Le secret professionnel des avocats menacés par la mise sur écoute

Transcription

Le secret professionnel des avocats menacés par la mise sur écoute
Le secret professionnel des avocats menacés par la mise sur écoute des cabinets ? David LEPIDI, Avocat à la Cour Septembre 2015 Introduction "Scandale d'Etat", "danger pour la démocratie" ou risque d'"impunité"... la décision des juges Serge Tournaire et René Grouman de placer sur écoute Nicolas Sarkozy et son conseil Thierry Herzog divise. Personnage central des révélations du "Monde" concernant l'enquête pour trafic d'influence et violation du secret de l'instruction qui viserait Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, l'avocat de l'ancien chef de l'Etat, est monté au créneau, dénonçant "un scandale d'Etat". "Les conversations entre un avocat et son client ne peuvent être écoutées, pire enregistrées et retranscrites pour fonder l'ouverture d'une information", insiste-­‐t-­‐il. Il y voit "une violation monumentale des droits de la défense !" La Cour de cassation n'est toutefois pas tout à fait d'accord, sur ce dernier point, avec l'avocat de l'ancien président. En mars 2012, elle précise en effet sur le sujet : "En cas d’interception fortuite d’une conversation entre un avocat et son client ou un tiers, la jurisprudence admet que [...] la conversation ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s’il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. À défaut, la retranscription doit être annulée." Elle ne peut alors pas être versée au dossier. Mais rien ne semble empêcher qu'elle soit écoutée. Le fond de l'affaire est là : l'avocat de Nicolas Sarkozy est justement soupçonné d'être impliqué dans cette affaire de trafic d'influence et de violation de secret de l'instruction. Légalement, il pouvait donc être mis sur écoute. "Je démontrerai le moment venu qu'il s'agit d'une affaire politique", conclut l'avocat, convaincu "qu'on a monté une affaire artificiellement". Plusieurs avocats ont vivement réagi aux révélations du "Monde", s'indignant des "atteintes graves et répétées" au secret professionnel car l'interception d'une conversation entre Me Thierry Herzog et son client Nicolas Sarkozy aurait été a l'origine de l'ouverture de l'enquête pour trafic d'influence. Que « le secret professionnel, socle de la défense, garantie fondamentale des libertés individuelles dans un Etat de droit, fasse l'objet d'atteintes graves et répétées, menace l'essence même de notre profession d'avocat et son indépendance", dénoncent dans une lettre ces avocats. 1 Ce texte a été signé par plusieurs centaines d'avocats. "Que les cabinets d'avocats soient aujourd'hui devenus un lieu privilégié dans lequel les juges songent à rechercher les éventuelles preuves des instructions qui leurs sont confiées, suscite l'inquiétude", écrivent encore ces avocats, parmi lesquels figurent Henri Leclerc, Hervé Temime, Eric Dupond-­‐Moretti, Jacqueline Laffont, Pierre Haïk ou encore Christian Saint-­‐
Palais. "Nous alertons les pouvoirs publics sur le danger pour la démocratie de telles dérives et sur l'impérieuse nécessité de protéger le secret professionnel, pilier de la profession d'avocat et sans lequel aucune défense ne peut s'exercer." Solidarité également de la part du Conseil national des barreaux (CNB), instance de représentation de la profession d'avocats, qui estime que les juges qui avaient diligenté les écoutes s'étaient rendus coupables d'un "détournement" de procédure. Pour le président du CNB, Jean-­‐Marie Burguburu, il n'y avait pas, au départ, d'indices graves et concordants justifiant le placement sur écoute de Me Thierry Herzog, ce qui est le seul cas permettant d'intercepter les conversations d'un avocat. « Aucune écoute d'un avocat ne peut être ordonnée ni réalisée à titre préventif pour rechercher les indices éventuels d'un éventuel fondement à des poursuites pénales", a, dès lors, rappelé le CNB dans un communiqué. "Ces règles ont visiblement été contournées", considère le CNB, dont le président "affirme la solidarité des 60.000 avocats de France avec Me Thierry Herzog, et appelle les pouvoirs publics à clarifier d'urgence cette inquiétante atteinte au bon fonctionnement de notre démocratie". Pour Jean-­‐Mari Burguburu, les juges ont, dans ce dossier, pratiqué la technique du "filet dérivant", à la manière des pêcheurs qui laissent traîner leurs filets "assez longtemps pour ramener quelque chose". "Il faut sûrement renforcer la loi" pour sanctuariser encore davantage les échanges entre l'avocat et son client, a-­‐t-­‐il estimé. Signe de l'émotion suscitée dans la profession par cette affaire, le bâtonnier de Paris, Pierre-­‐
