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Tiré à part
NodusSciendi.net Volume 9 ième Août 2014
Jeu d’écriture et guerres de sociétés
Volume 9 ième Août 2014
Numéro conduit par
ASSI Diané Véronique
Maître-Assistant à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan
http://www.NodusSciendi.net Titre clé Nodus Sciendi tiré de la norme ISO 3297
ISSN 2308-7676
http://www.NodusSciendi.net
Comité scientifique de Revue
BEGENAT-NEUSCHÄFER, Anne, Professeur des Universités, Université d'Aix-la-chapelle
BLÉDÉ, Logbo, Professeur des Universités, U. Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
BOHUI, Djédjé Hilaire, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
DJIMAN, Kasimi, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny
KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC
MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB
SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou
TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII
VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau
WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges
Organisation
Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait,
Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Production / SYLLA Abdoulaye,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
2
SOMMAIRE
1- Profesor Albert DAGO-DADIE, Universidad Félix HOUPHOUËTBOIGNY Abidjan, “ESPAÑA Y ÁFRICA DESDE LOS REYES
CATÓLICOS HASTA LA CONFERENCIA DE BERLÍN”
2- Pr DIALLO Adama, INSS/CNRST, Ouagadougou, « PARTENARIAT
FRANÇAIS/LANGUES LOCALES DANS LA PRATIQUE ET LA
CONVERSATION COURANTE AU BURKINA-FASO »
3- Pr KONKOBO Madeleine, INSS/CNRST, Ouagadougou, « FEMME ET
VIE POLITIQUE AU BURKINA FASO »
4- Dr. KOUASSI Kouamé Brice, Université Félix Houphouët Boigny, «
L’HUMANISME DANS LES MISERABLES DE VICTOR HUGO »
5- DR KOUASSI YAO RAPHAEL, Université Péléforo Gon Coulibaly de
Korhogo, « FORMES ET REPRESENTATIONS DE LA GUERRE DANS
QUELQUES TEXTES LITTERAIRES FRANÇAIS DU VIe AU XXe
SIECLE »
6- Dr TOTI AHIDJE Zahui Gondey, Université Alassane Ouattara
Bouaké, « FONCTION ET SIGNIFICATION DES COMPARAISONS ET
DES METAPHORES DANS LE VIEUX NEGRE ET LA MEDAILLE DE
FERDINAND OYONO »
7- Dr DJANDUE Bi Drombé, Université Félix Houphouët-Boigny
d’Abidjan, « UN LITTEXTO POUR UNE RADIOGRAPGIE DE LA
SOCIETE IVOIRIENNE D’HIER A AUJOURD’HUI »
8- Dr JOHNSON Kouassi Zamina-Université F H Boigny de Cocody,
“DEATH AND THE FEAR OF DEATH: A POSTMODERN READING OF
WHITE NOISE BY DON DELILLO”
3
9- Dr Kossi Souley GBETO, Université de Lomé-Togo, « LA
CITOYENNETE EN PERIL SUR LE RADEAU: UNE REFLEXION
REALISTE D’AYAYI TOGOATA APEDO-AMAH DANS UN CONTINENT
A LA MER! »
10- Dr KAMATE Banhouman, Université Félix Houphouët-Boigny,
« MONOKO-ZOHI: UNE ÉPISATION SPECTACULAIRE DE SIDIKI
BAKABA »
11- Dr Mahboubeh Fahimkalam, Université Azad Islamique-Arak
Branche-Iran, « ROLE DE LA FOI DANS L’EQUANIMITE
DANS EMBRASSE LE VISAGE MIGNON DU SEIGNEUR, ŒUVRE DE
MASTOOR »
12- Dr Luc Kaboré, INSS/CNRST, Ouagadougou, « ANALYSE DES
DISPARITES ENTRE SEXES DANS L’ACCES A L’ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE AU BURKINA FASO »
13- Dr. BAMBA MAMADOU UNIVERSITE, ALASSANE OUATTARA DE
BOUAKE, « L’ “ETAT ” EPHEMERE DE L’AZAWAD OU L’ECHEC DES
ISLAMISTES DANS LE NORD DU MALI »
14- Dr Raphaël YEBOU, Université d’Abomey-Calavi - République du
Bénin, « LE MÉCANISME D’EXTENSION DU CHAMP VERBAL EN
SYNTAXE FRANÇAISE : DE LA STRUCTURE NON PRONOMINALE DE
PLAINDRE À LA CONSTRUCTION PRONOMINALE DE SE PLAINDRE »
15- Dr Stevens BROU Gbaley Bernaud, Université Alassane Outtara,
Côte d’Ivoire, « LES ENJEUX DU RATIONALISME SCIENTIFIQUE
DANS L’ÉPISTÉMOLOGIE BACHELARDIENNE »
4
16- Dr ASSI Diané Véronique, Université Félix Houphouët Boigny
d’Abidjan, « LE ROI DE KAHEL DE TIERNO MONENEMBO : UN
ROMAN ENTRE RÉCIT ET HISTOIRE »
17- TAILLY FELIX AUGUSTE ALAIN, Université Félix Houphouët-Boigny Côte d’Ivoire, « FICTION ROMANESQUE, POLEMIQUE RELIGIEUSE
ET NAISSANCE D’UNE PENSEE CRITIQUE DANS LA FRANCE DU
XVIIIe SIECLE »
18- YAPI Kouassi Michel, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY,
« PROJET CONGA AU PEROU: LES "GARDIENS DES LACS" FACE A
L’OFFENSIVE
MEDIATIQUE
DESTABILISATRICE
DE
LA
MULTINATIONALE NEWMONT-BUENAVENTURA-YANACOCHA »
19- LOKPO Rabé Sylvain, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY
« L'AFFIRMATION DE L'IDENTITÉ CULTURELLE ALLEMANDE ET
IVOIRIENNE À TRAVERS LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU »
20- KOUADIO Kouakou Daniel, Université Félix Houphouët Boigny, «
LE SURNATUREL COMME CATALYSEUR DE L’IMAGINAIRE DANS
EN ATTENDANT LE VOTE DES BÊTES SAUVAGES D’AHMADOU
KOUROUMA »
5
« L'AFFIRMATION DE L'IDENTITÉ CULTURELLE ALLEMANDE ET IVOIRIENNE À
TRAVERS LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU »
LOKPO Rabé Sylvain,
Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY
O. INTRODUCTION
Dans l’histoire de l’Allemagne et celle de la Côte d’Ivoire un mouvement
littéraire et un mouvement et genre musical vont voir le jour et s’annoncer, chacun
de son côté comme mouvement et genre d’insurrection nationale contre l’invasion
culturelle étrangère. Il s’agit du Sturm und Drang pour l’Allemagne et du zouglou
pour la Côte d’Ivoire. Ces deux mouvements vont certes se développer dans des aires
géographiques différentes, mais exprimeront tous deux l’identité culturelle de leurs
peuples respectifs.
Qu’est-ce qui a favorisé leur émergence? Quels genres et mouvements
musicaux et littéraires les ont précédés ? Quel climat social et politique régnait avant
leur avènement ? D’où tirent-ils leur dénomination? Quel sont leurs origines ?
