Claire Blanche-Benveniste 1997, 9-10

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Claire Blanche-Benveniste 1997, 9-10
Ce role fondateur de l'ecriture pour la representation de la langue
a de nombreuses consequences. Il explique que ce qu'on ecrit ne soit
pas la simple transposition de ce que l'on dit. Du reste, le projet
d'«ecrire comme on parle» - expression tres trompeuse - n'est pas
facile a mettre en reuvre et ne repond pas a l'attente des personnes
peu lettrees. Les enfants ou adultes eloignes de l'univers des textes
ecrits ont souvent une representation sublimee de la langue ecrite., Ils
jugent inCOflvenant d'ecrire des tournures familieres et cherchent systematiquement des transpositions. Ce qui s'ecrit, c'est la langue du
dimanche et non la langue de tous les jours 2. En franc;ais, les on,
quand, parce que du parle deviennent des nous, lorsque, car, par
ecrit. Sont ainsi transpöses une bonne partie des temps verbaux, les
adverbes de lieu et de temps, ainsi que toutes les marques de forces
illocutoires comme l'interrogation, la negation, l'exclamation.
Certaines professions ont codifie la repartition des röles attribues a
l'ecrit et au parle; c'est tres net pour les juristes. Citons les indications
fournies par G. Cornu (990), dans son etude sur La, linguistique
juridique:
'
-
.La plaidoirie est orale. La loi est ecrite».
-.La fonction principale de la parole est d'etre anterieure ä I'acte fondateur. Comme si le droit, avant la decision avait besoin de mille bouches(p. 255).
- -Certains actes commencent par le prononce des paroles. Ensuite il en
est .dresse acte- (par ecrit). Ainsi la celebration du mariage s'ouvre par la
double declaration orale des futurs epoux [...] Plus generalement, les actes
de l'etat civil sont re~us (rediges) ä partir des declarations orales des comparants (declarants)- (p. 256)
- .L'originalite du discours juridique est d'avoir pour modele historique un
acte oral elabore- (p. 263).
Les occasions de rencontrer
des «actes oraux elabores» qui ne
soient pas appuyes sur de l'ecrit so nt devenus assez rares aujourd'hui.
De sorte qu'il n'y a pas, dans les faits, de repartition equivalente entre
l'oral et l'ecrit. D'une part beaucoup d'ecrits elabores et peu d'oraux
qui le soient; d'autre part beaucoup d'oraux spontanes et peu d'ecrits
qui le soient. Mais cette repartition est affaire d'habitudes sociales, et
peut changer brusquement.
Par exemple, les prises de paroles a la
television exploitent des formes tres convenues
d'oral elabore (les
enfants qui en font la parodie y sont tres sensibles) et, d'autre part, les
echanges par courrier electronique sont en train de developper quantite d'ecrits spontanes. On ne peut donc pas bätir une opposition stable entre l'ecrit et le parle en se fondant sur les categories du spontane
et de l'elabore.
Claire Blanche-Benveniste 1997, 9-10