LE SILENCE DE L`ADMINISTRATION VAUT ACCEPTATION, DANS

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LE SILENCE DE L`ADMINISTRATION VAUT ACCEPTATION, DANS
LE SILENCE DE L’ADMINISTRATION VAUT ACCEPTATION, DANS
LES CONDITIONS FIXEES PAR LA LOI
DROIT PUBLIC IMMOBILIER
La promulgation de de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à
simplifier les relations entre l’administration et les citoyens s’inscrit dans le programme de
simplification des normes et des démarches administratives engagé par le gouvernement. Elle vise à
alléger les textes et à faciliter les relations entre les citoyens et l’administration et comporte à cet
égard deux séries de dispositions : les premières portant sur le régime des demandes adressées à
l’administration ; les secondes sur le contenu des ordonnances que le gouvernement est habilité à
prendre pour atteindre l’objectif de simplification sus-visé.
En attendant que ces ordonnances soient adoptées, nous souhaitons d’ores-et-déjà attirer l’attention
sur le premier volet de cette loi qui a été présenté comme une inversion du sacro-saint principe selon
lequel le silence gardé par l’administration vaut rejet de la demande.
I-L’INVERSION DU PRINCIPE SELON LEQUEL LE SILENCE GARDE PENDANT DEUX
MOIS VAUT REJET DE LA DEMANDE
On sait à quel point, dans un état de droit, il est indispensable de donner une signification au silence
de l’administration. En effet, quel que soit le sens que le droit positif donne à ce silence, la naissance
au bout d’un certain délai d’une véritable décision permet de mettre un terme aux incertitudes de
l’auteur de la demande et, par voie de conséquence, l’autorise à engager à l’encontre de cette
décision une procédure contentieuse.
Jusqu’à aujourd’hui, privilégiant l’efficacité de l’action administrative, notre système juridique posait
comme principe général du droit (C. Const. 26 juin 1969, n°69-55 L ; 18 janv. 1995, n°94-352 DC) la
règle de la décision implicite de rejet dans un délai de deux mois. Cette règle générale de procédure a
ensuite été reprise par le législateur, à l’article 21 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux
droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Cependant, dans une conférence de presse du 16 mai 2013, le président Hollande a annoncé que,
désormais, le silence de l’administration vaudra acceptation.
Cette volonté, reprise par le législateur dans la loi commentée, a pour but d’inciter les services des
administrations à une instruction plus diligente des dossiers (cf. rapport fait au nom de la Commission
des lois de l’Assemblée Nationale par M. Hugues Fourage, Doc. AN 2013, n°1342, p. 10). Elle part
également du constat qu’aucun principe constitutionnel n’empêche le législateur d’inverser ce principe
et qu’il existe d’ores-et-déjà plus de 400 procédures soumises à un régime d’acceptation tacite.
C’est pourquoi l’article 1er, I-2° de la loi commentée, modifie l’article 21-I de la loi du 12 avril 2000 qui
dispose désormais que « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une
demande vaut décision d’acceptation. »
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II-LES
LIMITES DU PRINCIPE NOUVEAU
:
MESURES D’APPLICATION ET EXCEPTIONS
PREVUES PAR LA LOI
Si à première vue cette réforme ressemble à une révolution, ses effets ne seront pas immédiats et
pourraient bien être fortement relativisés.
D’abord, parce que le législateur a prévu que cette mesure entrera en vigueur dans un délai d’un an à
compter de la promulgation de la loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de
l’Etat ou des établissements publics administratifs de l’Etat, et de deux ans pour les actes des
collectivités territoriales.
Ensuite, parce que le nouveau principe du silence valant décision d’acceptation n’est applicable que
dans les conditions définies par la loi qui prévoit deux séries de mesures d’application.
D’une part, « La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision
d’acceptation est publiée sur le site internet relevant du premier ministre. Elle mentionne l’autorité à
laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise ».
«La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée
par l’autorité administrative ». (article 21, I al.2 de la loi du 12 avril 2000 modifiée). Ainsi, de façon
quelque peu surprenante, le législateur renvoi à une liste, dont l’auteur n’est pas identifié dans le
texte même si l’on peut penser que le Premier ministre sera amener à prendre une véritable décision
juridique pour l’établir, le soin de procéder à la concrétisation de la réforme.