Comment se caractérisent-ils ? Comment arrivent-ils à exprimer l’identité culturelle de
l’Allemagne et de la Côte d’Ivoire ? C’est à toutes ces questions que se propose de
répondre cet article dans une démarche d’anthropologie historique et littéraire.
1. AVANT LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU
L’histoire de la littérature allemande débute avec le règne de Charlemagne
(742-814) et le Saint Empire Romain Germanique (962-1806). Charlemagne participe
déjà à partir de 768, dans la période du Moyen-âge (394-1455), à la formation
progressive de l’Allemagne à travers la conquête de petits territoires et favorise les
conditions de la mise en place d’une littérature purement chrétienne et d’expression
latine avec l’évangélisation forcée des territoires saxons.
A la fin du Moyen Âge, l’empire allemand n’a pas encore de véritable politique
étrangère, puisqu’il est encore composé de petites puissances territoriales réclamant
chacune son autonomie. La langue allemande doit donc s’appuyer sur la
germanisation de ses territoires pour devenir une langue commune qui propulsera la
littérature de langue allemande au rang de littérature moderne. Vers 1450, l’invention
des caractères mobiles dans l’imprimerie par Gutenberg apporte un coup
d’accélérateur à la création littéraire avec l’émergence d’œuvres de langue
allemande. Des adaptations et traductions de poèmes allemands sont imprimées. Le
succès fulgurant de l’imprimerie apporte à la littérature un développement sans
6
précédent dans la production et l’expansion d’œuvres de tous genres. Mais cette
langue va connaître son plein épanouissement avec l’avènement de Martin Luther au
16e siècle.
On entre dans le 16e siècle allemand avec la philosophie, les arts, les lettres et
les sciences. C’est l’ère de l’humanisme caractérisée par la Renaissance allemande
(1470-1600). Le moine Martin Luther est mis au-devant de la scène ; ses réformes
bouleverseront l’ordre politique, religieux et social de toute l’Allemagne naissante.
Cette période de la Renaissance resplendira de sa lumière sur la période suivante : le
Baroque (1600-1720).
La littérature baroque sera marquée par la réorganisation de l’église en
Allemagne et la guerre de Trente Ans. On assiste à une division religieuse de
l’Allemagne en ce 17 e siècle. Les conséquences des réformes de Luther se
matérialisent du point de vue territorial ; chaque contrée a sa confession religieuse
déterminée et imposée par l’autorité princière. La langue allemande, devenue langue
commune et aussi langue religieuse en grande partie grâce à Luther, se cherche
encore une voie pour s’affranchir en tant que langue littéraire ; les hommes des arts,
lettres et sciences s’y accommodent de plus en plus.
Le 18e siècle s’annonce avec la bourgeoisie allemande. Cette bourgeoisie
prendra une part active dans l’avènement d’une époque caractérisée par le
rationalisme avec la montée en puissance de la philosophie. L’Aufklärung (1720-1785),
réplique du « Siècle des lumières » en France, apparaît. C’est un courant de pensée
préclassique allemand à l’exemple du classicisme français. Il est ici question de
morale, du respect de l’ordre, de la convention et de la hiérarchie sociale. La
littérature de l’Aufklärung préconisait l’imitation des Anciens (les Grecs) comme le
classicisme français. Pour les Allemands adeptes de ce courant, cette imitation devait
d’abord commencer avec l’imitation de la littérature française de leur époque,
puisque celle-ci avait tout copié des Anciens et était donc un exemple à suivre.
Grappin dira à ce sujet :
Le meilleur exemple de bonne imitation de la nature est fourni par les Anciens;
les meilleurs connaisseurs des Anciens sont les Français du siècle de Louis XIV;
les Allemands ne peuvent que gagner à se mettre à leur école pour donner à la
poésie de leur pays la dignité de ton et les grands sujets qui lui manquent
jusqu’ici.1
La littérature allemande était franchement dominée par la littérature
étrangère à cette époque; elle imitait les Grecs, les Italiens, les Espagnols, les Anglais
1
F. Mossé, Histoire de la littérature allemande, Poitier, 1970, p. 341.
7
et surtout les Français. Aucun poète allemand véritable n’était de ce fait connu dans
toute l’Europe. Dans le domaine politique, il faut reconnaître qu’en Allemagne même,
les Allemands n’avaient pas la possibilité de protester contre le régime en place, pour
la simple raison que le pays n’était pas centralisé comme la France. Selon Borries:
Le morcellement du territoire allemand en ses petits états autonomes dirigés
si différemment ne laissait en aucun cas naître une situation de véritable
révolution. Cette solidarité des opprimés, comme cela eut lieu en France,
gouvernée de manière centralisée avec l’insurrection de Paris, ne pouvait pas
se produire dans ce puzzle de réalités politiques qui part de la liberté relative
au despotisme exagéré. 2
On observera par ailleurs un grand retard de l’Allemagne vis-à-vis des autres
pays, et cela dans plusieurs domaines. Pierre Grappin fera remarquer ceci :
En 1700 l’Allemagne, apparaît comme un pays retardataire. Ni son économie,
ni sa structure sociale, ni sa littérature ne peuvent se comparer à ce qu’on
observe à la même époque en Angleterre ou en France. La guerre de Trente
Ans avait laissé le pays dans un état de dislocation et d’épuisement, dont les
conséquences demeuraient sensibles cinquante ans plus tard : pays peu
peuplé, pauvre en capitaux et en grandes villes, divisé en nombreux Etats
souverains, l’Allemagne n’avait pas pu se développer. Le morcellement
politique, renforcé par l’hostilité entre les confessions, interdisait toute
initiative de grande envergure.3
En somme, on peut dire que la période d’avant le Sturm und Drang a été
marquée par la mise en place d’une littérature purement chrétienne c'est-à-dire latine
et qui va se transformer plus tard en une littérature de langue allemande en partie
grâce à Martin Luther. Cette littérature très extravertie va petit à petit progresser
jusqu’à se réapproprier la culture allemande dans la deuxième moitié du 18 e siècle.
Qu’en est-il de l’histoire de la Côte d’Ivoire et surtout de la période qui a précédé
l’avènement du zouglou?
2
“Die territoriale Zersplitterung Deutschlands mit seinen so unterschiedlich regierten Einzelstaaten
ließ zu keinem Zeitpunkt eine echte revolutionäre Situation entstehen. Jene Solidarität der
Unterdrückten, wie sie im zentralistisch regierten Frankreich rasch mit den Pariser Aufständischen
entstand, konnte es in diesem Sammelsurium politischer Realitäten, die von relativer Liberalität bis zu
schlimmem Despotismus reichten, nicht geben.“ E. Borries, „Aufklärung und Empfindsamkeit, Sturm
und Drang“, Deutsche Literaturgeschichte, Bd. 2, München, 1991, p.191.
