enjeux et problematique du developpement durable du territoire de
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enjeux et problematique du developpement durable du territoire de
ENJEUX ET PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE DE LA VILLE D’EVIAN La Ville d'Evian s’honore d’accueillir cette rencontre des urbanistes, valdotains, suisses romands et rhônalpins, alors que l’urbanisme est en effervescence sur son territoire, tout comme la notion de projet auquel il conviendra de conférer une durabilité, dans l’esprit des lois actuelles et des besoins concrets face aux problèmes environnementaux qui se développent ici comme ailleurs, mais aussi dans la recherche d’équilibre et de respect du territoire sur lequel on agit et qui comporte bien entendu ses spécificités propres. Mon exposé aura comme principal avantage de planter le décor côté français, en partant de l’exemple d’un territoire, celui de la ville d’Evian, où nous nous trouvons aujourd’hui et que je vais vous présenter. EVIAN, VILLE ETERNELLE Evian a tout d’abord un goût de ville éternelle, avec ses quais et son front de lac, son architecture, ses villas d’antan, ses grands hôtels, son funiculaire, ses sources et ses buvettes, … sa densité aussi de petite ville thermale dont le charme et les attraits avaient séduit les grands de ce monde qui en ont fait depuis le début du XXème siècle une destination prisée. C’est cette ville langoureuse et sensuelle, au cœur d’un site extraordinaire, que l’on perçoit en premier et à laquelle beaucoup de ceux qui la pratiquent sont attachés, souhaitant pouvoir rendre pérennes cette image un peu désuète et cette tranquillité entretenue d’ailleurs par un souci constant d’adoucir le rythme de la ville et d’en faire un lieu de vie des plus agréables, tant en terme de villégiature que pour les résidents permanents. Mais c’est aussi cette ville éternelle qui pâtit de son éloignement et que finalement peu de gens connaissent, faute d’avoir pu l’atteindre. Evian est avant tout une eau minérale, une publicité, mais ses charmes ne font plus tant recette car un peu distants de tout et peu de gens savent que cette ville existe sur les bords du lac Léman. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui a aussi valu à la ville d’être choisie pour le sommet du G8 en juin 2003 : son relatif « isolement » du reste du monde, coincée entre le lac et les montagnes ? Relatif isolement dis-je, car à l’âge d’or du thermalisme, les moyens de transport et d’accès à la ville n’étaient pas meilleurs qu’aujourd’hui… Evian souffrirait donc de n’avoir pas vu ses accès se moderniser au fil des décennies, alors que la mobilité se développait et devenait de plus en plus exigeante, tant pour les touristes que pour les résidents, les travailleurs frontaliers. Paradoxalement, elle serait donc plus inaccessible, plus éloignée que jamais du reste du monde, faute de desserte ferroviaire et routière convenable. Il faut – certains d’entre vous s’en seront rendu compte – environ une heure en règle générale pour rejoindre Evian depuis Annemasse qui n’est qu’à 45 km. L’accès par la Suisse côté Est n’est pas meilleur puisqu’il faut serpenter sur la petite nationale 5 jusqu’à la frontière, axe particulièrement dangereux, guère mieux traité de l’autre côté avec le pont à passage alterné sur le Rhône en direction de Montreux et de l’autoroute suisse, et un calibrage (volontairement ?) réduit. Certes, la navigation sur le lac Léman (navette Evian – Lausanne) offre un mode de déplacement original et doux, faisant d’Evian l’un des principaux ports français en trafic de passagers, mais elle génère un pôle d’échange bateau/voitures qui s’accompagne de problèmes de déplacements et de stationnement automobile côté français, pour des raisons structurelles liées à l’étalement urbain et au faible développement des transports en commun. On en veut pour preuve les problèmes rencontrés actuellement avec la suppression de parcs de stationnement aériens pour cause de projets immobiliers ou hôteliers et le sentiment des usagers que l’on ne peut plus se garer dans Evian ni donc atteindre le port et les navettes, ce qui n’est pas forcément le cas mais qui semble vécu comme tel et crée donc un conflit entre les enjeux de la mobilité et ceux de l’urbanisation, entre la ville éternelle, tranquille et inerte, et celle du développement, mobile et mutante. EVIAN, VILLE METROPOLITAINE Evian connaît en effet un renouveau marqué depuis la fin du XXème siècle, basé sur de nombreux projets publics et privés qui ponctuent la ville d’une dynamique nouvelle et qui réveillent, voire dérangent, la « belle endormie ». Evian n’est en effet pas seulement une carte postale exotique et lointaine, elle est aussi un centre économique, ludique et touristique, une cité à part entière de la métropole lémanique qui compte quelque 1.150.000 habitants. Elle en subit les effets positifs et négatifs, notamment ceux liés au travail frontalier, et dans ses rapports aux centres principaux de cette métropole que sont Genève et Lausanne. Particulièrement éloignée de ceux-ci, l’inflation du prix du foncier y est moindre que dans le reste du Chablais, vers Douvaine ou même Thonon qui n’est pourtant qu’à 9 km. Plus inaccessible, la ville d’Evian attire moins les frontaliers qui doivent résider en France car leurs temps de trajet s’en trouveraient multipliés. Thonon, ville sans contournement et qui concentre tous les flux locaux sur son centre ville se constitue donc en goulot d’étranglement pour les uns qui y voient un frein au développement et à la circulation, en verrou protecteur pour les autres qui y