Olivier Sur, s'est rendu en personne à l'audience chez le juge des libertés et de la détention (JLD) où étaient contestées les saisies réalisées chez Me Herzog, une démarche inédite. Le délégué du bâtonnier avait contesté ces saisies, entraînant le placement sous scellés du matériel, dont le téléphone professionnel de Me Thierry Herzog. Le seul à pouvoir ouvrir ces scellés est le JLD. Le juge a ordonné l'expertise du téléphone professionnel et du matériel informatique de l'avocat de Nicolas Sarkozy. Le Président de la République avait été saisi de cette affaire par le Bâtonnier. En réponse, le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Christophe Régnard, a demandé au président de la République de rappeler le principe de séparation des pouvoirs. 2 En adressant cette demande, Christophe Régnard réagissait à l'appel du bâtonnier de Paris, Pierre-­‐Olivier Sur, au même François Hollande qui disait se placer sous sa "haute protection" en tant que "garant des libertés publiques". Renforcer la loi pour protéger des avocats "éventuellement impliqué dans une infraction", la garde des Sceaux Christiane Taubira ne l'imagine pas. La ministre de la justice s'est opposée à ce que les écoutes téléphoniques d'un avocat ne puissent jamais être utilisées dans le cadre d'une procédure judiciaire, alors que le député UMP du Rhône, Georges Fenech, a indiqué qu'il déposerait une proposition de loi en ce sens. « Je ne peux pas défendre l'idée d'assurer l'impunité à un citoyen parce qu'il exerce une profession", a déclaré Christiane Taubira sur France Info. "Est-­‐ce que vous êtes en train de me demander d'assurer l'impunité à un avocat qui serait éventuellement impliqué dans une infraction ? Si vous me demandez ça, la réponse est 'non'", a ajouté la ministre, tout en précisant, prudemment, qu'elle raisonnait dans l'absolu et ne parlait pas de l'affaire des écoutes. "On ne peut pas assurer l'impunité, parce que le petit justiciable, le justiciable ordinaire, il a besoin d'être sûr que tout le monde est traité de la même façon", a conclu Christiane Taubira. Discussion L’exercice efficace de certaines fonctions, missions ou professions suppose, dans l’intérêt général, que les confidences reçues ne puissent en aucun cas être divulguées. On dit alors qu’elles sont couvertes par le secret professionnel. A cette fin, la violation du secret professionnel est incriminée par l’article 226-­‐13 du Code pénal. Plusieurs domaines d’activité sont concernés par l’obligation au secret professionnel, notamment lorsqu’il existe une relation de confiance qui a incité le déposant du secret à se dévoiler. De plus en plus de personnes sont soumises à cette obligation de garder le secret. Sont ainsi susceptibles d’être violés : •
•
•
•
•
le secret médical le secret bancaire le secret des ministres du culte Le secret des experts-­‐comptables le secret de l’avocat… A cela s’ajoutent d’autres types de secret tels que : •
•
•
le secret de l’instruction et de l’enquête imposé à toute personne qui y concourt le secret des jurés sur les délibérations le secret que peut opposer en justice le journaliste quant à ses sources d’information 3 •
le secret des correspondances envisagé à l’article 226-­‐15 CP qui doit être respecté par toute personne (qui relève d’ailleurs plus du droit à la vie privée que du secret). I-­‐ La notion de secret professionnel Le secret professionnel est un concept enjoignant à certains corps de métier de ne divulguer aucun renseignement confidentiel concernant leur activité ou leurs clients. Cependant, la notion de secret professionnel est aujourd’hui en cours de mutation aussi bien sous le coup de la loi, que de la jurisprudence avec l’intervention de plusieurs éléments : •
•
•
la disparition annoncée du secret de l’instruction (envisagée dans le rapport Léger remis au gouvernement le 1er septembre 2009) la remise en cause progressive du secret bancaire la nouvelle définition du secret des sources du journaliste (avec la loi du 4 janvier 2010). A-­‐ Le fondement de la protection du secret professionnel La question du fondement de la protection du secret est importante dans la mesure où plusieurs difficultés sont résolues différemment selon que l’on prend en compte l’intérêt social ou l’intérêt particulier défendu par l’incrimination. 1-­‐ Le secret absolu Il existe incontestablement un fondement social, revendiqué par la jurisprudence criminelle lorsqu’elle se réfère à la confiance nécessaire du public en certaines professions et à l’ordre public. En effet, que serait la médecine et le Barreau si le client craignait la révélation de ce qu’il a dit à son médecin ou à son avocat? On parle alors de « secret absolu et général » qui concerne par exemple : •
•
•