3
F. Mossé. op. cit. p. 334.
8
L’histoire moderne de la Côte d’Ivoire débute exactement à partir de son
érection en colonie française, le 10 mars 1893. Le territoire de la Côte d’Ivoire sous sa
forme actuelle n’existait pas ; il n’y avait que des royaumes et des chefferies avec des
structures et organisations internes propres, établis sur des espaces bien définis.
Tous ces grands groupes devaient maintenant vivre ensemble sous le regard vigilant
du colonisateur français, devenu de ce fait l’autorité suprême. Les autochtones de
ces zones ne se voyant pas associés directement à l’administration de leur territoire
au bénéfice des auxiliaires et ouvriers africains que les colonisateurs français
valorisent, les réactions ne se feront pas attendre. Des mouvements nationalistes
embryons du nationalisme ivoirien s’annoncent à l’exemple de l’UFOCI (Union
Fraternelle des Originaires de la Côte d’Ivoire) et de l’ADIACI (Association de Défense
des Intérêts des Autochtones de la Côte d’Ivoire). On assiste à l’émergence d’une
conscience nationale qui va accélérer le processus de décolonisation. Le 28 juillet
1937 naît le Syndicat Agricole de Côte d’Ivoire (SACI), regroupant des planteurs
européens et africains. Mais ce syndicat disparaîtra parce qu’il encourageait des
inégalités au détriment des planteurs africains quant aux prix des produits agricoles
et à l’emploi de la main d’œuvre. Il est remplacé le 3 juillet 1944 par le Syndicat
Agricole Africain (SAA).
Il faut rappeler que de 1946 à 1959 la Côte d’Ivoire, encore colonie française,
fera l’expérience du multipartisme. En 1960 cependant, l’année de l’accession de la
Côte d’Ivoire à l’indépendance, il n’y aura qu’un seul parti politique, le PDCI-RDA,
parce que la plupart des autres partis l’avaient rejoint, engendrant ainsi un parti
unique fort, intégrateur et unificateur.
L’indépendance de la Côte d’Ivoire est proclamée le 07 août 1960 avec Félix
Houphouët Boigny comme premier président. Celui-ci doit préserver l’unité et
l’intégrité du territoire. Toute volonté d’autonomie des peuples pris individuellement
n’est plus valable, les chefferies et royaumes dans leur forme originelle disparaissent
ou du moins atténuent leurs pouvoirs pour laisser libre cours à l’Etat. Force est à la loi
qui organise l’Etat et fait des peuples vivant sur le même territoire, une unité
indivisible. Il faut maintenant se mettre résolument au travail pour rattraper le retard
qu’on a accusé sur les autres nations du monde. C’est donc la course au
développement. La première décennie sera caractérisée par la mise en place des
infrastructures scolaires (écoles primaires, collèges, lycées, université), sanitaires
(dispensaires, centres hospitaliers) et routières et la création des sociétés d’Etat (les
SODE). L’économie essentiellement agricole est tournée vers le café et le cacao,
cultures industrielles héritées de la colonisation. L’armée ivoirienne voit le jour elle
aussi, sortie des restes de l’armée coloniale. La tâche n’est pas facile et il faut du tact
et du génie politique pour rassembler tous les habitants du pays autour d’un idéal
9
commun : la construction de la Nation ivoirienne. L’acteur principal en est le
président Félix Houphouët Boigny. Toute opposition au régime en place était brisée
par tous les moyens, sinon condamnée à rester dans la clandestinité. Il fallait arriver à
unir toutes les forces du pays en vue de poser les jalons d’un développement
économique et social réussi. Tous les citoyens rassemblés dans le parti unique (de
1960 à 1990) participaient ainsi à la construction du pays ; cela a valu à la Côte d’Ivoire
de connaître un boom économique dans les années 1970 connu sous le nom de
miracle ivoirien. La destination Côte d’Ivoire est très prisée grâce à une stabilité
économique, politique et sociale qui cachait en réalité des problèmes internes dus à
la mauvaise gestion des SODE, au manque de démocratie et à la gabegie que la crise
économique mondiale viendra mettre au grand jour à partir des années 1980.
Dans les années 1980 on enregistre en Côte d’Ivoire, dans les milieux scolaires
et universitaires des remous sociaux. Le 9 février 1982 précisément, suite à des
manifestations estudiantines, les grandes écoles et l’université (à cette époque il n’y
avait qu’une seule université, l’Université Nationale de Côte d’Ivoire) sont fermées.
Au niveau économique, des plans d’ajustements structurels se succèdent, mais
toujours sans solution véritable ; le pays est très endetté, le taux du chômage ne
cesse de grimper, le prix des matières premières, en l’occurrence le café et le cacao,
baisse, l’économie ivoirienne est encore dépendante de l’extérieur. On assiste à une
récession économique entraînant la faillite des entreprises. La population vit dans la
pauvreté mais continue tout de même de s’accroître. A cette démographie galopante
s’associe un fort taux d’urbanisation. La ville constitue pour la jeunesse, selon Jean
Noël Loucou, un nouveau « pôle d’attraction, un lieu d’élaboration de nouvelles
mentalités et de nouveaux comportements, un centre de la vie publique »4. L’école
ne répond plus aux attentes de cette jeunesse avec sa forte croissance
démographique, mais représente dès lors « la caisse de résonance des aspirations de
la société, le détonateur de ses crises » 5.
A l’international, on observe la grande crise pétrolière avec ses répercussions
sur le monde économique. Le bloc capitaliste et le bloc communiste luttent encore
pour imposer leurs idéologies et contrôler le monde. Mais la crise est si profonde
qu’elle emporte le bloc communiste non préparé à la compétition économique
mondiale. Les pays du tiers monde ressentiront durement cet effondrement du bloc
soviétique, puisqu’il n’y a plus de contrepoids en face des occidentaux qui en
profitent donc pour imposer leurs desiderata à travers leurs institutions. La crise se
ressent en Afrique et en Côte d’Ivoire particulièrement avec un endettement énorme
auprès des institutions financières internationales telles que la Banque Mondiale et le
4
5
J. N. Loucou, Le Multipartisme en Côte d’Ivoire, Abidjan, 1992. p. 158.
J. N. Loucou, op. cit. p. 158.
10
FMI, qui exigent des plans d’ajustements structurels difficiles à appliquer. Ces
mesures demandent aux gouvernements africains encore au régime de partis
uniques, plus de démocratie et de transparence dans la gestion des fonds publics. La
France elle-même, dans ses relations avec ses ex-colonies, réclamera aussi la
démocratie (conférence de la Baule en 1990). En Côte d’Ivoire, tous ces faits
ouvriront la voie aux revendications politiques, économiques et sociales et mettront
au grand jour cette opposition au régime du parti unique, opposition longtemps
restée dans l’anonymat et la clandestinité. Dans la même période on assiste dans le
monde à la chute du mur de Berlin et à la réunification allemande, aux renversements
des dictatures à l’exemple de la Roumanie, à la libération de Nelson Mandela et à
l’indépendance de la Namibie.
