CHI102 CM8
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Chapitre 3 : Cohésion d’un échantillon de matière et liaisons intermoléculaires A. Distributions de charges dans les atomes et molécules • Moments dipolaires permanents • Moments dipolaires instantanés B. Définition de différents types de liaisons intermoléculaires • Forces de van der Waals : liaisons non spécifiques et non saturables • Pont Hydrogène : liaison spécifique et saturable C. Mise en évidence : manifestations expérimentales • Températures de changements d’états (fusion, ébullition) • Miscibilités de deux corps ou mise en solution d’un corps dans un solvant • Réactivité chimique (influence du milieu réactionnel sur la 1 vitesse d’une réaction, sur la position d’un équilibre) Distributions de charges et dipôles électriques Un « dipôle électrique » est constitué de deux charges ponctuelles q et q’ = -q situées à une distance d en deux points M et M’ ; la séparation des charges est décrite par un vecteur m appelé « moment dipolaire électrique » m = q.d.u, où d indique la distance, q indique la charge et u est un vecteur unitaire de la direction M’M Pour l’orientation du vecteur m , deux conventions existent : • orientation du pole négatif vers le pole positif (M’ vers M : plutôt la convention des physiciens) • orientation du pole positif vers le pole négatif (M vers M’ : plutôt la convention des chimistes) Il est donc recommandé de toujours préciser les signes des charges aux extrémités du dipôle m en M' , -q d q , en M 2 Liaisons polaires et moments dipolaires de liaison Entre deux atomes liés d’électronégativités différentes, le nuage électronique de liaison est réparti de façon non symétrique : il est attiré plus fortement vers l’atome le plus électronégatif, créant une séparation de charges Une telle liaison est dite liaison polaire et peut être assimilée à un dipôle électrique (une charge partielle positive du côté de l’atome le moins électronégatif et une charge partielle négative du côté de l’atome le plus électronégatif) ; elle est ainsi caractérisée par son moment dipolaire, de norme m = q.d • q et -q sont les charges partielles, localisées aux noyaux, traduisant la dissymétrie du nuage électronique de liaison • d est la distance internucléaire d’équilibre • la direction du vecteur est l’axe nucléaire Unité usuelle : le Debye, 1 D = 1/3.10-29 C.m ; le moment dipolaire d’un dipôle constitué de deux charges -e et +e distantes de 10-10 m a pour 3 valeur 4,8 D. Electronégativité et polarité des liaisons • • • • • Electronégativité d’une OA : lorsqu’une OA de valence d’un atome A est plus stable qu’une OA de valence d’un atome B, elle est dite plus électronégative Electronégativité d’un atome considéré globalement : de façon qualitative, elle caractérise l’aptitude à stabiliser les électrons ; il existe plusieurs échelles pour la quantifier : cette année, les valeurs utilisées sont celles de l’échelle de Pauling Remarque : l’électronégativité d’un atome dépend de son environnement dans un édifice Identification de liaisons polaires : il s’agit de comparer les électronégativités des atomes liés => double conclusion : • le caractère polaire d’une liaison • le sens de la dissymétrie de la répartition du nuage électronique Exemples de liaisons polaires : H-O ; H-N 4 Pourcentage d’ionicité d’une liaison Le « pourcentage de caractère ionique » (ou pourcentage d’ionicité) d’une liaison polaire est le rapport de la charge q portée par les pôles du dipôle à la charge élémentaire e : c’est une description de la liaison polaire par comparaison à une référence qui est la limite ionique m m expérimental %ionicité = m ionique m expérimental x 100 F e.d -e d H données expérimentales = +e liaison 100% ionique: F -H+ Espèce HF HCl HBr HI d / pm 92 127 141 161 m/D 1,83 1,08 0,82 0,44 E / kJ.mol-1 565 431 366 299 5 Liaisons polaires et édifices polaires • Un vecteur « moment dipolaire » est attribué à une liaison polaire pour caractériser la direction de l’axe de la liaison (direction du vecteur), le sens de la dissymétrie (sens du vecteur) et l’ampleur de la dissymétrie (norme du vecteur) • Le « moment dipolaire » global d’un édifice moléculaire est identifié