Actualité juridique - Norton Rose Fulbright

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Actualité juridique - Norton Rose Fulbright
Actualité juridique
À qui l’avocat?
Juillet 2012
Droit des assurances et de la responsabilité professionnelle
L’obligation de défendre d’un assureur sous-entend généralement un droit équivalent de mener la défense, y compris
le droit de nommer et de mandater les avocats de la défense1. Toutefois, le droit de l’assureur de mener la défense
n’est pas absolu. Dans des décisions rendues en 2010 et en 2011, les tribunaux de l’Ontario ont démontré qu’ils sont
de plus en plus enclins à permettre à l’assuré de nommer et de mandater des avocats indépendants aux frais de
l’assureur si ce dernier a d’abord refusé d’assumer son obligation de défendre ou s’il s’est réservé des droits à l’égard
de certains éléments de la garantie.
Approche « fondée sur la conduite »
Dans sa décision de 2002 dans l’affaire Brockton v Frank Cowan Co., la Cour d’appel de l’Ontario a statué que le droit
de l’assureur de nommer et de mandater des avocats peut être révoqué en cas de divergence entre les intérêts de
l’assureur et ceux de l’assuré2. Dans cette affaire, l’assureur pouvait être obligé de céder le droit de mener la défense
et de payer les honoraires des avocats choisis et mandatés par l’assuré.
La Cour a jugé notamment que les allégations portant sur la conduite de l’assuré pouvaient susciter une divergence
entre les intérêts de l’assureur et ceux de l’assuré. Par exemple, un conflit pourrait naître si un assureur s’était réservé
des droits en matière d’indemnisation en cas de fraude ou de faute intentionnelle. Dans une telle situation, l’assureur
aurait tout intérêt à qualifier la conduite reprochée à l’assuré comme étant frauduleuse ou intentionnelle et, ainsi, il ne
serait pas tenu de verser d’indemnités aux termes de la police. En revanche, l’assuré aurait intérêt à alléguer que sa
conduite était innocente afin de préserver son droit de recevoir des indemnités.
Sur le fondement de l’affaire Brockton, les tribunaux de l’Ontario ont adopté une approche « fondée sur la conduite »
pour les litiges portant sur la personne responsable de nommer et de mandater les avocats de la défense3. Toutefois,
les affaires récentes témoignent d’un changement de cap vers une approche « fondée sur le litige » de plus large
portée.
Approche « fondée sur le litige »
Dans l’affaire Appin Realty Corp. c Economical Mutual Insurance Co., l’appelant a intenté une poursuite pour
dommages découlant d’une exposition à de la moisissure et à des bactéries4. L’assureur de l’intimée a d’abord nié son
obligation de défendre puisque la police ne comportait pas de garantie contre la moisissure. La Cour supérieure de
justice de l’Ontario a statué que la clause d’exclusion de la moisissure ne dégageait pas l’assureur de son obligation
de défendre à l’égard de la réclamation portant sur des bactéries. Elle a également jugé que, compte tenu de la
divergence sur la portée de la garantie de la police, les avocats mandatés par l’assureur pourraient orienter le
déroulement de l’affaire pour favoriser une décision qui n’obligerait pas le versement d’indemnités (c’est-à-dire que les
dommages seraient causés uniquement par la moisissure et non pas par les bactéries, même en partie). Par
conséquent, elle a ordonné que l’assuré retienne les services des avocats de son choix, aux frais de l’assureur.
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En se fondant sur l’analyse de l’affaire Appin, un assuré pourrait avoir le droit de mandater les avocats de son choix
aux frais de l’assureur, et ce, non seulement dans les cas où sa conduite est l’objet du litige, mais également dans les
cas où, de façon plus générale, la source de la responsabilité ou le type de dommages exigibles est en cause. Par
suite de l’application de cette approche « fondée sur le litige » qui est plus large, les tribunaux de l’Ontario ont conclu,
en 2010 et en 2011, qu’il pouvait exister un degré de conflit suffisant dans les cas où l’assureur avait d’abord nié son
obligation de défendre5, lorsqu’il y a possibilité de réduire l’exposition de l’assureur au détriment de l’assuré6 ou dans le
cadre de litiges en cours portant sur la garantie lorsque l’assuré tente de retenir les services de ses propres avocats7.
Conclusion
Les décisions de l’Ontario des deux dernières années témoignent d’une érosion progressive du droit général de
l’assureur de nommer des avocats dans les provinces de common law du Canada. Dans certains cas, cette tendance
pourrait influer sur la décision de nier l’obligation de défendre ou de réserver des droits en cas de litige sur la garantie.
Sally Gomery
L’auteure désire remercier M. Bryan Stephens, stagiaire, de son aide dans la rédaction de cette actualité juridique.
1.
Non-Marine Underwriters, Lloyd’s London c Scalera, 2000 CSC 24 au para 49; Goodman v AIG Commercial Insurance Co. of Canada,
[2009] O.J. Nº 4389 au para 4.
2.
Brockton (Municipality) v Frank Cowan Co. Ltd., [2002] O.J. Nº 20 au para 43. [« Brockton v Frank Cowan Co. »].
3.
Svishchov v Corol, [2003] O.J. Nº 4745 (ONSCJ) au para 15; Chan v St. James (King-Jarvis) Inc., [2005] O.J. Nº 440 au para 14
(ONSCJ).
4.
Appin Realty Corp. v Economical Mutual Insurance Co., 2007 CarswellOnt 9329 (ONSCJ); conf par 2008 ONCA 95; autorisation de
pourvoi refusée 2008 CarswellOnt 4570 (CSC) [« Appin Realty Corp. »].
5.
Baiden v Canadian Universities Reciprocal Insurance Exchange, 2011 ONSC 7374 au para 39.
6.
California Kitchens & Bath Ltd. v AXA Canada Inc., 2010 ONSC 6125 au para 29.
7.
Ibid. au para 34.
Pour plus de renseignements sur le sujet abordé dans ce bulletin, veuillez communiquer avec l’un des avocats mentionnés ci-dessous :
> André Legrand
Montréal
+1 514.847.4412
[email protected]
> Paul S. Prosterman
Montréal
+1 514.847.4481
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> Sally A. Gomery
Ottawa
+1 613.780.8604
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> Éric Hardy
Québec
+1 418.640.5022
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> Alan S. Rudakoff
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