Dix ans après Rio : Un carton rouge au tourisme

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Dix ans après Rio : Un carton rouge au tourisme
Dix ans après Rio : Un carton rouge au tourisme ?
Lors de la Conférence de Rio en 1992, la communauté internationale a adopté d'importantes
résolutions concernant un partage équitable des précieuses ressources de la planète et pour
protéger celles-ci pour les générations futures. Dans la perspective du Sommet mondiale du
développement durable (WSSD), qui se tiendra à Johannesburg au cours de l'été 2002, le
moment est venu d'évaluer les progrès du processus de Rio et de développer de nouvelles
stratégies. Or le bilan de l'application des décisions de Rio est dans l'ensemble très maigre.
Et un défi particulier est lancé au secteur du tourisme: Grâce à sa croissance spéctaculaire
ces dix dernières années, il est devenu l'une des branches les plus importantes de
l'économie mondiale. En outre, plus que toute autre activité économique, il dépend pour son
devenir de la beauté des paysages, de la diversité de la nature et des expressions
culturelles, de la paix et de la sécurité. Il serait donc dans l'intérêt majeur des responsables
du tourisme de contribuer à la protection de l'environnement et à la justice sociale. Le
Sommet mondial de Johannesburg offre l'occasion de réorienter le tourisme et de l'inclure
pleinement dans les stratégies globales du développement durable.
Chances et espoirs - mais quel prix est-on prêt à payer?
Jamais dans l'histoire de l'humanité, on n'a autant voyagé, pour son plaisir ou pour son
travail. Dans ce début du 21eme siècle, le nombre des voyages internationaux atteint près
de 700 millions, soit plus du double qu'il y a quinze ans. On estime en plus que le nombre de
voyages doméstiques (à l'intérieur même du pays) est dix fois supérieur aux voyages
internationaux. Le fait que tant de personnes puissent se déplacer pour aller à la rencontre
de l'autre et profiter soit économiquement, soit culturellement peut être considéré comme
une chance historique. Or seule une minorité privilégiée des populations est en mesure de
voyager: Selon les dernières estimations de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), de
3 à 5 pour cent seulement de la population mondiale peut s'offrir un voyage international, et il
s'agit en majorité des personnes venant des riches pays industrialisés ou appartenant aux
couches les plus favorisées des pays les moins avancés ou en voie de développement. Que
les voyages soient devenus l'expression d'un style de vie et une forme de loisirs pour une
partie croissante de la population de la planète ne doit pas masquer les graves disparités
mondiales.
Il est indéniable que le tourisme offre de nouvelles perspectives de développement et de
création d'emplois dans les régions pauvres et structurellement faibles. Depuis le début des
années quatre-vingt, les pays du Sud ont en effet augmenté considérablement leur
participation au tourisme international. Cependant, les pays industrialisés continuent à
enregistrer plus que la moitié des arrivées du tourisme international, tout en receuillant
environ les deux tiers des recettes qui, selon les statistiques de l'OMT, se sont montés à 476
milliards de dollars US en l'an 2000.
En dépit des crises et des récessions, le tourisme a enregistré des taux de croissance
supérieurs à la moyenne au cours des dernières années, ce qui l'a projeté parmi les
branches économiques des plus importantes du mondes. Avec plus de 200 millions de
salariés, il est aussi devenu le premier employeur au monde. Le tourisme est considéré
comme un leader de la globalisation, et même le moteur du développement du 21eme
siècle. Il s'impose comme le secteur d'avenir dans toutes les régions endettées de la planète
et il est activement soutenu par des fonds privés ou publics, souvent à travers des
subventions plus ou moins camouflées, par exemple sous la forme de création
d'infrastructures accompagnées d'exonération d'impôts et d'autres aides financières et
mesures de libéralisation. En conséquence, un nombre grandissant de tour opérateurs, ainsi
que des régions ou des pays proposent des produits ressemblants: hôtels, plages, stations
de ski, attractions culturelles, et ils se livrent une concurrence acharnée sur le marché
mondialisé. Dans ce contexte compétitif les prix des voyages ont chuté dramatiquement et
les concentrations sont extrêment rapides dans le secteur touristique. Aujourd'hui, le marché
touristique mondial est dominé par une poignée de compagnies transnationales, lesquelles
ont accès aux consommateurs tout en contrôlant simultanément l'ensemble des forfaits des
différents services qu'ils procurent aux voyageurs: transport, hébergement, loisirs etc.
