentait le cuir chaud. Lyson en rajoutait avec ses oui ! oui ! oui ! rauques d’enfant simulant si bien un orgasme feint. Bouquet que j’étreignis tendrement tout en chantonnant Allah ouakbar embrassai et respirai et mordillai aussi un peu des fois. Ce qui les fit toutes bien sûr hurler de rire d’abord. Puis sembla les gêner après. Car Allah grand catalyseur de la soirée décida ici-bas de tout coaguler. Là mollement. Barbu planté auprès de mon bouquet. Parmi les miettes de ce monde il se mit à hoqueter et figea tout en total déséquilibre à table prêt à tout reliquéfier vite vite vite oui mais quand ? - 212 - Jeudi 19 décembre 2002. Cette chaise abandonnée sur le trottoir toute seule boiteuse avec juste un petit peu de paille qui lui sortait du ventre me rassura quand je la croisai en ce dixième anniversaire de la mort de Valérie. Elle me rassurait puisque elle semblait provenir d’un lieu à mon image. Oui. Vers cinq heures du matin je me promenais avec ma Valérie en tête rue des Francs Bourgeois. Et je me disais que c’était bien qu’il existât dans ce quartier-là des lieux en friche comme ça niés mais ayant pu abriter durant une pauvre vie d’homme ce type de chaise-là. Si pitoyable. Une pensée émue s’imposa pour tous ces non-lieux-là. Ces caves ces greniers ces cagibis ces débarras. Dans Paris. Puis dans le reste du monde. J’aurais bien aimer les hanter. Tous. Un à un. Et y attirer toutes les jolies filles du cosmos comme je savais faire. Puis les saigner là toutes dans les gravats. La boue le suif le cambouis. Lentement. Là assises sur cette chaise-là. Particulière. Dénudées. Toutes. Ou seulement déchaussées et à genou dans la merde mais avec la joue délicatement posée sur le velour rouge de la chaise. Passé et maculé. Remaculer le velour à l’infini. De rouge rouge rouge. Et que finalement il apparaisse tout neuf et rutilant. Les entendre déplorer les jolies filles le front dans leur flaque : « Mais t’es supercon ou quoi ? Je croyais qu’on jouait t’es en train de me flinguer là » Leur répondre : « Eh oui c’est mon métier moi de buter les connes. » Mais je poursuivis mon chemin dans la nuit apaisé et revigoré et j’oubliai ma chaise et le dixième anniversaire de Valérie. C’était le jour des encombrants et tout le monde de toute façon avait déversé la veille son tas de détritus. Mémoire morte sur trottoir. Je refusai donc de me laisser - 213 - émouvoir pas tous les matelas trop nombreux même si je devinais à leur air leur pauvre vie de matelas. Oui au petit matin je rentrais chez moi enfin et tandis que je flottais avec mes pensées interdites je vis slalomer vers moi à travers les ordures une chose floue platinium très cambrée jean’s moulax pattes d’eph taille basse avec le string violet qui dépasse. Une Zaza à poil ras dégoutée qui malgré le froid piquant de la nuit déambulait nibes à l’air avec ce type de mèche canaille plaquée sur un côté. Ce qui donna à l’œil restant un truc distant assez triquant. Me retournant sur son cul au passage je me dis pourquoi pas ?. Mais en me retournant sur son cul avec mon pourquoi pas de passage crise cardiaque assortie d’une substantielle envie de gerber. Venu de mes tripes un grand non s’était imposé car j’en avais plus qu’assez d’être conditionné. Qu’est-ce que je vis là ? Un vieil appel de phare du passé. 666 DCD 75 n’avait pas trouvé mieux que de vouloir coïncider avec le cul de la blonde. Téléphonant à ses troupes ma Mort au volant me faisait un clin d’œil en passant. Cela me fit mal au ventre tant cette poisse me poursuivait. J’abandonnai tout projet sur la blonde. Voulant à tout prix rentrer à la maison me purifier. Oui mais autrement. J’avais bifurqué comme lors de mes toutes dernières rencontres avec 666 histoire de briser sa trajectoire et je redoublai d’attention. Hors de question de me laisser à nouveau aller. Être maudit ne m’intéressais plus. Je me méfiai de qui je croisais exactement sur ma route. Déplorant que ma propre fin fût déjà là tapie à chaque coin de rue. Qu’ici ou là et sous quelque forme morne ou biscornue qu’il s’amusât à revêtir l’Enfer le vrai m’attendait. Punition méritée s’il en était. Qui eût tout géométrisé. L’Ordre du Monde. Si j’étais simplement à nouveau arrêté par exemple. Et pouvais enfin exulter en - 214 - public au procés. Et enfin prendre le paquet. Cette fois-ci honnête crachant sur un mode retentissant ma haine pure et dure des vivants. Cessant là une bonne fois de gesticuler avec mes sarcasmes et enfin