Le commerce de Dunkerque A l`apparition des premiers bateaux à

Transcription

Le commerce de Dunkerque A l`apparition des premiers bateaux à
Le commerce de Dunkerque
A l’apparition des premiers bateaux à vapeur
Texte de Henri Durin, Union Faulconnier Tome I
Transcrit, illustré et mis en page par Jean-Marie Muyls
I
Le cabotage par voiliers décline de jour en jour et va, dans un prochain avenir, céder presque
complètement la place aux caboteurs à vapeur. Ne serait-il pas intéressant de jeter un coup d'œil en arrière
et de dire quelques mots de la navigation dunkerquoise lorsque, pour la première fois, notre port reçut ce
navire mû par cette force inconnue qui devait bientôt transformer le monde?
Collection privée
Ce fut le 31 mai 1831 qu'apparut devant une foule enthousiasmée ou sceptique, cette lourde machine
dont les palettes frappaient les ondes en cadence et qui faisait un fracas infernal.
Et c'était. un gros navire pour ce temps que le vapeur hollandais De Beurs van Amsterdam (la
Bourse d'Amsterdam), commandé par le capitaine Krool, d'une jauge de 198 tonneaux.
Ce navire inaugurait le service régulier par vapeur entre Rotterdam et Dunkerque et la maison
Dominique Morel représentait ici la Compagnie.
Une grande perplexité régna bientôt au bureau du Pilotage.
Par quelle taxe devait-on accueillir ce nouveau venu qui se conduisait tout seul sans avoir recours
aux lumières d'un pilote? Il ne paraissait pas équitable de réclamer paiement d'un service non rendu.
Le vapeur profita de ce scrupule et le capitaine Krool effectua son premier voyage sans verser la
moindre obole dans la caisse du Pilotage.
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Mais la commission administrative qui se composait de MM. Boulle-Delbaert, B. Morel et Le
Mercier, prévoyant le retour fréquent de ces monstres étranges que n'arrêtaient ni le vent, ni la marée et
désireux sans doute que la caisse confiée à ses soins ne souffrit pas des progrès accomplis par ses
administrés, décida l'application d'une taxe de 18 francs par voyage. Aussi lorsque quelques jours après, le
25 du même mois, revint la Bourse d'Amsterdam, voyons-nous figurer cette somme aux recettes du pilotage.
Source Internet
Premier bateau à vapeur, les voiles sont encore présentes.
Donnons ici à titre de curiosité les prix de passage suivant la circulaire du temps. Les passagers de la
grande chambre payaient 50 francs; ceux de la chambre de devant 36 francs et ceux du pont 20 francs. Ils
pouvaient emporter 25 kilos de bagages. Une réduction de moitié était accordée aux enfants au-dessous de
dix ans.
Une voiture à deux et quatre roues était taxée 50 et 80 francs. Un cheval était transporté pour 60fr.;
un chien pour 10. Et la circulaire ajoutait: le prix de fret pour marchandises est aussi très modique.
Que dirait-on aujourd'hui de cette modicité de prix?
Le second vapeur qui vint à Dunkerque fut le navire anglais Ramona, le 28 Juillet 1831, beau bateau
du port de 400 tonneaux et d'une force de 200 chevaux. Il transporta de Londres à Dunkerque un groupe
d'excursionnistes.
Le prix du voyage était fixé à une livre cinq shillings (£ 1/5) et, pour montrer que l'on n'a rien inventé
de nos jours, il nous suffira de dire que les annonces de l'époque portaient qu'il y aurait à bord un corps de
musique et autres amusements.
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Enfin, le 30 octobre de la même année, nous voyons le pavillon français surmontant le glorieux nom
du vapeur Jean-Bart, commandé d'abord par le capitaine Lefèvre puis par le capitaine Audibert. D'une
jauge de 59 tonneaux, il visita Dunkerque très souvent.
Source Internet
Vapeur à aubes à Douvres
Citons ensuite les vapeurs anglais Royal-George de 47 tonneaux (le 21 mai 1832) et Royal-Adélaïde,
de 162 tonneaux (le 28 septembre 1832). Ce dernier navire était spécialement affrété au transport
d'excursionnistes venant de Londres et de Margate pour visiter Dunkerque et les environs. Ils allaient
jusque Cassel et mettaient à contribution toutes les voitures du pays. Dans sa tournée du 18 Juillet 1833, le
Royal-Adélaïde débarqua à Dunkerque 194 passagers.
Puis vinrent les vapeurs hollandais Batavia (le 7 juin 1833) et Graef Cancrin, de 48 tonneaux (le 12
Juillet 1833).
De nouveau nous voyons le pavillon français avec le vapeur Actif, capitaine Pasquet, jaugeant 63
tonneaux et le vapeur Estafette; de 66 tonneaux. L'Estafette arriva à Dunkerque pour la première fois le
12Avril 1834 et on le revit très fréquemment dans la suite.
Nous trouvons encore les vapeurs anglais le Waterloo, de 96 tonneaux (le 30 Mai 1834), le Cornubia,
de 113 tonneaux, qui inaugura, le 13 février 1835, le service régulier par vapeur entre Hull et Dunkerque,
le vapeur hollandais Princess van Oranje, de 66 tonneaux (le 20 Avril 1835), pour arriver au navire
français le Commerce de Lille, capitaine Granara. D'une jauge de 104 tonneaux, le Commerce de Lille fut
affecté au service régulier du Havre à Dunkerque; il entra pour la première fois dans notre port le 7 mai
1835 et beaucoup de nos concitoyens s'en souviennent encore.
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Collection Jacques Foort
II
Le commerce de Dunkerque se faisait alors par de petits navires à voile d'une cinquantaine de
tonneaux en moyenne.