Ce vent de changement soufflera sur la Côte d’Ivoire quand le gouvernement
ivoirien annoncera l’application des mesures de réduction de tous les salaires prévue
pour début 1990. C’est la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Les manifestations
de rue devaient commencer quelque part, et c’est la résidence universitaire de
Yopougon qui sera le théâtre d’action ; la population estudiantine de cette cité entre
en grève pour une histoire de coupure d’eau et d’électricité dans la nuit du 18 au 19
février 1990. Les étudiants occupent la rue le 19 février. Les autres corps de métiers
s’associent à eux et organisent une marche de protestation le 2 mars 1990 contre les
mesures de réduction de salaires. Ces mesures sont suspendues le 15 avril et
totalement annulées au mois de mai 1990. L’opposition ivoirienne se saisit de ces
différentes crises pour se faire un nom et se frayer un chemin dans le paysage
politique. Le multipartisme des années d’après-indépendance sera reconnu le 30 avril
1990 par le bureau politique du PDCI. En octobre 1990, la Côte d’Ivoire connaît, pour
la première fois de son histoire, ses premières élections pluralistes. Le monde de la
presse écrite va connaître un grand progrès avec la floraison des journaux de tous
bords politiques. Le zouglou, apparu dans cette période de turbulences des années
1980 à 1990, est considéré comme un des fils de la crise ivoirienne, cela pour dire que
la période qui a précédé l’avènement du zouglou a contribué d’une manière ou d’une
autre à sa la naissance et a même favorisé sa croissance. Il reste de ce fait un témoin
privilégié de cette époque tout comme de l’actualité de la Côte d’ivoire.
L’histoire de la musique moderne ivoirienne va elle aussi débuter dans la
période de la colonisation. Des peuples de cultures diverses vont se rencontrer sur un
espace commun et s’exprimer d’abord chacun dans son aire géographique distincte
pour ensuite échanger entre eux et établir un brassage culturel dans lequel se
reconnaît tout Ivoirien. Tout commence au départ dans les villages par la musique, les
chants et les danses traditionnels de chaque peuple; tématé chez les Yacouba, goly
chez les Baoulé, aloukou, tohourou chez les Bété, zahouli chez les Gouro, kurubi chez
11
les Dioula… Pendant ce temps se met en place progressivement dans les années 1920
une administration coloniale, prélude à l’urbanisation du territoire ivoirien. Les
premières villes ivoiriennes verront le jour avec de la musique venue de la métropole,
que savourent les colons et quelques auxiliaires africains présents sur le territoire.
C’est parallèlement à cette musique française que vont évoluer les différents genres
musicaux, qui connaîtront par ailleurs la ville surtout grâce à la célébration de la fête
du 14 juillet (fête nationale de la France / en mémoire de la prise de la Bastille 14 juillet
1789), du 11 novembre (en mémoire de l’armistice signée en 1918) 6 et aussi à
l’occasion des funérailles et fêtes de réjouissances dans les quartiers populaires. Le
contexte colonial va voir apparaître la radio et le phonographe, qui vont propulser la
musique ivoirienne au rang de produit commercial. Il faut tout de même noter selon
Wondji Christophe que:
Nous n’avons pas la naïveté de penser que cet art n’aurait connu aucune
évolution dans un sens ou dans un autre en dehors du contexte colonial ;
cependant l’objectivité nous oblige à reconnaître que la chanson ivoirienne,
telle qu’elle se déploie sous nos yeux, doit sa vitalité et son rayonnement aux
conditions socio-économiques et techniques de l’ère coloniale et constitue de
ce fait un produit des temps nouveaux. 7
Des Ivoiriens vont s’adonner à la musique de ville, la musique urbaine, la
musique moderne. L’un des premiers à s’engager dans cette aventure musicale sera
Amédée Pierre (Nahounou Digbeu) en 1958, que suivront Anoma Brou Félix,
Mamadou Doumbia, N’Douba Kadio Simon, les Sœurs Comoé. Les chanteurs
modernes ivoiriens sont ainsi nés. La radio émet sur tout le territoire national cette
musique ivoirienne riche et diversifiée. On passe le cap de la première décennie
d’après les indépendances bercé par les rythmes et poésies chantées traditionnelles
modernisées, jusqu’à la période du miracle ivoirien (1970-1980), période qui verra
arriver une autre classe d’artistes musiciens modernes.
Cette classe est plus représentative des peuples de la Côte d’Ivoire : Jeanne
Agnimel (Adioukrou), Kati Loba (M’Batto), Eba Aka Jérôme (Agni), Jimmy Hyacinthe
(Baoulé), Daplé Stone (Yacouba), Lougah François (Dida), Tibé Bi Gokon (Gouro),
Okoi Séka Athanase (Attié), Paul Wassaba (Sénoufo), Guéi Jean (Wè), Ernesto Djédjé,
Zakry Noël, Reine Pélagie, Bailly Spinto (Bété). Ces artistes musiciens poussent la
musique ivoirienne à un certain niveau ; il y a même des genres musicaux très
appréciés qui vont se démarquer du lot ; le goly de Jimmy Hyacinthe et surtout le
ziglibity d’Ernesto Djédjé, qui finit par s’imposer sur l’échiquier national et même
6
7
C. Wondji, « La Chanson Populaire en Côte d’Ivoire ». p. 13.
Idem, p. 12.
12
international (la sous-région et l’Afrique notamment), mais qui s’éteindra juste après
la mort de son promoteur.
Les années 1980 entament une nouvelle ère musicale avec la grande
ouverture de la Côte d’Ivoire sur les musiques venues d’ailleurs. Ce n’est pas un fait
nouveau. Déjà des années auparavant, la radio et la télévision ivoiriennes distillaient
en grande partie de la musique française, cubaine, congolaise ; les années 1980-1990
verront tout de même l’arrivée d’un nombre important de groupes et artistes
étrangers qui viendront vendre leur talent en Côte d’Ivoire ; Le groupe Kassav,
Franco, Pierre Akedengué, Moni Bilé, San Fan Thomas, Rochereau, M’Bilia Belle,
N’Pongo Love, Papa Wemba, Kanda Bongo Man, Zaïko Langa Langa, Koffi Olomidé et
autres seront reçus dans cette période. Ces artistes influenceront la musique
moderne ivoirienne. Dans l’exécution de la nouvelle musique ivoirienne, on
retrouvera soit un peu de makossa camerounais, du kavacha, du kwassa kwassa, du
mayebo, du zaïko des Congolais, soit du zouk des Antilles ou même du reggae
jamaïcain. Ce sont vraisemblablement ces genres musicaux qui sont à la mode à une
époque donnée de l’histoire de la Côte d’Ivoire et qui se vendent bien. Il faut donc s’y
adonner pour ne pas courir le risque de disparaître de la scène musicale. La Côte
d’Ivoire, carrefour musical en interne comme en externe, se cherche ainsi une voie.