faire exploser ma réalité. Me retrouver ainsi tout compacté moinillon en QHS esseulé amaigri et écrivant sur du papier-cul hummm ses mémoires à l’infini. Oui. Mais la police les juges ces velléitaires les psychiatres ces instances travaillaient-elles sérieusement ne fût-ce qu’à redonner à l’Univers sa toute grande cohérence ? On ne l’aurait pas dit. Question. Ce dernier croisement avec 666 dilatta l’interrogation et concrêtement pour moi ce fut l’inverse. Je me délitais et me froissais. Ça ne pouvait que m’attirer du malheur cette tête-là flottante comme ça une minute ou deux tel un vieux sac en plastique troué au vent. État qui mit là un peu plus de temps à se résorber. Ample et majestueux je tentai de me recomposer. Nouvelle tête. Impassible dans ma déambulation. Je bifurquais de façon imprévisible. J’allais là où 666 ne m’attendrait pas. Les yeux mi-clos. Jaunes les boites aux lettres dansaient autour de moi. Regard fixe. Raide. Avec de la salive qui faisait des bulles à mes commissures j’ignorais leurs sourires. J’arpentais mon destin. Ma lippe se froissa. Dédaigneuse tout en avançant. Tirés par un fil deux sourcils durent se relever. À un carrefour je croisai quelqu’un faisant chier son chien. Heure tardive. Potron-minet n’était pas là. Une adolescente en jeans bicolore-basket. Cul blanc téméraire. Ça ne rata pas mon nez s’anima à nouveau pris de spasmes. Prêtes à tout mes lèvres se retroussaient. L’adolescente me toisa encore plus. Sa pupille se dilattait de la façon que je n’aimais pas. Le combat s’engagea. Perdait celui qui détournerait le regard le premier. Ou qui ne faisait que céder le passage. - 215 - Je triomphai comme à l’accoutumée. Cette fois-ci de façon saugrenue puisque je triomphai avant tout de moimême. Au bord de la collision j’avais changé de trottoir tel un mec normal un peu souffreuteux qui eût dû à tout prix la nuit aller inspecter la vitrine de pompes féminines d’en face. Épargnant l’adolescente. Je me plus à l’imaginer éjectée au passage comme merde sur merde dans son caniveau. Le chien ? Coup de paume radical sur truffe de Bas-Rouge. Au vol. Tu pensais me sauter à la gorge ? Ululements de fauve vaincu gisant sur pauvre maîtresse glapissante. Je poursuivis mon chemin apaisé et revigoré — rentrer le plus vite possible — je savais que je me rallongeais je voulais oublier la chaise le triste anniversaire de Valérie Zaza son sosie 666 l’adolescente Irène Olga la mort les chiens Paris la vitrine d’en face et toutes les bourgeoises de ce monde accroupi en escarpins. Tuer c’est épargner le reste. Ça ne voulait rien dire mais cette phrase résonnait. J’étais à nouveau seul dans le silence de mes pas. Je jonglais avec des excuses. J’étais la grande faucheuse épargnant le chiendent tuer c’est épargner le reste je ne décapitais que les paquerettes. Une bombe sélective. Je ne tuais que ce que j’aimais. Je rentrai à la maison. Dus aérer tant ça puait la résine. À deux doigts de vomir j’avais ouvert la fenêtre et au risque de perdre à nouveau la face je me calmai en envoyant un sms en série à douze femmes que je désirais un jour coincer. Mon amour était infini mais n’avait plus d’objet. J’attaquai le morceau. Attaquons. Attaquons. Le morceau ? White Female #O. Un truc dessiqué debout dans un placard grandeur nature friable. Une sculpture composite on va dire extraite de son écrin nue mais avec plein de petits oripeaux incrustés çà et là qui pendouillaient de façon conséquente. Rien n’était fini. Ma dernière série étant inspirée des momies de Palerme je ne savais plus ce que je représentais. - 216 - Des putes momifiée ? Là ? Debout ? En train de tapiner pour l’éternité ? Ou alors des momies anodines là compostées qu’un Honoré fragonard des temps audacieux aurait plastinées puis relevées pour les offrir ainsi en pâture à son large public ? Nombreux étaient ceux qui pensaient que c’était de l’art. Je savais que c’était autre chose. De face ma White Female avait l’air impropre à la consommation avec toutes ses inclusions ses trous ses clous ses manques et ses chairs en dentelle résine et cuir presque coupants — ceci évoquant le côté art — par contre de dos elle avait comme un air plutôt sympa avec son cul si avenant rebondi plus du tout coupant et même très confortable avec cet anus si mou rose et proéminant. Sorte bubble-gum mâché qui dépassait. Un trou en latex avec ce type de sphincter particulièrement clos et froissé façon volcan. Côté duel art devant à moitié