Refus de soin de la part du patient à domicile

Transcription

Refus de soin de la part du patient à domicile
Les entretiens d’HABEO
Refus de soin de la part du patient
à domicile : Cadre juridique et légal
16 novembre 2011
HABEO
Hôpital Paul Brousse
12/14 avenue Paul Vaillant Couturier
94800 Villejuif
www.habeo.org
L’association HABEO a organisé le 16 novembre 2011 une matinée sur le thème « refus de soin
à domicile ». Cette matinée a réuni des professionnels autour de 3 intervenants :
•
Nathalie Dourneau, directrice nationale du pôle soin de la société DOMIDOM. Nathalie DOURNEAU est depuis 2007 la Directrice Nationale du pôle soins de la société DOMIDOM
Soins
et
dirige
plusieurs
établissements
médico-sociaux
(SSIAD).
Elle
expérimente
actuellement un modèle de SSIAD renforcé destiné à des patients poly-pathologiques et fortement dépendants et/ou en phase palliative de leur maladie. En parallèle, elle a participé aux travaux menés par l’ANAP sur l’amélioration du parcours de santé de la personne âgée.
•
Sylvie Nicolas, directrice d’un service d’éducation et de soins spécialisés à domicile de l’Association
des Paralysés de France. Titulaire d’un Master de droit de la santé « droit de la gestion des établissements
sanitaires, sociaux et médico-sociaux », Sylvie Nicolas s’intéresse aux droits des patients et, plus particulièrement, aux droits des enfants. Elle participe par ailleurs à l’élaboration de documents de prévention
de la maltraitance et anime diverses réunions sur ce thème avec professionnels, usagers, bénévoles...
•
Josiane Vibert, ancienne directrice d’une maison d’accueil spécialisée. Intervenante auprès de
services d’aide à domicile, directrice adjointe d’une maison de retraite, puis directrice d’une Maison
d’Accueil Spécialisée durant 13 ans, Josiane Vibert a créé un organisme de formation en 2001 pour
aborder des thèmes comme la personne polyhandicapée, la personne autiste, accompagner des personnes handicapées au domicile, le travail en équipe. A la retraite depuis quelques mois, elle est
aujourd’hui engagée auprès de l’association HABEO.
Ce document présente la retranscription des interventions et des extraits des échanges
avec la salle, ce qui explique que le langage parlé soit marqué à certains moments.
Caroline Lemoine - HABEO
Introduction
Tous les professionnels du domi-
l’absolu chaque professionnel peut
fondamentaux relatifs à ce sujet ;
cile ont été, seront ou seront
comprendre, sont aussi un droit
- Une deuxième intervention fera
confrontés actuellement à une
qui peut mettre les profession-
un point sur le refus provenant
situation de refus que cela vienne
nels dans des situations extrême-
d’une personne extérieur : le tiers
d’une personne âgée ou d’une
ment délicates : le respect de ce
de confiance, la famille ;
personne handicapée.
droit entraine parfois en effet un
- Une troisième intervention pré-
Ce refus peut concerner différents
dilemme quand il semble empê-
sentera différents types de refus
points : refus d’une aide maté-
cher d’agir pour le bien-être de la
entendus au quotidien et diffé-
rielle, d’une aide humaine, d’une
personne.
rentes pistes pour mieux les com-
aide sociale. On sait aussi que ce
C’est dans ce contexte que les
prendre afin d’y répondre.
refus, énoncé ici de manière très
interventions d’aujourd’hui vont
Le but de cette rencontre sera
posée, peut être prononcé de ma-
avoir lieu :
donc de donner du sens à ce refus
nière très virulente voire violente,
-
et que les manifestations du re-
concernera le contexte juridique
fus, si elles sont un droit que dans
et légal, la présentation des textes
Une
première
intervention
pour ne pas s’arrêter à un affrontement.
2
Sylvie Nicolas
Contexte juridique
Je vais vous donner quelques
jeu de la relation soignant-soigné
sentielle, elle est à la base du soin.
repères importants à avoir à
est que la délivrance de l’informa-
Seule l’urgence ou l’impossibilité
l’esprit, car toute notre action est
tion se fasse de la manière la plus
d’informer la personne peuvent en
sous-tendue par le respect de la
adaptée et la plus « authentique
dispenser.
personne mais aussi celui de la
» possible : si le patient a face à
loi, dont le non-respect peut avoir
lui une équipe qui a déjà une idée
Dans le cas des mineurs ou des
des conséquences importantes.
préconçue de ce qui est de son in-
majeurs sous tutelle, les droits
térêt, il est évident que l’informa-
sont exercés par les titulaires de
L’encadrement du refus de soin est
tion va lui être délivrée de manière
l’autorité parentale ou par le tu-
devenu une nécessité visible dans
biaisée. On peut délivrer une infor-
teur.
la loi du 4 mars 2002 relative aux
mation en faisant pression, voire
Seules les personnes sous tutelle
droits des malades et à la qualité,
en étant menaçant, comme mal-
complète voient leurs droits modi-
plus communément appelée loi
heureusement cela arrive encore «
fiés. En cas de curatelle ou de sau-
Koucher.
si vous refusez le traitement, vous
vegarde, les droits sont les mêmes
quittez mon service et vous n’y
: les personnes sont donc asso-
Cette loi a mis au centre de ses
remettez pas les pieds ». Ce com-
ciées et décident de ce qu’elles
préoccupations l’autonomie de la
portement est aussi inadmissible
veulent pour elles, pour leur santé.
personne, du malade, du patient.
qu’illégal.
Elle légalise le refus de soin à tra-
Il faut également que l’information
Les
vers, en particulier, deux articles
soit claire et compréhensible, à la
droits restreints, ont cepen-
particulièrement importants, l’ar-
portée de l’interlocuteur.
dant le droit de recevoir eux-
ticle 1111.4 et l’article 1111.2 du
personnes
qui
ont
des
mêmes l’information qui les
code de la Santé Publique. Elle
Si la personne persiste dans son
concerne et de participer aux
a également établi le libre choix
refus d’accepter les soins, la dé-
décisions. Là aussi, l’informa-
entre la prestation. Le patient a le
marche
tion doit être adaptée à leurs
droit de choisir entre tel et tel soin,
discussion, de dialogue, doit être
telle et telle alternative, et coro-
tracée dans son dossier médical.
laire à cela, il a le droit de refuser
Cela ne veut pas dire qu’il faut
la prestation proposée. S’il refuse
demander à la personne de signer
tout traitement, ce refus pouvant
des documents : cette signature
Une fois les personnes informées,
entrainer une mise en danger, le
n’a aucune valeur juridique, ce
on doit impérativement recueillir
médecin doit tout mettre en œuvre
n’est pas une décharge mais elle
leur consentement libre et éclairé.
pour le convaincre.
peut servir de preuve de la dé-
C’était déjà présent dans le code
Ce droit est donc lié au droit à l’in-
marche d’accompagnement.
de déontologie médicale en 1995
d’accompagnement,
de
capacités de compréhension.
Le consentement
où il était indiqué qu’il importait de
formation.
L’information porte sur le trai-
porter la plus grande attention aux
tement proposé (1111.2) mais
sentiments exprimés par l’intéres-
aussi sur conséquences, sur
sé et d’en tenir compte dans toute
Une personne malade, par rapport
leurs risques et les alterna-
la mesure du possible.
à une équipe de soin, est souvent
tives possibles.
dans un état d’infériorité. Tout l’en-
L’information est absolument es-
Le droit à l’information
3
Qui dit consentement dit, en
Dans toutes nos structures, il n’y
face,
a plus de service de soins palliatifs
possibilité
d’un
refus
Les situations d’urgence
éclairé.
puisqu’il est du ressort de toutes
Dans les situations d’urgence, de
A partir du moment où il y a eu
les équipes médicales mais aussi
danger vital immédiat, les refus
une prescription, s’il y a ensuite
médicosociales, et donc du domi-
sont extrêmement rares. La plu-
refus, le cadre règlementaire
cile, d’assurer ces soins palliatifs.
part du temps ils sont exprimés de
est clair, la prescription doit
être retirée. Sinon, l’équipe est
manière anticipée.
