Psychologies Magazine Avril.2011
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Psychologies Magazine Avril.2011
la chronique de Christophe Koninckx Cofondateur et directeur de l’agence de communication Yuluka. Chaque mois, il nous partage son expérience des enjeux du développement durable et de la responsabilité sociétale au quotidien. Changer son regard sur le train-train … « Tu as de la chance », me dit Guy. « Toi, chaque matin, à l’heure précise, ton chauffeur et ta voiture s’arrêtent à tes pieds ; c’est la voie royale pour te rendre à Bruxelles ! » Guy possède trois voitures et, pourtant, il envie le plaisir que j’éprouve à prendre le train. C’était un soir de juillet 2002 : j’ai annoncé à mon épouse que je vendais ma voiture ; depuis lors, j’utilise quasi exclusivement les transports publics. Le symbole contemporain de la liberté était devenu le sommet de l’oppression pour moi. Certes, nous avons dû réorganiser notre mobilité familiale avec quatre enfants et un seul véhicule en milieu rural, mais la satisfaction prend toujours le dessus aujourd’hui. Ce qui fut un coup de tête a débouché sur une mosaïque de bénéfices. Matin et soir, je me suis débarrassé de la conduite sur le qui-vive, omni-stressante. Sans autre préoccupation, je débute ma journée en consultant mes emails et la termine en me plongeant dans la lecture d’un roman. J’ai soudain gagné dix heures de temps utile par semaine. Le train, c’est pour moi aussi l’occasion de rencontres avec des amis, des connaissances professionnelles, voire des voisins. C’est, encore, le temps de redonner une juste valeur au temps, de lâcher prise, de rêvasser, de respirer ! Car, que compare-t-on ? Le temps de trajet absolu ou le temps de trajet, embouteillages et recherche d’un parking compris ? Même en comptabilisant avril 2011 psychologies magazine les retards SNCB fréquents et les trois fois l’an où les perturbations me mettent réellement dans l’embarras, je garde le train gagnant. Voulezvous comparer les dépenses ? Il n’y a vraiment pas photo, si l’on intègre l’entretien et le prix à la pompe. Quant au nombre de victimes par accident, il se compare de 1 à 100 ce qui n’empêche pas que les accidents de train soient inacceptables et choquants. À 42 ans, la mutation ne fut pourtant pas naturelle. J’avais l’air de quoi à marcher le sac au dos jusqu’à la gare ? Le regard de l’autre est beaucoup plus flatteur sur un jeune cadre dynamique derrière le volant d’une berline rutilante ! Et puis, il y avait cette obligation de revoir mon organisation : en voiture, j’avais l’impression d’accomplir 50 tâches en un seul itinéraire ; en train, je vais d’une destination A à une destination B. Les croyances ont pourtant vite volé en éclats. Ma mobilité, je l’ai rapidement réglée à travers l’intermodalité. Je ne suis pas un adepte des bus ; par contre, le réseau de métros et de trams (à Bruxelles, du moins) est performant. Sur les trajets de moins de 5 km, les Villos élargissent les ailes de ma liberté et je redécouvre la ville à pied sur de plus petites distances. Et quand nécessaire, je saute dans J’ai retrouvé un un taxi ou loue véritable mieux- allègrement une être depuis que Cambio. Je ne vous le je ne suis plus cache pas, j’ai retrouvé asservi à la un véritable mieux-être voiture. et une meilleure santé depuis que je ne suis plus asservi à la voiture. Sans doute un sentiment de cohérence aussi. Chaque matin, sur les 10 minutes de trajet de mon domicile à la gare, je suis dépassé par une septantaine de voitures. Au total, elles véhiculent une centaine d’humains, tout au plus. J’ai mal à ma planète ! La conscience du péril climatique est en éveil depuis quelques années ; faudra-t-il encore dix ans pour que le citoyen intègre qu’il est intenable de mobiliser individuellement une tonne de plastique et d’acier sur des trajets réguliers ? Sous peine d’implosion environnementale.Je vous l’accorde : il faut d’abord changer son regard du tout au tout pour devenir acteur d’un monde durable. 123