les médecins (Cass. Crim 8 mai 1947) les avocats (Crim 7 mars 1989) les experts comptables (Com 8 février 2005). 2-­‐Le secret relatif Mais, on peut également considérer que le secret professionnel permet de garantir la sécurité des confidences que les particuliers sont dans la nécessité de faire à certaines personnes. Il s’agirait alors d’une atteinte à la vie privée, la violation du secret figure d’ailleurs parmi les atteintes à la personnalité dans le Code pénal de 1994. Cette conception plus relative permettrait alors d’envisager certaines entorses au secret. 4 II-­‐Les éléments constitutifs de l’infraction de violation du secret professionnel Pour être retenue, cette qualification pénale de violation du secret professionnel nécessite la réunion de plusieurs éléments. En effet, il existe des conditions relatives au confident, au secret, à l’acte de révélation et à l’intention coupable. A titre liminaire et étant donné qu’il s’agit d’un délit, le délai de prescription pour déclencher l’action publique est de 3 ans et il commence à courir dès le jour de la révélation de l’information confidentielle par son dépositaire. Il est utile de préciser que la tentative de violation du secret professionnel n’est pas répréhensible. A-­‐Elément légal Cette infraction trouve son siège dans l’article 226-­‐13 du code pénal qui dispose que « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende, auxquels s’ajoutent les peines complémentaires de l’article 226-­‐31 ». B-­‐Elément matériel 1-­‐ Le confident Il doit y avoir avant toute chose un dépositaire du secret confié. Toute personne n’est pas tenue au secret professionnel. Mais la liste n’est pas clairement définie. Les professionnels tenus au secret énumérés par des textes spéciaux : Il existe des textes spéciaux qui y assujettissent certaines catégories professionnelles : •
•
•
•
•
•
les médecins (art R4127-­‐4 du Code de la santé publique) les juges d’instruction (art 11 du Code de procédure pénale) les magistrats (art 4 de l’ordonnance du 22 décembre 1958) les agents des douanes (art L103 du Livre des procédures fiscales) les membres de la CNIL (art 20 de la loi du 6 janvier 1978) le personnel bancaire (art L511-­‐33 du code monétaire et financier). 2-­‐ Les professionnels tenus au secret par le texte d’incrimination générale : Puis, certaines personnes sont soumises au secret professionnel uniquement en vertu de l’article 226-­‐13 du code pénal qui contient une formulation générale. En effet, il renvoie à tout dépositaire d’un secret, soit « par état ou par profession » ou encore « en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ». 5 Il s’agit de personnes avec qui les justiciables entretiennent inévitablement un rapport fondé sur la confiance. La jurisprudence considère qu’en vertu de cette disposition, sont assujettis au secret professionnel : •
•
•
•
les ministres du culte (Crim 4 décembre 1891) les notaires (Crim 3 mars 1938) les avocats (Crim 18 octobre 1977) les experts comptables (Com 8 février 2005)… 3-­‐ Le secret Une information confidentielle : L’information à caractère secret est par nature confidentielle. N’est donc pas secret un fait divulgué publiquement ou notoire. A contrario, ce n’est pas parce que plusieurs personnes connaissent l’information qu’elle ne peut pas être confidentielle (Crim 16 mai 2000), il suffit que cette connaissance leur soit réservée (ex : délibérations d’un jury de cour d’assises, « secret partagé » sous entendu entre plusieurs professionnels). Une information délivrée dans un cadre professionnel : L’information doit également avoir été portée à la connaissance du professionnel de par l’exercice de sa profession ou à son occasion (Crim 27 juillet 1936). On tient donc compte de ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris dans ce cadre professionnel. Une divulgation préjudiciable : La divulgation de l’information doit enfin être susceptible de porter préjudice soit à celui qui l’a confiée, soit au crédit ou à l’image de discrétion attachée à la profession. On sanctionne en quelque sorte la trahison de la confiance par le dépositaire du secret. Le domaine du secret diverge ensuite en fonction de la profession concernée. 4-­‐L’acte de révélation Il s’agit de l’élément matériel à proprement parlé de l’infraction. La forme de la révélation est indifférente (discours, bavardage, confidence, publication dans une revue). Il faut qu’elle dévoile des éléments suffisamment précis qui se rattachent même indirectement au secret. 6 B-­‐ Elément intentionnel Le délit de violation du secret professionnel est intentionnel. La simple faute d’imprudence n’est donc pas susceptible d’engager la responsabilité pénale (ex : la négligence dans le rangement d’un dossier par un avocat). Il faut que l’agent ait eu conscience de révéler un secret et de ne pas s’être trouvé dans un des cas où la loi permet la révélation (Crim 7 mars 1989). L’intention de nuire n’est pas nécessaire, mais le mobile est indifférent en droit pénal. Si tous ces éléments sont réunis, la responsabilité pénale du dépositaire du secret peut être engagée sur le fondement de l’article 226-­‐13 du code pénal C-­‐ Les faits justificatifs de la violation du secret professionnel Il existe des faits justificatifs qui tendent de plus en plus à se multiplier, rompant ainsi avec la logique absolutiste qui prévalait jusqu’ici. Ils trouvent leur origine soit dans la loi, soit dans l’état de nécessité, soit enfin dans le consentement de l’intéressé. 1-­‐Les justifications tirées de la loi elle-­‐même a-­‐ La révélation imposée par la loi La diversité des obligations : Une personne peut se voir contrainte de révéler une information en raison d’une obligation dont la nature varie : •