Les interférences entre musique urbaine et musique rurale sont si profondes
qu’on arrive parfois difficilement à les différencier. A côté de ces deux types de
musiques se développent dans l’armée ivoirienne et les corps paramilitaires, dans les
groupes de civisme (scouts, CVAV), dans les écoles primaires, collèges, lycées,
grandes écoles et université, soient des chants d’écoles, de jeux, de rencontres
festives ou sportives, soient des chants de villages, de funérailles ou du folklore. Ces
chants faciles et simples à exécuter, évoluent dans l’informel mais ont la caution des
jeunes, qui y ont constamment recours quand ils se rencontrent pour exprimer leurs
joies, peines, douleurs, leurs ras-le-bol. On ne les nommera pas encore zouglou, mais
« wôyô » ou « ambiance facile ». Ce n’est précisément qu’à partir des années 1990 que
le concept zouglou prendra véritablement forme comme se fut le cas pour le Sturm
und Drang en Allemagne dans les années 1770.
13
2. LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU
Dans les années 1770 un bouleversement littéraire a lieu en Allemagne,
favorisant ainsi le retour aux sources. Les jeunes auteurs allemands de cette période
veulent s’affranchir des conventions, de l’arbitraire, de la morale ; ils veulent
l’épanouissement total et libre des forces spirituelles et corporelles et l’Aufklärung
constituait pour eux un obstacle. Il empêchait l’extériorisation des émotions et du
sentiment de la jeune génération et freinait l’explosion et la jouissance du « moi ».
Tout ce qui provenait de la littérature française devait à présent être écarté puisque
chaque littérature et chaque époque étaient spécifiques à chaque peuple et jamais
transposables; les Allemands avaient « soif de rajeunissement » 8 et ne devaient
compter maintenant que sur eux-mêmes. Un nouveau mouvement littéraire voit
donc le jour en Allemagne : le Sturm und Drang. C’est un mouvement littéraire
d’émancipation nationale qui a du succès auprès de la jeunesse allemande, parce qu’il
autorise tout ce qu’empêche l’Aufklärung. Durieux affirme que :
L’Aufklärung était devenue une autorité froide qui réfrénait tout élan. Il fallait
une tempête pour balayer l’obstacle, un assaut pour franchir les barrières:
„Tempête et assaut“ sont justement la traduction des mots Sturm und Drang
par lesquels on désigne le mouvement d’insurrection contre le rationalisme. 9
Le Sturm und Drang est un mouvement littéraire nationaliste typiquement
allemand. Hamann et Herder en sont considérés entre autres comme les précurseurs.
Les Allemands contemporains de Goethe se reconnaissent en ce mouvement qui
exprime leur joie et leur espoir. Herder qui fait connaître les idées de Hamann à cette
génération, l’invite à se tourner vers le fond populaire, le patrimoine national
allemand. Pour lui, il ne sert à rien d’imiter la les littératures étrangères ; l’Allemagne
elle-même regorge de richesses culturelles inestimables dans lesquelles les jeunes
écrivains de son époque peuvent puiser pour concevoir des œuvres originales. Il fait
remarquer que les Allemands ne possèdent pas de littérature propre à eux et que
l’intérêt pour la littérature étrangère, en particulier pour la littérature française ne
cesse de s’accroître. Il réfléchit à cet état de fait et accuse les Allemands eux-mêmes
d’être à la base de la dévaluation, la sous-estimation du riche patrimoine culturel et
traditionnel de chez eux. A ce sujet Pierre Grappin fait répondre à Herder ce qui suit:
8
A. Salzer “Von der Klassik bis zur Romantik“, Illustrierte Geschichte der deutschen Literatur; Bd. 3,
Cologne, p. 23.
9
P. Durieux, “Littérature étrangère”, Clartes: Pensée, Paris, 1984, p. 1.
14
La grande question était: pourquoi les Allemands n’ont pas encore une
littérature originale? La réponse de Herder est que les Allemands n’ont pas
encore pris conscience de leur originalité nationale et qu’il leur manque le
courage d’être eux-mêmes.10
Herder insuffle un vent nouveau. Il demande aux Allemands de faire un retour
aux sources. Ainsi débute une vraie révolte culturelle, dont il est l’instigateur
principal. Leo Kreutzer mentionne ici cette révolte :
Il montre une fois de plus la révolte individuelle et collective issue d’une
humiliation nationale, révolte qui se traduit par une revalorisation de la
tradition culturelle propre, et particulièrement par la revalorisation d’une
poésie orale. 11
Le Sturm und Drang se développa de 1767 à 1785. Le terme Sturm und Drang
fut au départ le titre d’une pièce de théâtre mélodramatique de Friedrich Maximilien
Klinger (1752-1831) qui, en 1776 s’intitulait « Wirrwarr » et a été rebaptisée Sturm und
Drang par Christoph Kaufmann. Les membres de ce mouvement viennent du
Göttinger Hainbund ou encore du Hainbund (l’Alliance du bois sacré, constitué d’un
groupe de jeunes étudiants qui se sont réuni le 12 septembre 1772 à Göttingen pour
honorer et défendre les idées de Klopstock (1727-1803), leur maître : le retour aux
origines) et de l’entourage de Goethe et de Herder. Il se caractérise par ses normes
irrationnelles comme les passions, les sentiments, l’intuition à une certaine période,
la période de turbulence qu’on nommera « la période du génie » allemand. Le Sturm
und Drang est plus convivial et prise le goût du naturel, l’expression vraie du génie. Il
fait asseoir ses bases sur les insuffisances de l’Aufklärung et l’approfondit en se
différenciant de lui dans la forme et le contenu (fond).
Les Stürmer (c’est ainsi qu’on nomme les adeptes du Sturm und Drang) ont
surtout révolutionné la forme, le langage, le fond et la thématique de la littérature
allemande. Ils tirent leurs sujets du peuple ; leurs sujets sont le reflet des réalités
sociales. Des thèmes comme conflits de générations (père contre fils), conflits entre
les classes (valets contre maîtres), liberté d’amour, liberté de croyance, sont
caractéristiques de cette période de génie, sans oublier le subjectivisme du sentiment
qui est omniprésent dans toutes leurs créations littéraires. Il faut voir aussi au-delà du
mouvement littéraire du Sturm und Drang, comme le pense Wilpert, toute une
philosophie :
10
11
F. Mossé, op. cit. p. 389.
L. Kreutzer, op. cit. p. 2.
15
L’insurrection d’une jeunesse enthousiaste, inquiète, qui se cherche, rejette le
programme rationaliste de l’Aufklärung, car elle ne croit plus à l’authenticité
de la raison, encore moins à son efficacité et à sa puissance. Tout ce qui a été
construit suivant les principes d’un ordre arbitraire, infligé, non consenti, est
un mal contre lequel on doit lutter jusqu’à ce qu’on l’ait renversé. 12
En ce qui concerne le zouglou, il est né en résidence universitaire, plus
précisément à la cité de Yopougon (cité de Yop ou encore Kouazulu natal) au début
des années 1990 (officiellement autour de la date du 10 avril 1990 et officieusement
dans les années 1985-1986). Ses concepteurs, au nombre de trois au départ (Gogoua
Christian alias Joe Christie, Bakary Ouédraogo alias Esprit Bakry ou Spirit et Bruno
Porquet dit Opokou N’Ti), se rendent dans les « maquis » 13 de la place, non loin de la
cité, principalement au « maquis Craven A », pour s’offrir quelques bouteilles de
bières. Ce sont des compagnons inséparables qui partagent ensemble leur difficulté
de vie d’étudiant.
