L`eau douce sur Terre : politiques de gestion de l`eau et

Transcription

L`eau douce sur Terre : politiques de gestion de l`eau et
L'eau douce sur Terre : politiques de
gestion de l'eau et aspects géopolitiques
Introduction
L'eau a de tout temps, et en toute culture été plus ou moins bien considéré par les
croyances et les religions : tantôt destructrice et source de calamités, tantôt
purificatrice et porteuse de vie. D'autres cultures ont, elles, conféré une certaine
symbolique à l'eau, c'est ainsi que certains fleuves ont été élevés au rang de
divinités comme le Gange ou le Jourdain.
On relève par ailleurs qu'au travers l'Histoire, certains grands hommes ont tenté de
protéger et de répartir équitablement cette ressource, tel Justinien qui disait que
l'eau appartenait à tous en vertu d'une loi naturelle.1
Nous assistons depuis déjà plusieurs années à une multiplication des problèmes
posés par l'eau, ressource indispensable à la vie humaine. Voici, ainsi
sommairement et sans en faire de liste exhaustive, les principaux problèmes posés
aujourd'hui par l'eau et qui seront développés plus en détail par la suite.
On pourra noter tout d'abord la rareté et l'inégale distribution de la ressource en eau
parmi les différentes régions qui composent notre planète, en effet seuls 0,75 % de
l'eau présente sur Terre nous est accessible sous forme liquide et non salée et cela
pour l'ensemble de nos besoins aussi bien alimentaires, industriels, qu'énergétiques
et agricoles. À eux seuls nos besoins agricoles représentent plus de 70 % des
prélèvements mondiaux d'eau douce, pourcentage ramené à 22 % pour l'industrie et
8 % pour les usages domestiques.2
Par ailleurs, 2000 à 5000 litres d'eau sont nécessaires pour produire la ration
alimentaire quotidienne d'une personne, et l'homme a besoin d'un minimum de 2
litres d'eau par jour pour vivre. L'enjeu démographique est donc posé. Si comme le
prévoient les démographes, prés de 10 milliards d'êtres humains peuplent notre
planète en 2050, ceci avec les mêmes ressources en eau dont nous disposons
aujourd'hui et les mutations induites par les changements climatiques, l'enjeu est et
sera de pouvoir nourrir l'ensemble de cette population, et donc de produire plus avec
moins d'eau tout en prenant soin de notre environnement.3
Un autre enjeu est également souvent mis en évidence par les organisations nongouvernementales, celui de la santé publique. En effet l'eau est aujourd'hui la
première cause de mortalité dans le monde avec 4 millions de morts par an selon
l'Organisation Mondiale de la Santé. En outre près d'un milliard de personnes dans
le monde n'ont pas accès à l’eau potable et près de 2 milliards de personnes dans le
monde n'ont pas accès à des structures d'assainissement convenables.4
Le dernier enjeu apparu plus récemment et qui est évoqué précédemment est celui
du changement climatique. Les changements qu'il va induire sur certaines régions
du globe vont sans doute provoquer des effets aussi bien locaux qu’internationaux.
Il apparaît donc que l'eau est non seulement un enjeu national pour les états, mais
également international au vu du caractère "universel" de la ressource. Ainsi, en
1
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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quoi la gestion de l'eau constitue-t-elle un élément déterminant des politiques
nationales et des relations internationales actuelles ou futures et quelles solutions
sont envisagées ou envisageables pour répondre à cet enjeu majeur du XXIe siècle
?
Nous tenterons ici de répondre à cette question en développant et approfondissant
les enjeux dépeints précédemment, ceux-ci formant la première partie de ce devoir.
Puis nous essaierons, dans une seconde partie, d'exposer les solutions existantes
ou envisagées pour faire face à ces enjeux. Cette démarche comportera beaucoup
d’exemples et d’études de cas pour répondre à une réalité qui n’est pas uniforme sur
l’ensemble de la planète en matière d’eau douce.
1.
Enjeux auxquels le monde doit et devra faire face dans le futur
A.
Etat des lieux d’une ressource vitale, mais inégalement repartie et menacée
par diverses pollutions
a)
Des inégalités Nord/Sud
Le principal usage qui est aujourd’hui fait de l’eau dans le monde est celui de
l’agriculture, ainsi près de 67% de l’eau prélevée dans le monde est destinée à
l’irrigation des cultures. Le second usage qui est fait de la ressource est lui destiné
aux usages domestiques et industriels, et ce à hauteur de 20%. 10% des
prélèvements mondiaux d’eau sont finalement destinés à la production énergétique
notamment hydroélectrique et nucléaire. On note néanmoins une sensible
divergence concernant ces chiffres entre les pays développés et le reste du monde
puisque 60% de l’eau est destinée à un usage industriel et énergétique dans les
pays riches tandis que ce pourcentage ne s’élève qu’à 10% dans le reste du
monde.5
Les différences entre les consommations en eau des pays et populations sont
également visibles et largement reprises par les médias lors des fréquentes
publications des comparaisons de consommations. Il apparait sans conteste qu’un
véritable fossé sépare les pays du Nord des pays du Sud. Ainsi, un américain
consomme 53 fois plus d’eau par an qu’un Malien et 3 fois plus qu’un français. 6
Cette eau et son accès sont plus encore facteur de distanciation entre les pays du
Sud et les pays du Nord puisque l’eau permet d’améliorer la salubrité des villes et de
limiter les maladies et épidémies grâce à l’amélioration de l’hygiène. Le manque
d’infrastructures de pompage et d’assainissement de l’eau peut ainsi se traduire par
une réduction sensible de la richesse d’un pays (de l’ordre de 4 à 5% pour le Ghana
par exemple7). Réduction induite par les maladies et infections dont souffrent les
populations limitant leur productivité.
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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Des différences sont également notables entre pays du Nord et du Sud sur la
question de la gestion publique de la ressource. Les investissements en termes
d'infrastructures liées à l'eau sont en effet parfois négligés par les politiciens des
pays du Sud qui préfèrent allouer la dépense publique à d’autres secteurs plus
« vitaux ». Les pays du Nord ne sont pas non plus exempts de toute critique en ce
qui concerne les investissements lies à l’eau. Dans le but d’éviter des dépenses qui
seraient fatales électoralement parlant, certains gouvernements manquent parfois à
leurs obligations. Dans tous les cas, cette inaction laisse les réseaux dans de
sombres états et laisse planer sur ces pays une réelle menace quant à leurs
approvisionnements futurs. Toutefois afin d'éviter de telles situations, une voie à
suivre peut être celle exposée dans The Economist : celle de la «honte»8. Les
gouvernants sont effectivement sensibles aux classements internationaux effectués
sur leur gestion des ressources et une mauvaise publicité pourrait les obliger à
remédier à certaines situations.
b)
Des inégalités « naturelles »
comportements humains
ou
géographiques
aggravées
par
des
9
8
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
Rekacewicz Philippe. 2003. «Atlas mondial de l'eau : Une pénurie annoncée», Autrement. [En ligne]
http://acces.inrp.fr/eduterre-usages/ressources/scenarioeau/images-scenario/dispomondiale.jpg (Page consultée
le 2 juillet 2010).
9
L’eau est on comme on peut le constater sur cette carte très inégalement disponible
sur Terre, ainsi l’Égypte et les Émirats Arabes Unis ne disposent respectivement que
de 26 m3 et 61m3 d’eau par personne et par an tandis que le Suriname et l’Islande
disposent quant à eux et respectivement de 479 000 et 605 000 m3 par an et par
habitant10.
L’eau étant une ressource limitée, les données présentées dans cette carte vont être
modifiées profondément dans le futur à cause de la hausse toujours plus forte de la
demande due à l’accroissement de la population mondiale. La quantité d’eau douce
disponible pour chaque individu va ainsi baisser sensiblement puisque comme
indiqué précédemment, selon les démographes cette population atteindra dix
milliards d’individus en 2050.
