Entre jeux sexuels et abus sexuels

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Entre jeux sexuels et abus sexuels
Dossier
Adolescents et sexualité
Entre jeux sexuels et abus sexuels
Les enfants ont une sexualité qui évolue à mesure qu’ils grandissent. La méconnaissance
de la dynamique de la sexualité infantile conduit, dès que des manifestations
sexuelles s’expriment, à deux extrêmes : la suspicion d’une agression sexuelle dont le
traumatisme conduirait à ces manifestations ou l’expression primaire d’une pédophilie.
Les recommandations de la conférence de consensus sur les abus sexuels de 2003
apportent les éléments aux adultes travaillant auprès d’enfants et d’adolescents pour
discerner jeux sexuels et abus sexuels.
Hélène Romano
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Between sexual games and sexual abuse. Children’s sexuality evolves as they grow
up. The lack of knowledge of the dynamics of child sexuality leads, as soon as sexual
manifestations are expressed, to two extremes: the suspicion of sexual assault the trauma
of which would lead to these manifestations, or the primary expression of paedophilia.
The recommendations of the 2003 consensus conference on sexual abuse provide adults
working with children and teenagers with the tools to be able to distinguish between
sexual games and sexual abuse.
9
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L
a sexualité, étymologiquement secare, est ce
qui sépare l’espèce en deux catégories : les
femmes et les hommes. Elle engage l’être tout
entier. C’est à la fois une question individuelle, intrapsychique et intersubjective, qui relève du domaine
de l’intime, mais c’est aussi une question collective
qui reste un enjeu culturel et social (les débats
actuels sur le mariage et la parentalité homosexuelle
nous le rappellent), car toute société se doit de
réguler les rapports entre les sexes, les “agir” sexuels
entre individus.
Rapport de notre société
à la sexualité infantile
Notre société, qui n’est pas à cours de contradictions, entretient vis-à-vis de la sexualité infantile un
rapport paradoxal.
  Pendant des siècles, le contexte a été celui
d’une répression de toute manifestation de la
sexualité infantile, voire même de toute évocation :
“saleté” était par exemple le terme générique pour
désigner tout ce qui se rapportait au sexe ; “indécence”, “péché”, “nudité” étaient les termes utilisés
pour parler de pénis. La hantise principale étant celle
de la masturbation, comme le rappelle cette
consigne de Jean-Jacques Rousseau : « Veillez donc
avec soin sur le jeune homme, il pourra se garantir de
tout le reste ; mais c’est à vous de le garantir de lui. Ne
le laissez seul ni jour ni nuit […] qu’il ne se mette au
lit qu’accablé de sommeil et qu’il en sorte à l’instant
qu’il s’éveille […] s’il connaît une fois ce dangereux
supplément, il est perdu. Dès lors il aura toujours le
corps et le cœur énervés ; il portera jusqu’au tombeau
les tristes effets de cette habitude, la plus funeste à
laquelle un jeune homme puisse être assujetti. » [1].
  Progressivement, différents intellectuels ont
bataillé contre cette vision obscurantiste du fait
sexuel, et plus encore de la sexualité infantile. Henry
Havelock Ellis en 1898 [2], puis Sigmund Freud en
1905 [3] énoncent un discours moderne, en abordant les nombreux éclairages de la sexualité : normalité, sexualité infantile, mythes sexuels,
déculpabilisation du sexuel, rôle de la mère, pudeur,
culpabilité, etc. La société évolue, les mœurs suivent
jusqu’à nos jours où notre société se targue d’être
celle de l’information.
  Certains sociologues qualifient nos sociétés de
“pornographes”. La sexualité s’exhibe sans limite,
sans secret, sans interdit, avec cette impression que
son exhibition est à la hauteur du malaise grandissant d’adultes prétendument libérés et soumis à des
pressions de performance, de qualité et de
constance. Le discours sur la sexualité est devenu
technico-scientifique : tout comprendre, tout expliquer, tout rationaliser et surtout tout contrôler, alors
que la sexualité a besoin de mystère. Et le rapport à
l’autre s’expose sans limite quand il devrait rester
pour chacun une part d’intime.
