Peut-on dire que toutes les cultures se valent ? Introduction Amener

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Peut-on dire que toutes les cultures se valent ? Introduction Amener
Peut-on dire que toutes les cultures se valent ?
Introduction
Amener le sujet (= pourquoi cette question ?)
Si tous les hommes et tous les peuples possèdent une culture, il est évident que toutes les
cultures ne se ressemblent pas ; elles sont multiples et non identiques. Pourtant, malgré leurs
différences, les cultures sont-elles également respectables et bonnes pour l’homme ? Sous cet
angle qualitatif, peut-on dire que toutes les cultures se valent ?
Analyser le sujet (= que signifie cette question, quel est son enjeu ?)
Le terme principal est la « culture ». Sa signification varie sensiblement selon qu’on l’emploie
au singulier ou au pluriel. « La » Culture représente l’édification humaine en général, ce qui
« élève » un individu et fait de lui un homme à part entière. « Une » culture (particulière)
représente plus précisément l’ensemble des mœurs, des conduites, des valeurs, des croyances
(mythiques ou religieuses), des caractéristiques sociales, économiques, techniques,
linguistiques, inventées par les hommes et propres à un groupe humain donné à un moment
donné. Ce dernier sens est manifestement celui qui prévaut dans notre sujet, lequel nous invite
à questionner non seulement « les » cultures mais « toutes » les cultures : peut-on dire qu’une
culture en vaut une autre, sans exception aucune ?
Annoncer le plan (= comment va t-on traiter le problème, en confrontant quels points de vue,
et dans quel ordre ?)
Pour comparer les cultures et pouvoir préciser éventuellement en quoi elles se valent, il faut
dans un premier temps dégager ce qu’elles possèdent en commun, soit l’ « essence » même de
la Culture. La culture doit alors nous apparaître comme un phénomène humain universel
rendant, de ce point de vue, toutes les cultures équivalentes. Mais dans un second temps, il
faudra bien en venir à ce que chacun peut observer, sur un plan accidentel et non plus
essentiel, à savoir les différences flagrantes entre les cultures : dès lors, comment résister à la
tentation de « juger » ou d’ « évaluer » les cultures étrangères en utilisant ses propres critères
culturels comme référence absolue ? Cependant, si l’ethnocentrisme s’avère inacceptable,
devons-nous céder pour autant au relativisme lâche du « tout se vaut » ? Nous devrons bien
chercher, dans un troisième temps, des critères universels de « civilisation » (s’ajoutant à ceux
de la « culture » proprement dite) ou plus simplement des « principes » permettant de
condamner certaines pratiques et certains actes, commis souvent « au nom » des particularités
culturelles, mais indignes de l’homme et de toute culture véritable.
Développement (plan détaillé)
I – Qu’est-ce que « la » Culture et quelles sont les caractéristiques communes à toutes les
cultures ?
- La culture est la marque de l’humanité. L’homme modifie le donné naturel en le niant, aussi
bien autour de lui (transformation de l’environnement par la technique et le travail) qu’en lui :
culture au sens d’artificialisation du comportement et des rapports interhumains (structures de
parenté, structures sociales, échanges économiques), des modes de pensée (croyances
religieuses, structuration de la « vision du monde » par la langue), etc.
- Parmi toutes les règles et les normes édictées par culture, on peut citer la prohibition de
l’inceste comme étant la plus universelle. Toutes les cultures rejettent cette pratique d’essence
animale pour lui substituer une codification des échanges (amoureux aussi
qu’économiques).permettant à la communauté de se développer.
- Le trait commun à toute les culture est la présence d’une tradition. Intégrer la mémoire d’un
peuple, pérenniser son identité, transmettre les symboles et les savoir-faire : telles sont les que
l’on peut assigner à la culture en tant que Tradition.
Du point de vue leur essence (« la » culture), toutes les cultures se valent. Mais les observant
dans leurs particularités ?
II – Pourquoi les cultures paraissent-elles si différentes et parfois même incompatibles ?
Peut-on se permettre de les juger ?
- Il est normal que les cultures se différencient puisqu’elles reflètent l’expérience vécue de
peuples séparés géographiquement, n’ayant pas les mêmes besoins et impératifs de survie.
