Ouvrir ses portes et ne pas en faire de maladie

MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
Par ÉLIZABETH DORÉ, médecin vétérinaire,
Clinique vétérinaire Saint-Tite
Ouvrir ses portes
et ne pas en faire
de maladie
Accueillir de la visite à la ferme, c’est bien;
mais certaines précautions s’imposent.
nt.
Votre neveu de 4 ans, qui habite
une grande ville, a passé une fin de
semaine à votre ferme familiale cet été.
Une semaine plus tard, vous apprenez
qu’il est hospitalisé en raison d’une
diarrhée sévère. Vous êtes plutôt surpris quand on vous apprend qu’il a
probablement contracté un parasite
dans votre ferme. Pourtant, aucun de
vos enfants n’est malade et vous ne
buvez même pas de lait cru du réservoir. Comment est-ce possible?
Le parasite que votre neveu a
contracté, le Cryptospridium , est
excrété dans les fèces des bovins (en
particulier les jeunes veaux en diarrhée) et se transmet par ingestion.
Une maladie transmise d’un animal
à l’homme est appelée une « zoonose ». Il existe différentes catégories d’agents pathogènes qui peuvent
causer une zoonose : les bactéries
( Salmonella , Leptospira ), les parasites (Cryptosporidium, Giardia), les
champignons (Trichophyton), les virus
(rage, pseudo-variole) et finalement les
prions (agent de la vache folle).
gent zoonotique peut être
L’agent
is de diverses façons : par ingestransmis
tion, par contact avec la peau ou les
muqueuses, par inhalation, par morsure ou piqûre d’insecte. La contamination peut se faire par contact direct
avec l’animal infecté ou par contact
indirect, c’est-à-dire par un objet
contaminé. Une exposition à un agent
de zoonose ne causera pas nécessairement une maladie clinique. Les jeunes
enfants, les femmes enceintes, les
personnes âgées et celles dont le système immunitaire est affaibli sont plus
à risque de contracter une zoonose.
De plus, certains agents pathogènes,
comme le Cryptosporidium, seront plus
susceptibles de causer une maladie
chez les personnes nouvellement exposées à ce parasite.
Il est à noter que le Cryptosporidium
peut se retrouver chez une multitude
d’espèces animales. Surtout présent
chez les nouveau-nés, comme les
veaux, les agneaux, les chevreaux, les
poulains, les porcelets, les chiots et les
chatons
chatons, il peut également se retrouver
chez les oiseaux et les reptiles. La
contamination à l’humain peut aussi se
faire après l’ingestion d’aliments contaminés (ex. : légumes d’un jardin fertilisé
avec du fumier contenant le parasite)
ou d’eau contaminée par le parasite. Le
parasite peut également être transmis
d’humain à humain (ex. : lors d’un
changement de couche d’un bébé
infecté). Les épidémies de cryptosporidiose humaine les plus (tristement)
célèbres étaient dues à une défaillance
du traitement de l’eau potable. En
Saskatchewan, dans une municipalité
de 15 000 habitants (North Battleford),
des milliers de personnes ont été affectées par la cryptosporidiose à l’été
2001. Lors de l’épidémie de Milwaukee
de 1993, plus de 400 000 personnes ont
été atteintes suite à une contamination
du lac Michigan.
LA CHRONIQUE VÉTÉRINAIRE EST SOUS LA RESPONSABILITÉ D’UN COMITÉ DE RÉDACTION QUI RÉVISE CHACUN DES ARTICLES
AVANT PUBLICATION.