à la somme vectorielle des moments dipolaires de liaison des liaisons polaires : l’édifice est dit globalement polaire si cette somme est différente du vecteur nul • Ce « moment dipolaire » est dit « moment dipolaire permanent » (par opposition aux moments dipolaires dits « induits », qui existent dans chaque particule, même un atome tel que H, du fait des mouvements incessants et des interactions avec particules voisines non liées) • Exemples de molécules possédant un moment dipolaire permanent et qui sont globalement polaires : HCl, H2O • Certaines molécules possèdent des liaisons polaires mais, par suite de leur symétrie, ne possèdent pas de moment dipolaire permanent résultant : elles sont globalement non polaires ; exemples : CO2, CCl4 6 Distribution de charges dans les atomes et les édifices moléculaires Moment dipolaire instantané : commun à tout édifice chimique Tout édifice chimique (atome ou molécule, même une molécule symétrique), à cause des fluctuations des positions des électrons, possède un moment dipolaire « instantané » Même les édifices neutres et symétriques dont le moment dipolaire est nul en moyenne dans le temps, possèdent un moment dipolaire instantané 7 Polarisabilité et moment dipolaire induit Un édifice même totalement symétrique peut acquérir un moment dipolaire sous l’influence d’un champ électrique E : on dit qu’il est polarisé, c’est-à-dire que la distribution des électrons est perturbée et devient non symétrique. Une molécule polaire provoque, dans une molécule voisine, un déplacement de densité électronique qui se traduit par l’apparition d’un moment dipolaire, dit « moment dipolaire induit » : a.E, où a caractérise l’aptitude du nuage électronique à se déformer et est appelé la « polarisabilité » de l’édifice. Du fait de la présence d’électron(s), tout édifice chimique (atome ou molécule) est polarisable. 8 Interaction entre dipôles permanents Forces d’orientation ou « de Keesom » Entre deux édifices possédant des moments dipolaires permanents p1 et p2, la force d’attraction dépend des modules et de l’orientation relative de ces dipôles , de la distance qui les sépare et de la température. • Si l’orientation était complètement due au hasard, l’interaction moyenne serait nulle. • Le facteur de Boltzmann favorise les interactions attractives (qui minimisent l’énergie). • La formule suivante, formule de Keesom, donne l’énergie d’interaction dipôle-dipôle tenant compte de l’effet d’agitation brownienne. • L’interaction est toujours attractive et varie en 1/r6. • Remarque : la plupart des solvants usuels possèdent un moment dipolaire permanent (sauf les hydrocarbures, comme le n-hexane ou le benzène, ou des composés symétriques, comme CS2 ou CCl4) 9 Interaction dipôle permanent - dipôle induit Forces induites ou « de Debye » Entre un édifice polaire possédant un moment dipolaire permanent p2 et un édifice polarisable (pouvant lui-même être polaire) de polarisabilité a1. • La formule suivante, formule de Debye, donne l’énergie d’interaction dipôle-dipôle induit moyennée sur toutes les orientations du dipôle p2 . • L’interaction est toujours attractive (le moment dipolaire permanent et le moment dipolaire induit sont de même orientation) et varie en 1/r6. Wd-di = - a1.p22 (40)2.r6 10 Interaction dipôle instantané – dipôle induit Forces de dispersion ou « de London » Le moment dipolaire instantané d’un édifice peut polariser les édifices voisins. L’énergie d’interaction entre dipôle instantané et dipôle induit, nommée « énergie de dispersion », est donnée par la formule de London (a1 et a2 désignent les polarisabilités et I1 et I2 désignent les énergies d’ionisation des deux édifices en interaction). • L’interaction est toujours attractive et varie en 1/r6. • L’interaction est d’autant plus grande que les molécules sont plus polarisables. • Cette interaction est universelle : elle est présente dans toutes les collections d’édifices chimiques, quelle que soit leur nature 11 Energie globale d’interaction entre deux édifices Interactions de van der Waals On regroupe les interactions décrites par les formules de Keesom, Debye et London sous le nom de forces de van der Waals ; Johannes Diderik van