Ainsi l’ethnologie révèle des différences notables dans les structures de parenté (monogamie,
polygamie…), dans les rites de politesse ou l’expression des sentiments amoureux, etc. Cette
diversité n’est pas un hasard : les cultures « cultivent » leurs différences. Lévi-Strauss a révélé
que plus la proximité géographique est grande, plus la différenciation culturelle augmente :
affirmation d’une identité collective qui passe par la rupture avec le modèle culturel voisin…
- Ces différences peuvent apparaître comme des « inégalités » si l’on prend comme système
de référence le caractère propre d’une culture pour « évaluer » les cultures étrangères. Du
point de vue de la culture technicienne propre au monde occidental, il est évident que certains
pays d’Orient ou du continent africain paraîtront sous-développés et donc culturellement
moins riches. Mais un tel jugement s’inverse si l’on prend pour référence le traitement de la
folie (chamanisme) ou de la vieillesse, la maîtrise du corps par la danse et la transe : dans ce
cas, « notre » culture intellectuelle et abstraite semblera en retard et infirme par rapport aux
cultures dites « archaïques » ou « primitives ».
- Dans tous les cas un tel jugement relève de l’ethnocentrisme, ce préjugé commun consistant
à ériger sa culture en norme ou référence absolue. Nous avons pourtant démontré (1ère partie)
que toute culture est une expression authentique de l’humain, précisément dans la rupture de
cet ordre humain avec l’ordre purement naturel et notamment animal. De quel droit, donc,
pourrions-nous juger la culture des autres ? Si la culture en général révèle l’humanité d’un
peuple, si chaque culture particulière révèle plus précisément son identité, on ne peut pas plus
juger l’identité d’un peuple que l’on ne peut juger l’être d’une personne. Il est temps de
distinguer formellement deux instances fort différentes : les représentations et les actes. Seuls
les actes ou les pratiques peuvent être soumis à des jugements de valeur. Or la culture relève
d’un système de représentations qui, au même titre que la pensée personnelle, réclame une
liberté et donc un respect sans condition. Il reste à expliquer pourquoi certains actes sont
commis au nom de certaines représentations de la culture, et pourquoi nous ne pouvons que
les condamner.
III – Peut-on fixer des critères universels de « civilisation » supérieurs aux critères propres à
chaque culture ?
- Tout d’abord, évitons un piège lié à ce terme de « civilisation ». Si on ne le distingue pas
formellement du terme de culture, on se rendra coupable du pire ethnocentrisme en laissant
entendre qu’il existe des cultures plus raffinées ou plus civilisées que d’autres : nous sous-
entendrions immanquablement une supériorité (technique, morale, philosophique) de la
culture/civilisation occidentale (voire européenne).
- Par « civilisation » il faut entendre un degré élevé de « civilité » au sens le plus général du
terme, soit un ensemble de normes, universelles autant que positives (= écrites, réelles)
susceptibles d’interdire certains actes et certaines pratiques que nous pourrions qualifier à
juste titre de « barbares ». En effet le cannibalisme, l’excision, les sacrifices sanglants, pour
ne citer que ces exemples, ne sont pas condamnables en tant qu’éléments d’une culture
donnée (au contraire cet aspect culturel les rend plutôt compréhensibles) ; ils le sont en tant
que pratiques sociales qui tentent de se justifier sous des alibis culturels, alors que leurs motifs
réels apparaissent bien plus triviaux (politiques la plupart du temps). Il ne faut donc pas
hésiter à invoquer des principes universels que la philosophie et la conscience de l’Histoire
ont permis d’élaborer (les Droits de l’homme… pour ne pas les citer) afin de condamner sans
ambiguïtés des actes criminels et barbares (d’ailleurs qualifiés comme tels par la loi).
Conclusion
Par définition il n’y a pas de culture « bonne » ou « mauvaise ». La culture d’un peuple est
toujours bonne pour lui ! Il n’existe pas de culture qui prenne le contre-pied des intérêts
moraux et même matériels d’un peuple. Même si la tradition peut sembler rétrograde et
freiner parfois le « progrès », il faut toujours répondre à ceci qu’un peuple privé de culture
n’existerait plus – conséquence bien plus grave !
Toutes les cultures se valent bien, mais on ne peut s’empêcher d’admirer davantage les
cultures – ou plutôt les aspects d’une culture – qui favorisent l’échange, le mélange,
l’ouverture aux autres cultures, en application du principe d’équivalence qui nous venons
d’énoncer. Il en va alors d’un degré de civilisation, qui régimente les actes et les pratiques
sociales, et plus seulement les représentations culturelles.