Si l’on supprimait désormais la donnée introduite dans la carte précédente qui est le
nombre d’habitants, on pourrait constater que six états détiennent actuellement près
de 60% des réserves mondiales d’eau douce : le Brésil, le Canada, la Colombie, le
Congo, l’Indonésie et la Russie. La Chine et l’Inde qui concentrent quant à eux le
tiers de la population mondiale n’ont à leur disposition que 10% des réserves d’eau
douce11.
Pour faire face à cette rareté de la ressource dans certaines régions, le pompage
des eaux souterraines, après des millions d’années d’inexploitation, est devenu une
solution salvatrice pour les hommes qui se sont mis à exploiter ces ressources
aquifères, souvent jusqu'à l’excès. L’exemple le plus frappant est celui de la ville de
Mexico, qui après des décennies de surexploitation de ses nappes phréatiques se
trouve aujourd’hui amputée de près de 70%12 de l’eau qui était contenue dans ces
nappes. La ville s’étant par ailleurs installée au-dessus de ces mêmes nappes quasi
vides, Mexico souffre depuis les années 1920 d’effondrements localisés. L’enjeu
majeur pour la ville est désormais de fournir à ses 20 millions d’habitants assez
d’eau potable tout en limitent l’impact des effondrements sur les zones d’habitations
et les infrastructures.
c)
Des inégalités face à la pollution de l’eau
Nous verrons ici la pollution des eaux douces entrainée par les usages domestiques,
industriels ou agricoles de ces eaux.
Les pollutions peuvent être de différents ordres : bactérienne, organique (détergents,
insecticides, hydrocarbures, etc.), non organique (fertilisants, ammoniac, déchets de
produits chimiques, etc.) ou encore thermique (différence de température entre les
eaux de refroidissement rejetées et les eaux dans lesquelles celles-ci ont été
déversées).
La pollution aujourd'hui présente dans les eaux douces de la planète est en partie un
héritage des générations passées, mais ce sont surtout les actuels rejets de nos
10
Rekacewicz Philippe. 2003. «Atlas mondial de l'eau : Une pénurie annoncée», Autrement. [En ligne]
http://acces.inrp.fr/eduterre-usages/ressources/scenarioeau/images-scenario/dispomondiale.jpg (Page consultée
le 2 juillet 2010).
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
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«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
industries, villes et champs qui posent les plus graves problèmes. Sans en faire une
liste exhaustive, voici les principales pollutions auxquelles nous sommes aujourd'hui
confrontés et que l'actualité nous rappelle sans cesse : bactéries, hydrocarbures,
métaux lourds (cadmium, mercure et plomb essentiellement), produits
phytosanitaires, nitrates, PCB (Polychlorobiphényle), etc.
Ces pollutions touchent aujourd'hui l'ensemble de la planète, mais de par la
faiblesse des infrastructures d'assainissement, voire même leur inexistence, certains
pays sont contraints d'utiliser, et leur population de boire, une eau polluée et de
mauvaise qualité, multipliant ainsi les risques d'épidémies et de maladies. Ces
pollutions sont donc bien révélatrices de nettes différences entre premièrement, des
pays maitrisant l’assainissement des eaux et ayant les moyens de mettre ces
techniques et infrastructures en place, puis des pays ne disposant ni des
technologies ni des capacités financières pour dépolluer leurs eaux.
Certains pays sont par ailleurs plus touchés que d'autres par le phénomène. Ainsi
des hauts fonctionnaires chinois affirmaient en 2005 qu’''environ un quart des
ressources en eau chinoises était menacé par la pollution, et ce, dans plus de la
moitié des villes de Chine13". Pollution chinoise jusqu’alors ignorée par les autorités
au profit d’une croissance ne tenant pas compte des problèmes environnementaux.
Les pollutions qui touchent les eaux de la planète réduisent encore davantage la
ressource en eau déjà limitée dont la population mondiale dispose. L'enjeu est donc
pour notre génération ainsi que pour les suivantes de réduire les émissions
polluantes tout en garantissant un accès à l'eau potable à une population croissant
sans cesse.
d)
État des lieux et principaux enjeux en Europe, en France et aux États-Unis
L'idée directrice de cette partie est de faire un état des lieux des situations
concernant différentes régions du monde de part et d'autre de l'Atlantique.
Premièrement l'Europe, puis la France et finalement les États-Unis. Ces trois
exemples permettent en effet d'illustrer que ce ne sont pas uniquement les pays du
Sud qui peuvent être touchés par des problèmes liés à l'eau, et que même les pays
les plus développés peuvent y être confrontés.
L’Europe
Nous entendrons ici par Europe, le territoire correspondant à celui de l'Union
Européenne et des 27 états qui la composent.
En Europe, 44 % de l'eau sert à l'agriculture, 40 % est destiné aux usages
énergétiques et industriels (ce pourcentage particulièrement élevé illustre donc tout
à fait qu'il s'agit bien d'une région développée du monde), finalement 15 % est
destiné à la distribution d'eau potable pour les usages domestiques.
Si l'on reprend la carte de la disponibilité mondiale en eau douce, on aperçoit que
l'Europe n'est pas un ensemble homogène quant à cette situation. En effet huit pays
de l'Union Européenne sont sujets à des problèmes de stress hydrique : ces pays
13
«Pénurie d'eau et pollution : le diagnostic d'un expert». 31 octobre 2005. Lettre de Chine.
étant l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, Malte, la Belgique, l'Espagne, la Bulgarie et
Chypre. Pays représentent près de 46 % de la population européenne.14
L'enjeu principal que doit affronter l'Europe, et qui fait l'objet de nombreux rapports
de la Commission européenne, est celui des pénuries et dégradations de la qualité
de l'eau provoquées par une surexploitation des ressources dans certaines zones.
En effet selon le dernier rapport de la Commission européenne consacré aux
pénuries et aux sécheresses et publié le 18 mai 201015, certains pays de l'Union
sont touchés par ces phénomènes sur l'ensemble de leur territoire. Comme
l'Espagne, puisque 67 %16 de son territoire est touché par un processus de
désertification.
Les problèmes de l'eau en Europe peuvent être également du aux législations, ainsi,
la Commission européenne distingue quatre types de problèmes liés à ces
normes17. Le premier est celui résultant du prix donné à l'eau qui ne refléterait pas
son coût réel. Le second est lié aux subventions attribuées au titre de la politique
agricole commune qui favoriserait une utilisation trop intensive des ressources en
eau. Le troisième problème soulevé par la Commission touche à la mauvaise
application des restrictions appliquées à l'égard des agriculteurs. Finalement le
dernier problème posé est celui de l'objectif fixé en termes d'utilisation de
biocarburants, qui doit atteindre 10 % en 2020 ; cet objectif va en effet contraindre
les états à recourir à l'agriculture pour produire ces biocarburants provoquant ainsi
une hausse de la consommation d'eau destinée à l'irrigation (question toutefois
sujette à controverses au sein du monde scientifique18).
La France
En France, près de 56 % de l'eau sert aux besoins énergétiques, notamment pour le
refroidissement des centrales nucléaires. Le reste est destiné aux usages
domestiques des particuliers (18 %), aux usages industriels (11 %) et aux usages
agricoles (14 %).
Aujourd'hui, la France dépense près de 10,5 milliards d'euros par an pour la gestion
de ses eaux usées et 7,1 milliards d'euros pour la distribution et la gestion de l'eau
potable. Elle peut ainsi grâce à ces chiffres conséquents raccorder près de 99 % de
la population française au réseau d'eau potable et épurer 95 % des eaux usées.19
14
Agence Européenne pour l'Environnement. 2009. «The Water we Eat : Irrigated Agriculture's Heavy Toll» In
site de l'Agence Européenne pour l'Environnement, [En ligne]. http://www.eea.europa.eu/articles/the-water-weeat (Page consultée le 5 juin 2010).
