Illusions perdues (1837-1843) Histoire du texte

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Illusions perdues (1837-1843) Histoire du texte
Illusions perdues (1837-1843)
Histoire du texte
L’acte de naissance d’Illusions perdues se trouve au folio 27 de l’album de Pensées, sujets,
fragments édité par J. Crépet : « Composition de la première édition des Scènes de la vie de
province : 1er vol. Eugénie Grandet- Le Message ; 2ème vol. Les Célibataires- La Grande
Bretèche- La Femme abandonnée - 3ème vol. La Grenadière- Les amours d’une laide ; 4ème vol. :
Fragments d’histoire générale- Illusions perdues » . En octobre 1833, Balzac signe un contrat
avec la libraire Mme Béchet, prévoyant la livraison des Etudes de mœurs au XIXème siècle, en
douze volumes in 8°, répartis en Scènes de la vie privée, Scènes de la vie de province et Scènes de
la vie parisienne. Illusions perdues, annoncé dans l’introduction générale, est prévu pour la
dernière livraison : « Paris doit être le cadre de l’existence prise à sa décrépitude. Dans une grande
ville, la vie n’est jamais jeune par hasard. Sous ce rapport, la métropole de la pensée a le mérite
d’offrir un type complet des hautes dépravations humaines. La dernière scène de la province
(Illusions perdues) est un anneau qui joint les deux âges de la vie, et montre un des mille
phénomènes par lesquels la province et la capitale se marient incessamment ». Le projet mène une
existence souterraine jusqu’en juin 1836, date du « manuscrit de Saché ». Balzac s’est en effet
retiré à Saché pour écrire l’essentiel de la première partie actuelle, connue sous le titre « Les deux
Poètes ». Ce texte achevé à Paris est publié en février 1837 par Werdet, qui a racheté à Mme
Béchet la propriété des Etudes de mœurs au XIXème siècle. Paraissent donc, sous le titre Illusions
perdues, cinq chapitres qui correspondent à l’actuelle première partie, prolongée jusqu’à
l’abandon à Paris de Lucien. La fin de la première partie de 1837 coïncide avec le début de
l’expérience de Lucien « seul, sans amis, sans protecteurs », privé du soutien de Mme de Bargeton
qui le renie. Ce premier volet est précédé d’une préface, par laquelle Balzac annonce
l’élargissement de sa perspective. La comparaison entre les mœurs provinciales et parisiennes, le
récit de l’expérience individuelle du personnage cèdent la place au tableau « d’une des faces les
plus curieuses de ce siècle », la grande plaie du XIXème siècle, le journalisme. Le marché de la
pensée va transcender l’aventure d’un jeune homme qui se croit un grand poète en la déréliction
du jeune homme du XIXème siècle.
La première partie publiée, Balzac songe immédiatement à la suite ; mais, selon sa coutume,
il est sollicité par quantité de projets concurrents (La Torpille notamment, qui fait reparaître
Lucien de Rubempré). La seconde partie, Un grand homme de province à Paris, rédigée en 1839,
connaît une publication partielle dans les journaux. La Presse, suivie par L’Estafette, donne en
avant première le chapitre 17 « Comment se font les petits journaux » et une partie du 18 « Le
Souper ». En juin 1839, le libraire Souverain met en vente les deux volumes in 8° du Grand
homme de province à Paris, dont la préface prévoit une troisième et dernière partie. Elle « aura
pour titre Les Souffrances de l’inventeur et paraîtra de manière à ne pas laisser refroidir l’intérêt
que les personnages de ce drame ont pu faire naître ».
Entre les deux dernières parties se rencontre la même difficulté, non de conception, mais
d’exécution. Balzac envoie à Mme Hanska, dans une lettre datée du 7 décembre 1842, son bulletin
de travail. « Illusions perdues vous ramène à Angoulême, et j’ai à faire le magnifique contraste de
la vie de David Séchard en province avec Eve Chardon, pendant que Lucien faisait toutes ses
fautes à Paris. C’est les malheurs de la vertu, opposés aux malheurs du vice, c’est d’une difficulté
prodigieuse. Illusions perdues forme un gros volume de La Comédie humaine, et le titre sera bien
justifié. » Pressé par le temps, Balzac compose la fin de sa troisième partie dans l’imprimerie
même de Giroux, à Lagny. C’est ainsi que paraît en feuilletons sous le titre David Séchard ou Les
Souffrances d’un inventeur, dans L’Etat, puis dans Le Parisien -L’Etat, la fin d’Illusions perdues.
Simultanément, Illusions perdues, sous sa forme tripartite, figure dans l’édition de La Comédie
humaine, publiée par Furne, Dubochet et Hetzel, en juillet 1843. Une autre édition séparée de
David Séchard est proposée par le libraire Dumont en deux volumes in 8°, le 2 mars 1844. La
préface de cette édition souligne la construction littéraire en triptyque et propose de lire en
superposant les caractères et en privilégiant les parallèles… recommandations que tout lecteur
attentif ne saurait négliger !