  Dans la volonté de s’exposer sans limite, dans
ce que Serge Tisseron [4] appelle le « désir
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Mots clés
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Sexualité infantile
Sexualité polymorphe
Stade œdipien
Keywords
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•
Child sexuality
Oedipal stage
Polymorphous sexuality
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http://dx.doi.org/10.1016/j.revssu.2013.02.004
Dossier
Adolescents et sexualité
d’extimité », certains se perdent dans un rapport à
l’autre sans limite, sans respect du corps, sans
pudeur, sans respect générationnel. L’exemple de
l’hypersexualisation des petites filles en est une
illustration.
  Alors même que l’on pourrait s’attendre à une
meilleure compréhension de la sexualité infantile,
force est de constater aujourd’hui, un contexte où
le jeune enfant continue d’être perçu comme un être
a-sexuel, être pur et sans désir, bébé rousseauiste
immaculé. Mais nouveauté, l’adolescent apparaît
comme un être débordé par ces pulsions, prêt à tous
les passages à l’acte possible, abuseur potentiel. Et il
y a cette confusion constante, cette méconnaissance
persistante qui fait qu’en “désenfantant” la sexualité
infantile, notre société diabolisent toutes les manifestations sexuelles et dénie la réalité des abus.
De quelques repères
sur la sexualité infantile
10
Dans ce contexte, il nous semble important de
rappeler quelques repères essentiels : la vie sexualité
infantile est faite de représentations mentales, d’affect, mais également de mise en pratique avec une
évolution des intérêts sexuels selon le niveau de
développement et l’âge de l’enfant.
Généralités
Références
[1] Rousseau JJ (1762). Émile
ou De l’éducation (livre IV).
In: Œuvres complètes. Paris:
Gallimard; 1959.
[2] Havelock Ellis H. L’éducation
sexuelle. In: Études de psychologie
sexuelle (tome IV). Paris: Le
Mercure de France; 1964.
[3] Freud S (1905). Trois essais
sur la théorie de la sexualité. Paris:
Gallimard; 1988.
[4] Tisseron S. Le désir
« d’extimité » mis à nu. Le Divan
familial 2003;11(2):53-62.
[5] Freud S (1908). Les théories
sexuelles infantiles. In: La vie
sexuelle. Paris: PUF; 1969.
[6] Winnicott DW (1957).
L’enfant et la sexualité. In:
L’enfant et le monde extérieur :
le développement des relations.
Paris: Payot; 1972.
[7] Balier C. Viols et incestes.
Auteurs et victimes. Monographie
de la Revue Française de
Psychanalyse : Les troubles de la
sexualité. Paris: PUF; 1993.
  La sexualité infantile n’est pas la génitalité
adulte, autrement dit, l’agir sexuel adulte n’a rien à
voir avec la sexualité infantile. L’enfant a une sexualité propre, liée à sa singularité d’enfant et évoluant
selon son âge.
  La sexualité infantile est riche, polymorphe et
bien différente de celle des adultes. Sigmund Freud
[5] parlait de « sexualité infantile perverse polymorphe » – expression trop souvent transformée en
l’enfant est un “pervers polymorphe”, ce qui n’a
strictement pas le même sens. Cela signifie que le
corps tout entier s’y prête, ce qui signifie qu’elle
s’étaye sur différentes zones corporelles qui permettent la découverte de pulsion sexuelle non génitale,
du plaisir du corps ; importance essentielle dans la
construction du psychisme de l’infant. Les excitations corporelles sont multiples, diversifiées et non
unifiées.
  La sexualité infantile est autoérotique : le corps
propre est l’objet de la satisfaction sexuelle. Ce qui
permet de repérer des activités sexuelles réactionnelles à des abus dès lors que l’enfant n’est plus dans
cette quête autoérotique. Pour exemple la masturbation : centrée sur le corps, elle a le plus souvent
une fonction de réassurance et peut s’exprimer à des
moments d’anxiété ; dès lors que l’enfant tente de
masturber d’autres enfants, des animaux ou qu’il
tente de solliciter un adulte pour le masturber, la
dimension n’est plus du tout celle d’une activité
autoérotique, mais bien davantage celle d’une violence agie pour s’approprier une violence subie.