Il est à noter que Joe Christie entre à l’université dans les années 1985-1986,
venu de son Gagnoa natal avec des pas de danse ; danse qui du reste n’avait pas de
nom au tout début et qu’il exécutait quand on distillait de la musique. Il livrera en
novembre 2005 dans une interview qu’à cette époque les artistes en vogue étaient
entre autres Jean Baptiste Zibodi et Meiway avec leurs titres phares « Marie José » et
« 200% Zoblazo ». Quand dans le « maquis Craven A » ou à toute autre occasion on
entonnait ces chansons et que Joe Christie devait exécuter quelques pas de danse,
c’était des pas faits avec une mimique et une gestuelle très expressives (comme des
grimaces) que ses amis observaient ; il est arrivé une fois, en exécutant cette danse,
qu’un de ses amis, Bruno Porquet Alias Opokou N’Ti s’exclama : « ça c’est du
zouglou ! » 14. On ne peut dire avec exactitude la date à laquelle ce nom a été donné à
ce genre de danse. Cette danse commence par être imitée d’abord par ses amis,
ensuite par d’autres étudiants. Mais elle prendra une toute autre envergure avec
l’arrivée de Bilé Didier.
C’est en 1990 que Didier entre à l’université. Il est inscrit en première année de
sciences économiques. En fait, depuis sa classe de terminale C au Lycée Moderne de
Bassam, Didier rendait régulièrement visite à ses « aînés » logés à la cité de Yop, lieu
où le zouglou se pratiquait quelques années auparavant. Didier était lui-même un fan
de l’animation. Il avait fait partie de 1981 à 1990 des groupes d’animation des Lycées à
Yamoussoukro, Dabou, Agboville et Grand Bassam. Il trouvera donc en la résidence
12
Wilpert, Gero von. Histoire de la littérature allemande. Paris: Albin Michel, 1968.
Genre de restaurant populaire connu sous ce nom en Côte d’Ivoire.
13
14
« Interview avec Gogoua Christian alias Joe Christie, le concepteur des pas du zouglou ».
Abobo. Novembre 2005.
16
universitaire de Yopougon, le lieu idéal pour s’adonner à sa passion. Et pour y être
admis, il lui fallait être étudiant, c'est-à-dire avoir le bac ; ce qu’il obtient. Il intègre
ainsi la grande famille des étudiants et est logé par la force des choses dans la cité qui
a vu naître le zouglou avec dans ses bagages un tam-tam.
Il lui arrivait parfois de suivre la bande à trois (Joe Christie, Spirit et Opokou
N’Ti) au « maquis » ou de jouer les soirs, à ses temps libres avec son tam-tam
quelques airs de chansons « d’ambiance facile » (wôyô) dans la cité. La danse zouglou
prend petit à petit un contenu musical propre à elle, fait de chants « d’ambiance » à
travers lesquels les étudiants passeront leurs messages composés pour l’essentiel de
revendications, du vécu quotidien, énumérant leurs difficultés, leurs peines mais aussi
leurs joies. Les étudiants dans leur ensemble se reconnaîtront évidemment dans ces
chansons et danse zouglou, dont la production discographique n’attendra qu’un an
pour voir le jour. Dans la première semaine du mois d’octobre 1991 Bilé Didier et un
groupe d’étudiants, Les Parents du Campus Ambiance, font sortir leur première
cassette qui connaîtra un succès phénoménal. Il faut rappeler que la première
cassette de Bilé Didier et les Parents du Campus est sortie pendant la période de la
longue interruption des cours à l’université de Côte d’Ivoire (six mois d’arrêt de cours
juin-décembre 1991), c'est-à-dire dans cette période de troubles et d’inactivité sur le
campus, portant du coup les revendications des étudiants par le biais des chansons
zouglou. Cela a été d’un soutien incontestable pour les étudiants dans leur ensemble
et a eu un écho favorable auprès de la population ivoirienne.
C’est le lieu de rappeler ici que le zouglou apparaît dans le contexte de crise
économique, sociale et politique que traverse la Côte d’Ivoire depuis les années 1980.
Dans la décennie 1980-1990 soufflent des vents contraires au régime du parti unique,
avec des contestations de tous ordres : manifestations populaires, grèves
estudiantines. L’embryon des partis de gauche naît avec l’avènement du
multipartisme, les différentes couches sociales bouillonnent, les syndicats, partis
politiques, société civile se mettent tous dans l’arène politique pour réclamer un
mieux-être. Le zouglou apparaîtra ainsi comme le pendant des manifestations
estudiantines des années 1990, avec la quête des libertés : liberté de pensée, liberté
d’expression, liberté d’action.
Ce genre musical va sortir des résidences universitaires pour entrer dans la
société ivoirienne, se faisant le porte-parole du peuple. Le zouglou est certes né dans
un contexte de crises, mais il aborde encore aujourd’hui, en dehors des thèmes liés
aux crises (crise universitaire autrefois et crise ivoirienne comme toujours), des
thèmes d’ordre purement existentiel, philosophique, culturel ou même d’ordre social
tout simplement. Ce qui fait qu’il est toujours d’actualité et que certains de ses
adeptes prophétisent même son immortalité comme le reggae.
17
Le terme zouglou selon le concepteur de cette danse, Joe Christie lui-même,
ne veut rien dire apparemment. Il l’assimilera à une boutade qu’une demoiselle de la
cité de Yop qu’il courtisait avait l’habitude de lancer : « zouglou behi » qui signifierait
en langue bété vilain (ou mauvais) petit ami. Certains écrits y voit plutôt du baoulé à
travers l’expression « bé ti lè zouglou » ou « bé fô lè zouglou » c'est-à-dire « entassés
comme…. / rassemblés comme… » 15. A en croire les adeptes de cette version, on
retrouve dans le terme zouglou toute la réalité de la vie estudiantine ; le nombre
pléthorique des étudiants à l’université, dans les amphithéâtres et surtout dans les
chambres des résidences universitaires, les conditions de vie difficiles que dépeint
Bilé Didier dans sa chanson éponyme « Gboglo Koffi ».
Au tout début le zouglou était pour l’étudiant « une sorte d’auto-psychanalyse
à travers laquelle [il] extériorise ses désirs, ses misères et son calvaire » 16. Il est
actuellement une toute autre manière de voir la vie ; ne compter que sur soi-même
pour vaincre les difficultés qui se présentent à soi. C’est tout un état d’esprit, une
philosophie : ne jamais baisser les bras, mais lutter pour s’assumer et assurer son
avenir. Pour être plus explicite, la philosophie qui sous-tend ce genre musical fait de
l’Ivoirien un battant, un combattant de la liberté, qui se cherche une place au soleil
pour se réaliser et qui veut rester authentique et vrai avec lui-même. Et cette
philosophie est encore valable aujourd’hui.
