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ENTREPRISES Transfert d’argent Le low banking en marche 086 Après AWB, aujourd’hui c’est BMCE Bank et Al Barid Bank qui disposent de réseaux en propre pour le transfert du cash. Derrière cet intérêt croissant, il n’y a pas que la valeur ajoutée captée sur des milliards de dirhams jusque-là hors circuit formel. Il y a surtout l’amorce d’une nouvelle façon de faire la banque. Décryptage. Par Adiba Raji Le transfert d’argent attise les convoitises! Un engouement certain se remarque ces derniers mois pour les sociétés qui opèrent dans ce secteur. Tel est le cas de Cash Plus qui a vu entrer dans son capital le Fonds Mediterrania Capital. Ce dernier a déboursé la bagatelle de 90 millions de dirhams comme ticket d’entrée au tour de table du premier réseau indépendant de transfert d’argent. Comptant aujourd’hui 500 agences, l’entreprise de la famille Ammar table sur l’ouverture de 300 nouvelles agences d’ici la fin de l’année. BMCE Bank a pour sa part racheté Damane Cash pas Economie|Entreprises Août-Septembre 2015 Diversification Arrivée à maturité, la banque classique recherche un nouveau modèle. plus tard qu’en juin dernier. Cet acteur de petite taille compte à son actif 50 agences avec perspectives d’en ouvrir 50 autres d’ici fin 2015 et de profiter des 650 agences du réseau de BMCE Bank dont elle est désormais la filiale. Barid Bank, pionnier national du transfert d’argent, lance lui aussi sa filiale spécialisée dans le transfert de fonds baptisée Barid Cash. La nouvelle filiale de l’ex Poste table sur l’ouverture de 400 agences d’ici 2017. «Barid Cash se veut le distributeur du produit Mandati de Barid Bank», déclare Habiba Dassouli, directrice générale de Barid Cash. Le président de Barid Cash, Redouane Nejm-Eddine, précise toutefois, lors de la conférence de presse du mercredi 25 juin «qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec Al Barid Bank, qui poursuivra ses activités de cash. Barid Cash va se spécialiser de plus en plus dans une vision d’amélioration de la qualité de service client». La transformation d’agences de transferts de fonds en LowIncome Bank serait peut-être l’objectif final de ces commerces de proximité. Wafacash en est le champion! Amalgame La filiale d’Attijariwafa bank a carrément 2.742 C’est le nombre de points de vente du réseau des intermédiaires 19,2 C’est en milliards de dirhams les transferts de fonds réalisés à fin 2014 75% Un point de vente de transfert d’argent est 75% moins cher en moyenne qu’une agence bancaire classique lancé une quasi-banque parallèle à la principale. Ceci dit, celle-ci commercialise les produits de la banque principale et n’est nullement une banque à part entière. En effet, les sociétés de transfert d’argent ont une licence délivrée par la banque centrale leur permettant d’effectuer des opérations consistant en la réception ou l’envoi, par tous les moyens, de fonds à l’intérieur du territoire marocain ou à l’étranger. Il est toutefois à préciser que les transferts d’argent se font principalement de l’étranger vers le Maroc et intravilles, le transfert d’argent vers l’international nécessitant une autorisation de l’Office des changes. En 2013, Bank Al-Maghrib décide de porter le capital minimum des so- ciétés de transfert de fonds de 3 à 6 millions de dirhams. Cette augmentation a pour but d’assainir le secteur dont le réseau des intermédiaires à fin décembre 2014 se composait de 2.742 points de vente, dont 709 agences propres et 2.033 points de distribution gérés par des mandataires. Selon l’Association professionnelle des sociétés de financement (ASFP), les transferts de fonds réalisés au niveau national par les sociétés spécialisées ressortent à 19,2 milliards de dirhams à fin décembre 2014. A terme, ces entreprises de transfert de cash se veulent toutes de futures banques de proximité. Exit les belles agences marbrées et climatisées avec un directeur et des chargés d’affaires. Un point de vente de transfert d’argent coûte 3 à 4 Les entreprises de transfert de cash se veulent toutes de futures banques de proximité fois moins cher en moyenne qu’une agence bancaire classique. Accessible De plus, une agence bancaire classique peut paraître un tant soit peu impressionnante rendant son accès difficile