L`Occitanie, c`est globalement tout le sud de France, de Bordeaux à

Transcription

L`Occitanie, c`est globalement tout le sud de France, de Bordeaux à
L’Occitanie, c’est globalement tout le sud de France, de Bordeaux à Nice
en passant par Limoges.
Aujourd’hui je me suis spécialisé dans les cornemuses occitanes et
essentiellement la boha, la boudègue, la samponha et la chabrette
limousine.
Le gros de mon activité porte surtout sur la boha et toutes les évolutions
que j’ai pu faire autour de celle-ci.
A l’origine la boha était un instrument de petite taille
et aux sonorités très aigues. L’instrument ne possédait
que cinq trous sur la face avant du chanter et
actuellement ma fabrication propose des instruments
standard à six trous avec la possibilité de pouvoir
jouer dans des modes mineurs grâce à des petits
bouchons que l’on déplace d’un trou à l’autre.
Ces innovations ont été mises au point et imaginées
par Alain Cadeilhan dans les années 80. J’ai déjà parlé
de tout cela dans divers articles et notamment « boha » n°32 du
printemps 2014 édité par l’association « Bohaires de Gasconha » qui fait
un grand travail pour la popularisation de la Boha.
La grande nouveauté a été de mettre au point des bohas graves que j’ai
appelées Bohassa.
Les bohassas se jouent en Ré et Do essentiellement et
ont un son chaud et grave très différent de la boha
standard. La possibilité de mélanger des bohas aigues
avec des bohassas me fait penser au mélange que l’on
rencontre dans le centre France entre la musette 16
pouces et la 20 pouces. Bien sûr le son est très différent
grâce aux anches qui sont simples dans le cas de la
bohassa. La bohassa est une nouveauté mais déjà
beaucoup de musiciens jouant de la musique médiévale
se la sont appropriée et la considèrent comme une cornemuse de cette
époque et non comme un instrument moderne. Pourtant le anchage en
fibre de carbone est très moderne et n’a rien à voir avec les anches en
roseaux qui étaient montées sur les bohas anciennes.
Alain Cadeilhan (Kachtoun) avait imaginé des anches en plexiglass avec
languette en roseau. J’ai remplacé le roseau par de la fibre de carbone
longitudinale pour rester au plus près du son du roseau.
Il n’en reste que la sonorité des bohassas fait penser au Moyen-Âge et aux
ambiances sonores qui devaient régner dans les salles des châteaux
médiévaux.
Actuellement, mes bohassas sont jouées par grand nombre de musiciens
jouant de la musique ancienne mais également par les musiciens
traditionnels. Je tiens à remercier Jean-Pascal Leriche qui grâce à son
travail entrepris dans les années 90 sur les bohas tenors et basses m’a
conforté dans l’idée que la mise au point de bohassas était possible.
En 2002 j’ai fait évoluer encore plus la bohassa standard en la rendant
polyphonique.
Je lui ai donné le nom de Bohassa polyphonique.
L’idée était très simple : séparer la mélodie en deux. La bohassa standard
possède deux perces et dans le cas de la bohassa polyphonique nous
avons trois perces : quatre trous sur le chanter du milieu occupé par la
main droite et cinq trous sur le chanter de gauche occupé par la main
gauche.
Le canal de droite étant toujours un bourdon semi-mélodique comme sur
les bohas ou les bohassas standard.
Aucune autre cornemuse ne ressemble à la
bohassa polyphonique dans son organologie
grâce à ses deux canaux mélodiques et son
bourdon semi-mélodique avec cette pièce de
bois, appelée brunider en gascon. Seules les
cornemuses d’Europe centrale comme la duda
présentent cette particularité.
Dernièrement mon invention a été récupérée
par d’autres luthiers, sans mon accord ce qui est
bien regrettable. Cela prouve au moins que
l’idée est bonne et qu’elle plait au point de la
copier.
la boudègue
(bodega en occitan ou craba)
Le deuxième type de cornemuse que je
fabrique est la boudègue.
Le début de sa fabrication se situe dans les
années 1990 sur les bases du travail accompli
par Charles Alexandre et Claude Romero tous
deux musiciens du sud de la France.
Le renouveau de la boudègue a commencé en
1970 grâce au travail de collectage de Charles
Alexandre.
Le terme de « bodega » est directement issu de
l’occitan « bot / bota » qui désigne l’outre. On
utilise une peau entière de chèvre appelée
« oire » et il était de tradition de tuer l’animal durant la vieille lune d’hiver
en choisissant une femelle plutôt qu’un mâle à cause de l’odeur.
Le hautbois de la boudègue est appelé « graïle » et est muni d’une anche
double entièrement taillée dans la masse du roseau, ce qui reste une
technique assez unique dans la fabrication d’une anche de ce type.
Le bourdon appelé « bonda » sonne deux octaves en dessous du « graïle »
et est composé de trois parties dont la dernière possède un gros
résonateur. Le bourdon repose sur l’épaule dans un style assez répandu en
Europe.
Cette grande cornemuse se rapproche beaucoup des représentations que
l’on possède des cornemuses du Moyen-Âge (cf. Enluminure de bréviaire
d’amour d’un moine franciscain de Béziers - 1321).
