LE SCOOP Blog D Dumas

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D. Dumas, théâtres
Coups de coeur et commentaires
LE SCOOP
Ils disent qu’ils « traquent » la vérité, mais souvent, ils n’en découvrent que des
morceaux. Quelques-uns parviennent à les assembler logiquement, d’autres bricolent
une vérité qui les arrange de façon à obtenir « un scoop », car chez certains
journalistes « mieux vaut être le premier à se tromper, plutôt qu’être le deuxième à dire
la vérité ».
Avec Le Scoop, Marc Fayet, signe une comédie
grinçante qui met en scène trois espèces de
journalistes. Pierre Merlin-Pontet (Philippe Magnan), se
revendique de Kessel et de Camus, ancien
correspondant de guerre, devenu misanthrope, et qui
juge sévèrement le « cirque médiatique ». Sous
prétexte de lui rendre hommage, un patron de presse,
le bien nommé Dupire (Frédéric Van Den Driessche)
charge un jeune arriviste, Grégory (Guillaume Durieux) d’un reportage sur lui. Mais
chacun prétend détenir une vérité différente. Dupire voudrait démontrer que l’intègre
Pierre a été tortionnaire en Algérie pendant la « pacification », et Grégory que Pierre a
laissé son caméraman se faire assassiner à Sarajevo. Autre enjeu : découvrir qui est
le véritable géniteur de Mélodie Pontet, que Pierre a reconnue, et qui est la fille de
Claire (Frédérique Tirmont), sa compagne.
Évidemment ce que pensent l’un et l’autre n’est pas « la vérité ». La jeune Julie, qui
tient la caméra pendant les entretiens que dirige Grégory, s’offusque bien un peu du
but peu avouable de ce reportage, mais comme Grégory lui enjoint : « Filme d’abord et
tu comprendras », elle obéit, allant jusqu’à mettre sur internet, les élucubrations du
jeune loup qui refuse « les problèmes de conscience » et croit tenir « le scoop de sa
vie ».
Marc Fayet, qui met également en scène, impose à l’action un rythme soutenu. Pas de
temps mort dans l’action, pas de scènes inutiles. Le spectateur est emporté vers la
révélation finale avec des répliques mordantes, des changements rapides de décors (
Édouard Laug), où le jeu des lumières (Laurent Béal) prend toute son importance.
Les comédiens sont épatants. Frédérique Tirmont élégante et racée joue sans pathos,
Aurore Soudieux affiche un joli talent de naturel et Frédéric Van Den Driessche une
brutalité tranquille. Philippe Magnan, apparemment flegmatique, un rien cynique
module son ton rogue, ses colères, ses amertumes. Guillaume Durieux, sait passer du
sourire naïf au ricanement de l’ambitieux sans scrupule.
La pièce est excellente. Elle vous donne un excellent conseil final, et, en ces temps où
la presse « people » ravage l’opinion, suivez-le.