Vision, audition et démences telles qu`elles apparaissent
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Vision, audition et démences telles qu`elles apparaissent
Stefan Spring Chargé scientifique UCBA. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI Rapport à mi-parcours (2015) Avec le soutien financier de l’Association Alzheimer Suisse Rapport : Stefan Spring, lic. phil. MAS gérontologie, Chargé scientifique Union centrale suisse pour le bien des aveugles, 8005 Zurich [email protected] Analyse des données : Guido Bartelt, Q-Sys AG, Systeme zur Qualitäts- und Kostensteuerung im Gesundheitswesen, 9000 St-Gall [email protected] Zurich, le 3 novembre 2015 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 1 Table des matières 1. Introduction ........................................................................................................ 3 1.1. Le système RAI ............................................................................................................... 3 1.2. A propos des données dans le domaine de la santé et du handicap ........................... 3 1.3. Pourquoi analyser les données du RAI ? ....................................................................... 4 1.4. Nos questions ................................................................................................................. 5 1.5. Financement................................................................................................................... 5 2. Analyse des données .......................................................................................... 5 2.1. Mandat ........................................................................................................................... 5 2.2. Etat des travaux : mi-parcours ....................................................................................... 6 2.3. Le projet HomeCareData ............................................................................................... 6 3. Handicap visuel, handicap auditif et démence tels qu’ils sont reflétés par les soins stationnaires ........................................................................................ 6 3.1. Echantillon ..................................................................................................................... 6 3.2. 3.2.1. 3.2.2. 3.2.3. Vision .............................................................................................................................. 7 Evaluation de la vision dans le RAI-NH ......................................................................... 7 Résultats concernant la vision dans le RAI-NH .............................................................. 8 Discussion ....................................................................................................................... 9 3.3. 3.3.1. 3.3.2. 3.3.3. Audition ....................................................................................................................... 13 Evaluation de l’audition dans le RAI-NH ..................................................................... 13 Résultats concernant l’audition dans le RAI-NH ......................................................... 14 Discussion ..................................................................................................................... 15 3.4. 3.4.1. 3.4.2. 3.4.3. Double handicap sensoriel .......................................................................................... 17 Digression : Lorsque la vue et l’ouïe sont limitées ...................................................... 17 Résultats concernant le double handicap sensoriel dans le RAI-NH .......................... 17 Discussion ..................................................................................................................... 19 3.5. 3.5.1. 3.5.2. 3.5.3. Facultés cognitives / démences .................................................................................... 20 Evaluation des facultés cognitives et des démences dans le RAI-NH ......................... 20 Résultats concernant les démences dans le RAI-NH.................................................... 21 Discussion ..................................................................................................................... 23 3.6. Facultés cognitives et handicaps sensoriels ................................................................. 24 3.6.1. Résultats du RAI-NH ..................................................................................................... 24 3.6.2. Discussion ..................................................................................................................... 26 4. Handicap visuel, handicap auditif et démences tels qu’ils sont reflétés par les soins ambulatoires ..................................................................................... 28 5. Conclusion ......................................................................................................... 28 6. Bibliographie..................................................................................................... 32 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 2 1. Introduction 1.1. Le système RAI Le Resident Assessment Instrument (RAI)1 est un système d’évaluation globale standardisée très répandu dans le domaine des soins en Suisse. Une des caractéristiques du système RAI est qu’il est utilisé tant dans le domaine des soins stationnaires (RAI-NC) que dans celui des soins ambulatoires (RAI-HC) dans plusieurs régions linguistiques, ce qui le rend très intéressant lorsque l’on veut obtenir une vision d’ensemble de la situation des soins en Suisse. La procédure RAI comprend une grille d’évaluation structurée et des instruments diagnostiques permettant de rédiger un plan d’intervention au niveau des soins. Le cœur du RAI est constitué par le Minimum-Data-Set (MDS), un catalogue de plus de 100 points2 constituant une grille d’évaluation structurée qui est utilisée au début de chaque relation de soins par du personnel ayant été spécialement formé à son utilisation, et qui est ensuite mise à jour en général tous les six mois.3 Les données recueillies lors de cette évaluation sont regroupées dans des catégories de soins qui servent de base à la comptabilisation des prestations facturées. De plus, certains résultats tirés de différents domaines du MDS sont représentés sous forme d’échelles et d’indices qui livrent des informations importantes pour les soins.4 Ces échelles se fondent sur des études et des tests scientifiques. Ce rapport analyse les occurrences de handicap visuel et de handicap auditif chez les résidents de homes et chez les clients des services de soins à domicile, ainsi que leurs facultés cognitives tels qu’ils sont documentés par la méthode RAI. Ces trois domaines thématiques (handicap visuel, handicap auditif et facultés cognitives) sont traités par le MDS. 1.2. A propos des données dans le domaine de la santé et du handicap Il n’existe encore que très peu de données en Suisse concernant les atteintes à la santé ayant des conséquences handicapantes. Nous ne disposons de quasiment aucune étude épidémiologique, en particulier au niveau des déficiences liées à différentes maladies et aux maladies évolutives. Les handicaps sensoriels liés à l’âge survenant suite à une baisse de fonction des organes associés et de la gestion centralisée de la perception sont particulièrement mal documentés. La conception moderne du „handicap“ est de moins en moins associée uniquement à une déficience organique, d’autant plus que la multi-morbidité et la médication ne permettent quasiment plus de parler de liens de cause à effet. De nos jours, la définition du handicap se fonde beaucoup plus souvent sur les difficultés fonctionnelles qui découlent de la 1 RAI: Resident Assessment Instrument, John E. Morris et.al., adaptation pour la Suisse par Anliker M., Bartelt G, Gilgen R., Hüsken W.S., Müller P et Staudenmaier B. Versions RAI-NH (Nursing Care) pour les établissements médico-sociaux (V. 2014) et RAI-HC (Home Care) pour les organisations de soins à domicile (V. 2009) 2 En comptant les items principaux et les sous-items, on obtient, suivant la façon de les regrouper, environ 170 items dans la version NH (Nursing Home) pour les établissement médico-sociaux et environ 110 items dans la version HC (Home Care) pour les organisations de soins à domicile. 3 A propos de l’histoire et de la structure de RAI, voir : Anliker M., Bartelt G. (2015), Resident Assessment Instrument in der Schweiz - Geschichte, Resultate und Erfahrungen aus der Anwendung, Zeitschrift für Gerontologie und Geriatrie 2/2015 4 Dans RAI-NH : échelle de performance cognitive (CPS), échelle de douleur, échelle de signes d’instabilité émotionnelle et de dépression (DRS), indice de masse corporelle (IMC), échelle d’autonomie de Katz (ADL), ainsi que domaines d’intervention selon le RAI-NH. Dans RAI-HC : activités de base de la vie quotidienne (AVQ), activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ), échelle de performance cognitive (CPS), échelle de signes d’instabilité émotionnelle et de dépression (DRS) Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 3 déficience organique, ainsi que sur les possibilités pour les personnes concernées de prendre part à des activités de la vie quotidiennes normales pour leur âge. Ceci implique que le handicap est considéré principalement au niveau fonctionnel et de ses effets et non plus uniquement au niveau physiologique ou médical.5 Il en découle que le handicap, même dans les études scientifiques et dans les statistiques, ne doit plus être étudié et décrit uniquement à partir de données cliniques, mais également à partir d’évaluations et d’enquêtes qui se penchent sur ses conséquences. Cette conception moderne du handicap considère que ses effets se manifestent tant au niveau de la capacité d’action individuelle que de la participation sociale et qu’il faut en outre toujours tenir compte du contexte dans lequel l’action et la participation doivent se dérouler (conditions environnementales). 