GILLES FECTEAU, FMV Saint-Hyacinthe, coordonnateur du comité de rédaction; PAUL BAILLARGEON, ZOETIS; GUY BOISCLAIR,
Merck santé animale; YVES CARON, Clinique vétérinaire St-Tite; ANNIE DAIGNAULT, Clinique vétérinaire Saint-Césaire;
MAXIME DESPÔTS, Clinique vétérinaire St-Louis-Embryobec; DAVID FRANCOZ, FMV Saint-Hyacinthe; JEAN-PHILIPPE ROY, FMV Saint-Hyacinthe;
ISABELLE VEILLEUX, Clinique vétérinaire Centre-du-Québec; NICOLE RUEST, Clinique vétérinaire Centre-du-Québec; ELIZABETH DORÉ, Clinique
vétérinaire St-Tite; VÉRONIQUE FAUTEUX, FMV Saint-Hyacinthe. Pour questions ou commentaires : [email protected].
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nique ou en laboratoire. L’intérêt de
connaître l’agent pathogène en cause
est de pouvoir cibler les mesures de
contrôle et de prévention. Tous les
agents pathogènes causant la diarrhée chez les veaux ne sont pas des
agents de zoonose. Par contre, comme
le Cryptospridium est présent dans la
majorité des fermes laitières québécoises, il est judicieux de présumer
qu’un veau en diarrhée est excréteur de ce parasite jusqu’à preuve du
contraire.
ON PEUT ÉVITER
LA PROPAGATION
LA CRYPTO QUOI DÉJÀ?
La cryptosporidiose est une maladie
entérique causée par un parasite protozoaire microscopique, donc qui n’est
pas visible à l’œil ni même avec une
loupe. Chez le bovin et l’humain, le
Cryptosporidium parvum est le plus
souvent en cause. Cryptosporidium
hominis est aussi fréquemment rencontré chez l’humain. Les bovins
qui excrètent ce parasite dans leurs
matières fécales ne sont pas nécessairement malades. Ces bovins, appelés
porteurs asymptomatiques, excrètent
généralement peu d’oocytes du parasite dans leur fumier.
Les veaux de moins d’un mois
(particulièrement vers 7 à 10 jours
d’âge) sont les plus susceptibles de
développer la maladie, soit une diarrhée, lorsqu’ils sont infectés par ce
parasite. Un veau en diarrhée peut
excréter 10 millions d’oocytes du parasite par gramme de fèces et l’humain
peut s’infecter en ingérant seulement
quelques oocystes. Le parasite, en
détruisant les cellules intestinales,
empêche l’absorption des aliments
et cela provoque une diarrhée sou-
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vent profuse. L’humain s’infecte par
la voie féco-orale, donc par ingestion
de matières fécales contaminées. Les
signes cliniques apparaissent environ
une semaine après l’infection. Diarrhée
liquide et profuse pouvant causer une
déshydratation sévère, nausées et
crampes abdominales sont les signes
observés le plus fréquemment. Des
vomissements ou une fièvre sont possibles, mais plus rares. La diarrhée
peut persister durant plusieurs jours.
MALHEUREUSEMENT, IL N’Y A
PAS DE TRAITEMENT
Il n’existe aucun médicament qui
peut traiter la cryptosporidiose. Les
traitements mis en place chez le veau
varieront selon la sévérité des signes
cliniques et viseront à garder un
bon état d’hydratation, prévenir les
infections secondaires et contrôler la
douleur abdominale. D’autres agents
infectieux peuvent causer de la diarrhée chez les veaux. Il existe divers
tests diagnostiques afin de déterminer
l’agent causal de la diarrhée. Ces tests
ne nécessitent qu’un échantillon de
fèces et peuvent être réalisés en cli-
Le meilleur moyen de contrôler la
transmission de ce parasite est de
porter une attention particulière à la
propreté du logement des veaux. Il est
primordial d’isoler les veaux en diarrhée et de s’occuper d’eux après les
veaux sains. Il faut s’assurer d’utiliser
du matériel unique pour les soigner
(chaudières, biberons, pelles) ou sinon
de bien laver et désinfecter le matériel
après chaque veau soigné. Il est important de nettoyer (enlever la litière),
laver (avec un savon) et désinfecter
les parcs des veaux (et les parcs de
mise bas). Puisque ce parasite résiste
à plusieurs désinfectants, il faut choisir
le bon et la concentration appropriée
pour le contrôler efficacement, et en
parler avec son médecin vétérinaire.