L'environnement figure parmi les perdants de cette compétition. La dégradation des
ressources naturelles se fait à des prix défiants toute concurrence, puisque les coûts
environnementaux de cette mobilité sans limites ne sont pas inclus dans les tarifs forfaitaires
des voyages. Les petits entrepreneurs de tourisme qui, au Nord comme au Sud, s'efforcent
souvent de proposer des produits plus respectueux, tant au niveau écologique que social,
sont nettement désavantagés de par leur situation de faiblesse sur le marché mondialisé du
tourisme. Les premières victimes de ce développement sont cependant les populations
défavorisées, en particulier dans le Sud: les femmes, les enfants, les minorités ethniques et
les populations indigènes. La consommation excessive des ressources naturelles par le
tourisme transforme ces catégories en victimes par la détérioration de leur niveau de vie et
de leur mode de vie, sans aucune compensation, et sans avoir la possibilité de défendre
leurs droits.
Conflits entre tourisme et développement durable
Malgré les efforts menés par les organisations non gouvernementales (ONG), le tourisme
n'était pas à l'ordre du jour de la Conférence de Rio. Ce n'est qu'en 1999 que la Commission
du développement durable (CDD 7), organisme de l'ONU chargé de superviser la mise en
application des décisions du processus de Rio, a élaboré un programme d'action dans le
domaine du tourisme. La résolution de la CDD 7 a ouvert un nouveau champ d'action qui
devrait permettre, au niveau national et international, d'ajuster le développement touristique
aux engagements pris à Rio :
- reconnaître le développement durable comme un contrat passé entre les générations
- intégrer les trois dimensions - la société, l'économie et l'environnement - dans toutes les
démarches
- respecter les seuils de capacité écologique
- créer une justice environnementale globale
- combattre efficacement la pauvreté
- adapter le mode de vie du Nord aux exigences d'un développement durable
- faire participer de toutes les personnes concernées au développement, ce qui est la seule
façon de garantir la mise en œuvre d'un développement durable.
Toutefois, cette ouverture de la CDD 7 n'a pour le moment guère attiré l'attention des
responsables du tourisme. On ne peut parler ni d'une exploration sur le sujet, ni d'une
véritable application.
Nombre de professionnels du tourisme, les tour opérateurs, les hôteliers ou les
communautés locales qui proposent des produits touristiques au Nord et au Sud ont travaillé
dans le sens d'un tourisme plus approprié au cours des dernières années - ne serait-ce que
pour assurer leur propre avenir. De plus en plus de voyageurs, en particulier ceux des pays
industrialisés, ont manifesté leur intérêt pour des formes de tourisme respecteuses de
l'environnement et du milieu social. Toutefois, cette potentialité n'est pas développée de
façon suffisante par manque d'une offre adaptée. Et ces nouvelles initiatives restent trop
souvent limitées à un aspect restreint de l'écologie, par exemple l'économie d'eau ou le
traitement des déchets, sans inclure la dimension sociale de la durabilité. Ce qui soulève la
question de savoir qui a accès à quoi et qui contrôle les ressources, et dans quel but. A
l'opposé, les leaders de l'industrie touristique continuent à miser sur la croissance à tout prix.
Or cette croissance a depuis longtemps démontré son incompatibilité avec les objectifs du
développement durable. En outre, elle expose les initiatives prometteuses, au Nord comme
au Sud, à la concurrence âpre avec les voyages à bas prix, et à la lutte pour les parts de
marché.
La réorientation du tourisme et des activités de loisirs vers un tourisme responsable au
niveau écologique et social n'est pas encore en vue. Elle ne sera pas amorcée non plus par
"l'Année Internationale de l'Ecotourisme" proclamée par les Nations Unies pour 2002. Le
concept vaguement défini d' "écotourisme" fait l'objet d'une promotion bruyante sans ouvrir la
voie à des commentaires ou à des questions critiques de la part de ceux qui sont les
premiers concernés. La réorientation vers un tourisme dans l'ensmble plus responsable ne
se fera pas non plus avec les nouvelles lignes directrices sur le tourisme élaborées
actuellement dans le cadre de la Convention de la Diversité Biologique. Même là où
l'avancée est toutefois bienvenue, l'expérience de ceux qui sont affectés par le tourisme n'a
pas encore le poids qu'elle devrait avoir si l'on reconnaissat à ceux-ci la compétence
d'experts.
Les "pratiques meilleures" ("best practices") ou des lignes directrices, quelques détaillées
qu'elles soient, ne peuvent remplacer pour le tourisme une politique d'ensemble,
d'intégration et multisectorielle qui seule peut réorienter le tourisme vers un développement
durable. Une coopération cohérente, responsable et équitable de la part de tous les
partenaires, y compris les communautés locales, les populations indigènes, les autorités
politiques, l'industrie touristique, les voyageurs eux-mêmes et la société civile au Nord
comme au Sud est indispensable pour esquisser des politiques nécessaires à tous les
niveaux et pour assurer aux générations futures une vie digne, du temps libre et la possibilité
de voyager.