déglingué façon années 80 et côté cul extrême derrière façon années 90. C’était ainsi que j’entendrais les choses dans mes années 00. Oublieux de tous les signes néfastes j’estimais les choses avec recul. Je ne savais pas comment j’allais l’appeler cette pièce-là. Valérie ? Irène ? Ou Olga ? Zaza était plus logique. Un nom de poupée gonflable. Oui. À un moment il fallut que je l’estampille en lui éjaculant dedans. Après ? Un peu démoralisé j’éclatai toutes les bullettes du vitrificateur recouvrant les parcelles de mon ex ses empâtements à elle et comme j’étais maladroit je dus entamer des choses que je n’aurais pas dû des choses bien conservées refaites ou anatomiquement justes. Et à ma Zaza je décrochai un mollet que j’oubliai dans un coin. Tel un bouton sous une commode sa rotule roula. Dans la nuit. Détruire. Jeter. À coup de maillet j’entrepris de réduire le reste en poudre. Je vivais chez elle. Parmi elle. Zazaland. Sa poussière ses cheveux sa squame - 217 - son suif tapissaient ma baignoire mes bronches ma langue mes dents. L’une d’elles du fond une sagesse en mâchonnant l’un de ses petits os salé se fendilla. Zaza voletait. La gensive en sang je l’aimais tout autant. Taille 37. Dans un coin oublié subsistait quelque chose de Zaza arborant quelque chose de Valérie que je pris en main. Une vieille Nike bicolore et toute mâchonnée avec planté dedans le mollet zazaïen déshydraté. J’allumai un feu avec ma desserte de bois rouge puis je montai me lover dans ma mezzanine hypnotisé par le pied chaussé fondant puis crépitant plus bas dans la cheminée. Je m’asphyxiais un peu. J’employais dans la nuit des mots comme palissandre soude polyuréthane pneu dioxine caramel kératine graillon ; et je ne sais pas pourquoi mes yeux brûlèrent et Fix apparut. Mon meilleur ami innocent qui pleurait lui-aussi. Quelque chose monta de la terre. C’était en germe depuis si longtemps. Ça se mit à sourdre. Un appel d’air. Puis la foudre nous frappa. Je n’entendis plus ni la guêpe ni le feu qui chantonnaient à mon oreille. Je me redandinais dans le pré. Minuscule mais entouré. La foule en liesse voulait rester à ma hauteur. Je lui souris puis cueillai une sorte de graminée qui s’embrasa elle aussi. Je caressais gentiment la joue de mon ami avec. On me jucha sur ses épaules. De plus en plus haut. Nous dansions à nouveau. - 218 - notes 1 : Le Monde du Jeudi 3 juin 1997 Titre : Au paradis tout va bien. Dans l’épaisseur du silence qu’impose cette galerie de portraits d’Antonin Artaud commise par le jeune plasticien Miki Ikillu, 23 ans, le spectateur s’immobilise étreint par la double sensation qui l’envahit : Saisissement devant la beauté, sidération face à l’horreur. En arrêt devant l’image, seule l’ambiguë fascination se meut avec brutalité en lui, scindé qu’il est par des sentiments de forces contraires que provoque le retablissement d’un monde originellement beau sur les ruines actuelles de l’être. Collection de têtes meurtrières tombées sous le couperet d’une guillotine ? Ou exposition de sculptures antiques que Miki Ikillu enfant irrespectueux se serait amusé à ébrécher et à travestir ? La réponse importe peu en dernière analyse car tous ces visages artaldiens s’ils sont à coup sûr d’outre-tombe, la bouche close définitivement scellée sur le terrible secret, ont été ranimés par la main de l’artiste. Le visage d’Artaud est inerte, ossifié et de marbre presque. Cependant comme derrière un - 219 - masque inhumain apparaît le regard énigmatique porté sur nous d’une lucidité à peine supportable. Le spectateur dévisagé est alors pris à son propre piège. C’est par et sous le regard si vrai de cet autre en miroir qu’il se sent déchiré. Soutenir la présence d’un de ces regards c’est, il le sait, se heurter à l’histoire mythique d’une souffrance dont il constate partout la marque. La vérité du regard est chez Miki Ikillu ce par quoi il force à reconnaître la réalité d’un monde violent à la limite de l’implosion, sorte de carcasse vide où se livre en soubassement un combat aux couleurs les plus sombres avec l’espoir de regagner sur le néant complet ce qui peut être sauvé du désastre premier. Peindre la misérable infirmité de l’être c’est savoir que même une infirmité palpite de vie. Si l’expression d’une pareille défiguration est difficilement acceptable, il est pratiquement impossible de la rejeter comme participant de l’étrangeté tant cette vision convoque la mémoire. Ces effigies suppliantes maintenues en suspens