der Waals (1837-1923, Hollande), lauréat du prix Nobel de physique en 1910, a mis en évidence le rôle de ces interactions dans le comportement des gaz réels, lorsqu’ils s’éloignent du modèle du gaz parfait • Ce sont des forces non spécifiques et non saturables (comme les forces d’attraction coulombienne entre deux ions de signes opposés) • Les trois types d’interactions se manifestent à des distances relativement grandes et sont attractives : elles se mettent sous la forme -C/r6 (r est la distance entre les centres de deux édifices en interaction). • L’interaction de dispersion (London) est présente pour tous les édifices, même non polaires . Mises à part les molécules petites et fortement polaires, ce terme est dominant et augmente avec le nombre d’électrons. Remarque : les expressions des énergies ne sont pas exigibles dans les épreuves d’évaluation. 12 Contributions relatives (unités non SI) des trois termes Wd-d, Wd-di et Wdisp pour quelques édifices (25°C) : Edifice m/D a / A3 I / eV Wd-d Wd-di Wdisp Ar 0 1,63 15,8 0 0 50 N2 0 1,76 15,6 0 0 58 C6H6 0 9,89 9,2 0 0 1086 HCl 1,08 2,63 12,7 22 6 106 H2O 1,85 1,59 12,6 190 11 38 HCN 2,98 2,59 13,8 1277 46 111 m : moment dipolaire permanent ; a : polarisabilité ; I : énergie d’ionisation (intervient dans l’interaction de dispersion) Contributions mesurées pour la butan-2-one : Wd-d = 8% ; Wd-di = 14% ; Wdisp = 78% 13 Potentiel de Lennard-Jones Il existe une autre interaction omniprésente, entre nuages électroniques, de type répulsif, qui se manifeste à courte distance : • énergie d’interaction positive et en K/(rn), n grand par rapport à 6 (valeurs communes : 8 à 18) • responsable du caractère relativement incompressible des liquides et des solides Finalement, on peut modéliser l’interaction entre deux édifices comme la résultante de la superposition de deux types d’effets, l’un attractif à longue distance (vdW) et l’autre répulsif à courte distance : une expression de l’énergie d’interaction usuelle est le potentiel de « Lennard-Jones » (6-12) : existence d’un minimum pour une distance intermoléculaire s bien adapté aux édifices sphériques non polaires 14 Potentiel de Lennard-Jones (6-12) Edifice Ar Xe CH4 s/A 3,50 4,10 3,78 15 Rayons de van der Waals Le « rayon de van der Waals » d’un élément est la moitié de la plus courte distance à laquelle peuvent s’approcher les noyaux de deux atomes de cet élément appartenant à des molécules différentes. Exemple, pour l’argon : req = 4 A => rvdW = req/2 = 2 A : rvdW décrit l’encombrement réel d’un atome d’argon. Il représente le volume du nuage électronique. On calcule ainsi à partir de distances intermoléculaires mesurées dans des cristaux moléculaires : Elément H He N O F Ne P S Cl rvdW / A 1,2 0,9 1,5 1,4 1,35 1,3 1,9 1,85 1,8 16 La liaison hydrogène ou « par pont hydrogène » Plusieurs conditions d’existence : une liaison polaire A-H (A assez électronégatif ; Hd+) et un atome B porteur d’une paire non liante : un site donneur d’hydrogène et un site donneur de doublet Efficacité maximale s’il y a possibilité d’arrangement A-H---B linéaire ou proche de la linéarité (sauf dans les cas de liaisons intramoléculaires). Remarque : une liaison C-H n’est pas assez polaire pour donner lieu à des liaisons hydrogène (CH3 ne peut être « donneur de H »). Représentation sur un schéma : • une liaison covalente est représentée par un tiret, • une liaison hydrogène est représentée par un trait plus long en pointillés. 17 Force des liaisons intermoléculaires • Une liaison hydrogène est en général moins forte qu’une liaison covalente et plus forte qu’une interaction de type vdW • Cela se manifeste sur l’énergie de liaison et la longueur de liaison • Donneurs de doublet les plus importants : atomes O dans alcools, éthers, composés carbonylés ; atomes N dans amines tertiaires, hétérocycles azotés • Donneurs d’hydrogène les plus fréquents : groupements hydroxy (OH), amino (NH2), carboxyle (CO2H), amide (CO-NH-). (longueurs moyennes de liaison covalente OH : 0,96 ; NH : 1,01 A) Interaction H2O-H2O NH3-NH3 H2O-NH3 HF-HF Energie / kJ.mol-1 20 à 30 25 30 30 Interaction OH O OH N NH O FH F Longueur / A 2,7-2,8 2,8-2,9 2,8-2,9 2,6-2,7 18 Formation