La personne de confiance
bloquée entre la prescription
Chacun peut d’ailleurs écrire
ses directives anticipées, il faut
du médecin et le souhait du
La personne de confiance prend
que ce soit daté, signé et que
patient. Pour autant, la préco-
le pas sur toute autre personne
le document ait moins de 3 ans
nisation qui a conduit à cette
proche, toute autre personne
à la date de la situation où la
prescription
maintenue,
non médicale. Ceci est valable
personne ne peut exprimer son
voire réexpliquée, pour don-
pour les majeurs, mais pas pour les
avis.
ner le maximum d’éléments de
personnes sous tutelle, quoi que le
compréhension à la personne.
juge des tutelles puisse confirmer,
Ce danger immédiat met souvent
ou pas, la mission de la personne
les équipes de soin en porte-à-
On peut également refuser un jour
de confiance.
faux. D’une façon générale, cette
et accepter, une semaine, un mois,
Dans les cas où le patient est hors
situation oblige tout citoyen à ai-
six mois après, ce qui signifie que
d’état d’exprimer sa volonté, il faut
der la personne en péril et à agir
le refus doit être réinterrogé,
que cette personne de confiance
pour sauvegarder sa sécurité. Si
pour savoir si la personne a
ou à défaut un de ses proches ait
la personne est dans le coma par
encore le même avis. Là aussi, il
été consulté.
exemple, il y a deux obligations,
est
faut garder des traces dans le dos-
secourir, et consulter la personne
sier médical et dans le projet de
Pour le mineur et le majeur protégé
soin de la personne.
: la loi du 5 mars 2007 indique avec
de confiance.
beaucoup de force que le consen-
Si la personne est consciente et
tement
doit être recherché sys-
refuse les soins, il y a conflit entre
tématiquement si la personne est
le respect du refus de la personne
Un autre principe fondamental : la
apte à exprimer sa volonté, à par-
(article 111.4) et
personne malade a droit au res-
ticiper à la décision. Cependant,
(non assistance à personne en
pect de sa dignité.
bien souvent dans les équipes
danger). Le code de déontologie
L’article 1110.2 touche aux soins
on fait un raccourci : la per-
médicale impose à tout médecin
palliatifs. Ces soins sont des soins
sonne est sous tutelle donc elle
d’apporter assistance à une per-
actifs qui visent à apaiser la souf-
ne décide rien. Cette affirma-
sonne en péril. Le refus de la per-
france tant physiques que psy-
tion est fausse, puisque sous
sonne de confiance n’est pas oppo-
chiques, à sauvegarder la dignité,
tutelle la personne est associée
sable à la décision du médecin.
à soutenir l’entourage.
à tout ce qui la concerne, et on
Le respect de la dignité
Quand
le code pénal
ces soins peuvent être proposés à
cherche son adhésion.
Concernant les témoins de Jehova,
la personne, les refus de soin en
Il ne faut pas oublier que nous
le Conseil d’Etat, il y a une dizaine
tant que tels diminuent. Quelqu’un
avons également des droits consti-
d’années, a donné raison à un
qui a mal, qui souffre, n’a qu’une
tutionnels concernant l’inviolabilité
chirurgien qui avait pratiqué une
envie, que ça s’arrête. Cependant,
et l’indisponibilité du corps : nul
transfusion sanguine alors que la
à partir du moment où l’on peut
ne peut être contraint de subir une
personne avait explicité son refus
soulager la souffrance, il peut alors
atteinte sur son corps.
avant. Le conseil d’Etat s’est
voir les choses d’une autre façon.
appuyé sur le fait que le
4
devoir du médecin était de sau-
cepter, respecter le choix du
ver ce patient et qu’on ne pouvait
patient, c’est renoncer à sau-
pas prendre en compte le motif
ver le patient. C’est parfois un
religieux, comme pour les maris
dilemme, renoncer à être celui
ou les pères qui refusent que leur
qui sait ce qui est bon pour le
épouse / fille soit soignée par un
patient.
médecin homme.
La loi Léonetti
Quand j’avais 17 ans, je suis déjà
mort
Je peux difficilement parler du
Je vais finir en évoquant un jeune
refus de soin sans parler de la loi
homme de 17 ans passés avec le-
Léonetti, relative à la fin de vie.
quel j’ai travaillé. Il présentait une
C’est une loi qui a été votée dans
déficience due à une maladie neu-
un contexte émotionnel très fort,
romusculaire très évoluée. Il pe-
la situation de la famille Humbert.
sait 30 kilogrammes, avait beau-
Cette affaire a engagé un débat
coup d’escarres. Il était à bout de
important autour de l’euthanasie.
vie, à bout de souffle.
Le droit français n’est pas allé
En toute connaissance de cause,
jusqu’à autoriser à pratiquer
il avait demandé à ne pas avoir
un geste actif, mais il accorde
de trachéotomie. Avec l’appui de
le droit à laisser mourir : la loi
l’équipe de soin, il avait convaincu
autorise la suspension ou la
ses parents. L’équipe avait relayé
non mise en œuvre d’un traite-
sa parole auprès de du service de
ment. Il faut évaluer le caractère
pneumologie.
raisonnable et proportionné du
traitement, prendre en compte les
Le jour où il a été hospitalisé, pour
volontés du patient, sauvegarder
une détresse respiratoire, l’équipe
sa dignité et informer le patient
a cependant pratiqué une tra-
et ses proches du « double effet
chéotomie et une gastrostomie.
». C’est le cas par exemple pour
J’ai retrouvé ce jeune homme
l’utilisation des morphiniques, qui
plusieurs années plus tard, il vi-
apaisent la douleur mais peuvent
vait dans une résidence pour per-
aussi abréger la vie.
sonnes en situation de handicap,
Les discussions autour de cette loi
il était reclus dans sa chambre, il
ont suscité beaucoup de zones de
vivait allongé, et il disait :
tensions :
« quand j’avais 17 ans, je suis
- par rapport au droit français :
déjà mort ».
dans la constitution de 1948 il n’y
C’est quelque chose qui m’a fait
a pas d’existence du droit à mou-
beaucoup réfléchir, et m’a sûre-
rir ;
ment conduite ici aujourd’hui.
- par rapport à la religion : tu ne
tueras point / tu n’as pas le droit
de te suicider.
Cet évènement a beaucoup secoué les médecins puisqu’ac-
5
Josiane Vibert
Le refus d’un tiers
Je vais orienter mon intervention
sures de types différents.
au niveau des soins à prodiguer,
sur les personnes qui sont sous
• Les personnes protégées sont
de l’accompagnement dans la vie
une mesure de protection juri-
des citoyens à
part entière,
quotidienne, de l’hygiène, de l’en-
dique, notamment de tutelle, ce
avec leur dignité, leur espace vital
tretien. Si cela n’est pas assuré,
qui est le cas de personnes lourde-
de liberté et leur marge d’autono-
les membres de la famille peuvent
ment dépendantes.
mie.
être mis en cause pour ne pas être
• La protection d’une personne
intervenus ou ne pas avoir fait de
Dans certaines situations, le patient
vulnérable est avant tout une
signalement aux services compé-
n’est plus en mesure de pouvoir
affaire de famille, la loi privilégie
tents alors qu’ils avaient connais-
agir et de décider seul. Le grand
donc le recours aux proches pour
sance de la situation.
âge, la maladie, les accidents de la
exercer les mesures de protection.