1.3. Pourquoi analyser les données du RAI ? L’UCBA veut s’assurer que les personnes atteintes de handicap visuel et de surdicécité reçoivent l’aide à laquelle elles ont droit et qui leur offre la meilleure qualité de vie possible, quelle que soit leur situation de vie. Au-delà de l’intérêt que représentent les informations „épidémiologiques“, l’UCBA considère qu’il est important que les instruments couramment utilisés dans le domaine des soins et de l’accompagnement des personnes âgées soient sensiblement adaptés aux handicaps sensoriels, qui touchent beaucoup de personnes âgées et énormément de personnes très âgées. L’expérience montre que les handicaps visuels peuvent entraver la qualité des soins et de l’accompagnement, ainsi que la capacité de prendre soin de soi-même et de rester en bonne santé.6 La même chose vaut pour la perte de la capacité cognitive, que celle-ci soit due à une forme de démence, à des problèmes psychiques ou à la dépression. Il serait important de savoir si la nature des adaptations apportées aux soins et à l’accompagnement dans ces conditions ne devraient pas être non seulement qualitative, mais également quantitative au niveau du temps qui leur est consacré. Plusieurs études récentes ont cherché à savoir si les conséquences fonctionnelles du handicap sensoriel chez les personnes âgées (difficultés à s’orienter, à reconnaître les personnes, à enregistrer des informations visuellement, à retrouver des objets, entre autres) ne pourraient pas être confondues avec les symptômes d’une démence naissante. Une étude mandatée par l’UCBA a démontré que cette possibilité existe bel et bien et qu’une telle confusion est imaginable dans la pratique.7 D’autres études externes, de type clinique, se sont depuis également penchées sur ce phénomène.8 Les conséquences d’une telle confusion sont tragiques pour les personnes concernées et pour leurs proches, d’autant plus que certains effets handicapants des déficiences sensorielles pourraient tout à fait être contrecarrés par des mesures de réadaptation spécialisées ayant trait à la personne et à l’environnement et permettraient aux personnes concernées de retrouver en partie leur autonomie et leur qualité de vie. La même chose vaut pour le handicap auditif lié à l’âge. Toutefois, lorsque les effets fonctionnels des handicaps sensoriels sont faussement interprétés comme étant uniquement des symptômes de démence, cette 5 Selon la “Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)”, voir www.who.int/classifications/icf/en (5.10.2015) 6 Voir par exemple Kampmann S. et.al. (2015) Sehen im Alter – Leitfaden für Mitarbeiterinnen und Mitarbeiter in der stationären Altenpflege, Blindeninstitutsstiftung Würzburg, www.blindeninstitut.de 7 Blaser R. , Wittw.er, D. & Becker, S. (2013). Démences, handicap visuel et surdicécité – une étude sur les influences réciproques entre les démences et les déficiences visuelles ou de la vue et de l’ouïe dans le diagnostic des personnes âgées. Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA). www.ucba.ch 8 Voir par ex. : Killmann I. et.al. (2015), Hörstörung und Demenz, Zeitschrift für Gerontologie und Geriatrie 5 · 2015 Lehrl S. et.al (2004), Systematische Fehleinschätzung von Altersdemenz durch kataraktbedingte Behinderung der Informationsverarbeitung? Der Ophthalmologe 2 · 2004 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 4 possibilité d’améliorer la qualité de vie est perdue. On sait en outre qu’une diminution des capacités sensorielles liée à l’âge ou à la maladie peut survenir dans les années qui suivent l’apparition d’une maladie neurodégénérative. Dans ce cas également, les deux phénomènes devraient pouvoir être diagnostiqués et traités de façon différenciée, afin de conserver le plus de chances possible de maintenir l’autonomie et l’autodétermination. Les données RAI-MDS peuvent nous donner une idée de l’ordre de grandeur du groupe de personnes susceptibles d’être concernées par une telle confusion. Pour conclure, nous nous référons à un des objectifs principaux de la Stratégie nationale en matière de démence 2014-2017. L’analyse de l’évolution actuelle au niveau du diagnostic, de l’accompagnement et du traitement des démences montre que, pour ces prochaines années, une des priorités devrait concerner la comorbidité, l’élaboration de concepts d’accompagnement adaptés à des groupes-cibles et l’interdisciplinarité.9 A travers l’analyse des données RAI-MDS, le domaine du handicap visuel et de la surdicécité souhaite à la fois contribuer au développement de la stratégie nationale en matière de démence et rendre attentif à la relation jusqu’ici trop souvent ignorée entre les démences et les handicaps visuels. 1.4. Nos questions Notre intérêt pour les phénomènes répertoriés lors de bilans ou d’observations effectuées par du personnel de soins qualifié repose sur les questionnements suivants : Quelle est la fréquence d’apparition des handicaps sensoriels et des démences chez les personnes âgées nécessitant des soins ? Quelle est la fréquence d’apparition de la combinaison de ces deux types d’atteintes à la santé ? Existe-t-il des signes indiquant qu’elles s’influencent l’une l’autre ? Nous nous demandons également dans quelle mesure la méthode RAI pourrait être utilisée afin de renforcer l’attention portée par les professionnels sur les effets qu’ont les modifications de la capacité visuelle ou de la capacité visuelle et auditive, et si elle se prête à la diffusion d’une sensibilisation dans ce domaine. 1.5. Financement L’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (www.ucba.ch) et l’Association Alzheimer Suisse (www.alz.ch) ont pris en charge les coûts de l’analyse des données (mi-parcours) avec une participation respective de 2/3 et 1/3. L’UCBA remercie l’Association Alzheimer Suisse pour sa collaboration à ce projet. 2. Analyse des données 2.1. Mandat En hiver 2014/15, l’UCBA a mandaté Q-Sys afin d’effectuer une analyse ciblée des fonctions suivantes dans les banques de données disponibles : − Vision : domaine MDS D − Audition : domaine MDS C − Cognition / démence : domaine MDS I et B − Toujours en corrélation avec d’autres données, par exemple diagnostics médicaux (domaine J dans RAI-HC ou I dans RAI-NH), humeur et comportement (domaine E), maladies neurologiques et échelles RAI (échelles ADL, CPS et DRS) 9 Office fédéral de la santé publique (2013), Stratégie nationale en matière de démence 2014-2017, Champs d’action. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 5 Ces domaines MDS doivent faire l’objet d’une analyse simple et d’une analyse croisée. 2.2. Etat des travaux : mi-parcours Au printemps 2015, 23'593 dossiers RAI-NH de personnes résidant dans des EMS ont pu être analysés en ce qui concerne les facultés sensorielles et cognitives. Une banque de données du domaine des soins à domicile (RAI-HC) de taille comparable n’est pas encore disponible. Toutefois, l’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile, qui participe au développement du RAI-HC depuis sa création, a initié en 2015 le projet „HomeCareData“, qui devrait nous donner la possibilité de poursuivre notre analyse dans le domaine des soins à domicile en 2016. Nous nous trouvons donc actuellement à mi-parcours de notre analyse, sous réserve de l’obtention en 2016 de l’accord de la commission de l’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile chargée de cette question. 2.3. Le projet HomeCareData Le projet „HomeCareData“ permettra, d’ici à janvier 2016, un accès anonyme aux données RAI-MDS d’un nombre croissant d’organisations de soins à domicile (soins à domicile à but non lucratif). Les principales organisations de soins à domicile qui y participent pourront comparer leurs données avec celles d’un nombre plus important de patients. „HomeCareData“ a en outre pour objectif de faciliter la recherche non-commerciale et donc de rendre accessibles les résultats de certaines analyses tirées de l’ensemble des données. Cet accès pour la recherche est contrôlé et réglementé par une commission spéciale de l’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile. L’UCBA a déposé une demande dans ce sens auprès de „HomeCareData“. Notre analyse des données RAI-HC aura pour but d’identifier les recoupements et les éventuelles différences, pour les domaines thématiques qui nous intéressent, entre les personnes qui vivent chez elles et celles qui résident dans une institution. On peut supposer d’une façon générale que les personnes qui résident dans des institutions sont moins autonomes et indépendantes. Personne ne s’est jamais penché sur la question de savoir s’il existe un rapport dans ce domaine, ne serait-ce qu’à un niveau purement descriptif, avec le degré de gravité d’un éventuel handicap sensoriel. La même chose vaut pour les caractéristiques psychogériatriques des personnes résidant dans une institution ou faisant appel aux services de soins à domicile. 3. Handicap visuel, handicap auditif et démence tels qu’ils sont reflétés par les soins stationnaires 3.1. Echantillon Les données de RAI-NH concernent l’année 2014. Elles ont été rassemblées par un transfert anonyme des données fournies par des homes ayant accepté de mettre leurs données à disposition à des fins de recherche et contiennent également des données datant des années précédentes. Les données ont été analysées grâce au logiciel d’analyse statistique SPSS. 23‘593 dossiers issus d’une évaluation actuelle ou plus ancienne ont pu être analysées. 15,2% de ces dossiers reflètent la situation après une première évaluation, 25,0% après une évaluation semestrielle et 26,0% après une évaluation annuelle. Le reste des évaluations a été effectué pour des raisons particulières (modification significative du statut, corrections apportées à la dernière évaluation, au total 15,9%) ou lors d’une sortie (17,8%). Les dossiers sont issus d’institutions de 16 cantons. Parmi eux, il n’y a aucun canton uniquement francophone, car ceux-ci utilisent un autre système que le RAI. Cependant, avec Berne et Fribourg, deux cantons plurilingues sont représentés. De plus, une partie importante des dossiers (11,5 %) vient du Tessin. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 6 72,8% des dossiers concernent des femmes, 27,2% des hommes. Jusqu’à environ 70 ans, les deux sexes sont représentés à parts à peu près égales. Par la suite, la proportion de femmes augmente considérablement. A 70 ans, environ 70% des résidents de homes utilisant le système RAI sont de sexe féminin, alors que c’est le cas pour 80% d’entre eux à 80 ans.10 Illustration 1: Echantillon : nombre de femmes et d’hommes selon l’âge Description: Dans deux lignes on montre le nombre des femmes et des hommes selon leur âge. Avant l'âge de 60 les deux lignes sont proches à 0. Après elles montent, celle des femmes plus rapidement que celle des hommes. À l'âge de 80 env. 3000 femmes et 1000 hommes sont dans l'échantillon. Le maximum de femmes, env. 5000 a 85 ans. Même chose pour les hommes, mais seulement env. 1500 au nombre. Les deux lignes se baissent vers l'âge de 95 ou encore env. 2000 femmes et env. 500 hommes font partie de l'échantillon analysé. Fin de la description. 3.2. Vision 3.2.1. Evaluation de la vision dans le RAI-NH Dans les deux versions du RAI (NH et HC), la vision est évaluée par le personnel soignant au travers d’une estimation de la fonction visuelle. Une fois que le personnel soignant a pris connaissance d’éventuels bilans diagnostiques se trouvant dans le dossier du résident, cette estimation est effectuée dans la vie quotidienne sur la base d’observations et d’échanges avec la personne concernée. Il s’agit donc ici d’une évaluation fonctionnelle qui n’est pas (ou pas nécessairement) basée sur un examen de la vue (effectué par un médecin, un opticien ou un spécialiste de basse vision). L’évaluation concerne la vision d’une façon générale, la limitation du champ visuel et l’utilisation d’aides visuelles. Pour la vision, l’évaluation se base sur la capacité à lire ou, en cas de déficience visuelle importante, sur la capacité à suivre un objet du regard. Pour la limitation du champ visuel, l’évaluation se base sur des observations effectuées lorsque la personne marche ou mange. L’évaluation concernant „l’utilisation d’aides visuelles“, quant à elle, n’est régie par aucun paramètre clair. 10 On constate pour certains items qu’un petit pourcentage de résident-e-s ne correspond pas à la clientèle à laquelle on peut s’attendre dans un EMS. Il s’agit de personnes qui sont encore jeunes mais qui nécessitent des soins à long terme à cause de maladies chroniques et/ou d’un grave handicap, ainsi que de leur situation familiale. Ceci est surtout le cas lorsqu’un item présente des valeurs étonnamment élevées dans la catégorie „moins de 50 ans“. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 7 3.2.2. Résultats concernant la vision dans le RAI-NH Voici les éléments concernant la vision ayant été enregistrés dans le RAI-MDS, accompagnés de l’échelle d’évaluation du questionnaire MDS et des fréquences d’apparition dans les dossiers analysés : Tableau 1: Vision avec un éclairage adéquat, évtl. avec des lunettes (RAI-MDS D1) 0 Bonne Distingue les petits détails, y compris les caractères d’imprimerie de taille normale dans des journaux / livres 58% 1 Légèrement limitée Distingue les gros caractères dans les journaux / livres, mais pas les caractères de taille normale 27,8% 2 Moyennement limitée Ne réussit pas à distinguer les titres de journaux, peut voir les objets qui l’entourent 8,6% 3 fortement limitée Il n’est pas sûr que la personne voie les objets qui l’entourent, les yeux suivent les objets présentés 4,3% 4 gravement limitée Ne voit rien ou seulement les contours ; les yeux ne / aveugle suivent pas les objets présentés 1,2% Tableau 2: Limitation du champ visuel (RAI-MDS D2) 0 Pas de problème 1 problèmes 91,2% Problèmes au niveau de la vision latérale – champ de vision réduit (par exemple, laisse la nourriture d’un côté de l’assiette, se heurte contre d’autres personnes ou contre des cadres de porte) 8,8% Tableau 1: Aides visuelles (RAI-MDS D3) 0 N’utilise pas d’aide visuelle 1 Utilise des aides visuelles 55,1% Lunettes, lentilles de contact, loupe 44,9% Nous avons pu effectuer une analyse combinée des dossiers. Le personnel soignant a constaté un manque d’acuité visuelle et une limitation du champ visuel chez 7,5% des personnes évaluées dans le RAI. 34,4% des personnes présentent uniquement un manque d’acuité visuelle et de très rares personnes uniquement une limitation du champ visuel (1,3%). Des diagnostics tirés du domaine d’évaluation I „Diagnostics médicaux“ livrent des informations supplémentaires. D’après le manuel RAI, les diagnostics évoqués ici ont été établis par un médecin : − Cataracte : 4,7% Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 8 − Rétinopathie diabétique : 0,7% − Glaucome : 3,1% − Dégénération maculaire : 3,8% Le handicap visuel (D1) peut aussi être représenté en fonction de l’âge : Illustration 2: Fréquence du déficit visuel selon l’âge (lors de la lecture) Description: Suivant les groupes d'âge 4 lignes montrent les parties de l'échantillon qui ont un déficit visuel léger, moyen, fort ou grave. Dans la plus grande partie on a un déficit visuel léger, suivi par les formes moyennes, fortes et graves. Les 4 formes augmentent avec l'âge. Ce qui apparait évident est une augmentation marquée des formes légères entre la cinquième et la sixième décade. Aussi marquée est l'augmentation des groupes des déficits moyens et forts entre la huitième et neuvième décade. Fin de la description. 3.2.3. Discussion Observations générales Les conditions dans lesquelles les données ont été enregistrées (temps à disposition, niveau de formation, sensibilisation aux handicaps visuels) sont probablement de nature diverse et il n’est pas possible d’en juger ici. Il faudrait pour cela pouvoir comparer les dossiers de différentes institutions. Un tiers des résidents les moins âgés des EMS présente une déficience visuelle qui l’empêche de lire le journal, même avec des lunettes ou un autre type d’aide visuelle. Pour les résidents plus âgés, ce phénomène touche une bonne moitié d’entre eux. On ne note pas de différence marquante entre les femmes et les hommes dans ce domaine. La fréquence d’apparition d’environ 42% qui apparaît dans les données de cette population, qui a en grande majorité plus de quatre-vingt ans, est deux fois plus élevée que celle de la population du même âge dans son ensemble, qui est évaluée à 20%.11 Lorsqu’on examine les résultats dans le détail, on constate que cette fréquence, telle qu’elle apparaît dans les données du RAI-NH, est de jusqu’à 30% plus importante pour les 11 Spring S. (2012), Handicap visuel et cécité : évolution en Suisse, Union centrale suisse pour le bien des aveugles UCBA, St-Gall Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 9 tranches d’âge moins élevées, et d’environ 10% plus importante pour les tranches d’âge plus élevées. Illustration 3: Fréquence du handicap visuel en comparaison avec la population dans son ensemble (Spring 2012) Description: On compare la ligne de la fréquence tirée des données RAI avec la ligne de la fréquence de l'étude statistique de Spring 2012. Les deux sources sont montrées soit dans les fréquences en détail par groupe d'âge que dans une ligne droite qui représente, simplifiant, l'augmentation en général. Si on compare les deux lignes droites on voit qu'elles montrent à peu près la même augmentation mais que celle des données RAI est posée beaucoup plus en haut de celle de référence pour la population entière. Pour le groupe d'âge des 55-59 ans RAI montre env. 30 et Spring env. 5%, pour le groupe des 95 ans RAI montre 50 et Spring un peu moins de 40%. Fin de la description Lorsque l’état de santé général est moins bon et nécessite des soins stationnaires, la vision est également moins bonne. Toutefois, dans le cadre d’une institution de soins et grâce à l’„instrument d’observation“ du RAI-MDS les déficiences sont également mieux documentées. Ces deux facteurs rendent cette fréquence plus élevée par rapport à la population dans son ensemble plausible. Déficiences visuelles ayant un impact sur les soins Les professionnels chargés du RAI-NH dans le domaine des soins et de l’accompagnement stationnaires des personnes âgées constatent un handicap visuel léger à grave chez 42% des résident-e-s. Les difficultés utilisées comme critères pour définir même les formes légères de déficience visuelle ont des effets handicapants dans la vie quotidienne. Ces déficiences doivent donc être considérées comme ayant un impact sur les soins. Près de 14% des résident-e-s sont atteints de déficience visuelle marquée – en dépit de la correction apportée par des aides visuelles ! (D1 : 2 - 4). Cette déficience se définit par l’incapacité de lire des caractères d’imprimerie, même gros. Ceci a des implications pour la vie quotidienne des résident-e-s, non seulement parce que ces personnes ne peuvent plus lire de textes, même écrits en gros caractères, mais parce qu’une acuité visuelle à tel point diminuée limite la capacité à reconnaître les personnes, à trouver des objets, à manger seul, à verser des liquides, affecte l’hygiène personnelle, la participation à des jeux et à des activités de loisirs, l’orientation dans l’espace, le sentiment d’être en sécurité et donc l’ensemble du comportement au niveau de la socialisation et de la mobilité. Ces effets causés par un déficit permanent de la fonction visuelle ont un impact très important sur les soins et l’accompagnement. Pour cette raison, l’adaptation de l’ensemble de l’environnement de vie (éclairage, Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 10 protection contre l’éblouissement, mesures visant à augmenter les contrastes, moyens auxiliaires dans différents domaines), l’accès à des moyens auxiliaires personnels et la formation à leur utilisation (cannes blanches adaptées, y compris cannes blanche de soutien, loupes, verres filtrants, moyens auxiliaires d’agrandissement, appareils de lecture, meilleurs appareils auditifs possibles, entre autres), ainsi qu’une formation spécialisée du personnel sont indispensables si l’on veut apporter des soins et un accompagnement professionnels. De plus, il serait important d’apporter un soutien aux personnes concernées pour les aider à gérer ces pertes. Elles passent souvent des années à regretter la perte de leurs habitudes et l’impossibilité pour elles de faire des choses qui les intéressent. Accompagner de tels processus et soutenir les personnes fait partie des tâches du personnel de soins. Tout ceci est encore plus vrai pour les 5,5% de résidents chez qui la vision est évaluée comme étant „fortement ou gravement limitée“. Dans ce type de situation, le personnel de soins et d’accompagnement doit tenir compte du fait que la personne n’a plus de contrôle visuel sur ce qui se passe. Dans de nombreuses situations de la vie quotidienne, ceci équivaut à une cécité fonctionnelle. Ces personnes ont besoin d’un accompagnement et de soins encore plus adaptés, ainsi que d’un environnement compatible avec leur situation (adaptation au sens du toucher, utilisation de l’audition, mesures au niveau de la sécurité, moyens auxiliaires pour aveugles dans différents domaines et formation adéquate du personnel). Une limitation du champ visuel est constatée chez presque 9% des résident-e-s. Etant donné que cette limitation n’est souvent pas décelée pendant longtemps, même par les personnes concernées elles-mêmes, et n’est pour cette raison que très rarement mesurée, il est probable que le pourcentage enregistré par les évaluations du RAI-MDS est trop optimiste. 8% des personnes évaluées sont concernées à la fois par une limitation du champ visuel et par une diminution de leur acuité visuelle. Pour elles, les effets handicapants qui en résultent sont encore plus nombreux et ont un impact encore plus grand sur leur vie quotidienne. Percevoir les déficiences visuelles La condition préalable à l’évaluation de la déficience visuelle est que celle-ci – qui est en elle-même invisible – soit remarquée et adressée. Le manuel RAI propose une marche à suivre de trois pages pour permettre cette évaluation, ainsi que des aides à la prise de décision (aide à l’évaluation des facultés visuelles). Cette marche à suivre correspond aux critères d’évaluation actuels et est bien conçue. Le RAI utilise le terme de „vision“ et évalue si la personne est en mesure de lire un texte tel qu’un journal écrit en caractères de taille usuelle à l’aide de lunettes normales. Ce terme est utilisé de façon simplifiée. La question concernant la capacité à lire un texte porte sur l’acuité visuelle, c’est-à-dire la capacité à reconnaître un contraste entre des points imprimés en noir et leur arrière-plan. Nous proposons d’utiliser le mot „vision“ en tant que terme général, qui regrouperait à la fois l’„acuité visuelle“ selon D1 et la limitation du champ visuel D2, qui est déjà prise en compte dans le RAI, ainsi que d’éventuels autres aspects de la vision qui pourraient également être pris en considération. Les aspects concernés les plus fréquents en lien avec l’âge sont les effets de la dégénération maculaire liée à l’âge (perte de vision au centre du champ visuel) et d’autres maladies de la rétine (perte de vision dans certaines zones). Chez les personnes plus âgées et en corrélation avec des maladies affectant les capacités cognitives, il faudrait théoriquement également inclure dans les informations enregistrées concernant la vision les effets des modifications de la gestion des informations visuelles dans le cerveau, ainsi que de la formation et de la reconnaissance d’images et de mouvements faisant sens. A l’heure actuelle, ces derniers points ne peuvent cependant être évalués qu’au travers de bilans médicaux spécialisés et sortent donc du cadre d’évaluation du RAI-MDS. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 11 L’évaluation D2 „limitation du champ visuel“ apparaît comme problématique d’un point de vue spécialisé. Elle est effectuée sur la base d’une liste d’observations plutôt diffuse qui n’est ni complète ni précise. Ceci n’a toutefois rien d’étonnant, étant donné que la mesure du champ visuel est complexe même pour le spécialiste et qu’elle nécessite beaucoup de pratique lorsqu’elle repose uniquement sur l’observation. Les résultats de l’analyse MDS ne sont donc probablement pas très précis, mais nous pensons qu’il est important que cette question fasse partie de l’évaluation, de façon à ce que ce domaine de la vision continue à faire l’objet d’observations et que le besoin d’aide dans la vie quotidienne engendré par ce problème soit reconnu. Concernant la terminologie „léger/moyen/fort/grave“ L’évaluation du RAI utilise dans différents domaines une échelle unique qui différencie entre les degrés léger, moyen, fort et grave. Au travers d’un exemple tiré du domaine D1 „vision“, nous souhaiterions porter à l’attention des responsables du RAI le problème qui se pose lorsqu’on considère l’évaluation et l’analyse des besoins comme ayant également une influence sur la façon de penser. En effet, il est indiscutable que les termes que nous utilisons ont un effet sur notre façon de penser et donc également sur nos actes. La perte de la capacité à lire doit être prise en compte dans la façon dont une personne est soignée et accompagnée. La perte de la capacité à reconnaître les personnes grâce aux facultés visuelles aussi. Au premier abord, les indications „léger/moyen/fort“ ne sont que des termes utilisés dans le MDS pour permettre une différenciation, mais dans les faits, l’adjectif „léger“ suggère qu’il n’y a pas grand-chose à faire, car les personnes âgées voient souvent un peu moins bien. Ceci a pour effet que le degré „vision légèrement limitée“ donne l’impression, lorsqu’on ne réfléchit pas plus loin, que la situation ne nécessite pas beaucoup de soins, alors qu’au contraire, d’un point de vue professionnel, des soins seraient nécessaires et des marches à suivre existent.12 La désignation „vision moyennement limitée“ est utilisée pour décrire une situation qui conduit à un repli au niveau social et à la perte de l’accès à l’information. Ces deux conséquences requièrent bien évidemment une adaptation de la façon de dispenser de nombreux actes de soins et d’accompagnement, ainsi que de la façon de communiquer et d’aménager les locaux. Finalement, le terme de „vision fortement limitée“ est utilisé pour décrire une situation qui équivaut à la cécité fonctionnelle, situation qu’on nomme „legal blind“ (légalement aveugle) dans les pays anglophones, un terme qui évoque des associations bien différentes que celui de „vision fortement limitée“. Lorsqu’une personne ne peut plus reconnaître les objets qui l’entourent, elle n’est plus mobile, elle ne reconnaît visuellement plus les changements qui surviennent autour d’elle et sur son propre corps et elle ne peut plus s’occuper d’elle-même qu’en utilisant des techniques spéciales : tous ces aspects ont indiscutablement un très grand impact sur les soins. Nous recommandons aux responsables de l’évaluation RAI de reconsidérer la désignation attribuée aux degrés (pas les degrés en eux-mêmes). Des difficultés ayant un impact sur les soins et l’accompagnement ne devraient pas être désignées par des termes tels que „léger“ ou „moyen“, car même le degré le moins élevé („léger“) désigne une situation handicapante nécessitant une attention particulière de la part du personnel de soins et d’accompagnement dans toutes les activités ayant trait à cette personne, ainsi qu’au niveau de l’aménagement de son cadre de vie.13 Domaine problématique des „aides visuelles“ Le système RAI est conçu pour produire une évaluation minimale standardisée pouvant 12 13 Voir Kampmann S. (2015), op. cit. Notre suggestion serait : degré 1 „difficulté à lire“, degré 2 „difficulté à reconnaître les personnes“, degré 3 „aveugle au niveau fonctionnel dans certaines situations“ et degré 4 „aveugle au niveau fonctionnel“. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 12 être complété selon les besoins par d’autres bilans.14 Selon l’évaluation RAI (point D3 aides visuelles), 45% des résidents d’EMS utilisent des aides visuelles (liste exhaustive : lunettes, lentilles de contact, loupe). De notre point de vue, cette liste pourrait être complétée. Voici quelques idées et suggestions à ce sujet. Les personnes âgées n’utilisent que très rarement des lentilles de contact. Les différents types de lunettes devraient être différenciés : − Lunettes correctives permettant de rétablir une vision à peu près normale, qui ne constitue donc pas un handicap, pour autant que la correction soit adaptée à la vision actuelle, que la monture soit ajustée, que les verres soient propres et que les lunettes soient portées. − Lunettes avec correction spéciale (lunettes loupes, lunettes à verres filtrants) qui sont portées à certains moments (lunettes différentes pour marcher à l’intérieur ou marcher à l’extérieur suivant le temps qu’il fait, lire et manger) et qui apportent une correction, mais où celle-ci ne permet pas d’atteindre une vision à peu près normale, ce qui implique qu’une déficience visuelle persiste en dépit du port de lunettes. En plus des loupes, il existe de nombreux moyens auxiliaires optiques et techniques qui pourraient être extrêmement utiles pour les soins personnels, la contribution personnelle aux soins médicaux, les occupations, l’accès à l’information, les activités motrices, entre autres, et qui pourrait être prises en compte dans la planification individuelle des soins (par exemple, lunettes à verres filtrants, monoculaires, lunettes loupes, appareils de lecture, appareils de lecture à haute voix, et bien d’autres encore). L’utilisation de ce type d’aides visuelles nécessite un bilan spécialisé (bilan de basse vision). Pour le quotidien au niveau des soins, il est important de savoir si un résident ou une résidente utilise une aide optique spéciale ou non. Si c’est le cas, celle-ci devrait être utilisée pour reconnaître la personne qui effectue les soins, lors des explications concernant les soins personnels (pommades, bandages, bas, etc.) et la prise de médicaments (quoi, quand, comment, combien en prendre), lors des repas, des activités de loisirs, des déplacements d’une pièce à l’autre, des promenades, ainsi que pour que la personne puisse suivre visuellement les soins corporels qui lui sont prodigués. Pour que ceci soit possible, une liste complète et régulièrement mise à jour des aides visuelles utilisées est nécessaire. 3.3. Audition 3.3.1. Evaluation de l’audition dans le RAI-NH Les deux versions du RAI (version pour les EMS et version pour les soins à domicile) n’utilisent pas tout à fait les mêmes paramètres pour évaluer l’audition, mais elles classent toutes deux cette évaluation dans la rubrique de la „communication“. Seules les questions concernant l’„audition en tant que telle“ et la capacité mutuelle à „se faire comprendre“ (celle du personnel soignant et celle de la personne concernée) sont identiques dans les deux versions. Le RAI-NH (version pour EMS) évalue en plus la présence d’aides auditives, l’utilisation de formes de communication alternatives (messages écrits, gestes, etc.), ainsi que les modifications au niveau de la capacité à communiquer (comparaison périodique). Ici aussi, c’est le personnel soignant qui évalue l’audition au niveau fonctionnel, et l’évaluation concrète se base également, dans le quotidien, sur des observations et un échange avec la personne concernée, ainsi que sur d’éventuels bilans diagnostiques dans le dossier du résident. 14 Voir à ce propos les aides à l’évaluation concernées. La version électronique est en outre munie de la fonction „trigger“, qui provoque le déclenchement d’un message automatique lors de l’enregistrement des données lorsque certaines situations problématiques apparaissent. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 13 3.3.2. Résultats concernant l’audition dans le RAI-NH Voici les éléments concernant l’audition ayant été enregistrés dans le RAI-MDS, accompagnés de l’échelle d’évaluation et des fréquences d’apparition dans les dossiers analysés : Tableau 4: Audition avec aides auditives, si nécessaire (RAI-MDS C1) 0 Bonne Entend et comprend les conversations normales, la télévision, le téléphone, les discussions de groupe 52,3% 1 Légères difficultés Difficultés lorsqu’il y a du bruit 34,7% 2 N’entend que dans des situations particulières Comprend lorsque l’interlocuteur change le ton de sa voix et parle distinctement 11,9% 3 fortement limitée N’entend rien ou pratiquement rien 1,1% Tableau 5: Aides à la communication et techniques de communication (réponses multiples possibles) (RAI-MDS C2) a. A des aides auditives et les utilise 13% b. A des aides auditives mais ne les utilise pas régulièrement 3,1% c. Utilise d’autres techniques (par exemple la lecture labiale) 1% Tableau 6: Mode de communication (réponses multiples possibles) (RAI-MDS C3) a. Langage parlé 95,4% b. Messages écrits 5,6% c. Langue des signes / braille 0,3% d. Signes, gestes, bruits 21% e. Tableau de communication 0,3% Le handicap auditif (C1) peut aussi être représenté en fonction de l’âge : Illustration 4: Fréquence du handicap auditif selon l’âge (capacité à comprendre ce qui est dit) Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 14 Description: Suivant les groupes d'âge 3 lignes montrent les parties de l'échantillon qui ont des légères difficultés auditives, des difficultés manifestes mais seulement dans certaines situations ou dont l'audition est fortement limitée. Dans la plus grande partie on a des difficultés légères, suivies par les difficultés situatives et l'audition généralement fortement limitée. Les trois secteurs augmentent rapidement avec l'âge. L'augmentation est particulièrement marquée pour les difficultés légères qui arrivent à plus de 40% chez les personnes de 90 ans. Aussi les difficultés manifestes mais limitées à certaines situations arrivent à 20% pour les personnes avec plus de 95 ans. Fin de la description. 3.3.3. Discussion Observations générales Un cinquième des résidents les moins âgés des EMS est atteint d’une déficience auditive qui rend la compréhension orale difficile, du moins lorsqu’il y a du bruit. Environ 5% des personnes de cette tranche d’âge ne comprennent pas du tout ce qui est dit ou ne le comprennent que dans des situations particulières. La proportion de personnes malentendantes augmente ensuite rapidement avec l’âge pour atteindre 65% chez les personnes très âgées, et une personne très âgée sur cinq ne comprend plus ce qui est dit que dans des situations particulières. Il n’y a pas de différence marquante entre les femmes et les hommes pour ces fréquences d’apparition non plus. Il n’existe en Suisse que très peu de données statistiques concernant le handicap auditif et les données existantes ne sont en général pas suffisamment différenciées. Alors que l’Office fédéral de la statistique parle de 2,1% de déficience auditive chez les personnes de plus de 65 ans,15 les associations de personnes concernées estiment que ce handicap touche 33% de cette même tranche d’âge.16 Nous ne disposons pas de chiffres qui nous permettraient d’effectuer une répartition différenciée selon les tranches d’âge. Les 15 Office fédéral de la statistique, item „Ne peut pas suivre une conversation à laquelle participent au moins 2 personnes, ou qu’avec beaucoup de difficulté“ http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/14/02/01/key/04.html , 31.8.2015 16 Pro Audito : „Un tiers“. http://www.pro-audito.ch/hoerverlust/ursachen/alter.html , 31.8.2015 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 15 données produites par notre analyse du RAI-NH sont donc probablement parmi les plus précises dont nous disposions, bien qu’il faille