Les Français y figuraient pour 80 %environ du nombre total; mais leur jauge était souvent bien
réduite. Il y avait des navires de 12 tonneaux et un certain nombre d'entre eux n'en dépassait pas 30.
Les plus grands appartenaient presque tous à des maisons dunkerquoises et faisaient généralement la
navigation des Antilles.
Nous pouvons citer :
La Sophie
La Pomone
Le Neptune
Le Navigatenr
L'Edouard
La Clorinde
205 tonneaux
261 tonneaux
243 tonneaux
221tonneaux
314tonneaux
291tonneaux
appartenant à
appartenant à
appartenant à
appartenant à
appartenant à
appartenant à
M. Gaspard Malo
MM. Dagniau & Simonsen
M. Charles Van Cauwenberghe
M. Christiaens
M. Edouard Plaideau
MM. Mathias Pol & fils.
En 1835, la maison J.-L. Cuenin mettait en charge pour l’Île Bourbon son navire Laurentia, de 300
tonneaux. Ce fut le premier navire qui partit pour cette destination depuis la conclusion de la paix.
Signalons encore parmi les navires français de fort tonnage qui vinrent à Dunkerque à cette époque
la Hyade, de 232 tonneaux ; le Philadelphie, de 241 tonneaux; le Marin, de 221 tonneaux; l'Aigle, de 270
tonneaux et le Grand Duquesne, de 310 tonneaux.
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Nous devons une mention spéciale aux armements de notre place pour la pêche à la baleine.
Musée Amsterdam
Chasse à la baleine par Abraham Storck
Faulconnier rapporte qu'en 1614 un Anglais équipa à Dunkerque des navires pour la pêche à la
baleine.
Sous Louis XV, eut lieu une seconde tentative, bientôt entravée par les évènements de la Révolution.
Mais les Dunkerquois ne se laissèrent pas décourager. Dès la conclusion de la paix, les maisons Dominique
Morel et Bonvarlet armèrent à nouveau des baleiniers et, à l'époque qui nous occupe, nous voyons faire de
sérieux efforts pour faire refleurir cette industrie.
M. Govard arma la Clio, de 297 tonneaux, capitaine Langlais,
La maison J.- L. Cuenin et fils équipa successivement la Dunkerquoise, de 400 tonneaux, capitaine
Dufour ; le Jean-Bart, de 450 tonneaux, capitaine Gotrot, et la Terre-de-Feu.
Tous ces navires faisaient leur pêche dans les mers du Sud.
La maison Mathias Pol et fils et Malo décida d'envoyer un navire au Groënland et dans les mers
Polaires Arctiques; elle arma à cet effet le trois-mâts le Tourville, capitaine Collier, de 353 tonneaux, qui
quitta le port le 27 Avril 1835.
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Collection Jacques Foort
Courrier des Ets Mathias Pol & Fils.
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Disons en passant que la pêche à la morue en Islande avait pris depuis quelques années un nouvel
essor et que le nombre de bateaux occupés à cette industrie s'était élevé en 1828 à quatre-vingt-onze.
Nous donnerons maintenant un rapide aperçu des navires qui fréquentaient encore le port de
Dunkerque.
Les hollandais venaient après les Français comme nombre et figuraient pour 5 % environ du chiffre
total des entrées; les Anglais arrivaient ensuite, mais le tonnage de ces derniers descendait jusque 7, 9, 12,
13 et 15 tonneaux.
Collection Jacques Foort
Connaissement du vapeur Eugène Krohn sur la ligne de Riga le 17 décembre 1885
Les norwégiens et les prussiens se distinguaient par leurs dimensions; ils allaient en général de 150
jusque 300 tonneaux et le plus fort navire qui entra autrefois au port fut un de cette dernière nationalité.
Le28 Janvier 1831, Dunkerque reçut le trois-mâts Augusta, d'une jauge de 539 tonneaux. Ce fut un
évènement considérable et nos pères durent, s'extasier devant un navire présentant de telles dimensions.
On rapporte que l'équipage, trop fêté sans doute, eut maille à partir avec la police et que celle-ci n'eut
d'autre ressource que de l'inviter à entrer dans un cabaret de la Citadelle afin de pouvoir s'en rendre
maître.
Ce navire fut même mis en vente par les soins de MM. Bonvarlet frères, mais ne trouva pas
acquéreur.
Dunkerque recevait encore un certain nombre de navires russes et américains de 150 à 280 tonneaux.
Le reste des navires qui venaient en notre port se composait de quelques bateaux suédois, danois,
hanovriens, hambourgeois, bremois, mecklembourgeois, espagnols, sardes et leur tonnage était en général
plus élevé que celui des français.
Et maintenant, si nous contemplons les splendides installations maritimes que Dunkerque possède
aujourd'hui et les comparons au port d'échouage d'autrefois, si nous mettons en parallèle les immenses
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vapeurs qui fréquentent notre port et les faibles navires qui excitaient pourtant l'enthousiasme de nos aïeux,
nous serions tentés de sourire.
Collection Jacques Foort
La pêche à vapeur.
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N'oublions pas cependant que si Dunkerque est devenue la grande et belle cité de nos jours et son
port le troisième des ports français, c'est à nos pères que nous en sommes redevables.
C'est par l'acharnement avec lequel ils ont lutté contre une série ininterrompue d'épreuves et par
leur vitalité véritablement admirable dans des infortunes inouïes que Dunkerque a pu se relever des
ruines accumulées autour d'elle.
Nos pères nous ont prouvé qu'il ne fallait jamais désespérer de la patrie et nous ont montré le
chemin à suivre si nous voulons que notre cité parvienne aux glorieuses destinées que nous sommes en
droit d'ambitionner pour elle.
Henri Durin.
1898
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