Droit à l’information et consentelectuelle peuvent mettre un indi- La loi impose au juge un ordre ment aux soins
vie, le handicap, la déficience intel-
vidu en grande difficulté, dès lors
de priorité (personne choisie à
qu’il ne paraît plus avoir la capacité
l’avance par le majeur, conjoint ou
Sous tutelle, la personne majeure
physique ou de l’évaluation de ce
concubin, partenaire pacsé, pa-
doit recevoir directement les infor-
qui est bon pour lui. Le législateur,
rent, allié ou personne entretenant
mations, de façon adaptée à son
depuis plus de 40 ans, a permis
des liens étroits avec le majeur)
état et à son degré de compréhen-
grâce à des mesures de protection,
A défaut de ces personnes ou en
sion et participer à la prise de dé-
d’éviter que la vulnérabilité de ces
cas de désaccord, un professionnel
cision. Le tuteur reçoit également
personnes majeures ne soit source
nommé « mandataire judiciaire à
l’information médicale. La décision
d’abus. Cette loi vient d’être réno-
la protection des majeurs » sera
est alors partagée.
vée. Votée le 5 mars 2007, elle est
désigné dans une liste tenue par le
Si malgré toutes les informations
entrée en vigueur le 1er janvier
Préfet (anciennement « gérant de
adaptées qui lui ont été données
2009.
tutelle »)
et ce, à plusieurs reprises, et en
utilisant divers codes de commu-
A travers ce texte, quelques principes forts sont clairement expri-
Plusieurs types de mesures de pro-
nication, le majeur est dans l’inca-
més :
tection existent ayant pour objec-
pacité d’exprimer sa volonté, ou
• Chaque situation de vulnéra-
tif de porter assistance, protéger
ne semble pas avoir compris ces
bilité est particulière et n’appel-
ou encore prémunir de son com-
informations, le tuteur seul peut
lera pas de réponse stéréotypée.
portement une personne majeure
alors décider des actes et consen-
Le type de protection doit donc
ne pouvant agir seule que ce soit
tir aux soins courants.
s’adapter à l’état de la personne.
temporairement ou durablement.
•
Toute restriction à la liber-
Je vous propose ici de n’évoquer
té d’agir et de décider par soi
que la mesure de tutelle, puisque
même doit être justifiée et pro-
c’est le seul régime de représenta-
(code de la santé publique par la
portionnelle aux besoins de la
tion légal de la personne.
loi du 4 mars 2002 relative aux
La personne de confiance
droits des malades et à la qualité
personne
Il y a une ligne de partage
A noter : Dans l’attente de la mise
du système de santé.)
entre altération des facultés
en place d’une mesure de pro-
Chacun peut désigner une per-
mentales et difficultés sociales
tection, l’entourage proche a un
sonne de confiance qui sera
et économiques, donc des me-
devoir
l’interlocuteur d’une équipe
•
d’assistance
notamment
6
soignante en cas d’impossibilité à
immédiat.
décider. Si la personne majeure est
dans le cadre de la prestation de
compensation du handicap (PCH).
lucide et le demande, la personne
Le tuteur (dans les cas où le ma-
de confiance (qu’elle aura préala-
jeur protégé ne peut pas expriser
Au début de l’accompagnement de
blement désignée par écrit, l’iden-
sa volonté) peut refuser les soins.
ce monsieur, l’association interve-
tité et les coordonnées de celle-ci
Si soin refus de soins entraine des
nante est encore peu formée aux
devant alors figurer dans le dos-
conséquences graves pour la santé
interventions auprès de personnes
sier du patient) peut l’accompa-
du majeur, le médecin peut délivrer
handicapées… Les difficultés sont
gner dans ses démarches et assis-
les soins indispensables et passer
nombreuses,
ter aux entretiens médicaux afin
outre le refus du tuteur.
accepte volontiers les interventions
de l’aider dans ses décisions. Elle
notamment
Pierre
du matin, mais refuse presque sys-
pourra donner un avis, conseiller le
Sauf risque vital : c’est le refus du
tématiquement les interventions
patient, mais en aucun cas parler
majeur qui prévaut sur le refus du
de fin de journée. Il refuse d’ouvrir
ou décider à sa place.
tuteur.
sa porte ou bien s’il le fait, il peut
être très coléreux, crie et terri-
Si la personne n’est plus en
La loi ne rappelle cette obli-
fie les intervenantes qui le per-
état d’exprimer sa volonté, la
gation de respecter la volonté
çoivent comme menaçant.
personne de confiance devient
du l’usager que pour le seul
quasiment incontournable : le
médecin. Elle doit être inter-
Sa sœur dans un grand souhait de
médecin devra solliciter son
prétée comme s’appliquant à
« bien faire » et ne voulant pas
consentement avant toute in-
l’ensemble des professionnels.
que son frère manque de quoi que
tervention ou traitement, sauf
ce soit, est très mécontente envers
urgence ou impossibilité. Elle
Je voudrais évoquer maintenant
l’association lorsqu’une interven-
ne prend cependant pas le pas sur
deux cas de refus de soins dans
tion n’a pu avoir lieu. Les interve-
le tuteur si celui-ci existe. Notons
deux contextes différents, pour
nantes sont « les profession-
que la personne de confiance peut
deux personnes sous tutelle d’un
nelles » et doivent réussir à
être également le tuteur.
membre de leur famille.
le convaincre d’accepter l’aide
prévue. (Ce qu’elle-même ne par-
A noter qu’une personne sous
Pierre
tutelle ne peut désigner de
vient pas toujours à faire…c’est
une situation classique).
personne de confiance posté-
Pierre a 45 ans. Il souffre de
rieurement à son jugement de
grosses séquelles de traumatisme
Les aides à domicile sont tiraillées
tutelle.
crânien à la suite d’un accident de
entre un employeur qui ne com-
A noter également qu’un juge
travail. Très peu de séquelles mo-
prend pas toujours très bien les
peut confirmer ou révoquer la per-
trices (il est valide) mais quelques
réalités de terrain, un tuteur qui
sonne de confiance qui aurait été
problèmes d’équilibre, d’attention,
exige une prestation et un patient
désignée antérieurement à la mise
de concentration et de mémoire.
qui la refuse… Plusieurs d’entre
sous tutelle.
L’essentiel de ses troubles est
elles expriment tant à travers
comportemental. Il est sous la tu-
le refus de Pierre que l’insis-
telle de sa sœur, les parents, âgés,
tance de sa sœur la remise en
lui ayant passé le relai. Pierre vit
cause de leurs qualités profes-
Pour le majeur sous tutelle : après
seul en appartement, ne peut plus
sionnelles.
avoir reçu les informations néces-
travailler. Il occupe son temps à
saires, il peut refuser un acte.
regarder la télévision et à faire
C’est grâce à une formation sur
FLe médecin est tenu de respec-
des collages. Il bénéficie de nom-
la connaissance du handi-
teur ce refus, sauf danger vital
breuses heures d’aide à domicile
cap que la situation va peu
Le refus de soin
7
à peu se débloquer. Lors d’une
comme le serait une peau. Y faire
des affects parfois ambigus et
réunion de synthèse entre pro-
intrusion,
certains jours, c’est
est fréquemment dans la mécon-
fessionnels, chacun a pu à la fois
pour lui insupportable.
Pierre
naissance des conséquences d’une
exprimer ses craintes, son désar-
n’est pas « méchant », contrai-
pathologie.Soutenir les équipes
roi, son sentiment d’échec et se
rement aux propos véhiculés à
pour lesquelles le refus de
trouver rassuré à travers les divers
son encontre, il dit juste son
soins peut être vécu comme un
témoignages.
angoisse et son besoin de pro-
échec, une remise en cause de
Mais les intervenantes ont pu
tection.
leurs compétences.
les pratiques qui « marchaient
Que se passe-t-il quand l’interven-
Carine
» parfois : apporter un magazine
tion ne peut avoir lieu ?
pour les collages dont Pierre est
En fait, rien de grave. Parfois Pierre
Mme B. est la tutrice de sa fille
passionné, proposer de boire un
peut dormir tout habillé, oublie
Carine, jeune polyhandicapée de
thé ou un café ensemble, … afin
parfois de manger ce qui lui a été
25
qu’il accepte d’ouvrir sa porte. Ces
préparé, ou bien il vide le frigo…
domicile est assez pluri discipli-
propositions étaient des biais
Mais jamais de conséquences fâ-
naire, bien que Mme B. souhaite
pour ne pas dire « je viens
cheuses dès lors qu’il a une quan-
participer à tous les actes de la vie
vous aider pour la soirée », «
tité de nourriture « raisonnable » à
quotidienne. Aussi son épuise-
je viens vous aider à préparer
portée de main. La plus difficile à
ment s’accentue, sa patience
votre repas ». Des petits sub-
convaincre de repenser la réparti-
s’émousse… Les intervenantes
terfuges, un peu de manipu-
tion des heures d’intervention sera
au domicile sont les témoins
lation, peut-être, mais surtout
la sœur de Pierre qui vit assez diffi-
impuissants de cette situation.
beaucoup de gentillesse, des
cilement l’idée que celui-ci soit seul
actes bienveillants. Pierre avait
durant de nombreuses heures.
aussi dégager quelles étaient
ouvert la porte à plusieurs reprises
ans.