15
Disponible à l’adresse suivante :
http://ec.europa.eu/environment/water/quantity/pdf/com_2010_0228_report.pdf
16
Marie Francois. 2006. «La pénurie d'eau en Espagne : déficit physique ou socio-économique ?».
Géocarrefour, vol 81/1, p. 25-35.
17
Agence Européenne pour l'Environnement. 2009. «European Water Resources» In site de l'Agence
Européenne pour l'Environnement, [En ligne]. http://www.eea.europa.eu/themes/water/water-resources (Pages
consultées le 2 juin 2010)
18
Muller Magali et Martial Adèle. 2009. «Production de bio-carburants et consommation d'eau aux Etats-Unis».
In site bulletins-electroniques.com, [En ligne]. http://www.bulletinselectroniques.com/actualites/061/61134.htm (Page consultée le 8 juin 2010).
19
Noël Coralie, Ransonnette Frédéric, Sine Gisèle et Runel Christiane. 2009. «Organisation de la gestion de
l'eau en France». In Site de l'Office International de l'Eau, [En ligne]. http://www.oieau.org/IMG/pdf/OIEau__Gestion_de_l_eau_en_France.pdf (Page consultée le 2 juin 2010).
Toutefois, outre les enjeux évoqués précédemment pour l’ensemble de l’Union
Européenne, un des problèmes majeurs qui se posera pour la France dans les
prochaines années sera sa capacité à investir massivement dans la réhabilitation de
ses réseaux d'eau. En effet, 26 %20 de l'eau potable française est perdue lors de
son passage dans les canaux de distribution. Un second enjeu majeur pour la
France sera de résoudre les problèmes liés à la pollution de ses eaux, comme on
peut effectivement le constater dans le tableau précédant21, les eaux françaises ne
respectent pas les seuils acceptables pour être qualifiées de bonne qualité et
notamment en ce qui concerne les nitrates, le fluorure et les bactéries coliformes.
Les Etats-Unis
Aux États-Unis, 41 % de l'eau douce est destinée à un usage agricole, 39 % pour les
besoins énergétiques du pays et 9 % de l'eau sert à l'industrie.
Même si cela peut paraître anecdotique, près de 0,5% de l'eau douce utilisée aux
États-Unis sert à l'arrosage des terrains de golf.22
Les États-Unis vont aussi devoir affronter certains défis concernant leurs ressources
en eau. Le premier d'entre eux sera celui du changement climatique, en effet 36
états américains anticipent actuellement d'avoir à faire face à des situations de
stress hydrique hors périodes de sécheresse. Ces changements climatiques
induisent sur le continent américain premièrement une augmentation de la demande
en eau (car plus les températures sont hautes, plus les cultures nécessitent d'être
arrosées et l'évaporation s'accentue) et des périodes de sécheresse plus longues et
accentuées.
20
Ministère Allemand de l'Energie «Profile of the German Water Industry». 2008. In Site du Ministère Allemand
de l'Energie, [En ligne].
http://www.bdew.de/bdew.nsf/id/DE_Profile_of_the_German_Water_Industry/$file/Profile_German_Water_Ind
ustry_2008.pdf (Page consultée le 25 juin 2010)
21
Ministère Allemand de l'Energie «Profile of the German Water Industry». 2008. In Site du Ministère Allemand
de l'Energie, [En ligne].
http://www.bdew.de/bdew.nsf/id/DE_Profile_of_the_German_Water_Industry/$file/Profile_German_Water_Ind
ustry_2008.pdf (Page consultée le 25 juin 2010)
22
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
Le second enjeu que devront affronter les États-Unis et celui de la pollution.
L'Environmental Protection Agency (EPA) estime en effet que près de 11 à 38
milliards de litres d'eaux usées sont relâchés chaque année dans l'environnement
sans traitement préalable. Par ailleurs, le changement climatique va faire que dans
certaines régions les pluies seront plus fortes d'où le ruissellement plus important de
polluants vers les cours d'eau.
Le troisième défi que nous traiterons ici est le même qu'évoqué précédemment pour
la France, les États-Unis devront en effet débourser quel que 202 milliards de dollars
entre 2003 et 2023 pour entretenir et améliorer leur réseau de traitement des usées
tandis que près de 276 milliards de dollars seront nécessaires pour entretenir et
améliorer le réseau de distribution d'eau potable23 sachant que 10 à 15 %24 de
l'eau potable produite actuellement est perdue au cours de sa distribution. Des
sommes colossales que le pouvoir américain sera tenu de récolter en dépit de sa
dette abyssale.
http://www.epa.gov /watersense/images/ws_map_domesticuse.gif
Le dernier enjeu auquel devront faire face les États-Unis est celui de la hausse de la
demande en eau ceci notamment lié à l'augmentation de la population. Comme on
peut le constater sur la carte précédente25, certains états verront le nombre de leurs
habitants augmenter jusqu'à 114 % (Nevada) alors que la consommation de ces
états est déjà extrêmement élevée au vu de leur population actuelle. Le défi sera
23
Environment Protection Agency «Drinking Water Infrastructure Needs Survey and Assessment» In site de
l'Environment Protection Agency, [En Ligne] http://www.epa.gov/safewater/needssurvey/index.html (Page
consultée le 25 juin)
24
Cooley Heather, Gleick Peter. (2009). Biennial Report of Freshwater Resources Island Press, p.101-120.
25
Environment Protection Agency «WaterSense Program» In site de l'Environment Protection Agency, [En
Ligne] http://www.epa.gov/watersense/about_us/why_watersense.html (Page consultée le 26 juin)
donc pour ces états d'arriver à combler cette demande, notamment au travers des
prélèvements d'eau souterraine qui ont déjà augmenté de 14 % entre 1985 et
200026.
B.
Une ressource convoitée, source de conflits
Les hommes se sont battus pour avoir accès à toutes sortes de ressources à
travers les siècles : or, pétrole, gaz, etc. Aussi pourquoi une ressource aussi rare et
précieuse que l'eau échapperait-elle à cette logique ?
a)
L’eau « fait fi des frontières qu’elle franchit sans passeport »27
Les mots de Kevin Watkins et Arunabha Ghosh sont effectivement révélateurs
d’une réalité concrète puisque les 250 bassins versants internationaux sont
actuellement partagés par près de 145 pays et des cours d'eau traversent les
territoires de plusieurs états. C'est par exemple le cas du Danube qui serpente au
travers les territoires de 19 pays.
La carte suivante28 illustre quant à elle tout à fait la réalité des interconnexions et
échanges naturels se déroulant entre les états. On peut en effet constater que les
ressources en eau des états proviennent d'autres états, règle à laquelle aucun pays
n'échappe, mais dont la part peut toutefois varier. Ainsi, on s'aperçoit que les
ressources en eau douce de l'Égypte, la Mauritanie, la Macédoine, la Moldavie et le
Turkménistan proviennent de 90 % à 100 % d'autres états, c'est-à-dire une situation
de quasi totale dépendance. L'eau étant indispensable à tout développement
économique, que celui-ci soit d'ordre industriel ou agricole, il semble donc logique
que ces états soient confrontés à un choix double : soit coopérer en définissant un
partage de la ressource, soit se trouver en position de conflit avec ses voisins en
tentant de s’approprier unilatéralement une part de la ressource.
26
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
Programme des Nations Unies pour le Développement. 2006. «Human Development Report 2006, Beyond
scarcity : Power, poverty and the global water crisis» In site du PNUD [En Ligne]
http://hdr.undp.org/en/media/HDR06-complete.pdf (Page consultée le 30 juin 2010)
28
Blanchon David. (2009). Atlas mondial de l'eau. De l'eau pour tous ? Paris : Autrement, 80p.
