51 personnage de Sylvia. La porte de l`avion s`ouvre, le

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51 personnage de Sylvia. La porte de l`avion s`ouvre, le
Aurore Fossard : La blonde plantureuse sous l’objectif du paparazzi : évolution d’un sujet du grand et du petit écran
personnage de Sylvia. La porte de l’avion s’ouvre, le spectateur la découvre enfin. Avec « ses
longues jambes, des hanches larges et des seins avantageux, et surtout ce grand sourire
accueillant qui révèle des dents bien blanches, parfaitement alignées », elle est une « pinup »8. Telle une séquence documentaire, c’est la persona d’Ekberg que capte Fellini : la Miss
Suède 1950, la cover-girl de Hollywood or Bust (Frank Tashlin, 1956) ou encore
l’ensorceleuse de Guerre et Paix (King Vidor, 1956), dont la forte poitrine est déjà un signe
distinctif9. Mais déjà (et cela deviendra une caractéristique de la profession), les paparazzi
veulent découvrir le sujet, en voir davantage : « Les lunettes, les lunettes ! », Sylvia refuse de
les ôter, montrant par ce geste sa supériorité sur les paparazzi et l’inaccessibilité de son regard, symbole d’une intimité qu’elle ne découvrira pas 10. Les paparazzi se contorsionnent,
se piétinent les uns les autres afin de saisir l’image qui satisfera les journaux comme Il Tempo
Illustrato ou Paese Sera. La descente des marches se poursuit et le plan s’attarde longuement sur Sylvia, comme pour ajouter à l’image cinématographique un peu de cette « pensivité »
photographique que Roland Barthes évoque dans La Chambre claire11. Le son renforce cette
pensée en acte. Créant un fond sonore heurté mais continu, les crépitements des appareils
photos constituent une sorte de rythmique effrénée du regard. Les photographes, ici hommesmachines dont les déclics photographiques se superposent à l’image du sujet, sont autant de coups de projecteurs qui contribuent à la starisation de Sylvia dans la diégèse du film12.
Spectaculaire, cette arrivée l’est sans aucun doute ; moins par l’ouverture de la porte ellemême que par le dispositif de regards mis en place par Fellini. Les regards déterminés et
armés des paparazzi, parce qu’ils sont d’abord sans sujet, créent chez le spectateur un horizon d’attente. Les plans qui montrent les paparazzi qui s’affairent, puis s’excitent, puis tentent d’outrepasser les limites sont autant de documents informatifs sur cette nouvelle pratique de la photographie qu’un parti pris de montage provoquant un puissant effet d’annonce. En articulant sa mise en scène autour du regardant (les paparazzi) et du regardé (Ekberg), Fellini
fait des photographes les garants du regard du spectateur et surtout de leur désir de voir.
8
Richard Dyer, Le Star-Système hollywoodien, op. cit., p48.
Dans Guerre et Paix, Natasha (Audrey Hepburn) évoque avec humour, lors d’une conversation avec Pierre
(Henry Fonda), son handicap face à Hélène en faisant référence à sa poitrine.
10
Cette scène préfigure une scène réelle que filmera Raymond Depardon dans le documentaire Reporters en
1980, dans laquelle l’acteur américain Richard Gere refuse catégoriquement d’accéder à la demande du
photographe Francis Apesteguy qui le prie d’enlever ses lunettes pour la photo. 11
« Est-ce qu’au cinéma, j’ajoute à l’image ? Je ne crois pas. Je n’ai pas le temps : devant l’écran, je ne suis pas libre de fermer les yeux ;; sinon, les rouvrant, je ne retrouverai pas l’image ; je suis astreint à une voracité
continue ;; une foule d’autres qualités, mais pas de pensivité ;; d’où l’intérêt pour moi du photogramme. » Roland
Barthes, La Chambre claire, Paris, Gallimard/Seuil, (1980) 2000, p. 89.
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Dans d’autres scènes, le flash de l’appareil photo joue aussi, entre autres, ce rôle de rappel.
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