d’agrégats Les interactions par liaisons hydrogène peuvent conduire à la formation d’agrégats, on interprète ainsi l’association des acides carboxyliques en « dimères ». Liaisons hydrogène intramoléculaires Des interactions par liaisons hydrogène peuvent exister entre deux fragments d’un même édifice moléculaire : on les dit alors « intramoléculaires ». Exemples entre le OH du groupe CO2H et le O lié au noyau benzénique dans l’acide acétylsalicylique (aspirine) 19 Manifestations expérimentales des interactions de van der Waals et des liaisons hydrogène 20 Cohésion d’une collection de particules Interprétation de la cohésion de collections d’atomes ou de molécules par l’existence d’interactions de vdW : • Cohésion de l’hélium liquide : la force des interactions de van der Waals entre atomes He est assez grande pour que le corps simple liquide puisse exister • Cohésion de l’iode cristallisé (cristal moléculaire) : la force des interactions de van der Waals entre molécules symétriques I2 est assez grande pour que le corps simple soit solide à température ambiante sous pression atmosphérique 21 Influence du nombre d’électrons sur les températures d’ébullition Les interactions de vdW augmentent avec le nombre d’électrons => Comparaison au sein de la famille des gaz rares (monoatomiques) ou des halogènes (diatomiques) Gaz rare / Z Te / °C sous Patm He / Z=2 Ne / Z=10 Ar / Z=18 Kr / Z=36 Xe / Z=54 -269 -246 -186 -152 -108 Edifice H2 N2 O2 F2 Cl2 Br2 Te / °C sous Patm -253 -196 -183 -188 -35 58 22 Influence de la constitution (structure des chaînes) sur les températures d’ébullition Les chaînes linéaires permettent de plus grandes interactions que les chaînes ramifiées Comparaison des températures d’ébullition de deux isomères de constitution : butane et isobutane (ou 2-méthylpropane) Edifice butane isobutane Te / °C sous Patm -0,5 -10 23 Influence de l’existence de liaisons Hydrogène Les liaisons H augmentent la cohésion du liquide (effet dominant des liaisons H sur les interactions de vdW) : l’effet est très net sur une série de liquides homologues pour une famille d’éléments : le premier terme de la série (H3N, H2O, HF) est celui dont la température d’ébullition est la plus forte. Les liaisons Hydrogène ont un rôle essentiel dans la structuration de l’eau, protéines et de l’ADN H3N H3P H3As H3Sb H2O H2S H2Se H2Te HF HCl HBr HI -33 -87,5 -55 -18 100 -61 -42 -2 19,5 -85 -66 -35 Le méthane CH4 (C pas assez électronégatif) ne peut pas s’organiser par liaisons H Edifice CH4 SiH4 NH3 HF Te / °C -163 -112 -33 20 24 Forces intermoléculaires et solubilité / miscibilité La solubilité d’une espèce dans un solvant et la miscibilité de deux espèces peuvent être interprétées par l’existence de forces intermoléculaires : • Interactions de vdW (diiode I2 dans CCl4) • liaisons H : l’éthanol et l’acide éthanoïque sont miscibles avec l’eau malgré le fragment hydrocarboné à caractère hydrophobe ; dans la molécule d’acide éthanoïque, l’effet attracteur de C=O rend la liaison O-H fortement polaire (=> CH3CO2H = acide faible dans l’eau) Edifice CH3CH2Cl CH3COCH3 CH3CO2H Etat physique du corps pur Te = 12,3°C Te = 56°C Te = 118°C donneur de donneur de donneur de doublets doublet doublet et donneur de H Dans des liaisons H avec l’eau Solubilité dans l’eau 6 g par L à 20°C miscible à 20°C miscible à 20°C 25 Solvants apolaires, solvants polaires, solvants polaires protiques Pour les réactions réalisées en solution, la nature du solvant et les concentrations des réactifs sont parmi les éléments importants qui gèrent la façon dont les molécules réagissent, la vitesse des réactions et les proportions de produits dans le mélange final • Exemples de solvants apolaires (m = 0) : n-hexane C6H14 ; cyclohexane C6H12 ; benzène C6H6 ; sulfure de carbone CS2 ; tétrachlorure de carbone CCl4 • Exemples de solvants polaires (m ≠ 0) : éther de diéthyle CH3-CH2-O-CH2-CH3 (m = 1,2 D) ; dichlorométhane CH2Cl2 (m = 1,5 D) ; propanone CH3-CO-CH3 (m = 2,7 D) ; diméthylsulfoxyde (CH3)2S=O (m = 3,9 D) ; hexaméthylphosphoramide [(CH3)2N]P=O (m = 5,5 D) • Exemples de solvants polaires protiques (m ≠ 0 et donneurs de H) : éthanol CH3-CH2-OH (m = 1,7 D) ; eau H2O (m = 1,8 D) 26