tenir compte du fait, comme pour le chapitre 3.2.3, que la population qui réside dans les EMS est plus touchée par les déficiences que le reste de la population de son âge. La condition préalable à l’évaluation d’une déficience auditive est, comme c’est le cas pour la déficience visuelle, que celle-ci – qui est invisible – soit remarquée et adressée. Le handicap auditif ou la difficulté croissante à entendre non plus ne sont souvent pas décelés par les personnes concernées elles-mêmes, ou alors ils ne sont, consciemment ou inconsciemment, pas pris au sérieux ou sont dissimulés. Le manuel RAI propose une marche à suivre et des aides à la prise de décision sur quatre pages pour permettre cette évaluation. Cette marche à suivre correspond aux critères actuels et est bien conçue. Il y est notamment indiqué de prêter attention à la présence éventuelle de bouchons de cire dans les oreilles et que les appareils auditifs sont souvent mal ajustés, deux problèmes bien connus du personnel soignant. Le questionnaire MDS parle d’adapter le ton de sa voix pour s’adresser à une personne atteinte de déficience auditive. Nous recommandons de reconsidérer ce point, car il est très difficile pour une personne de changer le ton de sa voix. Par contre, il est possible et efficace de réduire la distance entre la personne qui parle et son interlocuteur, de choisir des lieux plus tranquilles ou de supprimer les sources de bruit, de garder un contact visuel permanent en utilisant un bon éclairage et éventuellement de choisir le „côté qui entend mieux“ (par exemple lorsqu’on marche ou est assis côte à côte). Les désignations „léger“ et „fort“ sont aussi problématiques pour l’audition, et les arguments sont les mêmes que pour la vision. La désignation „légères difficultés“ prête à un malentendu, étant donné qu’il y a presque toujours du bruit dans un home (voir cidessous). Toutefois, entre „légères difficultés“ et audition „fortement limitée“, il y a un degré intermédiaire, „n’entend que dans des situations particulières“, au sujet duquel nous aimerions relever que celui-ci constitue une tentative positive de désigner les degrés de l’échelle d’évaluation du RAI de façon précise. Déficiences auditives ayant un impact sur les soins Un tiers (34,7%) des résidentes et résidents a des difficultés à comprendre ce qui est dit lorsqu’il y a du bruit. Dans les homes pour personnes âgées, le bruit n’est pas rare. Celui-ci est constant dans les couloirs, dans la salle à manger (lorsqu’il y en a encore une), lors des séances d’activation, des activités de loisirs ou des visites de la famille. D’autres bruits dérangeants sont produits par les machines utilisées pour le nettoyage, les travaux de construction ou par les médias de divertissement électroniques. Les cas où la communication est difficile, voire impossible, ne font pas exception. On peut donc considérer qu’un tiers des résidents est potentiellement confronté aux expériences suivantes du fait de „ne pas comprendre“ : perte de l’accès à l’information, du sens de la réalité, de la capacité à gérer son environnement et des stimuli apportés par l’interaction avec les autres, malentendus, risque d’être offensé et repli social. Chez les personnes âgées atteintes de déficience auditive prononcée, la qualité de l’audition et de la capacité à comprendre dans le quotidien des soins est très fortement liée à des facteurs pouvant être influencés, comme par exemple la distance entre les interlocuteurs, le maintien d’un contact visuel, le fait de demander ce que la personne a compris, d’avoir une mimique claire, etc. Si les pratiques lors des soins et de l’accompagnement ne sont pas adaptées, de nombreuses situations de communication peuvent devenir problématiques, même dans un environnement relativement silencieux. On pense ici notamment à la communication, à la transmission d’informations et à l’interaction entre les résidents et le personnel soignant durant les soins corporels et le nettoyage de la chambre, etc., pendant lesquels la distance entre les interlocuteurs est de un à cinq mètres et varie rapidement. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 16 Il est intéressant de mettre en relation la fréquence des déficiences auditives avec celle concernant l’utilisation d’appareils auditifs. Selon les indications du RAI-NH, seuls 13% des résident-e-s possèdent une aide auditive et l’utilisent. 3% supplémentaires auraient une aide auditive mais ne l’utiliseraient pas. Etant donné que les appareils auditifs peuvent apporter une aide réelle aux personnes atteintes de déficience auditive légère et moyenne, il semble étonnant que seulement un tiers des résidents malentendants en possède un (C11+2 et C2-a+b). En plus de la question de la faculté auditive en tant que telle et de la façon de s’exprimer lorsqu’on s’adresse aux personnes âgées (C3, C4, C6), il serait également important, du point de vue des soins et de l’accompagnement, de tenir compte de la capacité à comprendre la langue locale et ses dialectes, ainsi que de la possibilité que le personnel de soins soit de langue étrangère. L’audition et la communication ne dépendent pas uniquement des capacités des résident-e-s. Il faudrait également que l’utilisation d’un appareil auditif soit associée à l’installation, au réglage correct et à l’utilisation conséquente de boucles d’induction dans les locaux, bien que cet aspect ne concerne pas uniquement le personnel de soins et d’accompagnement, mais également et surtout l’administration de l’établissement. En effet, c’est elle qui est responsable de la mise en place, de l’entretien et de l’utilisation conséquente de ce type d’installations. 3.4. Double handicap sensoriel 3.4.1. Digression : Lorsque la vue et l’ouïe sont limitées L’être humain utilise principalement deux de ses sens lors de ses interactions avec les autres, pour contrôler ce qui se passe autour de lui, pour s’orienter et pour capter les informations : la vue et l’ouïe. Ces deux sens, qu’on appelle „sens du lointain“, se soutiennent et se complètent l’un l’autre, que ce soit dans des conditions optimales (bonne luminosité, silence relatif) ou dans des conditions difficiles (la nuit, lorsqu’il y a beaucoup de bruit). Jusqu’à un certain point, les sens de la vue et de l’ouïe peuvent également se remplacer l’un l’autre lorsque l’un d’entre eux est limité de façon temporaire ou permanente. On parle dans ce cas de mécanismes de compensation permettant de maintenir l’accès à l’information, l’orientation dans l’espace et le contrôle exercé sur l’environnement. Ceci est important pour les soins et l’accompagnement, car cette compensation doit être soutenue par un comportement adapté : utiliser une écriture plus grosse, se rapprocher lorsqu’on parle, expliquer ce qu’on va faire ensuite lors des soins ou désigner visuellement les actes qu’on va effectuer, dire le nom des personnes présentes dans la pièce ou faire attention lorsqu’on parle à se tenir dans le champ visuel de la personne dont on s’occupe et de bien articuler. Ces différentes façons d’agir sont des exemples d’un comportement professionnel adapté au handicap visuel ou auditif. Elles devraient faire partie du répertoire de connaissances et d’action du personnel soignant, quel que soit son niveau de formation, et être une partie intégrante du quotidien, d’autant plus que, comme nous avons pu le constater dans les chapitres qui précèdent, jusqu’à 50% des résident-e-s sont atteints de handicap visuel et jusqu’à 65% d’entre eux de handicap auditif. Encore mieux (et plus simple pour tout le monde) : Dans le domaine des soins apportés aux personnes âgées, un comportement adapté au handicap visuel ou auditif devrait être adopté avec tous les résidents. Il est particulièrement important d’adapter son comportement lorsque la personne est atteinte de double handicap sensoriel. Avec ces personnes, cette nécessité d’adapter les soins et l’accompagnement est encore plus indispensable et nécessite des connaissances spécifiques. Sur le site Internet www.sensus60plus.ch, nous expliquons comment aider les personnes atteintes de handicap visuel et auditif. 3.4.2. Résultats concernant le double handicap sensoriel dans le RAI-NH Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 17 La digression qui précède permet de comprendre que les situations dans lesquelles les deux sens sont atteints et où, en plus des effets directs de chacun des deux handicaps, les mécanismes de compensation ne peuvent plus être utilisés, nécessitent une attention particulière. Ce cas de figure n’est pas évoqué explicitement dans le RAI, ni dans le manuel, ni dans le processus d’évaluation. On part de l’idée que le personnel soignant sera capable de reconnaître et de mettre en rapport les différents problèmes qui ont été révélés par l’évaluation standardisée. L’analyse des données du RAI-NH permet de déterminer quels sont les résidents chez qui le personnel spécialisé a constaté des difficultés à la fois au niveau de la vision et de l’audition et a enregistré cette information dans le système. Tableau 7: Fréquence de l’apparition simultanée de handicap visuel et de handicap auditif (RAI-MDS D1 x C1) Bonne audition Légères difficultés au niveau de l’audition N’entend que dans des situations particulières Audition fortement limitée / sourd Bonne vision 37.7 15.6 4.3 0.4 Vision légèrement limitée 10.3 13.5 3.8 0.2 Vision moyennement limitée 2.4 3.8 2.2 0.2 Vision fortement limitée 1.3 1.5 1.3 0.2 Vision gravement limitée / aveugle 0.5 0.3 0.3 0.1 La fréquence d’apparition des handicaps sensoriels est résumée dans le graphique suivant : Illustration 5: Fréquence des handicaps sensoriels selon le RAI-NH Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 18 Description: On voit un diagramme en camembert avec 4 tranches. Les valeurs sont: Voit et entend bien 37,7%, problèmes de vision uniquement 14,5%, sourdaveugle 27,4%, problème d'audition uniquement 20,3%. Fin de la description 3.4.3. Discussion Les déficiences sensorielles sont la norme D’une façon générale, les observations du personnel soignant indiquent que seul un peu plus d’un tiers des résident-e-s (37,7%) n’est pas concerné par une limitation de ses facultés sensorielles. Il faut remarquer que ceci constitue une moyenne pour tous les groupes d’âge des résidents dont les dossiers RAI ont été analysés. L’âge moyen des résident-e-s est de 84.4 ans, la valeur médiane est de 86 ans. Il en découle que, pour la majorité des résident-e-s, les déficiences sensorielles sont bien la règle et non l’exception. Pour un cinquième d’entre eux (20,3%), le RAI enregistre des troubles auditifs, mais pas de problèmes de vue. Et pour un résident sur sept (14,5%), les troubles sont de nature visuelle alors que la personne entend bien. Entre les deux, on trouve plus d’un quart de résidents (27,4%) qui, selon la définition utilisée en Suisse, sont sourdaveugles. Ce groupe comprend des personnes qui, dans certaines situations se produisant régulièrement, ne sont plus en mesure de compenser la perte d’un des sens par l’autre, par exemple pour comprendre des informations. Double handicap sensoriel : une réalité multiple Toutefois, la façon dont les déficiences sensorielles se manifestent et leurs degrés de gravité sont extrêmement variables. Dans les EMS, on trouve des personnes (13,5%, champ où la valeur est soulignée) qui, d’une part, sont en mesure de compenser une perte d’informations visuelles grâce à leur audition ou, d’autre part sont en mesure de lire des informations qu’elles ne peuvent pas entendre à l’aide d’une loupe ou si elles sont écrites en gros caractères. La condition nécessaire à cela étant que ces informations leur soient présentées une nouvelle fois, soit oralement soit par écrit. Les onze champs marqués d’une couleur allant du gris au gris foncé concernent des cas où les personnes sont confrontées à la surdicécité dans de nombreuses situations de leur quotidien. Ceci touche 13,9% des résident-e-s en tout, c’est-à-dire plus d’une personne sur sept ! Et les six champs où le chiffre est inscrit en blanc (champs gris foncés) concernent 4,3% de résidents chez qui une compensation des sens du lointain n’est quasiment plus possible et qui ont besoin d’une aide spécialisée pour comprendre ce qui se passe autour Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 19 d’eux, pour savoir qui les soigne et qui les accompagne comment, quelle est la question qui leur est posée et à quel moment ils peuvent exprimer ce qu’ils ont à dire. En fonction des situations, de l’engagement dont fait preuve le personnel soignant, de leurs capacités cognitives et de leurs antécédents en matière de communication, ces personnes sont sourdaveugles. Un personnel soignant et d’accompagnement souhaitant effectuer un travail professionnel avec ces personnes doit acquérir des connaissances spécialisées et permettre à la personne concernée d’avoir accès, dans la mesure du possible et d’une façon adaptée à sa réalité de vie, à des mesures de réadaptation spécifiques à la surdicécité17. 