27
b)
Une multiplicité de conflits
Le plus ancien conflit recensé à propos de l'eau est celui ayant opposé, il y a plus de
4500 ans deux cités de Mésopotamie : Lagash et Umma. Conflit ayant dégénéré
suite à un problème de partage des eaux du Tigre et de l'Euphrate.29
Depuis, une multitude de conflits ont vu le jour jusqu'à la déclaration faite par Ismail
Serageldin, actuel directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, qui prophétisait en 1995
que « les guerres du XXIe siècle auront l'eau pour enjeu ».
Nous verrons ainsi dans cette partie les principaux conflits qui ont touché ou
touchent encore certaines régions du monde concernant cet "or bleu" qu'est
devenue l'eau.
L'eau peut être vue par certains dirigeants et hommes de pouvoir comme une arme
ou une cible capables de faire plier ses ennemis en cas d'affrontement. Ainsi à
travers l'histoire, de multiples actions ont été menées grâce ou à l'encontre
d'infrastructures liées à l'eau. Par exemple, en 1504 s'associaient Léonard de Vinci
et Nicolas Machiavel dans l'entreprise du détournement du fleuve Arno afin de
soumettre la ville de Pise à celle de Florence, et de permettre à cette dernière d'avoir
un accès à la mer30. Cette stratégie, reprise au cours de conflits plus récents,
confère au protagoniste détenant ou retenant les ressources en eau d'une région un
pouvoir exceptionnel puisque ses habitants ne pourront se passer de ces ressources
que très peu de temps.
Le Tigre et l’Euphrate
Ces deux fleuves s'étendent sur trois pays, la Turquie où ils prennent leurs sources,
la Syrie et l'Irak. Afin d'augmenter la production hydroélectrique ainsi que de pourvoir
aux besoins d'irrigation, la Turquie et la Syrie ont procédé à la construction de
barrages sur ces deux cours d'eau. C'est ainsi qu'est lancé en 1976 le projet de
l'Anatolie du Sud Est (autrement appelé Güneydogu Anadolu Projesi en turc),
destiné à développer l'est du pays avec la construction de 22 barrages et de 19
centrales électriques31. Ce projet répond également à deux autres objectifs plus ou
moins cachés qui sont d'une part, de favoriser l'intégration des populations kurdes
présentes dans cette partie du pays et d'autre part de pouvoir contrôler le débit d'eau
laissé à ses voisins syriens et irakiens en aval. Lourde menace puisque la Turquie
peut retenir dans ses barrages plus d'une année du débit de l'Euphrate, menace qui
fut mise à exécution lors de la première guerre du Golfe lorsque la Turquie (alliée
des États-Unis) diminua fortement le débit de l'Euphrate, réduisant alors
considérablement les ressources irakiennes.
La Syrie n'est pas non plus en reste pour la construction de barrages, avec la
construction en 1974 de celui de Tabqa. Ainsi, les débits laissés à la Syrie par la
Turquie et à l'Irak par la Syrie est une source continuelle de contentieux entre les
29
Galland Franck. 2008. «Les Casques Bleus de l'eau». In note de la Foudation pour la Recherche Stratégique,
[En ligne] http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/20080530.pdf (Document consulté le 23 juin
2010)
30
Boucheron Patrick. (2008). Léonard et Machiavel Editions Verdier, 152p.
31
Victor Jean-Christophe, Raisson Virginie et Tetard Franck. (2006). Le dessous des cartes : Atlas géopolitique
Paris : Arte Editions, pp 226-229
trois états qui revendiquent chacun des débits importants, qui cumulés
dépasseraient les débits réels des deux fleuves. Une crise majeure s'est ouverte sur
ce thème en avril 1975 lorsque l'Irak s'est plaint du faible débit qui lui était alloué par
la Syrie, cette crise verra les troupes syriennes se masser près des frontières
irakiennes et le survol des avions irakiens interdit dans l'espace aérien syrien. Crise
finalement résolue grâce au concours de l’Arabie Saoudite.
Le Proche-Orient
Parmi les pays du Proche-Orient, nous nous intéressons dans cette partie
principalement à Israël, au Liban, à la Jordanie et à la Syrie. La région est
actuellement touchée par des pénuries suite à l'explosion démographique à laquelle
on a pu assister dans ces pays, la population syrienne est ainsi passée de 7 à 16
millions d'habitants entre 1970 et 2000. On peut donc comprendre que l'enjeu
hydrique fasse partie des éléments de discussion pour la paix dans cette région du
monde.
Les ressources d'Israël en matière d'eau étant limitées, l'État hébreu se doit de
trouver d'autres sources d'approvisionnement, ceci passe actuellement par
l'exploitation illégale de nappes phréatiques palestiniennes en Cisjordanie32 et le
pompage de près de 65 %33 des eaux du fleuve Jourdain.
Au cours de l'histoire proche, les armées israéliennes ont également tenu en échec
tous les projets hydriques (principalement la construction de canaux de dérivation et
de barrages) de ses voisins syriens et libanais. Certains projets israéliens de
détournement des eaux du Jourdain ont également été tenus en échec, comme en
1953 lorsque la Syrie déposa une plainte auprès du Conseil de Sécurité de l'ONU
contre la construction d’un canal de dérivation destiné à irriguer les zones agricoles
du Sud du pays34. Crise endiguée grâce à l'action du président Eisenhower qui
menaçait de suspendre les aides financières américaines à l'État hébreu et qui
réussit à faire accepter aux Israéliens le plan Johnson qui consistait à établir une
répartition des eaux du Jourdain et de ses affluents entre les trois états
précédemment cités.
Sans faire état de manière exhaustive de l'ensemble des conflits ou contentieux qui
touchent actuellement la planète à propos de l'eau, nous pouvons citer d'autres
exemples de fleuves dont le partage des eaux se révèle difficile. Il y a le cas du Nil
partagé entre l'Égypte, le Soudan et l'Éthiopie et dont les affluents impliquent sept
autres états africains. Entre ces pays apparaissent en effet des dissensions
concernant l'aménagement de leur fleuve commun. Les cas du Rio Grande et du
Colorado peuvent également être cités puisque les États-Unis reprochent au
Mexique de polluer le Rio Grande tandis que les Mexicains accusent les États-Unis
de trop réduire le débit du Colorado avec leurs barrages.
Ces exemples illustrent que des conflits peuvent exister entre des états
indépendants, mais des dissensions peuvent également apparaître au sein même
32
Rekacewicz Philippe et Diop Salif «Gestion de l’eau : entre conflits et coopération » In site Visions
cartographiques du mondiplo.net, [En Ligne] http://blog.mondediplo.net/2008-01-14-Gestion-de-l-eau-entreconflits-et-cooperation#nb1 (Page consultée le 24 juin 2010)
33
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
34
Galland Franck. 2008. «Les Casques Bleus de l'eau». In note de la Foudation pour la Recherche Stratégique,
[En ligne] http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/20080530.pdf (Document consulté le 23 juin
2010)
des états entre différentes régions ou forces économiques. Par exemple, certaines
régions du nord de la Chine rechignent à voir apparaître le projet de canal intitulé
"South-North Water Transfer Project", visant à couvrir les besoins en eau des zones
industrialisées du nord de la Chine, qui les priverait de plusieurs millions de litres
d'eau pour leur propre développement.35
De lourdes menaces pèsent ainsi tant d’un point de vue de la sécurité des
approvisionnements futurs que des risques de conflits lies à cette même insécurité.
Afin de répondre à ces périls, des outils et des solutions existent, aussi la seconde
partie de ce travail est destinée à présenter ces mécanismes qu’ils soient d’ordre
technique, politique, économique ou juridique.
2.
Les solutions existantes ou envisagées afin de faire face à ces enjeux
A.