au titre d’une obligation de dénoncer : la dénonciation d’un délit ou d’un crime qu’il est encore possible de prévenir (art 434-­‐1 du Code pénal) ou bien : la dénonciation de l’innocence d’une personne injustement poursuivie. •
au titre d’une obligation de déclarer : la déclaration de certains renseignements financiers, ou bien la déclaration d’opérations de blanchiment d’argent au Procureur de la République •
au titre d’une obligation de témoigner en justice Le conflit entre les obligations: Ces faits justificatifs créent parfois des conflits de devoirs entre une obligation de se taire et une obligation de parler. Néanmoins, le plus souvent, les textes permettent de résoudre ces conflits en exceptant de ces obligations de dénoncer ou de témoigner les personnes tenues par le secret professionnel (art 434-­‐1, -­‐3 et 434 -­‐11 du Code pénal). 7 On inverse alors le raisonnement et l’obligation de respecter le secret devient un fait justificatif au refus de respecter l’obligation de parler, de témoigner à charge ou à décharge (Crim 5 juin 1985). Si elles peuvent opposer en justice leur devoir de garder le secret, ces personnes restent néanmoins tenues de comparaître lorsqu’elles sont convoquées devant une juridiction. b-­‐ La révélation autorisée par la loi La révélation du secret peut également être autorisée par la loi. Il en est ainsi par exemple avec l’art 226-­‐14 1° du Code pénal qui permet de dénoncer auprès des autorités judiciaires des sévices infligés à un mineur de 15 ans. Selon l’article 226-­‐14 CP, aucune violation du secret n’est commise si le professionnel parle sur ordre ou autorisation de la loi. Dans ces hypothèses, le professionnel a en fait le choix de parler ou de se taire, le législateur s’en remet à leur conscience. c-­‐ Les justifications tirées de l’état de nécessité Il existe trois hypothèses d’état de nécessité justifiant la divulgation du secret professionnel : -­‐La révélation faite dans l’intérêt de la personne concernée : On parle de « secret partagé », sous entendu avec un autre professionnel. Par exemple, la nécessité impérieuse de soins peut justifier la révélation par un médecin de certaines informations à un confrère médecin. -­‐La révélation comme moyen de défense du professionnel : Si la bonne foi ou la compétence du professionnel est mise en doute devant une juridiction (Crim 29 mai 1989) et que la violation du secret est rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense (Crim 16 mai 2000), le secret peut être en tout ou partie divulgué. -­‐La révélation dans l’intérêt supérieur de protection de la vie : Si la vie d’un tiers est menacée, le professionnel doit même révéler le secret sous peine de voir sa responsabilité engagée pour non assistance à personne en danger. d-­‐ Les justifications tirées du consentement de l’intéressé Les justifications peuvent enfin être tirées du consentement de l’intéressé mais uniquement si l’on retient une conception relative du secret professionnel (visant à protéger les intérêts de celui qui s’est confié). Cependant, aujourd’hui, la jurisprudence semble revenir à une conception absolutiste du secret professionnel (Crim 16 décembre 1992, 27 octobre 2004). 8 III-­‐ Les applications du secret professionnel Tous les secrets n’ont pas le même domaine, ni la même force. Certains peuvent être opposés en toutes circonstances, d’autres font l’objet de quelques entorses. Comme on l’a vu précédemment, ceci dépend largement de la conception absolue ou relative retenue du secret. A-­‐ Le secret professionnel de l’avocat Le secret de l’avocat, un des plus importants mais aussi l’un des plus épineux de l’ensemble des secrets professionnels. 1-­‐ La spécificité du secret de l’avocat Le secret professionnel est un droit opposable et un devoir pour l’avocat envers son client. Il fait partie intégrante de sa profession. Le secret doit être différencié de la confidentialité qui s’applique dans les relations entre confrères avocats, et non avec le client. Il existe un lien de confiance entre l’avocat et son client, nécessaire à l’élaboration d’une défense efficace. C’est pourquoi il est indispensable qu’il soit tenu au secret sur les révélations qu’il pourra lui faire. Mais ce secret est particulier dans la mesure où ce qui est confié à l’avocat doit être au moins partiellement utilisé pour la mise en œuvre de la défense des intérêts du client. Ce dernier doit tout pouvoir dire à son avocat. 2-­‐ L’étendue du secret de l’avocat L’impossibilité de la révélation d’une confidence faite par son client s’impose de manière absolue à l’avocat (Crim 25 octobre 1995). L’avocat doit se taire sous peine de commettre une faute déontologique grave et une infraction pénale. a-­‐ Les renseignements concernés : •
•
•
•