3.5. Facultés cognitives / démences 3.5.1. Evaluation des facultés cognitives et des démences dans le RAI-NH Les diagnostics ayant un impact actuel sur les soins et l’accompagnement sont répertoriés dans la partie „I“ du RAI-MDS, qui contient donc également les indications concernant les démences, les maladies présentant des symptômes proches (aphasie ou perte de la parole, handicap mental congénital, accident vasculaire cérébral ou attaque, ainsi qu’une catégorie appelée „autres maladies démentielles“). Il faut préciser que le RAI-NH n’effectue pas de bilan de démence. Le manuel RAI-NH indique clairement que ceux-ci sont du ressort de centres spécialisés externes. Néanmoins, il recommande qu’un bilan soit effectué en cas de suspicion afin de clarifier la question d’éventuels obstacles à la communication, de définir des procédures alternatives lors de problèmes somatiques et d’être à même de différencier les soins apportés de ceux prodigués aux personnes atteintes de formes congénitales de problèmes cognitifs. Il est expressément relevé par le manuel que les informations enregistrées par le personnel soignant sont destinées aux soins et à l’accompagnement pratiques des résident-e-s.18 C’est pour cette raison que, dans le domaine du MDS „B“, les questions concernant la mémoire (B2 et B3) et la capacité à prendre des décisions dans la vie quotidienne (B4) sont posées très tôt dans le processus d’évaluation. La question de la différenciation avec le délire (B5) est posée tout de suite après, étant donné qu’en cas de délire, la suite de l’évaluation MDS devrait reposer sur une autre base et d’autres mesures thérapeutiques devraient être prises. Sur la base de différentes indications et, encore une fois, sans objectif diagnostic mais dans le but de soutenir le processus de soins et d’accompagnement, le RAI utilise diverses échelles pour différencier les résidents : Echelle de performance cognitive (Cognitive Performance Scale CPS) Elle se compose de paramètres concernant la capacité de prise de décision dans la vie quotidienne, les limitations cognitives et la dépendance lors de l’alimentation. L’échelle utilise des valeurs allant de un à six pour mesurer la performance cognitive d’une personne. Une valeur de trois ou plus est considérée par les auteurs du RAI-MDS comme une indication que la performance cognitive est réduite. Le CPS est très similaire au minimental state et le lien entre les deux est très bien documenté.19 Echelle de douleur Cette échelle, qui ne se trouve que dans la version suisse du RAI, mesure la fréquence et 17 Cette prestation spécialisée est disponible sur www.ucba.ch / surdicécité Manuel RAI-NH, op. cit., p. 188 19 Morris, J. N., Fries, B. E., Mehr, D. R., Hawes, C., Phillips, C., Mor, V., & Lipsitz, L. A. (1994). MDS Cognitive Performance Scale. J Gerontol, 49(4), M174-M182. Retrieved from C:\Users\Guido\Daten\Literatur\Journals\JGERM_1994_174..pdf 18 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 20 l’intensité des douleurs ressenties sur une échelle allant de zéro à quatre. Echelle de signes d’instabilité émotionnelle et de dépression (Depression Rating Scale DRS) La DRS rassemble sept valeurs importantes du domaine MDS „E“ afin d’évaluer l’humeur de la personne. L’échelle va de zéro à quatorze, et ici également les valeurs de trois points ou plus sont considérées comme significatives et indiquent un état dépressif plus ou moins prononcé.20 Les échelles ADL, IADL et BADL jouent également un certain rôle.21 3.5.2. Résultats concernant les démences dans le RAI-NH Voici les éléments concernant les facultés cognitives et les facteurs y relatifs enregistrés dans le RAI-MDS, accompagnés de l’échelle d’évaluation et des fréquences d’apparition dans les dossiers analysés : Tableau 8: Diagnostic de démence de type Alzheimer (dernière évaluation complète) (RAIMDS I-1-q) Non 81,8% Oui 18,2% Tableau 9: Autre maladie démentielle (dernière évaluation complète) (RAI-MDS I-1-u) Non 70,5% Oui 29,5% Une analyse combinée des dossiers a pu être effectuée : Tableau 10: Maladie démentielle quelle qu’elle soit (dernière évaluation complète) Non 53,0% Oui 47,0% 20 Burrows A. et.al. (2000), Development of a Minimum Data Set-Based Depression Rating Scale for use in nursing homes. Age and Aging 29(2) 21 L’échelle ADL est tirée d’un processus d’évaluation permettant de mesurer le niveau de compétence dans les activités de la vie quotidienne (Activities of Daily Living) de patients atteints de maladies dégénératives. Le score ADL ainsi généré est aussi utilisé pour évaluer les besoins au niveau des soins. Le score IADL (Instrumental Activities of Daily Living) se base sur l’échelle ADL et y ajoute les activités instrumentales. Le score IADL n’est enregistré que dans la version Home Care de l’instrument, pas dans le RAI-NH. L’échelle BADL (Basic Activities of Daily Living) se concentre en revanche sur les capacités au niveau corporel et la valeur obtenue est également utilisée dans la planification des soins. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 21 Les valeurs enregistrées pour les diagnostics apparentés présentent également un intérêt : Tableau 11: Aphasie (perte de la parole) (RAI-MDS I-1-r) Non 96,9% Oui 3,1% Tableau 12: Handicap mental congénital (RAI-MDS I-1-s) Non 97,9% Oui 2,1% Tableau 13: Accident vasculaire cérébral (attaque) (RAI-MDS I-1-t) Non 91,1% Oui 8,9% Tableau 14: Hémiplégie (paralysie d’un côté du corps) (RAI-MDS I-1-v) Non 94,4% Oui 5,6% Tableau 15: Autres maladies neurologiques (non démentielles) (dernières évaluation complète) (RAI-MDS I-1-w et suivantes) Non 85,7% Oui 14,3% Finalement, les valeurs des échelles spécifiques du RAI ont été analysées : Tableau 16: Echelle CPS de performance cognitive CPS <3 46,9% CPS>=3 53,1% Tableau 17: Echelle DRS de signes d’instabilité émotionnelle et de dépression DRS <3 75,2% Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 22 DRS>=3 24,8% L’analyse multivariée permet d’établir une vue d’ensemble de ce que nous considérerons comme „suspicion de démence“ dans ce qui suit. Chaque dossier n’a été pris en compte qu’une seule fois. Illustration 6: Résidents atteints ou suspectés de démence Description: On voit un diagramme en camembert avec 4 tranches. Les valeurs sont: Diagnostic démence de type Alzheimer 18%, diagnostic autres maladies démentielles 29%, pas de diagnostic mais CPS de plus ou égal à 3 16%, pas de suspicion 37%. Fin de la description. 3.5.3. Discussion Une démence est constatée chez presque la moitié des résident-e-s (47%). 18% de ces personnes sont atteintes de démence de type Alzheimer, qui est la forme de démence la plus répandue, et 29% souffrent d’autres formes de démence. Une valeur de 3 ou plus sur l’échelle CPS est enregistrée chez 53% de l’ensemble des résident-e-s. Lorsqu’on soustrait de ce groupe les cas où un diagnostic de démence est documenté dans le RAI-MDS, on obtient 16% de résident-e-s pour qui les valeurs enregistrées sur l’échelle CPS sont significatives. Dans les établissements médico-sociaux suisses, un bilan complet de démence n’est de loin pas effectué à chaque fois qu’une démence est suspectée, notamment pour éviter aux résident-e-s et à leurs proches des désagréments supplémentaires, d’autant plus que le diagnostic ne conduit pas à des mesures thérapeutiques directes. On peut par conséquent ajouter les 16% de personnes chez qui une démence est suspectée aux personnes chez qui la démence est reconnue. Les données du RAI-MDS révèlent alors un total de 63% de résidents d’EMS chez qui une démence ou une suspicion de démence est documentée (18% + 29% + 16%). Il faut donc en conclure que le diagnostic et la gestion des formes évolutives de la diminution des facultés cognitives est la problématique centrale à laquelle le personnel de soins et d’accompagnement des EMS suisses est confronté, tant au niveau du dépistage Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 23 que des actes. Les valeurs enregistrées concernant la perte de l’autonomie au niveau corporel et dans la vie quotidienne renforcent encore cette thèse (des valeurs ADL de plus de 8 sont constatées chez 50% des résident-e-s, ce qui indique une dépendance très importante), et il en va de même pour les valeurs concernant les états dépressifs et les dépressions avérées (une valeur DRS de 3 ou plus est enregistrée chez 24% des résidents), lesquels ont un effet sur le niveau de vitalité et la résistance des personnes concernées. 3.6. Facultés cognitives et handicaps sensoriels 3.6.1. Résultats du RAI-NH L’analyse des dossiers du RAI-NH permet une observation combinée des déficiences sensorielles et de la performance cognitive. Tableau18: Résidents atteints de handicap visuel présentant des valeurs CPS>=3 Vision selon échelle RAI (avec aide visuelle) CPS>=3 Bonne 43,8% Légèrement limitée 65,7% Moyennement limitée 68,4% Fortement limitée 69,1% Gravement limitée 60,4% (Exemple de lecture : Parmi les résidents qui voient bien, 43,8% sont atteints de déficience cognitive (CPS>=3) qui laisse supposer une maladie démentielle (suspicion de démence)). Tableau 19: Résidents atteints de handicap auditif présentant des valeurs CPS>=3 Audition selon échelle RAI (avec appareil auditif) CPS>=3 Bonne 44,6% Légères difficultés lorsqu’il y a du bruit 60,6% N’entend que dans des situations particulières 67,7% Audition fortement limitée / sourd 78,3% L’analyse multivariée permet d’obtenir des données de comparaison concernant l’évaluation des facultés cognitives ou des démences pour les résidents chez qui un handicap visuel ou auditif est reconnu. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 24 Tableau 20: Vision : comparaison des difficultés (* dernière évaluation complète) Vision selon l’échelle du RAI Rappel : ceci signifie selon la grille d’évaluation du RAI-NH : A: B: Toutes les formes de démence.* Autre maladie neurologique.