Des outils de limitation de consommation d’eau et de lutte contre les
émissions polluantes
En 2009, était publié le rapport du 2030 Water Ressources Group36, sous la
houlette de la Banque Mondiale et du groupe McKinsey & Company (consulting). Ce
rapport préconise, dans le but d'éviter l’apparition d’un "water gap" entre d'une part
une demande croissante en eau et d'autre part les ressources réelles à disposition
des populations, l'emploi de mesures touchant aussi bien la demande en eau que
son offre. Cette grille d'analyse paraît plutôt pertinente et nous tenterons dans la
première partie de ce grand A de présenter les mesures qui se cachent derrière
cette grille et d'apporter à cette dernière quelques ajouts.
a)
Des mesures visant la Demande
Concernant la limitation de la consommation en eau, plusieurs pistes sont
aujourd'hui explorées. Mais toutes ont un point de départ : des changements dans
les comportements des populations, passant principalement par des campagnes de
sensibilisation et d'éducation ainsi que par la mise en place de politiques plus
contraignantes permettant de faire changer les mentalités et les attitudes.
Les comportements économiques peuvent également être remis en cause. Il
apparaît en effet illogique d'un point de vue écologique de produire dans des pays
faiblement pourvus en ressources hydriques des biens dont la fabrication requiert
beaucoup d'eau. Les produits ainsi très demandeurs en termes de ressources en
eau pourraient être produits dans des régions où la ressource ne manque pas,
permettant ainsi d'éviter que certaines régions du monde ne deviennent trop arides.
Cette solution pourrait se baser sur le concept créé par Tony Allan37 : la valeur
virtuelle en eau des produits (par exemple 70 litres d'eau sont nécessaires pour
35
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
2010 Water Resources Group. 2009. «Charting our water Future : Economic frameworks to inform decision
making» In Site du groupe Mc Kinsey, [En ligne]
http://www.mckinsey.com/App_Media/Reports/Water/Charting_Our_Water_Future_Full_Report_001.pdf
(Document consulté le 25 juin 2010)
37
Allan Tony. Mars 2003. «Virtual water - the water, food and trade nexus: useful concept or misleading
metaphor?» Water International, vol 28, p.4-11.
36
produire une pomme tandis que 11 000 litres sont nécessaires pour produire 1 kg de
coton). Cette solution parait cependant difficile à mettre en œuvre, les pays pouvant
être touchés par cette mesure la dénonceraient immédiatement comme étant un
frein au développement économique.
Certains proposent également de favoriser les plantations peu gourmandes en eau,
de freiner la consommation de viande et même de recourir massivement aux
organismes génétiquement modifiés qui seraient en mesure d'être cultivés sans
irrigation massive. Toutefois ce recours aux OGM ne fait pas l'objet d'un consensus
aussi bien au sein des scientifiques que des politiques.
Le prix de l'eau est également un enjeu majeur dans la limitation de la
consommation en eau, en effet selon un rapport paru dans The Economist38, l'eau
est facturée 10 à 50 % de son coût réel à travers le monde. Ainsi pour arriver à un
équilibre entre l'offre et la demande, les experts interrogés par l'hebdomadaire
britannique préconisent au minimum un quadruplement du prix de l'eau. Mais cette
nouvelle facturation serait un suicide politique pour tout dirigeant désirant la mettre
en place, voire même un motif de révoltes dans certains pays.
Selon le groupe, la technologie peut être également mise au service d'une meilleure
utilisation de l'eau, ceci passant par la gestion informatique de l'irrigation des
cultures, l'utilisation de satellites pour le contrôle de l'évaporation, etc. Ce recours
aux nouvelles technologies permettrait ainsi aux agriculteurs de prendre des
décisions leur assurant un rendement maximum pour des coûts minimum.
Finalement, les infrastructures d'acheminement de l'eau ne doivent pas être
négligées et leur entretien assuré afin de limiter les pertes dans les réseaux de
distribution.
b)
Des mesures visant l’Offre
Les mesures touchant l'Offre permettraient d'augmenter cette dernière est ainsi de
fournir assez de ressources aux populations, industries et zones agricoles.
Ces mesures passent d'abord par un développement du dessalement de l'eau de
mer. Plusieurs méthodes sont actuellement utilisées : osmose inverse grâce à
l'utilisation de membranes filtrantes, distillation et électrolyse. Toutefois ces
méthodes ont toutes un inconvénient qui est celui de son coût car grandes
consommatrices d'énergie. Ainsi, ces solutions peuvent être rentables pour un usage
domestique, mais pas pour un usage agricole ou industriel. Il existe actuellement
des espérances sur cette technologie avec le développement de l'énergie solaire qui
permettrait de résoudre ce problème de coût de l'énergie.
Le rapport du 2030 Water Ressources Group insiste finalement sur la nécessité du
développement d'infrastructures de grande échelle permettant d'apporter l'eau là où
on en a besoin, autrement dit la construction de canaux de dérivation.
Ces mesures semblent certes intéressantes afin de réduire le "water gap" mais elles
restent abordables par les seuls pays développés et quelques pays émergeant. La
plupart des pays pauvres ou en voie de développement ne pourront en effet
certainement pas dégager assez de ressources budgétaires pour financer les
solutions présentées pour soutenir l’Offre..
c)
38
Des exemples de politiques de gestion de l’eau
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
Pour commencer cette partie, nous pourrions reprendre les mots prononcés par le
Commissaire européen actuel chargé de l'Environnement, Janez Potočnik : « L’eau,
c’est la vie ; la politique de l’eau est donc notre assurance-vie. […] il est important
d’intégrer la politique de l’eau aux objectifs politiques plus larges fixés à tous les
échelons, au niveau de l’UE comme au niveau national. Plus que toute autre sphère
d’intervention, notre politique de l’eau doit répondre aux critères du développement
durable ; nous ne pouvons en effet nous permettre d’emprunter de l’eau aux
générations futures ».
L'importance des politiques de l'eau étant ainsi un élément déterminant des
politiques actuelles de l'environnement et un véritable enjeu intergénérationnel nous
nous attacherons dans cette partie à décrire les principales politiques de l'eau mises
en œuvre en Europe, en France, aux États-Unis puis finalement à Singapour.
Nous entendrons ici par politiques de gestion de l'eau, des politiques visant certains
objectifs définis comme suit par l'Office International de l'Eau39 :
•
Permettre à tous d'avoir accès à l'eau potable et à l'assainissement des eaux
usées ;
•
Préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques ;
•
Prévenir les pollutions permanentes et accidentelles ;
•
Prévenir et gérer les inondations et des sécheresses, lutter contre l'érosion ;
•
Assurer la production agroalimentaire en limitant les impacts de l'agriculture
sur le milieu et les ressources ;
•
Permettre le développement durable de l'industrie, de la production
énergétique, de la pratique des loisirs, du tourisme et du transport fluvial.
En Europe
La Commission européenne a distingué trois éléments directeurs de sa politique de
gestion de l'eau qui sont l'amélioration de l'efficience des systèmes d'irrigation,
l'application d'une tarification au coût réel de l'eau et l'accord de subventions aux
solutions d'économie de l'eau40. Avec ces éléments directeurs, a été rédigée la
directive-cadre du 23 octobre 2000.
Les objectifs de cette dernière sont doubles, premièrement atteindre un bon état
général des eaux d'ici 2015 pour toutes les eaux (superficielles, souterraines,
côtières) et deuxièmement l'utilisation durable de l'eau à travers l'Europe.
Des principes ont ensuite été définis pour atteindre ces objectifs41.
Le premier est la mise en place d'une politique de non-rejet de substances
dangereuses avec l'établissement d'une liste référençant 33 substances (métaux,
pesticides, hydrocarbures) désormais interdites.
39
Noël Coralie, Ransonnette Frédéric, Sine Gisèle et Runel Christiane. 2009. «Organisation de la gestion de
l'eau en France». In Site de l'Office International de l'Eau, [En ligne]. http://www.oieau.org/IMG/pdf/OIEau__Gestion_de_l_eau_en_France.pdf (Page consultée le 2 juin 2010).