L’accompagnement
au
Les temps les plus pénibles sont
ceux des repas, parfois donnés
avec des petites astuces comme
Mais avec du temps, des tâtonne-
par les auxiliaires de vie sociale.
ça.
ments, un interlocuteur en qui elle
Carine, du fait de ses importants
a confiance, revoir le plan d’aide
troubles
C’est l’observation des comporte-
a été possible en augmentant les
nombreuses fausses routes. Des
ments de Pierre en fin de journée
heures du matin et en supprimant
particules
qui ont vraiment permis un réa-
les heures de fin de journée.
alors dans ses voies respiratoires
justement des interventions. Vers
la fin de l’après midi, Pierre a de
causant
neurologiques,
alimentaires
des
fait
de
passent
affections
pulmo-
naires à répétition.
nombreux rituels : il ferme ses
La démarche
• Eviter les jugements arbi-
volets, tire les rideaux, ouvre son
traires : méchant, violent, agres-
L’état de santé de Carine est as-
lit. Il se prépare pour la nuit. Nous
sif.
sez altéré, bien que l’on ne puisse
avons alors essayé de donner du
• Mais donner du sens aux
parler vraiment de risque vital
sens à ce qui passait pour des «
comportements inhérents à la
imminent. Néanmoins le risque
manies. » Fermée, sa maison de-
pathologie dont souffre la per-
d’accident d’obstruction reste im-
vient un cocon qu’il souhaite sans
sonne accompagnée.
portant.
doute hermétique, bien isolée de
• Rechercher des alternatives
L’équipe médicale sait que seule
l’extérieur. Il dit bien par ses actes
d’accompagnement où chacun y
une intervention de gastrostomie
son souci de protection et son an-
trouvera son compte, sans se sen-
et donc de nourriture par voie
goisse face aux intrusions. Toucher
tir malveillant ou négligent
entérale serait la solution pour
à sa maison, c’est comme toucher
• Comprendre le positionne- améliorer l’état général de Carine
à son corps. Sa maison est son en-
ment de la famille qui, souvent,
et éviter les douleurs liées
veloppe, sa carapace protectrice,
n’a pas été accompagnée, qui a
à l’ingestion des aliments
8
(A noter que les repas peuvent
durer parfois 1heure et demie…) .
avoir un langage simple et accessible.
• Anticiper ou répondre aux
La démarche
éventuelles questions : la sonde
peut-elle tomber ? se boucher ?
Bien que le refus de Mme B. soit
comment administrer les médi-
ferme au sujet de cette inter-
caments ? peut-on continuer à
vention, l’équipe décide d’entre-
manger par la bouche ? Et pour la
prendre un travail d’accompagne-
douche, comment faire ?
ment auprès de cette maman afin
• Donner la garantie de notre
de la convaincre du bien fondé
présence quelle que soit la dé-
de cette proposition. Cette dé-
cision prise
marche nécessite de la cohé-
• Nous lui avons fait rencon-
rence et une bonne répartition
trer une famille qui avait été
des interventions. Chacun ve-
« résistante » de nombreuses
nant avec sa compétence, sa tech-
années avant d’envisager une in-
nicité et ses arguments.
tervention de ce type. Le fait que
cette famille puisse dire que si
• Entendre les motifs qui jus-
c’était à refaire, elle l’aurait fait 5
tifient pour elle de continuer ce
ans plus tôt, qu’elle évoque la sim-
mode de nourriture (notion de
plicité des manipulations, les dou-
plaisir, garder son rôle de « bonne
leurs diminuées, a été déterminant
maman », celle qui nourrit).
dans l’acceptation de Mme B.
• L’aider à comprendre les
risques de continuer l’alimenta-
Mais il aura fallu presque 3 années
tion exclusivement par voie buc-
de négociations, de zones de ten-
cale. L’association d’aide à domi-
sion, de craintes avant d’apprivoi-
cile prend soin de faire signer une
ser l’idée d’un changement radical
décharge à Mme B. pour ce qui
et irréversible de l’alimentation.
concerne
un
éventuel
accident
obstructif lors d’un repas donné
par une auxiliaire de vie.
A noter : une décharge n’a aucune valeur juridique. C’est la
personne qui fait l’acte qui est
responsable aux yeux de la loi.
Néanmoins, un tel document
permettrait à un juge d’avoir la
preuve que les risques étaient
bien connus de la personne
responsable légale.
• Avoir un discours loyal au niveau des risques éventuels autour
de l’intervention.
• Ne pas « noyer » sous les
informations techniques mais
9
Nathalie Dourneau
Comprendre les refus
Mes équipes m’interpellent réguliè-
que la tension n’est pas bonne,
rement car elles sont confrontées à
Le refus de se conformer aux
dit qu’il faut appeler le médecin.
des refus de soin. J’ai donc orien-
prescriptions
Je
La personne répond « non, je re-
té mon intervention sur les refus
prends l’exemple d’un patient dia-
fuse qu’on appelle mon médecin,
de soins au quotidien qui nous «
bétique qui est sous insuline. Nous
aujourd’hui c’est son remplaçant,
pourrissent » la vie, dirigeants ou
savons très bien que si le régime
je ne veux pas le voir » ou « non
équipes soignantes.
alimentaire n’est pas bien suivi, le
je refuse, je n’ai pas les moyens
traitement ne sera pas bien adap-
de payer aujourd’hui ». Qu’est-ce
té, car c’est une part importante
qu’on fait dans ces cas-là alors que
de la prise en charge du diabète.
c’est urgent ? C’est très compliqué
Le refus de la toilette. Nous ren-
Suite à une glycémie extrêmement
à gérer. On rencontre de plus en
controns régulièrement des per-
haute, par exemple, on fait de l’in-
plus cette question pécuniaire.
sonnes âgées qui ne veulent pas
suline, de l’insuline rapide, mais
que la toilette soit faite par telle
quel intérêt ? car lorsque l’interve-
Le refus d’ouvrir la porte ou de
personne.
per-
nant va quitter le domicile la per-
répondre à l’interphone. La per-
sonne ? C’est peut-être un homme,
sonne va s’empiffrer de confiture,
sonne ne répond pas du tout ou
parfois ça ne plaît pas trop qu’un
de Nutella, de bonbons… C’est un
alors, elle répond un interphone et
homme fasse sa toilette à une
petit refus, celui de se confor-
dit « non, aujourd’hui je n’ai pas
femme ou vice versa. Parfois, c’est
mer au régime alimentaire qui
envie, revenez demain ».
une question de couleur de peau.
fait cependant parti du soin.
Quelques refus
Pourquoi
cette
médicales.
On a fréquemment, je pense que
Le refus des aides techniques.
vous connaissez cela par cœur, des
Le refus de l’hospitalisation.