  Si l’enfant ne doit pas être concerné par la
génitalité adulte et ne doit jamais être un objet
sexuel, cela ne signifie pas qu’il est un être asexué. Et
toute la difficulté se situe à ce niveau-là : accepter
de comprendre que certaines manifestations
sexuelles spontanées de l’enfant sont liées à son
développement, quand d’autres sont évocatrices
d’abus sexuels. Encore faudrait-il former les professionnels à cette question : des enseignants, aux
éducateurs, en passant par les soignants et les
magistrats.
La sexualité infantile s’organise progressivement et
nous rappellerons très brièvement les principaux
stades de cette évolution [5, 6].
Évolution de la sexualité infantile
Stade oral
La première année de vie, l’enfant trouve son plaisir
en assouvissant son besoin de s’alimenter. Le besoin
et le désir sont donc assimilés. Tout passe par la
bouche ou par les lèvres. Au fur et à mesure la distinction entre besoin et désir s'élabore et l’enfant est
apte à éprouver du plaisir sans le lier à un besoin
d’alimentation : quand il suce son pouce, par
exemple. Le fait de porter tous les objets qu’il
découvre et qu’il appréhende à cet âge rentre dans
l’objectif de s’approprier les objets.
Stade anal
Du début de la 2e année à la fin de la 3e année, le
plaisir infantile se lie à un autre besoin : celui de la
défécation.
Ainsi pour l’enfant le plaisir de relâcher son
sphincter est lié à d’agréables sensations, mais
surtout, il découvre le contrôle sur lui et sur son
environnement.
Stade phallique
Le stade phallique se caractérise par une unification
des pulsions partielles sous le primat des organes
génitaux.
L’intérêt de l’enfant est à ce stade particulièrement
important pour l’anatomie, les différences physiologiques entre sexes, les différentes postures pour
uriner.
L’enfant use de ses connaissances personnelles et
élabore des théories qui sont autant de compromis
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entre ses fantasmes inconscients et des éléments de
réalité. Ses productions lui permettent de mettre en
scène des questions restées sans réponse.
Dans ce cheminement, il rencontre des adultes aux
réponses incertaines et éprouve alors le sentiment
qu’il ne faut pas transgresser un interdit et qu’il faut
dissimuler aux parents ce qu’on apprend d’une autre
source, sous peine d’un grand danger.
L’information qu’il attend ou qui lui est apportée
n’est pas nécessairement assimilée, cela dépend du
degré de ses convictions, de la nécessité qu’il peut y
avoir à s’y maintenir et de sa crainte de ne pouvoir
supporter une explication. Suivant les niveaux évolutifs et l’organisation personnelle de l’enfant et
selon ses relations avec ses parents, la réalité peut
être transposée, niée, mythifiée.
Le jeune enfant continue d'être perçu comme un être a-sexuel, pur et sans
désir.
Période œdipienne
La période œdipienne (de 3-5 ans jusque la période
de latence) concerne la relation triangulaire enfant,
père, mère et joue un rôle fondateur dans la structuration de la personnalité.
  Dans sa forme dite positive, c’est le désir sexuel
éprouvé par l’enfant pour le parent de sexe opposé,
associé au désir de la mort du rival que représente
le parent du même sexe.
  Dans sa forme dite négative, il se présente
comme amour pour le parent de même sexe et
haine pour le parent de sexe opposé.
  Dans le complexe d’Œdipe ces deux formes se
retrouvent à des degrés divers. Sa survenue se situe
entre 3 et 5 ans, au cours de la phase phallique. Son
déclin annonce l’entrée dans la période de latence
marquée par le renoncement progressif à posséder
l’objet libidinal sous la pression de l’angoisse de
castration chez le garçon et de la peur de perdre la
mère chez la fille. Les déplacements identificatoires,
les facultés de sublimation entrent progressivement
en jeu et permettent à l’énergie libidinale de trouver
d’autres objets de satisfaction, en particulier dans la
socialisation et l’investissement des activités
intellectuelles.
La période de latence
  La période de latence trouve son origine dans
le déclin du complexe d’Œdipe (5-6 ans) et va
jusqu’au début de la puberté. S’en suit une période
dite de latence (6-12 ans) où l’enfant parvient davantage à gérer ses conflits et semble porter moins d’intérêt aux questions relatives à la sexualité. Cela signifie
qu’il ne s’en désintéresse pas totalement comme en
témoignent le vocabulaire et l’attitude de certains
préadolescents (concours de lexique de langage
Dossier
©Godong/BSIP
Adolescents et sexualité
obscène, provocations sur un mode hétérosexuel,
etc.).