Ce genre musical n’a pas évolué sur un terrain vierge. Il existait déjà à son
avènement des rythmes urbains typiquement ivoiriens comme le gnaman-gnaman
(Kéké Kassiry, RAS), le ziguéhi (RAS, Noël Douré), des rythmes tradi-modernes tels
que le lékiné (Guéi Victor), le zoblazo (Meiway), le polihet (Gnaoré Djimi), le laba-laba
(Lukson Padaud) et bien évidemment des rythmes étrangers comme le mayebo, le
kwasa-kwasa, le n’dombolo et autres ...
Il est à mentionner que Bilé Didier et les Parents du Campus ont sorti leur
première cassette en octobre 1991, après celles des groupes Système Gazeur et
Zougloumania sorties en août-septembre 1991 et révélées au public à travers les
émissions de vacances telles que Variétoscope et Podium 1991. Cela pourrait conduire
à se poser la question de savoir si les étudiants sont les véritables concepteurs du
zouglou. Il a été dit plus haut que le zouglou se dansait déjà à la résidence
universitaire de Yopougon, le « Temple du zouglou », depuis les années 1985-1986 et
qu’il a fallu attendre l’arrivée de Bilé Didier en 1990 pour qu’il connaisse une
ascension fulgurante. Sur ce point, il n’y a pas de débat. Le retard qu’a donc accusé le
groupe Les Parents du Campus Ambiance en ce qui concerne la sortie de son premier
opus est dû tout simplement au manque de moyens ; moyens qu’il réussira à réunir
15
16
L. Momo, « Le phénomène Zouglou ». in Fraternité Matin. 26 et 27 octobre 1991. p. 16, 17.
M. Man, et M. Kraidy. « Zouglou, le mal de vivre ». in Ivoir Soir. 25 au 27 octobre 1991. p. 10.
18
grâce à la collecte de fonds auprès de ses « parents » étudiants et de certaines
bonnes volontés. Le zouglou va ainsi sortir progressivement du cadre purement
universitaire pour s’adresser à toute la population ivoirienne. On enregistrera en
dehors des groupes Système Gazeur et Zougloumania, sortis prématurément sur la
scène musicale, d’autres groupes et artistes zouglou qui continueront de par leurs
œuvres discographiques à exprimer le vécu des peuples de Côte d’Ivoire tout comme
l’ont fait les auteurs allemands dans la période du Sturm und Drang, contribuant ainsi
à montrer leur appartenance à une certaine aire géographique et surtout culturelle.
3. L’AFFIRMATION CULTURELLE DE L’ALLEMAGNE ET DE LA COTE D’IVOIRE
Le Sturm und Drang est fondamentalement une révolte (littéraire) contre la
littérature étrangère, principalement contre la littérature française, dont les adeptes
affirmaient tout le temps que les Allemands n’avaient aucune littérature authentique,
aucune culture, et que même s’il en existait, elle manquait de goût. C’était une
indignation, une frustration que les Stürmer ont voulu faire disparaître à travers leurs
œuvres. Ils ont fait table rase de tout ce qui leur était imposé de l’extérieur pour se
ressourcer dans leur propre patrimoine culturel national. L’imitation d’une
quelconque littérature, fusse-t-elle française, n’avait donc plus sa place. Ils ont ainsi
contribué à donner à l’Allemagne une littérature nationale. On peut citer en exemple
des écrivains comme Schiller, Jakob Michael Reinhold Lenz, Heinrich Leopold
Wagner, Heinrich Jung-Stilling, Friedrich Maximilian Klinger, Friedrich Müller,
Friedrich Heinrich Jacobi, Karl Philipp Moritz et surtout Goethe.
Ce poète, écrivain, dramaturge, homme de culture, a marqué son temps et
son espace. Grâce à ses devanciers Hamann et Herder, à son éducation familiale et à
sa très grande envie de culture, Goethe a transformé son monde en y apportant une
touche particulière : l’amour de la patrie et le désir de réhabiliter et revaloriser la
culture allemande, en vue de faire asseoir une littérature en laquelle les Allemands
eux-mêmes se reconnaissent. Il le réussit en collectant des chants populaires
allemands, ferment national qui apparaîtra dans toute l’œuvre de sa vie. Ainsi les
Allemands se découvrent eux-mêmes à travers ses œuvres, dont les thèmes et
motifs, la langue sentent allemand. Il a le mérite d’avoir parlé au cœur des Allemands
dans leur langue avec des termes simples mais surtout propres à eux. Les héros de
légendes germaniques sont remis sur scène : Faust, Méphisto. Les chants populaires
sont édités et même figurent dans des œuvres théâtrales : « Das Veilchen » dans
Erwin et Elmire, « Der König in Thule » dans Faust, « Der untreue Knabe » dans
Claudine von Villabella, « Erlkönig » à l’opérette, « Die Fischerin, Mignon » et « Der
Sänger » dans Wilhelm Meister et le « Rattenfänger » dans un ballet d’enfants. Des
19
tournures dialectales apparaissent dans les écrits : «Statt zu sterben, ward der Fuchs»
(« Chant de Sessenheim » n°1 vers 23) / «Und ich bin belohnt genung. » (« Chant de
Sessenheim » n°8 vers 12)). Le quotidien des Allemands de cette époque y est décrit.
Comment ne pas se sentir proche d’une telle personne qui partage toute la vie de son
peuple, même si au plan politique il était difficile voire inimaginable de s’insurger
contre les pouvoirs en place, l’Allemagne étant encore un ensemble de petits
territoires autonomes. Goethe et ses contemporains ont ainsi conduit et développé
le Sturm und Drang jusqu’à ce que ce mouvement ait un écho favorable hors des
frontières de l’Allemagne. L’Allemagne réclame ainsi une littérature propre à elle
avec ce mouvement littéraire nationaliste, annonçant le romantisme allemand.
Pour ce qui est du zouglou, le très grand nombre de langues nationales aurait
pu être un obstacle à l’affirmation culturelle de la nation ivoirienne dans son
ensemble. Mais la Côte d’Ivoire a su s’approprier les langues présentes sur son sol,
surtout la langue coloniale, le français, qu’elle a remodelé à son goût pour en faire un
genre de langue avec ses couleurs, particularismes, régionalismes, « ivoirismes » qui
la différencie même du français de France. Ainsi donc, quand on parle du français
ivoirien ou du français de Côte d’Ivoire, on fait allusion au français standard ivoirien,
au français populaire ivoirien et aussi à cet argot ivoirien connu sous le nom de
nouchi. Ces variétés de français à l’ivoirienne sont dans la pratique le véhicule
essentiel utilisé dans les chansons zouglou à des proportions variables en plus des
langues nationales.