Ce refus est embêtant pour les
refus dûs à la couleur de peau.. Ou
Un jour mes équipes m’alertent
équipes soignantes. L’équipe est
alors, une personne ne veut que
sur jeune patient paraplégique,
face à une situation qui se dégrade,
cette intervenante, parce qu’elle
qui perd du poids sans qu’on com-
face à une personne qui devient de
est habituée à elle… On se retrouve
prenne pourquoi. Ce patient re-
plus en plus dépendante, il faudrait
avec une personne âgée qui ouvre
fusait catégoriquement d’aller à
mettre en place un lit médicalisé,
sa porte pour tel intervenant, et
l’hôpital. On a essayé de négocier,
un lève-malade.
qui sinon, ouvre la porte, regarde
de comprendre. Il a fallu enquêter
J’ai eu le cas de la femme d’un
l’intervenant, dit « ah non », puis
un moment avant de comprendre
patient qui refusait qu’on mette en
referme la porte.
que ce refus était dû au fait qu’il
place ces aides, parce que la cou-
consommait de la drogue. S’il al-
leur n’irait pas avec son papier peint
Le refus de prendre des médi-
lait à l’hôpital, il ne pourrait plus
et que les roulettes du lève-malade
caments. Les infirmières arrivent
avoir la drogue qu’il prenait tous
allaient abîmer la moquette… Que
pour donner les médicaments, et la
les jours, apportée par les copains.
fait-on, alors que les équipes ont
personne dit « j’ai lu l’ordonnance
Mais il
besoin de ce matériel ?
notice, j’ai vu tout ce qu’il y avait,
refusant ces examens complémen-
Nous
je ne veux pas prendre tous ces
taires.
nos salariés, en mettant en place
se mettait en danger en
médicaments là ». L’infirmière se
sommes
censés
protéger
des aides techniques permettant
retrouve embêtée, car la personne
Le refus que le médecin traitant
de déplacer le patient, de faire les
âgée sélectionne les médicaments
intervienne. Un soignant arrive
transports, mais la famille est là,
qu’elle accepte de prendre, et re-
au domicile, trouve la personne
omniprésente, et refuse.
fuse certains autres. Quid du res-
qui a fait un malaise, remarque
pect de la prescription médicale ?
10
sement chez un conjoint quand
de toilette, c’est votre droit, est-
l’autre est décède. Il va se laisser
ce que demain, on pourra faire une
Tous ces refus sont ceux qui sont
aller, refuse tout en bloc pour re-
douche ? » Souvent, la personne
le plus récurrent à domicile. Alors,
joindre son conjoint.
accepte.
Que faire ?
S’assurer de la compréhension
Comprendre ces refus
pourquoi ?
du patient. Parfois on a un lan-
Il y a beaucoup de refus par méconnaissance. Les gens ne com-
Que faire et que dire, comment
gage technique, un jargon médi-
prennent pas pourquoi on veut leur
peut-on agir face à tout ça ?
cal. La personne répond « oui, oui
faire faire un examen, pourquoi on
Avant tout, il est urgent de prendre
» mais en fait elle ne comprend ab-
peut leur faire prendre tel ou tel
du temps.
solument pas ce que l’on explique.
Il faut aussi que nous soignants,
médicament, pourquoi l’équipe a
besoin d’un lève-malade ou d’un lit
Identifier les raisons du refus.
nous adaptions à la compréhen-
médicalisé : « vous n’avez qu’à en-
Je reviens sur le cas de ce patient
sion du patient que l’on a en face
voyer deux infirmières, elles porte-
handicapé qui refusait l’hospitali-
de nous.
ront bien mon mari ».
sation pour une histoire de drogue.
On a quand même réussi à le faire
Proposer d’autres alternatives.
Un autre facteur est l’angoisse :
hospitaliser après de longues dis-
Par rapport au lève-malade, ce que
l’angoisse d’accepter qu’on vieillit,
cussions.
je fais en ce moment, et qui ne
marche pas trop mal, c’est qu’on
qu’on devient de plus en plus dépendant.
Informer
ou
former.
Par
procède par étapes. Lorsque l’on
Le fait de mettre en place des aides
exemple dans lequel les patients
se rend compte qu’un patient a
techniques montre un peu plus
diabétiques. Cela se fait sur du
besoin d’un lève-malade, on passe
l’état de dépendance. À chaque fois
long terme évidemment. Il faut
d’abord par le verticalisateur. Ce
qu’on apporte un matériel supplé-
expliquer comment se passe le
qui va être moins contraignant
mentaire, c’est une façon de dire
diabète, quel régime alimentaire
pour lui, plus acceptable. On y va
que la situation se dégrade. Au-
suivre, quitte à donner des menus
par étapes, en apportant l’aide
jourd’hui un matelas anti escarre,
types au départ.
technique progressivement au do-
demain un lève-malade. C’est diffi-
Essayer de lui faire respecter ce ré-
micile.
cile pour un patient et pour son en-
gime et le soutenir : « vous voyez,
tourage, et l’entourage a d’ailleurs
comme cela, votre glycémie est
Encadrer
parfois plus de mal à accepter que
meilleure, on n’y arrive, cela nous
Lorsque l’on peut, il faut faire des
le patient lui-même.
permet de faire moins d’insuline,
réunions d’équipe le plus fréquem-
cela vous permet d’avoir moins de
ment possible pour parler d’un
La cause peut être aussi sim-
médicaments. » Cela, ce sont des
patient qui pose problème. Toute
plement des troubles du juge-
choses qui sont sur le longtemps.
l’équipe est confrontée à la même
l’équipe
soignante.
situation, chacun va pouvoir ap-
ment, des troubles cognitifs.
Quelqu’un qui refuse les soins
Négocier. C’est essentiel. Dans
porter sa contribution pour trouver
parce qu’il est atteint de la mala-
le cas de refus de la toilette, ce que
la solution afin de faire accepter tel
die d’Alzheimer et qu’il ne se rend
je dis aux soignants c’est que le
ou tel acte.
pas compte de leur nécessité. Ces
patient a le droit de refuser sa
troubles font que le refus n’est pas
toilette aujourd’hui. Il n’y a pas
Faire intervenir un tiers. Quand
forcément motivé.
péril, il n’y a pas danger. Ce que
on a la chance d’avoir un psycho-
je leur conseille, c’est de négocier
logue dans l’équipe, bien évidem-
La dépression est aussi une
que le lendemain la toilette soit
ment il va être extrêmement sol-
cause très fréquente. On voit
acceptée, en disant par exemple «
licité, aussi bien au niveau
souvent des syndromes de glis-
aujourd’hui, vous n’avez pas envie
du patient que des aidants,
11
que des équipes. Les équipes
les choses. Comme tout à l’heure,
au bureau. Cela ne sert pas pour
doivent aussi accepter les re-
dans le cas que nous présentait
un juge, comme on le disait tout
fus, car pour elles c’est insup-
Josiane Vibert, lorsque la famille
à l’heure, mais si jamais il y a des
portable d’être confrontées à
a rencontré une famille qui avait
problèmes après, cela peut donner
un patient qui refuse tout. Elles
vécu une expérience similaire.
une bonne image du contexte.
Ça sert à quoi de négocier, ça fait
Se couvrir au niveau juridique.
Informer des conséquences du
une semaine, on n’arrive à rien ».
Si la personne n’ouvre pas la porte,
comportement du patient. L’in-
cela veut dire que le soignant ne
former lui, informer son entourage.
se disent « pourquoi on y va ? » «
Le
psychologue
pouvoir
peut pas écrire dans son dossier
expliquer, décrypter les com-
qu’il est passé. Les soignants me
Apaiser les équipes. Souvent
portements,
des
disent « qu’est-ce qui prouve que
elles ne supportent pas de ne pas
conseils par rapport au cas du
je suis bien allé chez Mme Dupont
pouvoir soigner comme on leur a
patient. Parfois, il est nécessaire
puisqu’elle n’a pas ouvert sa porte
appris à l’école,
de faire intervenir un psycho-gé-
? Je n’ai pas pu consigner mon un
riatre, quand il y en a un dans le
passage du jour, je suis embêté,
Je terminerai par une phrase de
secteur.
qu’est-ce que je fais ? ».
conclusion simple que je dis régu-
Dans ces cas-là, on négocie avec le
lièrement : Prendre en charge
Quand l’équipe est face à un
patient pour qu’il ouvre au moins
un patient domicile, ce n’est
mur, il est important de faire
sa porte pour pouvoir noter dans
pas lui imposer un traitement,
intervenir un tiers qui va dire «
le dossier ce refus de soins. Ce
ce
vous voyez, il faudrait plutôt faire
n’est pas toujours évident. Parfois
dans ses décisions.
comme cela, l’équipe a raison ». Ce
on ne peut le noter que le lende-
tiers aide vraiment à faire bouger
main. Mais on a aussi les dossiers
va
va
donner
peut
être
l’accompagner
12
Echanges avec la salle
Témoignage 1 : Protection de la tion des biens, que ce sont
personne / protection des biens
souvent par contre les mieux
Je suis enseignante pour former
placés pour la protection de la
C’est dans ce type de situations que
personne.
les professionnels se retrouvent
de futurs aides médicaux psychologiques. Avec mes élèves nous
Les intervenants
face au fameux mur. Ils se disent
Témoignage 2 : face au mur
je suis là pour soigner, je suis
avons rencontré une juge de tu-
là pour aider, et la personne
telle. Elle leur a raconté une anec-
Suite au signalement d’un CCAS,
ne veut pas, pourtant je sais
dote qui m’a semblé très pertinente
je suis allée au domicile d’un mon-
quelles sont les conséquences.
pour montrer que la loi de 2007 est
sieur avec une assistante sociale.
hautement adaptable.