  Cette période se caractérise par des relations
“unisexes”. Les enfants jouent quasi exclusivement
avec des enfants de même sexe et affichent un désintérêt pour les activités de l’autre sexe. La désexualisation des relations d’objet et des sentiments permet
une transformation des investissements d’objets en
identifications aux parents et un développement
des processus de sublimation : l’enfant investit des
domaines autres que sexuels (école, camarades,
activités intellectuelles, sportives etc.).
L’adolescence
  L’adolescence se manifeste par une explosion
libidinale, et en particulier par une éruption pulsionnelle génitale, ayant pour conséquences de
profondes modifications physiologiques, dont les
répercussions psychologiques donnent à cette
période de la vie son aspect de “crise” marqué par
une dynamique de la séparation-individuation.
  Les fondements de la sexualité adolescente,
puis adulte, s’inscrivent ainsi dans l’enfance ; l’instinct sexuel s’y organise d’une manière très
complexe, à partir de tous ses éléments et il existe
comme une chose qui enrichit et complique toute
la vie de l’enfant en bonne santé. Un grand nombre
des peurs de l’enfance est associé à des idées
sexuelles, à des excitations sexuelles et aux conflits
qui en résultent, conscients ou inconscients.
Une construction progressive
Ce rappel permet de comprendre que la sexualité infantile est faite de représentations mentales,
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Références
[8] Haesevoets YH. L’enfant en
questions. Bruxelles: De Boeck;
2000.
[9] Hayez JY, Vandermeersch D.
La parole de l’enfant face à
celle de l’adulte: l’audition et la
confrontation des mineurs d’âge
victimes d’abus sexuels. Revue
de droit pénal et de criminologie
1994;1(94):52-80.
[10] Hayez JY. Les abus sexuels sur
des mineurs d’âge : inceste et abus
sexuel extrafamilial. Psychiatrie de
l’enfant 1992;35(1):197-271.
[11] Mazet P. Les abus sexuels
à l’égard des enfants : le devoir
d’entendre, la nécessité de
comprendre, le courage de
parler. La Revue de Pédiatrie
1987;23(7):273-5.
[12] Romano H. Guide de prise en
charge des élèves victimes d’abus
sexuels. Paris: Hachette; 2004.
[13] Romano H. La maltraitance
et ses conséquences chez l’enfant.
Descriptions cliniques, évaluation
et prise en charge. Paris: Fabert;
2009.
[14] 5e conférence de consensus
de la Fédération française de
psychiatrie sur les abus sexuels,
2003, http://psydoc-fr.broca.
inserm.fr/conf&rm/conf/
confagrsex/RapportsExperts/
default.html
[15] Daligand L. Psychologie de
l’enfant victime. Paris: l’Archipel;
2004.
[16] Tardieu A. Étude médicolégale sur les sévices et les mauvais
traitements exercés sur les enfants.
Ann Hyg Med Leg. 1860;13:361-98.
[17] Créoff M. Guide de la
protection de l’enfance maltraitée.
Paris: Dunod; 2006.
[18] Foucault M. Histoire de la
sexualité. La volonté de savoir
(tome 1). Paris: Gallimard; 1976.
11
Dossier
Note
1
L’affaire d’Outreau est une
affaire pénale d’abus sexuel sur
mineur (début d’instruction :
2001 ; verdict du procès en
appel : 1er décembre 2005).
Des dysfonctionnements de
l’institution judiciaire et de
certains acteurs sociaux ont
profondément marqué l’opinion
publique. Une polémique s’est
créée sur l’écoute de la parole
de l’enfant victime. S’en est
suivi un rapport d’enquête
coordonné par Ph Houillon, avec
de multiples recommandations,
www.assemblee-nationale.
fr/12/dossiers/outreau_affaire_
dysfonctionnements_justice.asp
12
Adolescents et sexualité
d’affects, mais également de mises en pratique avec
une évolution des intérêts sexuels, selon le niveau
de développement et l’âge de l’enfant. La sexualité
infantile se construit donc progressivement et représente une énergie vitale pour l’enfant comme pour
les interactions qu’il va élaborer avec son entourage.