les renseignements reçus du client les renseignements reçus à son profit les renseignements à propos de tiers dans le cadre des affaires concernant ledit client les déductions personnelles qu’il a pu en faire. Si on pousse la conception absolutiste du secret de l’avocat à l’extrême, on peut dire que ce dernier est en droit de se taire sur la révélation d’un de ses clients quant à son intention de tuer un témoin gênant par exemple. Le secret primerait alors sur la protection de la vie humaine. 9 b-­‐ Le cadre d’activité : La loi du 31 décembre 1971 prévoit que le secret couvre : •
•
•
•
•
•
•
les activités directement liées à l’exercice des droits de la défense les activités de conseil les consultations destinées au client les correspondances avec ce dernier les correspondances avec les confrères les notes d’entretien toutes les pièces du dossier. Il convient de préciser que l’avocat n’est pas soumis au secret lorsqu’il n’exerce plus sa profession. Par ailleurs, la finalité du secret de la confidence ne doit pas être détournée pour soustraire à la justice des éléments de preuve ou pour protéger une personne poursuivie. L’avocat ne peut donc pas dissimuler de documents pour son client, il est en effet avant tout tenu au respect de la loi. Son cabinet peut être considéré comme un sanctuaire, mais pas un repaire. c-­‐ Les parties au secret : L’avocat ne peut être délié du secret ni par son client (Cass 1ère Civ 6 avril 2004), ni par ses héritiers en cas de décès de ce dernier. Il est maître de son secret dans la relation avec son client. L’avocat peut donner des informations favorables à son client pour le défendre. Pour le reste, il doit se taire. Pour reprendre une formule célèbre, « l’avocat n’a d’autre règle que sa conscience » (Cass Crim 24 mai 1862). En revanche, ce que le professionnel apprend sur un tiers, par l’intermédiaire de son client, peut être révélé par lui, dans la mesure où l’obligation de se taire ne le lie qu’à l’égard de ce dernier. Le client n’est quant à lui pas tenu au secret, il peut faire toutes les révélations qu’il souhaite. 3-­‐ L’opposabilité et les limites du secret de l’avocat Ce secret s’impose également aux autorités publiques qui doivent le respecter notamment dans la phase d’enquête et d’instruction. Mais l’impossibilité de la captation des confidences s’impose de manière plus relative, ce qui affaiblit la portée du secret professionnel que l’avocat a toujours à cœur de revendiquer. a-­‐ Les visites de l’administration fiscale : 10 En principe, un avocat ne peut pas s’opposer à une visite dans son cabinet de l’administration fiscale. Toutefois, la jurisprudence européenne a rappelé que « Si les perquisitions et les saisies opérées chez un avocat par l’administration fiscale constituent un but légitime (celui de la défense de l’ordre public et la prévention des infractions pénales), elles portent toutefois incontestablement atteinte au secret professionnel, qui est à la base de la relation de confiance entre l’avocat et son client ; dans ces conditions, les mesures doivent être, d’une part, proportionnelles au but visé, d’autre part, strictement encadrées » (CEDH André et autres / France 24 juillet 2008). Les perquisitions et saisies doivent donc obéir aux principes de nécessité et de proportionnalité. Le cas particulier de la dénonciation des opérations financières illicites : Enfin, l’avocat a parfois même l’obligation de parler. Il doit notamment dénoncer toute opération financière soupçonnée d’être d’origine illicite (art L562-­‐3 du code monétaire et financier, modifié par la loi du 24 janvier 2006). Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de ladite loi, aucun professionnel, au titre de son devoir de conseil, ne peut plus ignorer les dispositifs de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ceci contribue à affaiblir le secret professionnel de l’avocat. Mais l’avocat a toujours à cœur de défendre et de revendiquer le secret professionnel qu’il vit tout aussi bien comme un droit qu’il peut opposer à la justice et aux administrations, que comme un véritable devoir, un engagement moral envers son client. Il prête serment de le respecter dans l’exercice de sa profession, le secret fait partie intégrante de cette dernière. b-­‐ Les perquisitions au cabinet de l’avocat : L’échange entre le client et son avocat qui prend la forme d’un écrit (correspondances) peut être intercepté notamment dans le cadre d’enquêtes policières ou d’une instruction préparatoire. Il existe des règles particulières pour les perquisitions effectuées au cabinet d’un avocat : •
•
•