Il y avait une déchéance visible de
Ce sont les situations les plus ter-
son état de santé, mais pas d’alté-
ribles à accepter pour les profes-
La juge a rencontré une personne
ration de ses facultés mentales. Il
sionnels. Mais dans cette situation,
qui était très désocialisée, vivait
y avait un réel problème au niveau
vous y êtes arrivés, vous avez
dans une caravane sur un terrain
de la gorge, perte de dents, perte
trouvé l’autre alternative lorsque
vague, était très en difficulté parce
de l’alimentation, pas de médecin
l’on est dans l’impuissance.
que très alcoolique, dépensant son
traitant. Il vivait dans un caba-
argent sans compter. Quelqu’un
non avec sa compagne. Il accepté
Ce qu’il faut, c’est surtout ne pas
avait fait un signalement pour que
de nous voir, mais refusé d’aller à
s’arrêter au refus : il faut l’accom-
cette personne bénéficie d’une tu-
l’hôpital, de voir un médecin trai-
pagner, travailler avec, voir si la
telle.
tant. Même s’il n’y avait pas d’alté-
personne a peur et de quoi, don-
Au cours de l’entretien avec ce mon-
ration des facultés, nous avons vu
ner l’information sur la pénibilité du
sieur, la juge des tutelles a compris
quelqu’un en pleine déchéance.
traitement, accompagner la dou-
qu’il avait un attachement affectif
leur, voir s’il est dans une phase
extraordinaire à sa caravane. Elle
Nous avons consulté la cellule du
a donc mis ce monsieur sous
conseil général responsable des
tutelle pour la gestion de son
personnes
vul-
Et puis, il y a des personnes
argent et de ses biens, sauf
nérables. On nous a répondu qu’à
pour qui la seule liberté qui leur
pour toutes les décisions qui
partir du moment où il n’y avait
semble rester est le refus, dire
touchent à sa caravane, pour
pas d’altération des facultés c’était
non.
qu’aucun tiers ne puisse atteindre
le droit au risque. Nous avons donc
Je m’appuie sur quelqu’un qu’il
ce qui faisait quasiment parti de
essayé de faire différemment, en
est très intéressant de lire, Paul
son identité. C’est au juge d’appré-
faisant intervenir le médecin coor-
Ricoeur, qui dit que le refus est la
cier la situation, tout est possible.
dinateur d’une maison de retraite
plupart du temps un besoin de re-
qui a fait un travail avec le temps,
connaissance de la dimension hu-
Remarque de la salle
afin que ce monsieur accepte d’être
maine dans la situation de maladie.
Vous connaissez tous une personne
hospitalisé. Ce sont des situations
Si on interprète bien cela, on
qui bénéficie de deux tuteurs dif-
très douloureuses. Jusqu’où peut-
avance.
férents suivant s’il s’agit de la per-
on aller dans ces situations, même
Il faut aller trouver la personne qui
sonne ou des biens : Liliane Betten-
en tenant compte de la liberté et du
aura parfois, le mot qu’il faut, au
court... Il faut dire aux familles
droit au risque ?
moment qu’il faut.
particulièrement
dépressive…
qui ne veulent pas accepter
Cela ne sera qu’au prix
cette charge lourde, la protec-
de plusieurs tentatives.
13
Témoignage 4 : l’hygiène
dégagent. Ils ne s’approchent pas.
Souvent, lorsque l’on s’aperçoit
L’autre n’est pas moi, lui c’est
qu’il y a des choses à faire, et que la
l’enfer, moi je fais bien. C’est
personne ne veut pas, les équipes
une bonne idée puisque c’est la
ne sont pas préparées à ce
mienne... Il faut travailler sur
Pour les personnes qui ont une
genre de choses. Même quand on
ces deux idées. Ne plus entrer
suspicion d’altération des facultés
est très ouvert à la décision indi-
chez quelqu’un en disant « ça
mentales qui n’est pas encore dia-
viduelle, c’est extrêmement diffi-
pue » mais en pensant « ça
gnostiquée, dont le pronostic vital
cile de faire passer ce message. On
sent juste pas comme chez moi
est mis en jeu, que faut-il faire ?
reçoit des personnes qui sont SDF
».
Je pense à une personne qui avait
et les équipes, malheureusement,
Pour cette vieille dame, l’odeur de
un diabète mais ne prenait plus son
veulent absolument les laver. Elles
son pipi de chat, c’est son envi-
traitement. On a été au domicile,
sont formées à l’hygiène etc.
ronnement. On ne peut pas aller
on a mis en place un suivi infirmier,
Lorsqu’un SDF qui arrive dans l’ins-
jusqu’à l’excès, mais on peut tra-
mais cela était très compliqué, elle
titution, il y a tout un travail à faire
vailler pour entendre que cela fait
n’ouvrait pas la porte, refusait de
avec des équipes pour leur expli-
partie de son environnement de-
voir son médecin traitant.
quer que si c’est une personne qui
puis tant d’année qu’on ne peut
ne se lavait pas, il va falloir trou-
pas l’enlever cela comme cela, que
ver des moyens pour maintenir des
peut-être on ne pourra jamais…et
conditions d’hygiène acceptables
que c’est très bien comme ça.
C’est un travail de fond qui implique toute l’équipe, du médecin à la secrétaire médicale.
Témoignage 3
Nathalie Dourneau
Tant que la personne n’est pas
pour la collectivité, mais en même
sous tutelle, elle a encore la
temps ne pas aller à l’affronte-
Si l’autre ne veut pas se laver il faut
possibilité de dire non. Quand
ment, par exemple en coupant les
l’entendre. Même si les équipes
elle est éclairée des conséquences
cheveux de force.
sont formées pour maintenir une
de son refus, on ne peut rien faire,
c’est terrible. Ce n’est pas qu’il y a
un certain niveau d’hygiène.
Josiane Vibert
un vide, c’est la loi qui dit qu’on ne
On peut essayer de débloquer
les choses en faisant comprendre
peut pas forcer quelqu’un à subir
Cette histoire me rappelle l’histoire
pourquoi quelqu’un ne se lave pas,
un traitement antidiabétique.
d’un SDF qui est arrivé un jour à
pourquoi quelqu’un ne veut pas
J’ai eu une patiente atteinte d’un
l’hôpital. Le personnel soignant di-
changer ses vêtements, pourquoi
cancer du sein qui refusait tout
sait l’avoir « gratté au couteau »,
au domicile, une auxiliaire de vie
traitement. On a vu grossir la tu-
c’était leur expression. Le lende-
n’arrive pas changer les draps.
meur jusqu’à l’éclatement. Elle a
main matin il était mort.
souffert jusqu’à son décès (parce
J’ai personnellement beaucoup tra-
qu’on en est arrivé là). Ce n’est
Les SDF, quand ils l’expriment, le
vaillé sur l’odeur. Si on met près
que deux jours avant qu’elle nous
disent bien « moi la crasse que j’ai
d’un petit bébé des choses qui ont
a demandé de faire quelque chose.
sur moi, c’est une peau en plus,
l’odeur de sa maman, il va s’apai-
Mais c’était trop tard l’équipe était
c’est une carapace, et au moins je
ser. Pour les personnes qui sont
impuissante, on n’a pas pu l’opérer
tiens les autres à distance ».
déficientes sur le plan psychique,
de force. On a juste pu la traiter
pour la douleur, bien évidemment.
tout ce qui tourne autour de l’odeur
Je me rappelle un échange avec
n’est à mon avis pas suffisamment
une jeune femme à la rue qui disait
utilisé.