Il faut rappeler que ce mouvement et genre musical qui est né en Côte d’Ivoire
parle au peuple ivoirien dans un langage et avec des thèmes qui lui sont propres. Il
l’accompagne tous les jours de sa vie, dans ses joies et ses peines, en temps de paix
comme en temps de guerre. Le peuple ivoirien respire à travers lui. Il est le fruit du
grand amour que les fils et filles du pays toutes tendances, origines, races, langues
confondues, ont pour la nation ivoirienne. C’est un genre musical national,
nationaliste, patriotique. Et cela, les artistes zouglou l’expriment bien dans des
chansons qui correspondent à chaque évènement de la vie de la nation. L’essentiel ici
c’est que ces artistes soient rattachés aux réalités ivoiriennes. C’est un acte d’amour,
quand on sait que les artistes zouglou ont toujours voulu le mieux-être du peuple
ivoirien, l’invitant tantôt à changer de comportement, tantôt à s’engager pour le
développement de la patrie. Il apparaît dans un paysage culturel ivoirien miné par les
musiques venues d’ailleurs, surtout la musique congolaise.
Ces musiques trouvent sur place des musiques typiquement ivoiriennes ; des
musiques traditionnelles aux musiques modernes en passant par les musiques tradimodernes : aloukou, simpa, tohourou, goly, ziglibity, zoblazo, laba-laba, polihet,
20
zôgôda-zoué, musique-DJ, gnaman-gnaman, ziguéhi, sikogi le tour, couper-decaler, la
liste n’est pas exhaustive. Ces musiques ivoiriennes sont mises en valeur, se
maintiennent un court instant sur la scène musicale pour ensuite disparaître
totalement. L’une des raisons surtout pour les musiques traditionnelles et tradimodernes est qu’elles sont régionalement marquées ; elles ne prennent donc pas en
compte quasi-totalité de la population ivoirienne qui ne comprend le plus souvent
pas la langue dans laquelle chante l’artiste-musicien. Les musiques modernes
ivoiriennes quant à elles suivent l’effet de mode et ne sont attachées le plus souvent
qu’à un ou deux promoteurs. Il suffit donc que les promoteurs disparaissent de la
scène musicale pour que leurs productions discographiques s’éteignent à tout jamais.
Le zouglou, lui, intègre toutes les langues présentes sur le sol ivoirien. Il
s’adresse au peuple dans son vécu et son actualité. Ses promoteurs (artistes,
arrangeurs, manageurs), quelques dizaines au départ, dépassent aujourd’hui la
centaine. Avec le succès que connait cette musique au-delà et en deçà des frontières
ivoiriennes, le zouglou a réussi à réduire l’influence des musiques étrangères
présentes en Côte d’Ivoire. Un artiste congolais vivant à Abidjan, notamment Séliko
Séli N’Vouata ayant constaté ce fait et un certain désintérêt pour la musique
congolaise, affirme ce qui suit : « Depuis l’arrivée du zouglou, les Ivoiriens n’écoutent
pratiquement plus notre musique » 17. Et
son compère Bozi Boziana de
renchérir : « Pour que la salle soit pleine, il faut forcément adjoindre un bon artiste
zouglou » 18. Le zouglou se réapproprie ainsi l’espace occupé par ces musiques venues
d’ailleurs il y a de cela quelques décennies. Quoi de plus normal ! Les Ivoiriens font un
retour aux sources avec le zouglou qui les renvoie au folklore, aux chants des
manifestations sportives, scolaires ou populaires.
Il faut que signaler que ce qui fait que le zouglou connaît une adhésion
nationale, c’est surtout que ce genre musical n’a aucune appartenance ni coloration
politique, religieuse, régionale ni même régionaliste. Il intègre toutes les
composantes de la population ivoirienne et est cette musique qui met les Ivoiriens
d’accord même sur leurs désaccords et leurs différences. Certaines personnes le font
intervenir dans les campagnes de sensibilisation ou de publicité, sachant bien que le
zouglou est cette musique facile et divertissante qui rassemble et unit le peuple
ivoirien avec un langage accessible à tous et son humour plaisant dans lesquels se
reconnaissent désormais tous les Ivoiriens et les autres communautés vivant en Côte
d’Ivoire.
Le zouglou avec ce caractère fédérateur a démontré aux yeux du monde
qu’on pouvait être originaire du sud, du nord, de l’ouest, de l’est ou du centre de la
17
18
« Comment le zouglou a conquis les Ivoiriens ? » in Le jour plus n° 0219, mercredi 24 mars 2004, p. 12.
Idem, p. 12.
21
Côte d’Ivoire, être méthodiste, musulman, évangéliste, catholique ou animiste, de la
gauche ou de la droite, riche ou pauvre, qu’importe, et s’identifier à une même
musique. Il est brandi fièrement comme une affirmation de l’identité culturelle
ivoirienne, une musique ivoirienne, la musique ivoirienne. Ce qui fera dire à Popolaye,
le lead vocal du groupe les Garagistes que : « Le zouglou reste et demeure
l’ambassadeur musical de la Côte d’Ivoire à l’extérieur » 19.
« Zouglou nous sommes, zouglou nous le resterons » 20, un peu pour dire avec
Man Michel que les Ivoiriens sont condamnés à rester une nation unie avec toutes
leurs diversités, leurs particularités, leurs différences qui sont l’expression même de
leur ivoirité ; cette fierté de se sentir vivre ensemble et en parfaite harmonie avec
toutes les autres communautés d’ici et d’ailleurs en tant que fils et filles de naissance
ou d’adoption de cette chère Côte d’Ivoire, appelée à devenir une nation plus forte et
plus unificatrice pour le bien-être de tous ses peuples pris individuellement mais qui
respirent au rythme de la vie de la nation de manière collective à travers le zouglou.
4. CONCLUSION
Le Sturm und Drang et le zouglou font des peuples allemand et ivoirien des
peuples originaux, riches de leurs cultures respectives. C’est seulement en étant et en
restant soi-même que ces peuples arrivent à exister culturellement parlant. Herder le
père spirituel de Goethe cite en exemple les Grecs. Ils sont pris comme des modèles
de toute la littérature mondiale parce qu’ils sont toujours restés eux -mêmes. Il faut
donc selon lui être et rester soi-même ; c’est seulement en étant et en restant soimême qu’on peut être la voix de son peuple et continuer de l’exprimer.
Ne faut-il tout de même pas s’inquiéter en ce qui concerne le zouglou de l’allure
que prend ce genre musical avec la tendance à vouloir trop s’internationaliser avec
l’influence de la musique européenne et le phénomène du featuring qui, si on n’y
prend garde pourraient réduire l’ardeur de ce genre musical et même le transformer
en un genre hybride ?
N’est-ce peut-être pas aussi de cette façon que le zouglou démontrera sa
solidité et sa capacité à traverser le temps malgré le contact avec d’autres musiques,
contact du reste inévitable dans le contexte actuel de mondialisation accélérée ?
Seul le temps qui est le véritable repère de tout genre ou mouvement musical et
littéraire qui exprime l’identité culturelle d’une nation peut nous dire comment ont
19
« Comment le zouglou a conquis les Ivoiriens ? » op. cit. p. 12.
M. Michel, « Le cri du Zouglou » in Ivoir Soir n° du 25 au 27 oct. 1991 P. 9
20
22
évolué ou évoluent encore le Sturm und Drang et le zouglou, qu’est-ce qu’il reste ou
restera de ces deux mouvements.
23
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