le bâtonnier doit être présent (art 56-­‐1 du Code de procédure pénale) respect de l’exercice des droits de la défense (c’est-­‐à-­‐dire qu’elle ne doit pas avoir trait à une poursuite pénale) la captation de la confidence doit être susceptible de constituer la preuve d’une infraction (Crim 18 juin 2003 ; Crim 1er mars 2006). Le juge d’instruction peut s’opposer à la restitution de documents saisis dans le cabinet d’un avocat si leur maintien sous main de justice est nécessaire à la manifestation de la vérité et que cela ne porte pas atteinte aux droits de la défense (Crim 30 juin 1999). 11 c-­‐ L’interception des communications téléphoniques de l’avocat : Ces précautions s’imposent également pour ce qui est de l’interception des communications téléphoniques d’un avocat (art 100-­‐7 du Code de procédure pénale). Deux conditions sont exigées : •
•
sur prescription du juge d’instruction s’il existe des indices sérieux de nature à faire présumer sa participation à une infraction (Crim1er octobre 2003 ; Crim18 janvier 2006). Les écoutes téléphoniques sont une pratique contestée en France. Le 24 avril 1990, la Cour européenne des droits de l’homme rendait une décision capitale, l’arrêt Kruslin jugeant la législation française insuffisante au regard de l’article 8 de la Convention, ce qui contraignit le gouvernement français à faire voter la loi n°91-­‐646 du 10 juillet 1991 organisant le statut des écoutes dites judiciaires. Aujourd’hui encore le sujet des écoutes téléphoniques est problématique, notamment quand il permet d’obtenir la transcription d’entretiens entre l’avocat et son client. En effet, la mise sur écoute d’un cabinet d’avocat constitue une atteinte au secret professionnel et, malgré les garanties posées par le législateur, la confidentialité s’en trouve réellement affectée. De même, par une mise sur écoute d’une personne mise en examen, les autorités sont susceptibles de porter préjudice au droit de celle-­‐ci à garder secrets les entretiens téléphoniques avec son avocat. -­‐ La mise sur écoute de l’avocat La loi du 10 juillet 1991 organisant le statut des écoutes téléphoniques dites judiciaires fut codifiée aux articles 100 à 100-­‐7 du Code de procédure pénale. La loi autorise l’interception, l’enregistrement et la retranscription des correspondances émises par voie de télécommunication. Dans un arrêt du 15 janvier 1997, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler les strictes limites de ce que permet la loi : « l’écoute téléphonique d’un avocat ne peut être versée au dossier que s’il existe contre l’avocat des indices de participation à une infraction ». Une jurisprudence désormais classique de la Chambre criminelle rappelle que même si une écoute téléphonique est surprise à l’occasion d’une mesure d’instruction régulière, la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s’il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. (Crim., 21 mai 2003, Gaz. Pal. 24-­‐28 août 2001 ; JCP G 2001, I, 348, n°19, obs. MARTIN). Quant à la procédure même de la mise sur écoute de l’avocat, l’article 100-­‐7 du Code de procédure pénale prévoit une formalité préalable : aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en 12 soit informé par le juge d’instruction. Cependant, il n’est prévu aucune possibilité d’opposition de la part du bâtonnier comme cela est prévu en matière de perquisition du cabinet ou du domicile de l’avocat. De plus, même si la mise sur écoute n’est autorisée qu’en cas d’existence d’indices de participation à une infraction, il n’existe aucune voie de recours contre la décision de placement sur écoute, ce qui semble critiquable au vu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de son application de l’article 6 de la Convention européenne. Cette décision ne relève que du juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention n’a pas vocation à intervenir et le bâtonnier ne peut qu’émettre des observations sans aucune connaissance du dossier et sans faculté d’opposition. La nullité ne pourra être prononcée qu’a posteriori s’il est constaté qu’aucun indice préalable n’existait. Néanmoins, seule la production des procès-­‐verbaux sera interdite mais l’écoute de certaines confidences aura déjà été réalisée. Ainsi, même si le texte prévoit l’information préalable du bâtonnier, la procédure de mise sur écoute de l’avocat paraît dénuée de réelle garantie de protection du secret professionnel. Comme pour les perquisitions, saisies ou visites domiciliaires, il n’existe aucune garantie a priori de ce que le placement sur écoute n’est pas détourné de son objectif. Si la mise sur écoute de l’avocat peut paraître justifiée quand il existe à son encontre des indices d’une éventuelle participation à une infraction, la mise sur écoute d’une personne mise en examen est discutable au vu du secret professionnel qui doit gouverner les entretiens de cette personne avec son avocat. -­‐ La mise sur écoute d’une personne placée en examen Il s’agit de l’hypothèse du placement sur écoute du client. Le régime des écoutes dites « incidentes » diffère du régime des écoutes principales c’est-­‐à-­‐dire celles interceptées sur la ligne de l’avocat. En effet, à cette occasion, l’enregistrement de la conversation entre le client et l’avocat n’est pas possible tant qu’il n’y a aucun élément laissant présumer la participation de l’avocat à des faits constitutifs d’une