40
Agence Européenne pour l'Environnement. 2009. «European Water Resources» In site de l'Agence
Européenne pour l'Environnement, [En ligne]. http://www.eea.europa.eu/themes/water/water-resources (Pages
consultées le 2 juin 2010)
41
Agence Européenne pour l'Environnement. 2009. «Water management» In site de l'Agence Européenne pour
l'Environnement, [En ligne]. http://www.eea.europa.eu/themes/water/water-management (Pages consultées le 2
juin 2010)
Le second passe par la mise en place d'une gestion de l'eau par bassins versants,
avec la création d'un plan de gestion des bassins versants. Ces bassins étant parfois
transfrontaliers, des organismes de coopération ont vu le jour entre les états
riverains des mêmes fleuves.
Le troisième principe annoncé est celui de développer la participation de l'ensemble
des parties prenantes, ceci allant de la production à la consommation de l'eau.
Le quatrième vise à mettre en place une tarification de l'eau basée sur les principes
de "l'utilisateur-payeur" et de "pollueur-payeur". Cette nouvelle tarification prenant
désormais en compte l'ensemble des services allant du pompage à la distribution au
robinet.
Le cinquième permet de créer une nouvelle unité de base permettant de
comptabiliser ensemble les eaux souterraines et les eaux de surface sur un même
territoire : la masse d'eau.
Le dernier principe énonce que les états membres doivent désormais procéder à
l'harmonisation des mesures sur la qualité des eaux afin de permettre une
comparaison avec les autres états de l'Union.
Des rapports sont effectués par la Commission européenne à intervalles réguliers
afin de mesurer les progrès accomplis par les états dans la transposition et
l’application de cette directive. A ce jour les objectifs énoncés au titre de cette
directive ne sont toujours pas remplis42.
En France
L'organisation actuelle de la politique de l'eau en France repose sur la Loi du 16
décembre 1964 qui institue une gestion de l'eau par bassin versants (cf. carte cidessous43), qui crée un Comité de bassin (consultatif) et une Agence de l'eau
(exécutif) par bassin. Avec la loi du 3 janvier 1992, l'eau acquiert le statut de
«patrimoine commun de la Nation».44 La définition et la coordination de la politique
de gestion de l'eau en France est confiée au ministère de l'Ecologie qui s'appuie sur
l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) qui est l'organisme en
charge de la connaissance et de la surveillance de l'état des eaux et des milieux
aquatiques. Les ministères de la Santé et de l'Agriculture détiennent également
certaines prérogatives dans le domaine de l'eau (besoin du secteur agricole en eau,
protection de la santé des populations par rapport à l'eau).
La gestion de l'eau au niveau local est principalement issue d’une compétence
partagée entre plusieurs organes : l’Agence de l’eau (au travers le Schéma Directeur
d’Aménagement et de Gestion des Eaux), le département (au travers le Schéma
d’Alimentation en Eau Potable), l’intercommunalité et la commune (au travers le
Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux qui leur confère la gestion des
réseaux d’eau potable). Grâce à la politique appelée «l'eau paie l'eau» mise en
42
Agence Européenne pour l'Environnement. 2009. «Water management» In site de l'Agence Européenne pour
l'Environnement, [En ligne]. http://www.eea.europa.eu/themes/water/water-management (Pages consultées le 2
juin 2010)
43
Aquifères côtiers. «Outils de planification» In site du portail d’informations Syscolag, [En ligne].
http://www.aquiferes-cotiers.cepralmar.org/outils-planification.php (pages consultées le 2 juin 2010)
44
Noël Coralie, Ransonnette Frédéric, Sine Gisèle et Runel Christiane. 2009. «Organisation de la gestion de
l'eau en France». In Site de l'Office International de l'Eau, [En ligne]. http://www.oieau.org/IMG/pdf/OIEau__Gestion_de_l_eau_en_France.pdf (Page consultée le 2 juin 2010).
place suite aux aménagements des différentes législations, le financement des
réseaux de distribution d'eau est assuré par la facturation au consommateur final.45
La directive-cadre européenne de 2000 a donné lieu à une transposition en droit
français, celle-ci a eu pour résultat la création d'un programme de mesure des
polluants présents dans les cours d'eau ainsi que la participation du public à la
planification.
Par ailleurs, afin d'appliquer le principe de pollueur-payeur, une redevance pour
pollution de l'eau a été mise en place, celle-ci permettra en outre de moderniser les
réseaux de collecte d'eaux usées46.
Des mesures recouvrant aussi bien la réduction des émissions de polluants que le
développement de la récupération des eaux pluviales ont finalement été prises lors
du Grenelle de l'environnement qui a eu lieu en 2008.
On peut finalement conclure cette partie sur la France en évoquant le fait que le
pays est la matrice de deux entreprises leader au niveau mondial : Suez et Veolia,
qui gèrent actuellement près de 60%47 des réseaux d'eau potable français grâce
aux délégations de service public accordées par les communes.
Aux Etats-Unis
Aux États-Unis, la régulation économique des services liés à l'eau est en général
effectuée au niveau des états par des commissions spécialisées. La régulation
sanitaire et environnementale est quant à elle assurée par l'Environmental Protection
45
La Documentation française. 2009. «L'eau en France : la gestion d’un bien pas comme les autres». In Site de
la Documentation française, [En ligne]. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/eau-gestion-prixfrance/index.shtml (Pages consultées le 8 juin 2010)
46
La Documentation française. 2009. «L'eau en France : la gestion d’un bien pas comme les autres». In Site de
la Documentation française, [En ligne]. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/eau-gestion-prixfrance/index.shtml (Pages consultées le 8 juin 2010)
47
La Documentation française. 2009. «L'eau en France : la gestion d’un bien pas comme les autres». In Site de
la Documentation française, [En ligne]. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/eau-gestion-prixfrance/index.shtml (Pages consultées le 8 juin 2010)
Agency (EPA) ainsi que par les départements de l'environnement ou de la santé
propres à chaque état.48
Pour faire face aux enjeux qui ont été évoqués dans une partie précédente, des
politiques de dessalement de l'eau ont été initiés (notamment en Californie) et des
politiques de réduction de la consommation d'eau ont été menées. Ces dernières
passent par des campagnes de sensibilisation de la population, la mise en œuvre de
réglementations contraignantes pour la commercialisation d'équipements
dispendieux (Energy Policy Act de 1992), et la mise en place d'aide pour l'achat et
l'installation d'équipements plus économes en eau.
C'est avec cette politique à l'esprit que l'EPA a lancé le WaterSense Program49 en
2006 qui met en place un label récompensant les équipements sanitaires et
électroménagers ainsi que les systèmes d'irrigation économes en eau.
Une politique de réutilisation de l'eau a également été lancée, car aujourd'hui
seulement 3% des eaux usées sont réutilisées aux États-Unis.50
La lutte contre la pollution est un autre enjeu majeur aux Etats-Unis depuis les
années 70. En effet la Clean Water Act du 18 octobre 1972 est la première loi
fédérale ayant pour objectif l'élimination des rejets de substances toxiques dans les
eaux américaines avec comme objectifs la fin des pollutions supplémentaires des
eaux dès 1985 et faire que les eaux américaines redeviennent propres aux activités
nautiques (baignades et sports) dès 1983. Ces objectifs devaient être atteints par la
mise en place de permis à polluer attribués par l'Agence de Protection de
l'Environnement (EPA) aux sites industriels, agricoles et gouvernementaux ainsi que
par l'établissement de standards sur la qualité des eaux. Cette loi fut amendée à
plusieurs reprises et notamment par les Clean Water Act et Water Quality Act de
1977 et 1987. 51
A Singapour
«Aucun pays ne gère mieux son eau que Singapour» ainsi titre the Economist pour
évoquer le cas de cette cité-État située aux confins du détroit de Johor.