Voici quelques recommandations afin de limiter la transmission
du Cryptosporidium des bovins aux
humains. Ces mesures d’hygiène
permettent également de prévenir
l’infection par les autres agents zoonotiques transmis par ingestion. Elles
doivent être appliquées non seulement par le propriétaire de la ferme
et ses employés, mais aussi par les
divers intervenants qui y travaillent
de façon sporadique (médecin vétérinaire, conseillers, inséminateur, pareur
d’onglons, réparateur du système de
traite) et par tous les visiteurs. De
telles mesures doivent aussi être mises
en place lors d’expositions agricoles
ou de journées portes ouvertes où le
grand public est invité à visiter une
ferme. Ces mesures visent à contrôler
la transmission directe du parasite
(ex. : une personne qui ingère le parasite lors de sa visite à la ferme) et
indirecte (ex. : un enfant qui ingère le
parasite présent sur un vêtement de
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travail ayant été apporté à la maison).
• Bien se laver les mains avec du
savon ou porter des gants durant
la manipulation des animaux, particulièrement les jeunes veaux et
spécialement ceux souffrant de
diarrhée. Penser aussi au lavage
des mains après avoir retiré ses
vêtements de travail et laver ses
bottes.
• Éviter tout contact oral avec les
fèces. Cela peut sembler évident,
mais on ne se rend pas toujours
compte lorsque nous portons nos
mains à notre bouche. Éviter notamment de fumer, manger, boire, se
ronger les ongles, grignoter le bouchon de son crayon ou tenir le capuchon d’une aiguille dans sa bouche
durant la manipulation des bovins.
• Porter une attention particulière à
ses habits de travail souillés par
des fèces. Enlever ses vêtements
de travail en quittant la ferme et
les transporter dans un sac en plastique si on doit les laver ailleurs qu’à
l’étable. Bien laver et désinfecter
ses bottes avant de sortir de l’étable
ou avoir des bottes d’étable dédiées
à cet usage. Idéalement, avoir des
bottes à usage exclusif pour les
parcs de veaux, qui devront quand
même être nettoyées et désinfectées régulièrement.
• S’assurer d’avoir un lavabo, du
savon et des serviettes jetables à la
disposition des visiteurs. Au besoin,
leur fournir des vêtements et des
bottes, jetables ou réutilisables.
• Mesures spécifiques lors du nettoyage des parcs : porter un masque,
des gants et un survêtement. Porter
un casque ou se laver les cheveux ensuite. Éviter les appareils
à haute pression qui nébulisent
le problème! C’est-à-dire que les
oocytes de Cryptospridium seront
dispersés dans l’air tout comme les
fines gouttelettes d’eau.
Pour de plus amples informations
concernant les mesures préventives à
mettre en place lors d’activités impli-
quant le rassemblement d’animaux,
n’hésitez pas à consulter le document
Recommandations quant aux mesures
préventives lors d’activités impliquant
le rassemblement d’animaux produit
par le MAPAQ (www.mapaq.gouv.
qc.ca/fr/Publications/Expositions_
Recommandations.pdf) ou encore,
parlez avec votre médecin vétérinaire.
Finalement, si jamais vous deviez
consulter votre médecin parce que
vous souffrez d’une diarrhée sévère,
n’oubliez pas de lui mentionner que
vous avez été en contact avec des
bovins (comme vous lui diriez si vous
reveniez d’un voyage). Cela lui permettra d’ajouter rapidement à sa liste
de causes possibles de diarrhée les
divers agents zoonotiques transmis
par les bovins et ainsi vous faire
passer les bons tests diagnostiques
et vous offrir les bonnes options de
traitement. ■
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