infraction. Toutefois, l’écoute de la conversation est techniquement réalisable, des confidences peuvent être entendues et des éléments pourraient être exploités. La protection du secret professionnel de l’avocat est alors écartée au profit de l’enquête ou de l’instruction. De plus, le secret des confidences trouve des limites lors de la captation et l’enregistrement d’une conversation entre l’avocat et un proche de son client. La Cour de cassation affirme que « la règle de libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, qui interdit l’interception de correspondances ou communications téléphoniques échangées entre eux, ne fait pas obstacle à l’interception des communications d’un proche de cette personne avec l’avocat de celle-­‐ci ». La jurisprudence autorise, dans cette hypothèse, une réelle atteinte au secret professionnel 13 car, bien que l’avocat ne s’entretienne pas directement avec son client, il peut fournir des renseignements aux proches qui devraient restés confidentiels. Dans le cas de l’affaire « Azibert », l’ancien Président Nicolas Sarkozy est mis en examen pour corruption active, trafic d’influence actif et recel de violation du secret professionnel. Dans cette affaire, les conditions de mise sur écoute initiale de Nicolas Sarkozy n’ont pas été respectées puisqu’il n’existait alors aucun indice démontrant sa participation à une quelconque infraction. A l’époque, la ligne « Paul Bismuth » sur laquelle l’ancien président conversait discrètement avec son avocat n’existe pas encore. Les juges Tournaire et Grouman sont saisis d’une information judicaire contre X portant sur des soupçons de financement de la campagne présidentielle de 2007 par la colonel KADHAFI. « Aucune pièce de procédure n’établit l’existence du moindre indice, s’insurgent les avocats de Nicolas Sarkozy. La mesure subie a été totalement disproportionnée au but poursuivi, les faits remontant à 2007 et les écoutes étant ordonnées en septembre 2013 ». En absence d’indice dans le dossier libyen, le branchement initial de Nicolas SARKOZY était-­‐il pour autant abusif ? Non, répond le parquet de Paris, qui a récemment rappelé dans la cadre de l’affaire SARKOZY-­‐AZIBERT : « l’exigence préalable d’indices de la participation à une infraction n’est pas prévue par la loi. » Il suffit, pour mettre quelqu’un sur écoute, que la peine soit supérieure à deux ans, ce qui est le cas dans la procédure libyenne. Le juge est néanmoins tenu de soumettre les actes d’enquête aux critères de « nécessité » et de « proportionnalité ». Autrement dit, l’écoute doit être nécessaire à la manifestation de la vérité, et son utilisation proportionnelle au regard de l’atteinte aux libertés qu’elle implique. Dès lors, un juge d’instruction est parfaitement libre de placer sur écoute qui bon lui semble, sans le moindre contre pouvoir. «La nécessité relève de la seule appréciation du juge d’instruction » a rappelé la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 7 mai. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante : le juge d’instruction n’a pas à motiver sa décision de placement sur écoute. La Cour européenne des droits de l’homme a en revanche déjà eu l’occasion de rappeler que « la qualité de magistrat de celui qui ordonne et supervise les écoutes m’implique pas, ipso facto, leur régularité ». Une fois mis en examen, la personne écoutée aura tout loisir de contester sa mise sur écoute. Mais, n’étant pas formellement poursuivi dans la procédure libyenne, Nicolas Sarkozy n’en a jamais eu l’occasion. Saisie uniquement de l’affaire AZIBERT, la chambre de l’instruction a d’ailleurs refusé de se prononcer sur les écoutes initiales de la procédure libyenne, dite « procédure souche ». Elle a en revanche considéré que les éléments tirés de cette procédure pouvait parfaitement être utilisés dans l’affaire AZIBERT. En outre, dans le cadre de cette affaire Nicolas SARKOZY a été placé sur écoute et des conversations avec son avocat, « Me HERZOG » ont ensuite étaient retranscrites. Ce n’est qu’en février 2014, six mois après avoir été écouté par ricochet dans l’affaire libyenne, que Thierry HERZOG est formellement placé sur écoute dite principale par les juges 14 d’instruction Patricia SIMON et Claire Thépaut. L’ordre des avocats est alors prévenu comme le veut le procédure. Mais, avant cette date, Thierry HERZOG pouvait il être écouté librement ? Une zone grise sur laquelle la loi française est muette. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de condamner la Roumanie pour l’écoute incidente d’un avocat , « peu importe à cet égard que les écoutes litigieuses aient été opérées sur la ligne d’une personne tierce » conclut la Cour. En validant la totalité de la procédure, la chambre de l’instruction a évacué ce point: Thierry Herzog ne serait pas l’avocat de Nicolas SARKOZY dans l’affaire libyenne car ce dernier n’est pas mis en examen, et les droits de la défense ne sont donc pas ouverts. A cette date, note la Cour, « Me HERZOG n’était pas le conseil désigné de M. Nicolas SARKOZY, qui lui même n’était pas partie à la procédure ». Thierry HERZOG est pourtant l’avocat de toujours de Nicolas SARKOZY, le contenu de leurs écoute concernant essentiellement les suites de l’affaire BETTENCOURT, dans laquelle le second fut mis en examen avant de bénéficier d’un non-­‐lieu, le premier assurant formellement sa défense. C’est encore Thierry HERZOG qui a porté plainte au nom de Nicolas SARKOZY contre Mediapart, dans la dossier annexe de la procédure libyenne. « La qualité d’avocat désigné ne se présume pas, rétorque la cour d’appel. Le code de procédure pénale fait référence à un avocat choisi ou désigné, ou à défaut commis d’office. » A lire cet attendu les avocats ne sont plus protégés car la plupart d’entre eux pratiquent et aussi le conseil à leurs clients. Le bâtonnier s’est ainsi insurgé : « Tous les avocats au conseils seraient ainsi susceptibles de se retrouver sur écoute ». De son coté Eric DUPOND-­‐MORETTI demande dans une lettre aux députés l’interdiction d’écouter les avocats. Selon lui « à la suite des révélations concernant la surveillance téléphonique de notre confrère, des avocats ont lancé une pétition visant à dénoncer les atteintes au secret professionnel et réclamant un nouveau cadre légal. L’arrêt rendu le 7 mai par la cour d’appel de PARIS a tué le secret professionnel, pourtant consubstantiel à l’exercice des droits de la défense. Dans cette décision, les magistrats de la chambre de l’instruction ont estimés que les écoutes des conversations téléphoniques entre Me HERZOG et son client Nicolas SARKOZY, ne caractérisaient pas une atteinte au secret professionnel puisque M. Sarkozy n’est pas mis en examen dan l’affaire au cours de laquelle les dites écoutes ont été réalisées. Pourtant le secret professionnel n’est pas, à l’évidence, exclusivement réservé à la relation unissant un avocat et un client mis en examen. Ainsi,, selon la cour d’appel, il n’y a plus de secret dans les affaires civiles, sociales, commerciale, pas plus que lorsqu’un avocat converse avec son client partie civile ou témoin assisté ou ayant bénéficié d’un non lieu (…) la règle qui doit être consacrée est que l’avocat ne peut jamais être écouté, sauf s’il est établi, au regard d’éléments précis et circonstanciés, qu’il est préalablement suspecté d’avoir commis une infraction. Les conversations téléphoniques entre un client et un avocat ne peuvent faire l’objet d’une transcription que dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’exercice des droits de la défense. Dans la mouvance actuelle, le texte permet donc au juge qui veut s’affranchir du principe de porter un regard restrictif sur la définition même de l’exercice des droits de la défense. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en est la parfaite illustration ». 15 Un contrôle impossible ? Depuis que l’affaire a éclaté, plusieurs grands noms du barreau parisien réclament une nouvelle loi afin de mieux garantir le secret professionnel. L’ordre des avocats de Paris s’est démené, en vain, pour faire passer un amendement en ce sens dans la loi MACRON. Sauf que la Cour pénale internationale vient de revoir sa position en statuant sur une affaire dans laquelle un avocat avait été écouté incidemment sur la ligne de son client, elle mandaté un autre avocat afin qu’il sélectionne les extrait de conversation strictement utiles à l’enquête. Le nombre d’écoutes judiciaires a explosé ces dernières années. Ainsi Le bâtonnier de PARIS, Pierre-­‐Olivier SUR, cite souvent l’exemple américain où chaque fois qu’un numéro d’avocat apparaît sur une écoute, la ligne est instantanément coupée. Mais outre la complexité d’une telle mesure en France, cette solution est loin de faire l’unanimité, car elle risque d’offrir une fore d’impunité à d’éventuels délinquants astucieux. Reste la question difficile du contrôle des écoutes, certains estiment que le seul regard du juge d’instruction ne suffit pas pour une mesure aussi attentatoire à la vie privée. Ils militent pour que la juge des libertés et de la détention (JLD) soit sollicitée avant chaque mise sur écoute, comme c’est le cas en enquête préliminaire. Mais par principe le contrôle de régularité de la procédure se fait toujours a posteriori. C’est vrai pour les écoutes comme pour toutes les mesures attentatoires aux libertés. Sauf que la chambre de l’instruction doit se prononcer sur la proportionnalité de ces actes, mais opère un contrôle quasi nul sur ce point. Ces dernières années, elle aurait plusieurs fois eu l’occasion de mettre un bémol en annulant a posteriori certaines écoutes, et en dessinant plus précisément les contours de la proportionnalité, en exigeant pas exemple un certain degré de gravité d’infraction ou un objectif clair sur les écoutes afin de mieux garantir les libertés publiques. Le problème risque de se poser de la même manière dans l’affaire Sarkozy-­‐ Azibert devant la Cour de cassation. * * * 16