Cet état est en effet parti d'une situation bien désastreuse concernant sa situation en
termes de dotation en eau. Tout d'abord, son territoire est trop exigu pour récupérer
et stocker assez d'eau afin de pourvoir à la consommation d'une population
atteignant 4,8 millions d'habitants ; ceci même si la région bénéficie de fortes chutes
48
Whittington Dale, University of North Carolina at Chapel Hill; Prof. John Boland, The Johns Hopkins
University. Avril 2001. «Reflections on Water Pricing and Tariff Design» (ppt).
http://web.mit.edu/urbanupgrading/waterandsanitation/resources/powerpoint/DaleWhittingtonMumbaiApril3.pp
t. (Document consulté le 25 juin 2010)
49
Environment Protection Agency «WaterSense Program» In site de l'Environment Protection Agency, [En
Ligne] http://www.epa.gov/watersense/about_us/why_watersense.html (Page consultée le 26 juin)
50
Le Chevallier Mark W.. 2009. «Overview of Water Reuse Technology: Pricing Considerations Related To
Reclaimed Water» (ppt).
http://www.narucmeetings.org/Presentations/LeChevallier%20NARUC%20Reuse%20Presentation.ppt
(Document consulté le 24 juin 2010)
51
Environemental Portection Agency. 12-09-2008. «Introduction to the Clean Water Act». In site de
l'Environemental Portection Agency [En ligne]. http://www.epa.gov/watertrain/cwa/cwa1.htm (page consultée le
12 juin 2010)
de pluie. Il doit ensuite importer près de 50%52 de son eau depuis l'état voisin de
Malaisie ce qui le place dans une situation de forte dépendance.
Ainsi pour pallier à cette difficile situation, la première décision de la Ville-État fut,
après son accession à l'indépendance en 1965, de détruire les fermes et de
regrouper industries et commerces dans des zones adaptées. Cette politique a
permis de mieux collecter et traiter les eaux pluviales, indispensables à la survie de
l'ile. Les Singapouriens ont par la suite mené une campagne de construction de
réservoirs et d'extension des aires de captage des eaux, aires recouvrant désormais
près des deux tiers de la ville.
Afin d'économiser au maximum la ressource, les eaux usées sont traitées puis
réutilisées selon le degré de pureté atteint, ainsi l'eau recyclée et dessalée
représente plus de 25%53 de l'eau consommée à Singapour. Toujours avec le
même objectif d'économie de la ressource, des campagnes de sensibilisation auprès
de la population furent lancées avec succès et la législation contraint désormais les
habitants à s'équiper de sanitaires et d'appareils électroménagers moins
dispendieux. De même le prix de l'eau favorise l'économie puisque des taxes sont
appliquées aux entreprises fortement consommatrices et passé un certain seuil, les
usagers domestiques sont astreints à une forte augmentation des tarifs. Grâce à ces
mesures, un singapourien utilise aujourd'hui 155 litres d'eau par jour pour sa
consommation personnelle contre 165 en 200354.
Ces excellents résultats sont imputables selon les auteurs de «Want for a Drink :
Special Report on Water» au sérieux des dirigeants concernant cet enjeu, sérieux
passant par l'absence de corruption et la création d'une autorité indépendante
chargée de la gestion de l'eau à Singapour. Cette autorité est dirigée par des cadres
très bien rémunérés qui n'hésitent pas à faire participer des partenaires privés à
cette entreprise.
B.
La mise en place d’un « partage » de la ressource
« Il est plus facile et plus équitable de se répartir les bénéfices de l'exploitation de
l'eau que l'eau elle-même ». C'est par ces mots qu’Aaron Wolf pose la coopération
comme meilleure alliée des états en comparaison à des comportements plus
belliqueux. Cet expert international à l'initiative d'une base de données des conflits
sur l'eau douce a ainsi pu recenser près de 3600 traités de coopération à travers
l'Histoire55.
Nous verrons dans cette partie quelles règles internationales régissent le partage de
l'eau douce dans le monde et présenterons quelques exemples de traités de
coopération.
52
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
Le Marchand Floriane, Reach Roseline, Benzarti Walid, Gervasoni Christelle, Nguyen Cybelle. 2010. «L'eau,
un marché stratégique à Singapour : un nouveau dossier de veille scientifique de l'Ambassade de France à
Singapour». In site bulletins-electroniques.com, [En ligne]. http://www.bulletinselectroniques.com/actualites/63435.htm (Page consultée le 9 juin 2010).
54
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
55
Galland Franck. 2008. «Les Casques Bleus de l'eau». In note de la Foudation pour la Recherche Stratégique,
[En ligne] http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/20080530.pdf (Document consulté le 23 juin
2010)
53
a)
Des éléments de droit international de l’eau
Il n'existe aujourd'hui aucune convention internationale majeure visant à organiser
de manière mondiale le partage de l'eau douce entre les états. Le dernier acte
international signé en matière d'eau douce est la Convention de Barcelone qui en
1921 a permis de définir le terme de "fleuve international". Mais celle-ci concerne
uniquement le volet de la navigabilité des cours d'eau et non leur partage entre les
pays riverains. La convention de Barcelone ne fait par ailleurs aucune mention des
eaux souterraines.
Aussi, dans le but mettre à bas la "doctrine Harmon"56, du nom d'un juge américain
qui en 1895 avait reconnu aux États-Unis le droit de réduire le débit du Rio Grande
coulant vers le Mexique, reconnaissant ainsi l'absolue souveraineté d'un état sur ses
ressources hydriques à l'intérieur de ses frontières ; et afin de pallier à cette lacune
en termes de réglementation internationale l'International Law Association publie en
1966 à Helsinki les « règles d'Helsinki ». Ce texte juridique, introduit la notion de «
bassin de drainage international » qui prend en compte les eaux de surface ainsi
que les eaux souterraines présentes sur la même zone géographique qui s'étend sur
deux ou plusieurs états57.
En 1970, la Commission du Droit International est chargée par l'Assemblée
Générale de l'ONU d'entreprendre « l'étude du droit relatif aux utilisations des voies
d'eau internationales à des fins autres que la navigation, en vue du développement
progressif et de la codification de ce droit ». En 1992, un projet ressort de ces
travaux en reprenant la notion du « bassin de drainage », par ailleurs les états d'un
même bassin voient leur droit à bénéficier « d'une part raisonnable et équitable dans
l'utilisation des eaux du bassin » affirmé58.
Sur la base de ces travaux, les Nations Unies ont adopté le 24 mai ou 1997 une
Convention intitulée Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres que la navigation59. En plus du principe d'une
« utilisation équitable et raisonnable » des ressources en eau, a été ajoutée à cette
convention l' « obligation de ne pas causer de dommages significatifs » aux pays
voisins. Toutefois cette convention n'est actuellement pas appliquée, car sa mise en
œuvre concrète nécessite sa ratification par 35 états au moins, et aujourd'hui on ne
compte que 12 ratifications.