* C: Pas de diagnostic de démence mais CPS>=3 Bonne Distingue les petits 41,9% détails, y compris les caractères d’imprimerie de taille normale dans les journaux / livres 13,3% 13,7% Légèrement limitée Distingue les gros 55,3% caractères dans les journaux / livres, mais pas les caractères de taille normale 14,8% 18,9% Moyennement limitée Ne réussit pas à distinguer les titres de journaux, peut voir les objets qui l’entourent 54,5% 17,7% 20,2% Fortement limitée Il n’est pas sûr que la personne voie les objets qui l’entourent, les yeux suivent les objets présentés 51,1% 15,8% 24,0% Gravement limitée / aveugle Ne voit rien ou seulement les contours ; les yeux ne suivent pas les objets présentés 34,2% 16,7% 30,7% (Exemple de lecture : parmi les résidents qui voient bien, 41,1% ont été diagnostiqués comme étant atteints d’une forme de démence (Alzheimer ou autre)). Tableau 21: Audition : comparaison des difficultés (* dernière évaluation complète) Audition selon l’échelle RAI Rappel : ceci signifie selon la grille d’évaluation du RAI-NH : A: B: Toutes les formes de démence.* Autre maladie neurologique.* Bonne Entend et comprend les conversations normales, la télévision, le téléphone, les discussions de groupe 42,0% 15,0% C: Pas de diagnostic de démence mais CPS>=3 14,3% Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 25 Légères difficultés A de légères difficultés à 51,4% comprendre ce qui est dit dès qu’il y a du bruit 13,4% 18,0% N’entend que dans des situations particulières Ne comprend ce qui est dit que lorsque l’interlocuteur adapte sa façon de parler 56,0% 13,4% 19,2% Fortement limitée N’entend rien ou pratiquement rien 50,0% 15,9% 32,6% Tableau 22: Vision : Indice ADL groupes RUG Vision selon l’échelle RAI 4-5 6-8 9-10 11-15 16-18 Bonne 45,0% 15,4% 8,8% 21,5% 9,3% Légèrement limitée 25,0% 15,4% 9,7% 30,5% 19,5% Moyennement limitée 21,8% 11,2% 8,8% 27,3% 30,9% Fortement limitée 18,3% 10,2% 6,5% 28,4% 36,6% Gravement limitée 17,1% 9,6% 13,5% 31,3% 28,5% Tableau 23: Audition : Indice ADL groupes RUG Audition selon l’échelle RAI 4-5 6-8 9-10 11-15 16-18 Bonne 43,5% 15,0% 8,3% 21,7% 11,5% Légères difficultés 25,0% 15,4% 9,7% 30,5% 19,5% N’entend que dans des situations particulières 23,2% 14,2% 10,4% 28,6% 23,5% Fortement limitée 24,5% 11,3% 8,2% 27,6% 28,4% 3.6.2. Discussion Multimorbidité En préambule, il faut noter que la fréquence d’apparition au cours du processus de vieillissement des deux handicaps sensoriels classiques et du handicap sensoriel combiné présente des ressemblances frappantes avec la fréquence d’apparition des démences. De Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 26 la plupart des points de vue, les chiffres se ressemblent presque au point de pouvoir être confondus. D’après le tableau 17, beaucoup de résidentes et de résidents atteints de déficience visuelle présentent des valeurs de trois ou plus sur l’échelle CPS utilisée pour l’évaluation des facultés cognitives (CPS>= 3). C’est le cas pour 44% des résident-e-s qui voient bien et pour 60 à 69% des personnes atteintes de déficience visuelle (avec des différences selon le degré de handicap visuel). Les résident-e-s atteints de handicap auditif sont également nombreux à présenter des valeurs de trois ou plus sur l’échelle CPS (CPS>=3). C’est le cas pour 44% des résident-e-s qui entendent bien et pour 60 à 78% des personnes présentant des problèmes d’audition (ici aussi, il y a des différences suivant le degré de gravité du handicap auditif). Etant donné que l’échelle CPS est principalement composée de paramètres qui mesurent la communication et la capacité à prendre des décisions, cette constatation n’est pas autrement surprenante. Elle souligne toutefois la nécessité pour le personnel de soins et d’accompagnement d’adapter ses actes et son comportement lorsqu’il est confronté à des personnes atteintes de handicap visuel et auditif. Comportements difficiles à interpréter Dans la littérature spécialisée, on ne trouve aucune indication au sujet d’un quelconque lien de cause à effet entre les handicap sensoriels et les démences, que ce soit dans la perspective que les handicaps sensoriels seraient responsables du développement de la démence ou qu’ils favoriseraient ce dernier.22 Nous sommes d’avis que le fait que les résidents atteints de handicap sensoriel présentent plus souvent des valeurs CPS de plus de 3 que les personnes qui voient bien est un indice qui vient soutenir la „thèse du risque de confusion“. Selon cette thèse, les effets des formes légères de handicap visuel, qui ne sont souvent pas clairement manifestes, sont faussement interprétés comme étant des indicateurs de troubles de la performance cognitive et enregistrés comme tels dans les parties du RAI-MSD qui sont utilisées pour établir l’échelle CPS (voir chapitre 1.3.).23 Mais, dans ce cas, pourquoi la proportion des personnes présentant un score CPS>=3 diminue-t-elle chez les personnes atteintes de handicap visuel grave (tableau 20) ? Cette diminution par rapport aux personnes atteintes de formes moins graves et donc moins manifestes de déficience visuelle fait sens. En effet, les effets des formes moyennement graves de handicap visuel sont souvent dissimulés par les personnes concernées et sont moins facilement décelables pour les personnes extérieures que ceux de la „cécité“. Pour cette raison, les premiers peuvent plus facilement être confondus avec les effets des troubles de la performance cognitive. Les conséquences de la cécité, par contre, sont plus ou moins évidentes pour tout le monde et, en cas d’incertitude, la suspicion de démence est abandonnée. D’un point de vue purement quantitatif, cet effet pourrait être renforcé par le fait que les personnes qui sont atteintes de handicap visuel prononcé se posent plus rapidement la question d’entrer dans un home pour personnes âgées que les personnes qui voient bien. Nous savons que ce n’est pas le handicap visuel en lui-même qui conduit à la nécessité de vivre dans une institution, mais la compensation quotidienne du handicap et l’autonomie, qu’il est délicat et difficile de maintenir, et qui demandent beaucoup d’énergie. Les soins ne sont pas la seule raison pour laquelle les personnes atteintes de handicap visuel important vont dans une institution pour personnes âgées. 22 La plus récente analyse de la littérature spécialisée à laquelle nous pouvons nous référer est celle de Blaser et. al. 2013 23 Ceci a déjà été noté par Lehrl et al. 2004. Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 27 Les tableaux 18 et 19 présentent d’autres éléments permettant d’étayer la „thèse du risque de confusion“. Chez les résidents atteints de déficience visuelle ou auditive, une démence est diagnostiquée dans 9 à 13%, respectivement 8 à 14%, des cas et les valeurs enregistrées sur l’échelle CPS de ces personnes sont plus élevées que celles des résidents qui voient et entendent bien. A nouveau, les résidents qui sont atteints de handicap visuel grave ou de cécité font exception à cette règle. Une démence est moins souvent diagnostiquée chez eux que chez les résidents atteints de déficience visuelle légère, moyenne ou forte ou que chez les résidents dont la vision est bonne. Il se pourrait donc dans ces cas que l’effet du risque de confusion soit même inversé. Les chiffres utilisés dans les tableaux 20 et 21 ne concernent jamais les mêmes personnes, ce qui fait qu’une moyenne peut être utilisée en tant qu’indicateur. Lorsqu’on additionne les cas où une forme de démence ou d’autres maladies neurologiques non démentielles ont été diagnostiquées et les cas où une valeur de plus de trois est enregistrée sur l’échelle CPS, on constate que la prévalence est de 20% plus élevée chez les résidents atteints de handicap visuel que chez les résidents dont la vision est bonne (colonnes A, B et C dans la vue d’ensemble des tableaux 20 et 21). 4. Handicap visuel, handicap auditif et démences tels qu’ils sont reflétés par les soins ambulatoires ((sera complété en 2016, si possible avec des données similaires et avec les mêmes questions et dimensions de recherche)) 5. Conclusion La présente analyse a permis d’évaluer la prévalence des déficiences visuelles et des déficiences auditives, ainsi que des démences et d’autres maladies psycho-gériatriques. Des analyses multivariées ont également permis de révéler combien de personnes sont touchées simultanément par plusieurs de ces problèmes typiques du processus de vieillissement et quels en sont quelques-uns des effets. L’analyse se base sur un grand nombre de dossiers d’évaluation du RAI-MDS de personnes prises en charge de façon stationnaire dans des établissements médico-sociaux suisses. Ces données ont été enregistrées par des professionnels formés du domaine des soins gériatriques et sont mises à jour en général deux fois par an. Cette première analyse s’est concentrée sur les données qui concernent les établissements médico-sociaux. Il est prévu d’élargir l’analyse aux données des soins ambulatoires, qui utilisent également l’évaluation par le RAI-MDS. Nous pouvons résumer les résultats provisoires de la façon suivante : La vision et l’audition sont souvent fortement limitées La vision est limitée, même après correction, chez 42% des résident-e-s, avec des effets sensibles au niveau de la vie quotidienne et qui ont un impact sur les soins et l’accompagnement. Chez 14% des résident-e-s, ces effets sont très handicapants pour les personnes concernées et nécessitent des soins et un accompagnement adaptés, ainsi qu’un aménagement de leur environnement de vie. Les problèmes de vision s’accentuent encore avec l’âge, il n’y a pas de différence notable à ce niveau entre les hommes et les femmes, mais les résident-e-s des établissements médico-sociaux sont environ deux fois plus nombreux a être touchés par ces difficultés que la population du même âge dans son ensemble, selon les estimations. L’audition est limitée chez 48% des résident-e-s, avec des effets sensibles au niveau de la vie quotidienne et des conséquences négatives si ce problème n’est pas pris en compte par Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 28 le personnel de soins et d’accompagnement. Les appareils auditifs ne sont utilisés que par une minorité de résidents malentendants. Dans le cas de 13% des résidents, on ne peut pas considérer qu’ils comprennent ce qui est dit. Les difficultés de compréhension augmentent fortement avec l’âge et cette évolution concerne autant les femmes et que les hommes. Une personne sur quatre (27%) vivant dans un home est sourdaveugle et n’est pas en mesure de compenser la perte d’un des sens du lointain par l’autre. Cette situation représente un défi particulier pour les soins et l’accompagnement, ainsi que pour la vie communautaire de l’institution. Facultés cognitives et démences 63% des résidents des EMS présentent une démence diagnostiquée ou une suspicion de démence fondée qui se base sur des observations clairement définies des performances cognitives. La multimorbidité est la règle La perte de la capacité visuelle ou auditive en elle-même ne conduit pas forcément les personnes, mêmes très âgées, à être dépendantes de soins. Les personnes atteintes de handicap visuel et/ou auditif choisissent de vivre dans des institutions principalement pour d’autres raisons liées à leur santé. Quoi qu’il en soit : tous les résidents d’institution pour personnes âgées peuvent être atteints de handicap visuel et/ou auditif marqué, et notre analyse montre que ceci est deux fois plus souvent le cas qu’on ne le pensait ! Leur vie dans l’institution, leur expérience des maladies et des infirmités, les soins qu’ils