par la seule présence de leur cou fragile sur le fil ténu d’une histoire en perpétuel bouleversement sont le rappel incessant de notre propre imperfection gravée à même la peau dès la naissance : Du premier cri au dernier la vie comme une lente agonie. Ce qui apparait au début comme le combat désespéré d’un peintre pour restituer à sa vie la perte qu’elle occasionne devient rapidement l’origine de sa propre création. Cette dépossession, au lieu d’être subie comme le résultat intrinsèque à l’aboutissement pictural, vient se placer comme le sujet premier de la création : Maîtriser cette impossibilité de vivre par l’acte pictural. Il y a au départ le visage, le visage démultiplié d’Artaud, qui apparaît sous l’angle de la perfection, symétrie impeccable respect des proportions, solidité du marbre quand brusquement le portrait est dévoilé, déstratifié par Miki qui détruit sous nos yeux ce qui n’était en fait qu’un masque de plâtre, une ossification fallacieuse. La véritable texture de ces têtes en coupe nous est enfin révélée. Douleur de la chair mise à vif. Et de toute cette souffrance pas même l’aveu. La bouche peinte contractée, dédaigneuse est également là pour nous rappeller que l’art est supercherie et travestissement de la comédie humaine. Il faut assister à une séance de travail de Miki Ikillu dans son atelier pour se faire une simple idée de ce qu’un de ses tableaux réclame d’attention soutenue d’infinie patience et de talent. Le corps à l’horizontale presque couché sur la surface synthétique qu’il travaille sans trève, le peintre alterne les gestes les plus tendres aux mouvements les plus violents. La main gauche dépose délicatement un aplat tandis que la droite à l’aide d’un instrument tranchant le détruit en raclant la superposition des strates antérieures, révélant ainsi au spectateur l’élaboration de l’œuvre au moment même de sa création. Fracture du glacis, fixations des accidents, remords et repentirs apparents. Tout est prétexte pour enrichir le mode d’expression original de l’artiste. Si le spectateur prend part à la réalisation de l’œuvre, chaque détail conserve néanmoins sa mystérieuse signification, résout une énigme que seul le peintre connait. Hélène Sillex - 220 - 2 : L’ enregistrement de l’Éphédrinade « Non sans déconner c’est vrai les mecs merde tout dans la classe moyenne pue la mesure la taxe et les amours déçues. Non ? Ces petits cadavres s’énervent. Parce qu’ils se lèvent tôt et turbinent tard. Pas vrai ? Et jamais jamais merde hahaha au grand jamais les mecs il ne leur faudra leur ressembler les mecs. Non ? Sans déconner. En tant qu’employés merde ces connards adorent les voyages hahaha non ? Peuchère. La culture les arts le sport et la bonne bouffe haha haha. Mais ils se sont pas vraiment merde vivants les mecs. Pas vrai ? Hahaha. Ha. Non ? Et ne font que s’entretenir merde ou s’autogénérer les mecs genre mousse ou lichen hahaha. Merde. Pas vrai ? Les mecs ? Non ? Peuchère ! La classe moyenne est à deux ou trois générations de la pauvreté la plus crasse merde et a peur d’y retourner les mecs. Non ? La merde haha moyenne pue la peur du pauvre et la peur d’être pauvre merde les mecs. Pue la haine du pauvre et la haine du riche. Si ! La hahaha classe moyenne aimerait bien être riche. Peuchère. Ça c’est vrai si ! Mais merde elle ne sait même pas comment truander les mecs car si ! c’est vrai c’est l’apanage des riches et des pauvres hahaha. Merde. Si ! Sans déconner la classe moyenne n’est rien les mecs. La classe moyenne les mecs collabore. La classe moyenne résiste merde. Mais c’est pareil. Peuchère. La classe moyenne décède hohoho et tue le moins possible ouh non car ceci ne se fait haha pas. Mais cette ex-chair à canon-là sans déconner uhuhu merde s’emmerde les mecs déprime sans déconner et se drogue légalement peuchère s’émancipe se fait éhéhé enculer surfe les mecs crée ou croit créer faute de mieux merde. La merde moyenne putain crève en général dans son lit d’hopital. Sans déconner. Classe ? Non ? Si ! Hahaha. - 221 - Moyen. Plutôt. De son pauvre petit adénome ou les mecs putain merde lymphome hahaha ou sarcocome les mecs ou mélanononome hummm putain malin culier ou pulmonaire. Peuchère. Mais nous hahaha hein ? Nous ? Peuchère. C’est un tout tout tout autre destin qu’on va avoir hein ? Les mecs. Pas vrai ? Pas vrai pas vrai ? Hahaha. Haha. Ah. Classe ? Non ? Les mecs ? Peuchère. Non ? Ahhhhhh sans déconner ? Sans dèque ? Ouhhhhh. Non ? - 222 -