à une certaine catégorie de clientèle non bancarisée. Alors que dans les agences de transfert de fonds sans chichis, tout type de clientèle se sentirait le bienvenu. D’où l’intérêt d’offrir des produits bancaires d’une part moins cher et d’autre part plus accessibles à une clientèle jusque-là restant dans l’informel. En la matière, Wafacash est sans conteste le pionnier. Avec le produit Hissab Bikhir d’Attijariwafa bank commercialisé dans ses boutiques, elle est déjà dans l’activité bancaire classique. Sauf que Wafacash a un statut d’intermédiaire en opération bancaire (IOB) qui lui permet de commercialiser les produits d’Attijariwafa bank. Ce produit est un compte bancaire économique disposant des produits monétiques de base, autrement dit, la mise à disposition du client d’une carte lui permettant de retirer de l’argent liquide ou de payer avec dans les commerces, ainsi que de services adaptés disponibles à travers le large réseau d’agences de la filiale d’AWB. Wafacash dispose en effet de presque 1.000 agences à travers le territoire national, soit plus que BMCE Bank avec ses 650 agences. Sans oublier les horaires d’ouverture plus flexibles en semaine et même le week-end. Cash Plus surfe sur cette vague aussi. «Nous sommes dans l’attente d’une loi en cours de la Banque centrale qui permettra aux établissements indépendants de transfert de fonds d’offrir d’autres services financiers à l’instar de Wafacash», explique Hatim Ben Ahmed, associé à Mediterrania Capital. Les entreprises indépendantes pourront toujours s’allier avec des banques de la place. Cash Plus qui compte déjà 500 points de vente vise les 800 avant fin 2015. «La clé de réussite d’une entreprise de transfert de fonds est la densité de la capillarité de son réseau», insiste-t-il. Banque de proximité Le dernier rapport de la Direction de la supervision bancaire recense une dizaine de sociétés intermédiaires en transfert de Août-Septembre 2015 Economie|Entreprises 087 ENTREPRISES fonds. Le réseau de ces intermédiaires a atteint, en 2014, plus de 2.546 unités. Les sociétés de transfert d’argent listées par la Banque centrale sont Damane Cash, Eurosol, MEA Finance Service, Cash Plus, Transfert Express, Moneyon Maroc, Al Barid Cash, UAE Exchange Morocco, M2T et Wafacash. Il existe deux types d’entreprises: les indépendantes et celles adossées à une banque. Les indépendantes constituent des réseaux de taille modeste ne permettant pas d’acquérir d’importantes parts de marchés. A moins d’être rachetées par un organisme bancaire ou un Fonds d’investissement, la croissance de ces intermédiaires reste modeste. Seules les filiales de banques répondent au critère de densité de la capillarité du réseau. Et actuellement, seule la filiale d’Attijariwafa bank peut se targuer d’avoir un important réseau. Quant à la nouvelle filiale de BMCE Bank et celle d’Al Barid Bank, étant nouvelles sur le marché, elles ne peuvent guère rivaliser pour le moment avec le leader Wafacash ni l’indépendant Cash Plus. Les autres banques ––– 088 Economie|Entreprises Août-Septembre 2015 Ben Ahmed Nous sommes dans l’attente d’une loi de la Banque centrale. possèdent aussi un produit de transfert d’argent. Mais celui-ci ne se vend qu’en agence. En rachetant des indépendants de transfert de fonds, les banques ciblent le monde du LowIncome Banking. Ceci dit, est-ce qu’à terme ces agences sont vouées à devenir des banques de proximité à part entière? «C’est une réalité car le cadre règlementaire de Bank Al-Maghrib concernant les sociétés de transfert d’argent a changé leur statut de sociétés de transfert de fonds en établissements de paiement et ce, depuis janvier 2015», explique Dassouli. Le régulateur a donc élargi la vocation de ces entreprises en leur offrant la possibilité de vendre des services de prébancarisation aux prospects non bancarisés tels que les cartes prépayées et des comptes virtuels non rémunérés permettant dépôt et retrait d’argent ainsi que paiements par carte. «C’est exactement le modèle recherché», renchérit un expert de la place. «La banque classique étant arrivée à maturité, la diversification et la recherche d’un nouveau modèle se sont imposées d’elles-mêmes», explique-t-il. Un nouveau modèle de banque est donc indéniablement en marche. A suivre. E|E [email protected]