« au moins les hommes ne m’approche pas. Je sais, je pus, mais au
moins il dégage ». Mon corps dégage de l’odeur, mais au moins, ils
14
problèmes respiratoires. Nous
Parfois quand je parle de la
J’ai l’exemple d’une personne
l’avons retrouvée à sa sortie. Le
toilette, j’utilise le mot « dé-
qui avait des directives anti-
problème venait du domicile qui
capage » : on enlève aux per-
cipées. Dans l’établissement,
était
sonnes leur odeur, et on vient
nous avions fait en sorte que ces
c’était donc des allers-retours in-
y mettre à la place l’odeur du
informations soient connues,
cessants. Il a fallu nettoyer le do-
« bon » savon, l’odeur de l’eau
mais à chaque fois qu’elle a été
micile, le rendre acceptable pour
de Javel de l’établissement, de
hospitalisée à l’extérieur, l’in-
sa santé. A partir de là, les hos-
tous les produits de soin alcoo-
formation n’est jamais passée.
pitalisations ont été terminées. Le
lisés.
Elle
lien est important entre l’hôpital et
Toute une réflexion sur l’odeur
pour des problèmes cardio-vascu-
amènerait à se dire qu’on peut y
laires, des problèmes pulmonaires.
aller petit à petit, on peut ima-
L’information était transmise par
giner de laver le corps par petits
les documents au service des ur-
morceaux. D’autant qu’il y a des
gences, mais à chaque fois il fallait
Il ne faut pas se leurrer, dans les
générations de personnes qui ne
téléphoner et réexpliquer ce qu’elle
services
connaissaient pas la douche. Même
avait décidé.
decins n’ont pas le temps de
si on imagine que dans 10 ans cela
Malgré cela il y avait des soins qui
prendre connaissance des in-
n’existera plus on peut imaginer
étaient pratiqués alors qu’elle ne
formations, même s’il leur est
d’y aller doucement.
voulait pas qu’on aille jusque-là.
demandé de le faire, de contac-
Cette personne faisait parti de l’as-
ter la personne de confiance,
On a géré ainsi la situation com-
sociation Droit à Mourir dans la Di-
de prendre connaissance des
plexe de quelqu’un qui ne voulait
gnité, la famille était d’accord avec
demandes
pas enlever ses vêtements, qui ne
elle et a fait bloc autour d’elle, pour
le drame de nos services d’ur-
voulait pas se laver, qui ne voulait
qu’elle finisse ses jours comme elle
gence.
pas changer son lit. Nous lui avons
le souhaitait.
était
souvent
hospitalisée
insalubre,
le domicile.
Sylvie Nicolas
d’urgence,
les
anticipées…
mé-
C’est
La question qu’il faut se poser
laissé la nuit un vêtement de corps
du jour, qui avait son odeur, et on
complètement
pour cette dame est de savoir
Nathalie Dourneau
pourquoi, connaissant ses de-
mettait le vêtement propre pardessus, ce qui fait en dessous, il y
L’ANAP
des
mandes anticipées, l’établisse-
avait l’odeur de quelque chose de
travaux sur le parcours de santé
ment a décidé de la faire hos-
connu, donc de rassurant.
car on se rend compte qu’il y a de
pitaliser, sachant ce qu’il allait
nombreuses ruptures de transfert
vraisemblablement se passer.
On a peut-être l’habitude de
dans les informations entre les dif-
C’est
changer le lit en entier, d’un
férentes structures. Le dossier mé-
équipes des établissements de
seul coup, mais on peut laisser
dical partagé va notamment appor-
travailler ces questions.
la taie d’oreiller par exemple.
ter une amélioration.
mène
actuellement
aux
directions
et
aux
La formation est essentielle, car ces
Je sais que mes équipes suivent
événements font violence. C’est de
les patients lorsqu’ils sont hos-
la responsabilité du directeur (je ne
pitalisés.
coordinatrices
parle pas du gestionnaire, mais du
Dans les institutions, il est diffi-
téléphonent, ne serait-ce que
manager) de travailler sur l’accom-
cile d’entendre que la personne
pour dire « on le connaît, si
pagnement jusqu’au bout, pour
puisse décider pour elle-même,
vous avez besoin d’aide, nous
éviter les services d’urgence, où
même si cela paraît conduire
sommes là ». J’ai eu le cas d’une
finalement, la personne va mourir
vers
phy-
patiente qui avait été hospitali-
dans le couloir, seule.
sique ou mentale voire la mort.
sée pendant un mois pour des
Témoignage 5 : le parcours de
santé
une
détérioration
Les
15
Intervention de Martine
Chriqui-Reinecke
La connaissance des droits
a
Vous avez aussi largement évoqué
pouvoir prétendre informer le
co-piloté et coordonné la mis-
la connaissance des droits du pa-
malade. Je crois qu’on discu-
sion ministérielle sur la bien-
tient. Je crois qu’il y a beaucoup à
terait moins alors du refus de
traitance, dont le rapport «
faire. La mission bientraitance était
soins car la connaissance du
promouvoir la bientraitance en
une de trois missions. La mission
droit éclaire autrement la déci-
établissements de santé » est
sur les droits du patient s’est pen-
sion du malade de dire oui ou
paru février 2011.
chée sur les changements entre les
de dire non.
Martine
Chriqui-Reinecke
relations du malade et de l’équipe
J’ai été nommée par Mme Bachelot
soignante. Le développement d’In-
pour piloter la mission sur la bien-
ternet vient changer les règles du
traitance dans les établissements
jeu, on se retrouve dans des rela-
Je suis psychologue clinicienne,
de santé. Tout ce que vous avez
tions
hautement
spécialisée sur la fin de vie, j’ai
dit entre dans le champ de cette
problématiques, où le malade est
essentiellement piloté le groupe 2
mission qui s’inscrit sous l’égide de
parfois l’expert de sa patholo-
sur les soins de confort, hygiène,
« 2011, année des patients et de
gie et met en difficulté le méde-
l’aide aux repas et le groupe 5 sur
leurs droits ». Quelqu’un a dit tout
cin.
l’accompagnement de fin de vie.
thérapeutiques
La fin de vie
Depuis 1999, la loi dit que la liberté
à l’heure que la question centrale
était « qu’est-ce que le bon soin ?
D’autre part, les droits ne sont
d’accès aux soins palliatifs doit être
». C’est tout à fait cela. Qu’est-ce
pas si bien connus que cela. Je
la même partout en France, mais
que le bon soin, en détachant
vous encourage à aller voir deux
elle ne peut pas l’être puisqu’il n’y
deux points de vue, celui du pa-
sondages faits en mars 2010, le
a pas assez de lits sur tout le ter-
tient et celui du soignant, pour
sondage BVA et le sondage SOFRES
ritoire.
montrer que le point de vue du
sur « les Français connaissent-
Les soins palliatifs doivent être
patient peut être fort différent
ils leurs droits ? ». Non, ils ne les
proposés
de celui du soignant.
connaissent pas.
amont, car il ne faut pas qu’ils
Le soignant reste très souvent
Mais les soignants, connaissent-
se fassent au dernier moment.
dans
du
ils des droits des patients ?