Une vie sexuelle harmonieuse résulte ainsi de différentes dynamiques psychiques : la curiosité ; le désir
d’identification aux grands et en particulier aux
adultes ; le désir de savoir ce que c’est cette fameuse
sexualité dont parlent tant les grands ; le désir de
connaître la nature, le fonctionnement du corps,
jusqu’à ses domaines les plus intimes ; les expériences faites sur soi ; les comparaisons effectuées
sur l’autre, identique ou complémentaire ; l’appropriation progressive du concept (en partant des gros
mots, des blagues obscènes, d’abord pas tout à fait
bien comprises jusqu’aux exercices pratiques) ; la
notion de transgression par rapport aux règles fixées
par son environnement ; la volonté de s’affirmer par
rapport aux autres.
Quelles différenciations possibles
entre jeux sexuels
et abus sexuels ?
Déclaration d’intérêts L'auteur déclare ne pas avoir
de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
L'auteur Hélène Romano
Chercheur associée au
laboratoire Inserm U669
(Pr MR Moro), docteur en
psychopathologie clinique,
psychothérapeute, cellule
d’urgence médicopsychologique du Samu 94,
consultation spécialisée de
psycho-traumatisme, CHU
Henri Mondor – Samu 94,
51 avenue du Maréchal-deLattre-de-Tassigny,
94000 Créteil cedex, France
[email protected]
La méconnaissance de la dynamique de la sexualité
infantile conduit, dès que des manifestations
sexuelles s’expriment, à deux extrêmes : l’enfant est
victime d’agression ou l’enfant n’est qu’un pédophile
en culotte courte.
Ces phases rappelées, il devient plus accessible de
repérer ce qui peut être compris comme un jeu sexuel
ou comme l’expression d’un abus subi par l’enfant
[7-12]. Les agir sexuels de l’enfant ne sont pas tous
issus de l’irruption d’un traumatisme d’abus, mais
peuvent aussi être liés au vécu fantasmatique d’un
enfant en pleine élaboration de sa sexualité infantile.
Les professionnels hésitent ainsi entre le doute éclairé,
la conviction profonde et les certitudes établies, dans
un contexte post-Outreau1 où la parole de l’enfant
est soumise d’emblée à suspicion.
Il s’agit avant tout pour les adultes travaillant auprès
d’enfants et d’adolescents de connaître les différents
déterminants de la sexualité infantile pour être en
mesure de comprendre les activités sexuelles entre
mineurs, sans confusion et sans connotation de gravité ou de banalisation, voire de déni d’une réalité
d’abus. Peuvent être retenus [13-15] :
• un décalage important entre les manifestations
de la sexualité habituelles à son âge et ce que l’enfant
dit ou met en scène ;
• les notions d’intimidation, de menaces lorsque
l’enfant parle du mis en cause ;
• une différence d’âge entre mineur et mis en cause
de plus de cinq ans ;
• l’expressivité de troubles spécifiques (traces
médico-légales) ;
• l’existence de troubles évocateurs (rituels de
lavage, troubles de la propreté, troubles post-traumatiques), dont les manifestations peuvent être immédiates, mais aussi différées ;
• l’emprise et le contexte de séduction. Certains
enfants subissent des actes qui seraient qualifiés
d’agressions par des magistrats, mais sont en incapacité de les élaborer comme tels au moment où ils se
passent. Ils peuvent par exemple être perçus comme
des jeux, si l’auteur agit dans un contexte de séduction (traitement privilégié, cadeaux, etc.). L’emprise
peut placer l’enfant dans une confusion mettant à
mal ses capacités discriminatoires relatives à ce qui
est permis et ce qui est interdit.
Conclusion
La multiplication des discours au sujet de la sexualité
[16-18] ne signifie pas que notre société actuelle
connaît et comprend mieux tous les enjeux de la
sexualité infantile. L’information, l’éducation et la
prévention restent indispensables pour les enfants,
comme pour leurs parents et les professionnels.
L’enjeu est considérable pour permettre à l’enfant
d’être respecté dans sa singularité, mais surtout
d’être protégé face aux incompréhensions, aux
doutes, voire au déni des adultes.
•
La revue de santé scolaire & universitaire ● Mars-Avril 2013 ● n° 20

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