se prodiguent eux-mêmes, leurs activités, mais aussi leur vie commune et leurs interactions avec les autres résidents et l’ensemble du personnel (soins, accompagnement, activation, thérapie, hôtellerie, administration, bénévoles, etc.) se déroulent dans ce contexte et dans ces conditions de perception sensorielle. Les handicaps visuels et auditifs peuvent être confondus avec le début d’une démence („thèse du risque de confusion“) Le personnel soignant enregistre un diagnostic de démence ou une suspicion fondée de démence chez un nombre nettement plus important de résidents atteints de déficience visuelle que chez les résidents dont la vision est bonne. La même chose est vraie pour les déficiences auditives. Quelques explications sont avancées dans les pages qui précèdent concernant les causes possibles de cette observation. Il n’existe cependant encore aucune certitude à ce sujet. Les données concernant les corrélations ne permettent pas d’établir de liens de cause à effet et ne devraient pas conséquent pas non plus être avancées comme explications. Les résultats d’enquêtes menées auprès d’experts suisses en matière de démence et de gériatrie, ainsi que diverses indications tirées d’études actuelles semblent toutefois aller dans le sens de notre „thèse du risque de confusion“ : il existe un grand risque que les effets de handicaps sensoriels soient confondus avec les symptômes d’un début de démence. Les handicaps sensoriels ne sont pris en compte qu’indirectement dans l’évaluation des besoins concernant les soins En tant qu’instrument d’évaluation reconnu (reconnaissance par les organes de financement, les caisses maladie, les autorités du domaine de la santé, les résidents), le RAI calcule, pour chaque situation, le temps moyen nécessaire aux actes de soins. L’évaluation RAI tient compte des handicaps sensoriels et son manuel indique quelles en sont les conséquences pour les soins et l’accompagnement dans le domaine stationnaire. Les handicaps sensoriels nécessitent des soins et un accompagnement adaptés, mais le RAI ne Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 29 prévoit pas, à ce jour, de temps particulier pour cela. Nous ne savons pas si une éventuelle charge horaire supplémentaire peut être comptabilisée de façon détournée par le biais des décomptes ADL et RUG. On note cependant que les résident-e-s atteints de déficience visuelle présentent régulièrement des valeurs ADL plus élevées en moyenne que les personnes dont la vision est bonne. A ce jour, les recommandations suivantes peuvent être faites sur la base de ces résultats : a.) Les institutions qui s’occupent des soins aux personnes âgées devraient reconnaître que les handicaps sensoriels sont une réalité pour près de la moitié des résidentes et résidents, que ces handicaps apparaissent en général de façon insidieuse, ne sont longtemps pas décelés et sont souvent dissimulés. Ces handicaps sont souvent de nature évolutive et nécessitent pour cette raison des bilans réguliers. Leurs effets affectent déjà la qualité de vie avant qu’on en parle. C’est pourquoi le dépistage précoce, les bilans et les contrôles réguliers concernant les handicaps sensoriels font partie du travail des soins et de l’accompagnement. L’institution devrait s’assurer en établissant des procédures claires que tous ses collaborateurs (soins, accompagnement, hôtellerie, administration, bénévoles, etc.) aient été formés à se comporter de façon adéquate envers les personnes malvoyantes, malentendantes et sourdaveugles et que les connaissances acquises soient mises en pratique. Il est du ressort de la direction de l’institution que les conditions permettant une prise en charge adéquate des personnes atteintes de handicap sensoriel soient réunies, tant au niveau de la construction, de la formation du personnel que des procédures. b.) Nous ne pouvons pas affirmer que les soins adaptés aux personnes atteintes de handicap sensoriel nécessitent plus de temps, ni indiquer dans quelle mesure, si c’est le cas. Pour clarifier cette question, il faudrait mener une étude concernant le temps nécessité par les soins (Cura-Time-Study). c.) Nous recommandons aux personnes atteintes de déficience visuelle et/ou auditive pour qui un bilan de démence est considéré comme nécessaire de d’abord faire effectuer un bilan médical de leurs facultés visuelles et auditives et de se rendre dans une clinique de la mémoire avec les résultats de ces bilans. Dans ces cliniques, ils auront accès à une large palette d’instruments d’évaluation et à des procédures de diagnostic adaptées.24 Les procédures de screening habituelles (MMSE, test de l’horloge) ne sont pas suffisantes pour effectuer un bilan chez des personnes atteintes de déficience visuelle et/ou auditive. Etant donné que ces personnes vivent dans un établissement médico-social, il est du ressort du personnel soignant de proposer que les bilans soient effectués de cette manière. d.) Il faudrait évoquer dans la communication concernant la démence que les signes de démence peuvent être confondus avec les effets d’un handicap sensoriel. La procédure devrait être la suivante : 24 Georgescu D., médecin-chef des services psychiatriques du canton d’Argovie, journée de formation continue UCBA „Bilans de démence chez les personnes atteintes de handicap visuel et de surdicécité“, 18.6.2015 Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 30 Des tests pour mesurer les capacités visuelles et auditives actuelles de la personne concernée devraient toujours être effectués avant un bilan de démence. Si une déficience sensorielle est avérée, le bilan de démence devrait être effectué dans une clinique de la mémoire. Le handicap auditif et/ou visuel doit dans tous les cas être déclaré lors du bilan de démence et toutes les possibilités de réadaptation et d’aide permettant de compenser les déficiences sensorielles devraient être utilisées le plus rapidement possible (appareils auditifs, aides visuelles, techniques compensatoires, etc.) e.) Chez les personnes très âgées, on renonce souvent à effectuer un bilan de démence plus précis, d’accord avec toutes les personnes concernées, même lorsque des signes de démence sont présents. Nous ne sommes pas là pour juger cette pratique, mais nous recommandons, dans tous les cas et jusqu’à l’âge le plus avancé, de faire en sorte que le reste de vision encore présent puisse être utilisé. Pour cela, il faut faire appel à toutes les mesures existantes, qu’il s’agisse de mesures qui concernent la personne (optiques, médicales, chirurgicales), mais aussi et surtout de mesures environnementales (beaucoup de lumière, lumière uniforme partout, protection contre l’éblouissement, verres filtrants, grosseur de l’écriture, couleurs, contrastes, etc.). Ces dernières apportent toujours une amélioration, même lorsque les premières ne peuvent plus être mises en oeuvre dans certaines situations ou sont refusées. f.) Nous recommandons aux responsables du développement de l’évaluation RAI-MDS de reconsidérer la terminologie utilisées dans le domaine de la vision (D) et en particulier l’échelle d’évaluation des facultés visuelles et auditives (domaines C et D) afin de s’assurer que l’attention du personnel soignant soit dirigée vers des phénomènes ayant un impact sur les soins. Il ne faudrait pas que la croyance populaire selon laquelle il est normal de voir et d’entendre moins bien lorsqu’on est âgé soit renforcée par le RAI car ces déficiences visuelles et auditives doivent être reconnues et thématisées comme ayant un impact sur les soins. Les aides à l’évaluation dans le domaine des aides visuelles pourraient également être actualisées dans ce sens. g.) L’outil d’évaluation RAI (NH et HC) repose sur des bases scientifiques et est décrit de façon très complète dans le manuel. En plus de ses nombreuses autres fonctions, il peut permettre d’adapter les prestations de soins et d’accompagnement aux besoins des personnes atteintes de déficience visuelle et auditive. Pour cela, il faut que les indications qui se trouvent dans l’outil d’évaluation correspondent aux connaissances de toutes les parties concernées, que les résultats de l’évaluation soient communiqués à toutes les parties concernées, et ainsi que le travail de soins et d’accompagnement dans l’institution en profite. Il ne sert pas à grand-chose que la version électronique du système RAI-MDS réagisse lorsque des données concernant certains facteurs qui s’influencent mutuellement sont entrées dans le système simultanément (par ce qu’on nomme les triggers) si les „recommandations au personnel soignant“ qui sont alors générées par le système restent sur le bureau d’un employé qui s’occupe de l’administration. h.) Nous recommandons aux responsables du développement du RAI de prêter une attention particulière aux situations suivantes dans les aides concernant l’apparition simultanée de certains facteurs : Double handicap sensoriel (C1-2 et suivantes et D1-2 suivantes) Apparition de déficience visuelle ou auditive en combinaison avec tous les résultats concernant les démences (à partir de C1-2 ou de D1-2 avec I-1-q ; I-1-u ; CPS>=3). On pourrait ajouter au manuel un passage spécial à leur sujet, qui comprendrait des aides à l’évaluation et des marches à suivre. Un comportement adapté au handicap visuel doit devenir la norme dans le domaine des Vision, audition et démences telles qu’elles apparaissent dans le RAI - Rapport à mi-parcours (2015) page 31 soins et de l’accompagnement des personnes âgées. La même chose vaut pour le handicap auditif. Il existe des marches à suivre dans ce domaine. La mise en place de ces concepts est du ressort des institutions de formation et des systèmes institutionnels de contrôle de la qualité dans le domaine des soins et de l’accompagnement des personnes âgées. Ces concepts ne sont pas moins importants pour le bien-être et la santé des résident-e-s que d’autres concepts de soins et d’accompagnement. De plus, ils concernent une proportion très importante de résident-e-s. Lorsqu’une personne est atteinte de déficience au niveau visuel et/ou auditif, la présence éventuelle d’une démence ne doit pas être évaluée à l’aide des procédures usuelles, qui se basent sur la vision et l’audition. 6. Bibliographie Anliker M., Bartelt G. (2015), Resident Assessment Instrument in der Schweiz - Geschichte, Resultate und Erfahrungen aus der Anwendung, Zeitschrift für Gerontologie und Geriatrie 2/2015 Blaser R. , Wittw.er, D. & Becker, S. (2013). 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Age and Aging 29(2) Georgescu D., médecin-chef des services psychiatriques du canton d’Argovie, journée de formation continue UCBA „Bilans de démence chez les personnes atteintes de handicap visuel et de surdicécité“, 18.6.2015 Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), voir www.who.int/classifications/icf/en, 5.10.2015 Kampmann S. et.al. (2015), Sehen im Alter – Leitfaden für Mitarbeiterinnen und Mitarbeiter in der stationären Altenpflege, Blindeninstitutsstiftung Würzburg, www.blindeninstitut.de Killmann I. et.al. (2015), Hörstörung und Demenz, Zeitschrift für Gerontologie und Geriatrie 5 · 2015 KSiA – Kompetenzzentrum Sehbehinderung im Alter, www.ksia.ch Lehrl S. et.al (2004), Systematische Fehleinschätzung von Altersdemenz durch kataraktbedingte Behinderung der Informationsverarbeitung? Der Ophthalmologe 2 · 2004 Morris, J. N., Fries, B. E., Mehr, D. R., Hawes, C., Phillips, C., Mor, V., & Lipsitz, L. A. 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