Ce sont des soins actifs longs qui
bien faire qui est tout à fait fon-
Quand on a parlé de la personne
ne s’opposent pas aux soins cura-
dée, mais derrière ce bien faire,
de confiance, des directives antici-
tifs, mais
il peut y avoir des représenta-
pées, quel pourcentage des profes-
continuité lorsque ceux-ci n’ont
tions
du
sionnels connaissent ces droits ? Le
plus lieu d’être.
soignant, le soignant qui pense
centre hospitalier régional et uni-
Ces soins sont mieux accueillis
savoir à la place de l’autre ce
versitaire de Toulouse a mené une
quand on explique que la morphine
qui est bon pour lui.
enquête auprès de 1 492 soignants
bien dosée ne va pas provoquer
On s’est rendu compte dans les
en posant des questions pour sa-
l’inconscience
enquêtes faites que beaucoup de
voir la connaissance qu’ils avaient
respiratoires, mais que le double
soignants disaient vouloir le bien
des droits des patients.
effet, c’est-à-dire qu’on doit soula-
une
de
problématique
toute-puissance
suffisamment
en
s’inscrivent dans leur
ou
de
problèmes
ger la douleur, même si la dose qui
du patient, mais sans se poser la
question de savoir ce que la per-
Il semblerait que moins d’un
est prescrite peut potentiellement
sonne pense de ce bien.
soignant sur deux connaissait
entraîner la mort, est bien inscrit
Le bon soin est ce qui répond à un
les droits du patient.
dans la loi.
besoin du patient, à un moment
Je crois que le premier com-
T de l’évolution de sa maladie, de
bat
son contexte etc.
connaissent ces droits, pour
est
que
les
soignants
16
Salle
Les gens qui sont en refus de
l’expérience, on se rend compte
consiste à avoir le souci de ne
que l’on ne peut pas tout faire, on
pas perdre la face.
n’est plus dans cette puissance que
Lorsque l’on souhaite convaincre,
l’on a lorsque l’on sort de l’école.
on peut avoir la crainte de mani-
soins viennent finalement nous
puler, mais c’est en fait une sorte
interpeller, nous, profession-
Il faut se réinterroger sur la
de partie de théâtre qui s’engage,
nels, sur nos pratiques.
formation des professionnels
pour la meilleure cause possible.
de santé mais également sur
Il faut trouver le moyen que
On voit bien lorsque l’on s’adresse
les représentations de chaque
l’autre dise oui après avoir dit
à des personnes fragiles qu’il est
professionnel face au vieillisse-
non, sans avoir le sentiment de
facile d’être dans la toute-puis-
ment.
perdre la face.
sance, de vouloir le bien, mais
c’est le sien, pas forcément celui
D’autant qu’une personne vulné-
Sylvie Nicolas
rable a une susceptibilité bien nor-
de l’autre.
male, mais avivée, en raison de sa
Au lieu de passer autant de temps
L’éthique personnelle et pro-
position difficile dans la société. Sa
sur elles, sur leur situation, il fau-
fessionnelle
pousser
logique de l’honneur est particu-
drait peut-être passer du temps à
à se poser la question : « qui
lièrement sensible, mais elle n’est
nous interroger nous-mêmes, sur
je suis moi, pour essayer de
pas très difficile à « dorloter » il
notre accompagnement, la façon
convaincre cette personne ?».
faut cependant beaucoup d’écoute.
que nous avons parfois de nous
J’ai parlé tout à l’heure de tra-
positionner face aux gens que l’on
vail d’accompagnement, mais je
doivent
dit vulnérables.
Témoignage :
pense que ce sont des questions demande de mise sous protection
à débattre en équipe et que cha- Diégo Pollet,
Josiane Vibert
cun d’entre nous, nous avons nos
propres réponses, nos propres va-
Un élément important est interve-
Le refus c’est parfois l’arbre qui
leurs. La difficulté arrive lorsque
nu au début de l’été.
cache la forêt. Si l’on s’arrête à
ces valeurs se heurtent aux valeurs
cela, on ne comprend pas grand-
de l’autre.
Jusqu’alors, pour protéger une
personne dans le cadre judi-
chose. Il faut aller chercher derrière ce refus ce qui peut se cacher.
ciaire, il suffisait de saisir le
Salle
procureur et de lui apporter des
Cela devient vraiment intéressant,
pour les professionnels, c’est une
Mais la réalité de nos structures
éléments montrant que cette
vraie réflexion sur sa pratique.
à domicile, c’est le manque de
personne avait sans doute des
temps, le manque d’argent pour or-
altérations de ses facultés in-
ganiser des réunions de synthèse,
tellectuelles, même si on ne
les
qui
réussissait pas à obtenir un
La formation qui est donnée aux
empêchent de faire correctement
certificat médical de circons-
soignants doit être également in-
son travail, les budgets qui rétré-
tances.
terrogée. On apprend à une infir-
cissent d’année en année, mais les
mière en formation les protocoles
contraintes qui augmentent…
Nathalie Dourneau
contraintes
budgétaires
Depuis un arrêt de la Cour de Cas-
etc. Après son diplôme, quel que
sation, qui a étonné tout le monde,
soit l’endroit où elle travaille, l’infirdifférence entre ce qu’elle a appris
Témoignage : le sens de l’honneur à commencer par les magistrats, la
Diégo Pollet, avocat au barreau de Cour de Cassation a affirmé encore
Paris
plus fort le principe d’autonomie de
et ce qu’elle va véritablement pou-
Les personnes vulnérables sont
voir faire.
des personnes comme les autres,
En vieillissant, avec l’âge, avec
elles ont un sens de l’honneur qui
mière découvre qu’il y a une grande
la loi de 2007.
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un
tion. C’est un cas qui embarrasse
vices, parce que l’on vend quelque
retournement de la jurispru-
la justice, mais il ne faut pas le dire
chose, mais aussi, parce qu’à côté
dence, on ne peut plus proté-
trop fort... Il n’y a pas de moyen de
de cela il y a véritablement un ser-
ger quelqu’un par un système
coercition légaux. Si une personne
vice.
de sauvegarde ou de curatelle
ne veut pas, on ne sait pas l’obliger
Je fais le parallèle avec le chevalier
si la personne refuse de se sou-
sinon par des moyens détournés.
servant (pardon pour le sexisme de
mettre à l’examen d’un méde-
La seule possibilité, c’est qu’il y ait
l’image). Le chevalier servant, c’est
cin sur la liste des experts. L’au-
un début de drame, et à ce mo-
celui qui est juste à côté, en arrière
tonomie du sujet est devenue pour
ment-là, il y a une voie détournée,
de la princesse. La jeune femme
l’instant un repère extrêmement
mais c’est la pire des solutions.
avance, et si elle fait tomber son
fort.
Lorsqu’il n’y a pas de certificat mé-
mouchoir, il va lui ramasser. S’il y a
La Cour de Cassation dit au Procu-
dical circonstancié, il faut faire une
un petit écueil, un petit rocher sur
reur qu’un signalement sans certi-
demande au Procureur pour une
lequel il faut passer, il va soutenir
ficat médical circonstancié, ne lui
enquête, et non une demande de
le coude la princesse et va l’aider.
permet pas de saisir le juge des
mise sous protection.
Pour moi, l’accompagnement, c’est
Aujourd’hui,
et
jusqu’à
tutelles pour lui recommander de
un peu ça : J’entends ce que cette
En forme de conclusion
C’est un avantage sur la clarifica- Josiane Vibert :
personne veut, je l’accompagne, je
tion du paysage juridique, mais
là-bas dans la forêt, mais si elle dé-
mettre la personne sous protection.
la préviens s’il y a un danger, par
malheureusement pas sur le ter-
Cela peut déranger que l’on mette
cide d’y aller, tant pis, je l’accom-
rain. Dès lors que la personne ne
la notion de service en lien avec les
pagne.
veut pas aller voir le médecin, on
professions
ne peut pas la mettre sous protec-
Poutant, on est prestataire de ser-
d’accompagnement.
Ressources
Retrouvez des ressources utiles sur le site d’HABEO : www.habeo.org
Rubrique documentation / base de données, puis recherche par thème : refus de soin
Documents mentionnés lors des interventions :
• Arrêt de la Cour de Cassation du 29 juin 2011
• Article 431 du Code Civil : Mise en place d’une mesure de protection
• Dossier de presse, année des patients et de leurs droits
• Bilan et propositions de réformes de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé
• Guide du tuteur familial
• La bientraitance et la qualité de service à l’hôpital
• Les français et les droits des patients. 2010
• Les nouvelles attentes du citoyen
• Les parcours de personnes âgées sur un territoire
Documents complémentaires
• « Il va mourir de faim, il va mourir de soif » : Que répondre ? 2007 - SFGG – SFAP
• Le refus alimentaire chez la personne âgée en fin de vie. 2007 - SFGG – SFAP
• Le refus de soin conscient ou inconscient – Grégoire Moutel
• Les droits du patient dans la loi du 4 mars 2002, Guide méthodologique - FHF
• Les spécificités du refus de soins en gériatrie – EREMA
• Refus de traitement et autonomie de la personne - Comité Consultatif National d’Éthique
pour les Sciences de la Vie et de la Santé
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