D’autre part, la loi prévoit que ce principe est assorti de quatre exceptions, c'est-à-dire de demandes
pour lesquelles le silence gardé vaut décision implicite de rejet, à savoir :
• demandes qui ne tendent pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une
décision individuelle (c’est-à-dire les décisions réglementaires mais également les décisions
d’espèce ou non règlementaires, comme par exemple le déclassement d’un bien du domaine
public) ;
• demande qui « ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou
réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif » ;
• demandes qui présentent un caractère financier (cela était déjà le cas dans la loi du 12 avril
2000) ;
• demandes intervenant dans des domaines faisant intervenir des compétences régaliennes à
préserver, soit parce qu'il s'agit de libertés : ce sont toutes les hypothèses dans lesquelles «
l'acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements
internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection
des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public », le
législateur respectant ainsi une exigence issue de la jurisprudence du Conseil constitutionnel
(décision n°94-352 DC précitée).
III-LE POINT DE DEPART DU DELAI
Malgré les incertitudes qu’ils comportent actuellement, pour que ce dispositif soit efficace et équilibré,
le législateur a également modifié la loi du 12 avril 2000 concernant le point de départ du délai de
dans le cas d'une demande d'un citoyen à une autorité administrative. Si cette dernière indique au
demandeur que le dossier de demande est incomplet, parce qu’il n’a pas fourni toutes les pièces
exigées par les textes législatifs et réglementaires, le délai ne commence à courir qu'à compter de la
réception des informations ou pièces manquantes. Concernant le délai, il faut d’ailleurs préciser que le
législateur a prévu qu’« eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne
administration », ou « lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie », des décrets
peuvent fixer des délais différents, dérogeant au principe de naissance de la décision implicite dans les
deux mois.
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IV-EXEMPLES DE PROCEDURES AUXQUELLES LA REFORME NE CHANGERA RIEN
Si la portée de cette révolution ne pourra donc être évaluée qu’une fois que la liste sus-visée et après
quelques années d’usage, on peut d’ores-et-déjà noter que, dans le domaine du droit de l’urbanisme,
la pratique ne sera pas perturbée.
En effet, en l’état actuel du droit des autorisations d’urbanisme, le principe de la décision tacite
d’acceptation existe déjà (en dehors d’exceptions prévues par l’article R. 424-2 et R. 424-3 du code de
l’urbanisme) puisque l’article L. 424-2 du code de l’urbanisme, introduit dans le cadre de la réforme
des autorisations de 2005 (ordonnance du 8 décembre 2005 et décret n°2007-18 du 5 janvier 2007
modifié en 2012), dispose que : « le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au
demandeur à l’issue du délai d’instruction. Un décret en Conseil d’Etat précise les cas dans lesquels un
permis tacite ne peut être acquis ».
Dès 2005, le législateur avait en effet clairement souhaité que le principe soit désormais inversé en ce
domaine. L’article R. 424-1 du code de l’urbanisme pris en application de l’article L. 424-2 prévoit
que :
« A défaut d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé comme il est dit à la section
IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l’autorité compétente vaut, selon les cas :
a) Décision de non opposition à déclaration préalable ;
b) Permis de construire, permis d’aménager ou permis de démolir.
Quant au point de départ du délai dans le cas d’une demande d’un citoyen à une autorité
administrative, on constate que la loi n’entrainera pas non plus de modifications au régime général
existant en matière d’autorisation d’urbanisme puisque le dispositif mis en place depuis le décret
précité du 5 janvier 2007 prévoit que l’intervention d’une décision tacite n’est plus subordonnée à
l’intervention d’une lettre de notification du délai d’instruction. En effet, depuis 2007, le délai
d’instruction court (sauf exceptions) à compter de la réception en mairie d’un dossier complet (C. urb.,
art. R. 423-19 du code de l’urbanisme) et l’autorité administrative n’a qu’un mois pour notifier au
demandeur la liste des pièces éventuellement manquantes, sachant que la liste de ces pièces est
désormais prévue de façon exhaustive par le code. A défaut de réponse dans le délai d’un mois, le
dossier est réputé complet (C. urb., art. R. 423-22) et le délai d’instruction commence alors à courir.
Aucune notification de délai d’instruction (qui courait sous l’état du droit antérieur à 2007 à compter
du caractère complet) n’est désormais nécessaire. Le demandeur est informé dès le récépissé que
l’autorité compétente a un mois pour lui notifier que le dossier est incomplet.
D’autres domaines ne seront pas plus impactés, comme par exemple les demandes d’agréments des
cessionnaires d’autorisations d’occupation, constitutives de droits réels, portant sur le domaine public
de l’Etat, les textes prévoyant déjà une liste de pièces à transmettre et un règle de décision implicite
d’acceptation dans un délai de trois mois (CG3P, art. R. 2122-20).
Mais, pour l’heure, tant que la liste prévue par le législateur ne sera pas publiée, il est donc impossible
d’apprécier l’impact de cette réforme, notamment sur les procédures relatives aux opérations
immobilières.
ISABELLE ARNOLD
RAPHAËL LEONETTI
GROUPE DROIT PUBLIC IMMOBILIER
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