voient un frein à l’invasion des nouveaux habitants et à la surchauffe des marchés immobilier et foncier. Cependant, et malgré tout, entre 1998 et 2004, les prix des terrains ont été multipliés par trois à Evian, passant de 30 à 90 Euros du m², et le prix de l’immobilier a crû de 40 %. La pression démographique est telle désormais que malgré l’enclavement, le développement urbain s’accélère. Les prix pratiqués à mesure que l’on se rapproche de Genève, ainsi que l’intérêt des résidents secondaires, Suisses, Anglais, Hollandais et Français ne sont pas étrangers non plus au phénomène. Sur la même période, le maire a autorisé en logements l’équivalent de 18,99 % du parc de logements existants comptabilisé lors du recensement de 1999 (soit environ 900 nouveaux logements). Quand on sait qu’entre 1990 et 1999, 10 % de croissance démographique en HauteSavoie ont généré 20 % d’augmentation du parc automobile et 40 % d’augmentation de la mobilité domicile/travail… Face à cette problématique, la Ville d’Evian a mis en place la politique urbaine suivante : reconquête de son centre par la réhabilitation de vieux quartiers et la construction de projets tertiaires de centre ville comme le Carré Lumière, développement hôtelier (avec le démarrage prochain de la construction d’un Hilton « On Lake Leman » à côté des thermes, mais aussi des résidences de tourisme), nouveaux équipements (rénovation des anciens thermes en centre culturel et de congrès et en médiathèque, équipements scolaires, sportifs, établissements pour personnes âgées, école de musique, parcs de stationnement souterrain, etc), attractivité commerciale (avec l’implantation d’un supermarché de centre ville afin de limiter les déplacements vers la périphérie mais aussi l’évasion commerciale, contre laquelle doit aussi lutter le FISAC signé en 2004), aménagement des espaces publics et réhabilitation du patrimoine (piétonisation, plan Lumière, enfouissement des aires de stationnement des véhicules, aménagement des quais et des voiries, parcs et jardins primés au niveau européen, restauration du funiculaire employé partiellement comme transport en commun, restaurations de secteurs historiques comme le quartier Franc), etc., tout ceci afin de créer une plus grande centralité et d’assurer la pérennité de son développement économique, dans un certain respect des qualités environnementales du site, la ville ayant tout intérêt à la préservation maximale de son cadre de vie mais aussi de l’impluvium des eaux minérales sur le plateau de Gavot, que l’étalement urbain et la pression foncière menacent. Offrir un centre attractif avec des emplois, des logements adaptés à la demande et un niveau d’équipement supérieur est l’une des réponses à l’étalement urbain que la ville peut apporter au regard de ses compétences. En effet, les communes alentours connaissent des taux de croissance bien plus soutenus et si a Evian, il faut actuellement constater une consommation de terrain de l’ordre de 500 m² par logement neuf, cette consommation augmente encore plus dans le périurbain pour atteindre 1000 à 1500 m², l’absence de densité rendant le recours aux transports en commun inefficace. En terme de développement durable, la question de la cohésion sociale se pose aussi. Si Evian offre un parc de logements sociaux relativement élevé pour une station touristique (24 % environ du nombre de résidences principales), révélant d’ailleurs son rôle de ville centre au sein de l’agglomération bipolaire qu’elle constitue avec Thonon, la pression foncière et la hausse des prix immobiliers et des loyers risque d’accentuer la distorsion qui s’observe déjà entre les différentes populations : travailleurs frontaliers, résidents secondaires dont les Suisses, travailleurs côté français, chômeurs, revenus moyens ou bas, etc. La spécialisation touristique et résidentielle d’Evian risque d’entraîner une incapacité du territoire à permettre la vie de ses populations permanentes issues du pays ou venues y travailler dans des conditions plutôt modestes. Cette spécialisation risque aussi de nuire à la préservation des équilibres humains, culturels, économiques et environnementaux, privant la ville d’une partie de ces ressources et de ses emplois donc perturbant son avenir si la commune n’est plus en état d’accueillir les saisonniers, employés, ouvriers, commerçants, artisans qui l’animent et font marcher l’activité. Il apparaît dans le Chablais une nouvelle échelle de réflexion au niveau du bassin de vie, avec la constitution du syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais, le S.I.A.C. dont va vous parler Sylvie Cornut, lequel a en charge notamment la réalisation du schéma de cohérence territorial et l’accompagnement du programme de désenclavement. Les enjeux repérés à Evian sont aussi ceux de ce plus vaste territoire et il sera impossible à Evian de relever ses défis à l’avenir sans passer par une vision plus cohérente et plus globale d’un territoire dont elle fait partie intégrante, auquel elle apporte, mais dont elle dépend également pour permettre à la politique qu’elle a mise en place de porter ses fruits. Le découpage communal français – particulièrement fin sur la frange littorale du Chablais - et les individualités qui en découlent ne seront certes pas une facilité pour mettre en oeuvre un développement durable et a priori réfléchi plutôt que subi. Néanmoins le regroupement autour d’une table apparaît désormais inévitable, tout comme les questions de déplacements des hommes entre les différents pôles de la métropole du Léman qui ne pourront se régler à l’échelle communale. Par Gilles DURAND, juin 2004