56
Salah El-Din Amer. Options Méditerranéennes, Sér. A /n031, 1997 Séminaires Méditerranéens In site du
CIHEAM, [En ligne] http://ressources.ciheam.org/om/pdf/a31/CI971551.pdf (Document consulté le 25 aout
2010)
57
Mutin Georges. 2003. «Les eaux conflictuelles du Moyen-Orient». In site du Trinôme académique de Rouen,
[En ligne] http://trinome.ac-rouen.fr/geopolitiqueeau.htm (Page consultée le 12 aout 2010)
58
Mutin Georges. 2003. «Les eaux conflictuelles du Moyen-Orient». In site du Trinôme académique de Rouen,
[En ligne] http://trinome.ac-rouen.fr/geopolitiqueeau.htm (Page consultée le 12 aout 2010)
59
Disponible a cette adresse :
http://www.google.fr/url?sa=t&source=web&cd=1&ved=0CBkQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.greencross
international.net%2Findex.php%3Foption%3Dcom_docman%26task%3Ddoc_download%26gid%3D192&rct=j
&q=CONVENTION%20SUR%20LE%20DROIT%20RELATIF%20AUX%20UTILISATIONS%20DES%20C
OURS%20D%E2%80%99EAU%20INTERNATIONAUX%20%C3%80%20DES%20FINS%20AUTRES%20
QUE%20LA%20NAVIGATION&ei=nl6fTMrACMWq4AbgjpHKDg&usg=AFQjCNHCiPaxd4gjZcUW6LHpS
gJT2vZ5kg&sig2=nzLnMumvUkXkiyjcdTwEtA
Le droit international ne s'appliquant donc pas en matière d'eau douce, les états
partageant les mêmes ressources hydriques se doivent de coopérer au travers la
signature de traités de coopération et parfois par la mise en place de structures
décisionnelles communes.
Ainsi, selon l'ONU60, près de 145 traités de coopération ont été signés entre
différents états riverains d'une même ressource en eau au cours de ces 50 dernières
années. Comme nous pouvons voir dans le diagramme suivant proposé par l’ONU,
39 % de ces traités ont été signés sur la base d'un accord sur l'hydroélectricité et 37
% sur l'utilisation de l'eau. La partie suivante s’attachera donc à présenter certains
de ces accords et traités.
b)
Des exemples concrets d’accords ou traités de coopération sur l’eau
Accords entre les états riverains du Nil
Les accords entre ces pays se déroulent au travers un cadre créé en 1999 : le Nile
Bassin Initiative. Ce dernier a été initié par les ministres concernés des 10 états qui
partagent le fleuve : le Burundi, la République Démocratique du Congo, l'Égypte,
l'Éthiopie, l'Érythrée, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda et le Soudan. Ce
cadre, financé par la Banque Mondiale et le Programme des Nations Unies pour le
Développement, vise deux objectifs majeurs : la lutte contre la pauvreté et le
développement socio-économique de la région. Les dirigeants de l'ensemble de ces
pays sont ainsi amenés à se rencontrer souvent et dans cette optique, le Soudan
s'est lancé dans la construction de trois barrages en échange de quoi l'Égypte
pourra en contrepartie récupérer une partie de l'électricité produite61.
Accords entre les états riverains de l’Euphrate et du Tigre
Dans une précédente partie, a été exposé le contentieux touchant la Turquie, la
Syrie et l'Irak concernant les eaux des fleuves Euphrate et Tigre. Des accords ont
été signés entre ces pays, mais seulement des accords bipartites. Ainsi en 1987 la
Turquie et la Syrie concluent un accord de coopération économique prévoyant que
les Syriens bénéficient d'un débit minimal de 15,75 km3/an62 pour l'Euphrate soit 56
% du débit naturel du fleuve. En 1990, un accord conclut entre la Syrie et l’Irak
60
Organisation des Nations Unies. «Les eaux transfrontalières». In site de l’ONU, [En ligne]
http://www.un.org/french/waterforlifedecade/boundary.html (Page consultée le 29 juillet 2010)
61
«For Want of a Drink : A Special Report on Water». The Economist, 2010, vol. 395, n°8683, p54-73.
62
Mutin Georges. 2003. «Les eaux conflictuelles du Moyen-Orient». In site du Trinôme académique de Rouen,
[En ligne] http://trinome.ac-rouen.fr/geopolitiqueeau.htm (Page consultée le 12 aout 2010)
détermine que 52 % du débit alloué à la Syrie par la Turquie sera réattribué à l'Irak
par la Syrie.
Ce double accord sert aujourd'hui de base de discussion aux trois états, mais aucun
accord n'a été trouvé concernant les eaux du Tigre.
Accords entre les états riverains du Mékong
Ces pays sont le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam qui ont commencé
à coopérer sous l'égide de l'ONU en 1957 à travers la fondation du Mekong
Committee. Ce dernier fut remplacé en 1995 par la Mekong River Commission qui
vise à gérer conjointement les eaux qu'ils partagent avec un objectif principal de
développement économique de la région.
La première structure fut conservée durant la guerre du Vietnam et des échanges
techniques eurent toujours lieu durant cette période63, preuve que la coopération en
matière d'eau douce est un élément vital pour le développement d'une région.
Une des caractéristiques communes à la mise en place de ces traités et accords est
le temps assez conséquent nécessaire pour arriver à une coopération entre états
riverains. Temps nécessaire à la prise en compte par les différents acteurs de
l'absolue nécessité d'arriver à un accord afin de bénéficier de synergies, seules
capables de mener à un réel développement. L'autre point important à souligner est
le fait que ces accords interviennent majoritairement sous la tutelle d'organisations
internationales qui apportent un soutien aussi bien financier que technique,
indispensable à l’établissement de structures de gestion communes.
Conclusion
Les enjeux auxquels devra faire face le monde au XXIe siècle trouvent donc certains
éléments de réponse, ces derniers concernant aussi bien les aspects de politiques
de gestion que des éléments de politique étrangère et de géopolitique. Toutefois un
facteur commun est à la base de toute solution. En effet, les outils destinés à
répondre à l'enjeu de l'accroissement de la demande en eau nécessitent soit des
investissements lourds soit des politiques contraignantes qui devront être
supportées par le consommateur final. Tandis que les solutions destinées à
répondre à la menace de conflit qui pèse sur la planète requièrent aussi bien les
63
Organisation des Nations Unies. «Les eaux transfrontalières». In site de l’ONU, [En ligne]
http://www.un.org/french/waterforlifedecade/boundary.html (Page consultée le 29 juillet 2010)
compétences techniques des pays développés que les financements de ces mêmes
pays pour la création d'organes de coopération entre pays riverains des mêmes
ressources hydrologiques. Ainsi, l'élimination de la menace de conflit et la sécurité
des approvisionnements en eau seront au XXIe siècle tributaire de financements
colossaux qui devront être apportés. Ceci est bien évidemment à mettre en
corrélation avec les dettes monumentales qui affectent actuellement l'ensemble des
pays développés. On peut donc s'interroger sur la capacité réelle du monde à
pouvoir répondre à de tels enjeux sachant que les principaux investissements
devront être effectués dans les dix prochaines années64.
Ces questions ont toutefois l'avantage d'être présentes à l'esprit des décideurs
mondiaux et très souvent relayés par la presse. On a ainsi pu voir participer en 2009
au Forum Mondial de l'eau d'Istanbul près de 120 ministres venant d'autant de pays
et des centaines scientifiques décidés à étudier les moyens de prévenir une crise
qui, selon l’ONU, pourrait affecter la moitié de la population mondiale d'ici 2030.
C'est avec ces problématiques à l'esprit que le président Sarkozy assurera la
présidence française des G20 et G8, avec pour ambition de replacer la question de
l'eau au cœur des discussions internationales65. On pourra alors apprécier les
solutions qui pourront être apportées aux considérables besoins de financement de
la planète en matière d’eau douce. Force est de constater que dans un proche
avenir, le monde ne pourra se contenter de simples discours de principe et que des
réponses concrètes et chiffrées devront être apportées.
64
Galland Franck. 2008. «Les Casques Bleus de l'eau». In note de la Foudation pour la Recherche Stratégique,
[En ligne] http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/20080530.pdf (Document consulté le 23 juin
2010)
65
Le Nouvel Observateur. 02-06-2010. «Sarkozy souhaite replacer la question de l'eau au coeur des discussions
internationales». In site du Nouvel Observateur, [En ligne].
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20100602.FAP3030/sarkozy-souhaite-replacer-la-question-del-eau-au-coeur-des-discussions-internationales.html (Page consultée le 2 juin 2010).

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