Ouvrir de nouvelles brèches pour le tourisme
Dans la perspective du Sommet mondial 2002 de Johannesburg, des ONG de politique de
développement et d'environnement d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse - des pays qui sont
"les champions mondiaux du voyage" - ont préparé dix principes et défis dont l'objectif est de
servir de base à des discussion et de suggérer de nouvelles initiatives pour un
développement durable du tourisme. Cex principes s'orientent à dix des principaux thèmes
qui seront débattus au Sommet de Johannesburg, tout en examinant leurs intéractions avec
le domaine du tourisme. Cette approche ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux
espaces en vue d'une action à mener. Elle rend aussi possible un examen plus ouvert du
tourisme à travers le processus de Rio.
Pour que le tourisme respecte les trois piliers du développement durable - social,
économique et environnemental - il faut au préalable que les contradictions des actuelles
stratégies du tourisme soient identifiées et comprises. On pourra alors seulement développer
des stratégies plus prometteuses et celles-ci doivent toujours suivre deux orientations
parallèles: les développements négatifs tels que les conditions de travail aggravées ou une
utilisation excessive de ressources naturelles doivent être combattues par des mesures
concrètes comme des clauses de protection sociale ou des technologies efficaces en
matière d'écologie. Parallèlement, des actions doivent être menées contre les causes sousjacentes de la pauvreté et des problèmes environnementaux. Ce qui signifie éradiquer les
structures qui sont à l'origine de la pauvreté et de la destruction de l'environnement.
Actuellement, on tend à déployer des mesures pour pallier aux effets les plus néfastes du
tourisme, et on les présente souvent comme le seul moyen efficace d'aborder les problèmes,
même si elles ne s'attaquent qu'aux symptômes. Pour inconfortable que cela puisse paraître,
des mesures plus importantes doivent être prises par tous les partenaires pour arracher les
racines qui sont à l'origine des pratiques touristiques non durables.
C'est la brèche que les ONG allemandes, autrichiennes et suisses qui s'engagent pour un
tourisme plus responsable, souhaitent ouvrir avec leur document dans la perspective du
Sommet mondial de Johannesburg. Les préoccupations d'ensemble du processus de Rio
favorisent une approche Nord-Sud. Cela ne signifie pas toutefois que seuls les voyages à
longues distances sont en cause, ni que le tourisme dans le Nord ou le tourisme régional qui
est en train de grandir dans le Sud ne requièrent pas également de nouvelles stratégies en
vue d'un développement durable. Un thème aussi complexe que celui du tourisme ne peut
pas être traité de façon exhaustive dans un seul document. L'objectif des auteurs de la
brochure "Rio+10: Un carton rouge au tourisme?" est avant tout de susciter la réflexion et un
débat plus large de la part des ONG et des acteurs politiques et économiques sur la manière
dont le tourisme devrait être réorienté pour devenir un secteur véritablement porteur du
développement durable.
"Rio+10: Un carton rouge au tourisme?" est disponible en français, allemand, anglais et
espagnol soit sous forme de brochure, soit sous forme de fichier pdf aux adresses suivantes
(les frais d'envoi de la brochure seront facturés):
Christine Plüss, akte - arbeitskreis tourismus & entwicklung, Missionsstr. 21,
CH-4003 Basel, Suisse, Tel +41 61 261 47 42, Fax +41 61 261 47 21, [email protected]
Martina Backes, FernWeh - Forum Tourismus & Kritik, Postfach 5328,
D - 79020 Freiburg i. Br., Allemagne, Tel +49 761 70 75 125,
[email protected], www.iz3w.org
Manfred Pils, nfi - Naturfreunde Internationale, Diefenbachgasse 36/3, A-1150 Wien,
Autriche, Tel +43 1 892 387-77, Fax +43 1 812 97 89, [email protected], www.nfi.at
Christian Baumgartner, respect - Zentrum für Tourismus und Entwicklung,
Diefenbachgasse 36/3, A-1150 Wien, Autriche, Tel +43 1 895 62 45,
Fax +43 1 812 97 89, [email protected], www.respect.at
Heinz Fuchs, TOURISM WATCH - EED, Ulrich-von-Hassell-Str. 76, D-53123 Bonn,
Allemagne, Tel +49 228 81 01 2303, Fax +49 228 81 01 160,
[email protected], www.tourism-watch.de
Pour la version espagnole de la brochure ou sous forme de fichier pdf, veuillez vous
adresser à:
Angela Giraldo, KATE - Kontaktstelle für Umwelt & Entwicklung, Blumenstr. 19,
D-70182 Stuttgart, Tel +49 711 2483970, Fax +49 711 24839722,
[email protected], www.turismovision.kate-stuttgart.org
Mars 2002/akte-Christine Plüss