Nous avons retrouvé également une gravure
figurant sur un registre de la région de Labruguière
(Tarn) et l’une des plus anciennes attestations
écrites mentionnant la boudègue se trouve dans
l’ouvrage « Dictiounari Moundi » du toulousain
J. Doujat.
Celui-ci cite le mot « boudègo » en lui donnant la
définition de cornemuse.
L’aire de jeu de la boudègue s’étendait sur quatre départements français :
l’Aude, l’Hérault, la Haute-Garonne et le Tarn. Au début du XX° siècle on
comptait encore plusieurs centaines de joueurs de boudègue dans une
zone comprenant la région de Castres, des monts de Lacaune, de la
montagne noire et du Lauragais.
Par son côté carnavalesque, cet instrument fut souvent utilisé lors des
fêtes de rue. Le musicien se grimait et avait coutume de décorer la
boudègue de toutes sortes de pompons et autres guirlandes faites au
crochet, les couleurs devaient être les plus éclatantes possible.
La boudègue était beaucoup utilisée pour les mariages ou pour toute
réjouissance de la vie mais il existait aussi des airs de tour de ville qui
annonçaient les fêtes. Les boudégaires jouaient également pour la
promenade du bœuf dans de nombreux villages au moment du carnaval
ainsi qu’à Noël et à Pâques.
Le répertoire est composé de bourrées et de nombreuses danses typiques
du Tarn : la Bufatièra, le Buta Vam, le Branlou et le Virolet.
Issue d’une tradition sans âge, la boudègue est à
mon avis l’une des plus performantes des
cornemuses occitanes. D’un son grave et
profond, elle se détache des autres cornemuses
européennes qui sont en général beaucoup plus
stridentes.
Grâce à ses possibilités chromatiques, la
boudègue permet de jouer actuellement tout
style de répertoire traditionnel ou moderne. La
technique de fabrication de la boudègue est
assez complexe et les outils utilisés précis. Pour
exemple, la perce du graïle possède quatre
conicités différentes, l’alésoir étant très difficile à réaliser.
De par ses dimensions hors normes, le bourdon avec son résonateur est
lui aussi assez compliqué à fabriquer pour avoir un résultat homogène et
équilibré autant sur le plan esthétique que musical.
La boudègue est à mon goût une des plus attachantes cornemuses que j’ai
pu rencontrer.
la samponha
(symphonie en gascon)
La dernière des cornemuses occitanes que je
fabrique est une énigme tant sur le plan
organologique que sur ses origines.
La « samponha » est une cornemuse polyphonique
mais avec deux tuyaux séparés ayant des perces
coniques.
Cette cornemuse fut reconstituée à partir de
l’ensemble des représentations iconographiques
retrouvées en Béarn et dans les Pyrénées centrales.
Plusieurs écrits attestent de l’existence d’une
cornemuse dans les Pyrénées mais aucune trace
concrète d’instruments ne fut retrouvée.
La lithographie ci-contre évoque une scène champêtre, où trois musiciens
précèdent un cortège suivi d’un chariot.
Les costumes semblent être ceux de la
vallée d’Ossau (près de Pau), la scène se
passe en Béarn.
Le joueur de cornemuse porte son
instrument devant, afin de bien tenir les
deux pieds mélodiques.
La poche est grosse et doit provenir
d’une chèvre entière. Cette image nous
apprend beaucoup sur l’existence, la
forme et la tenue de l’instrument.
Nous avons ici certainement l’image du
trio traditionnel qui jouait dans les
Pyrénées aux 18° et 19° siècles : flûtes à
trois trous / ton-ton, samponha et
hautbois.
Les pieds de la Samponha s’organisent sur les deux tuyaux pour recréer la
une gamme complète allant de la note de base jusqu’à l’octave.
Deux notes sont en communs sur chaque tuyau, ce qui permet des
possibilités de créations harmoniques plus complexes que sur la bohassa
polyphonique. En fait j’ai réalisé la bohassa polyphonique sur les bases de
mon travail fait sur la samponha. La bohassa n’étant qu’une simplification
de l’organologie de la Samponha.
La Samponha n’est pas une invention mais une reconstitution. C’est mon
ami Bernard Blanc qui l’a reconstruite en 1993 sur un cahier des charges
fourni par Jacques Baudouin. J’ai découvert cet instrument dans un article
que Jacques Baudouin avait écrit dans la revue Pastel du Conservatoire
Occitan de Toulouse en 1994 (n° 19, 1° trimestre 1994). J'ai trouvé cet
article passionnant et même si cet instrument n'avait pas existé j'ai
considéré que sa démarche et son analyse était intéressantes.
De ce jour j’avais décidé de poursuivre le travail de Bernard Blanc. En
accord avec Jacques Baudoin, j’ai contacté Bernard Blanc et nous avons
convenu que je pouvais continuer la construction de la samponha dans
l’intérêt de l’instrument lui-même.
Je remercie encore Bernard pour m’avoir donné tous les renseignements
utiles pour entreprendre ce travail.
À l'époque la samponha jouait en La mais maintenant je fabrique aussi
des modèles en sol qui sonnent un peu plus grave et qui permettent de
jouer avec la flûte gasconne et le hautbois du Couserans (grand hautbois
en trois parties d'Ariège). Enfin mon rêve de voir rejouer le trio de
l'époque se réalise. Vous pouvez écouter tous ces instruments sur mon
dernier cd enregistré avec Pierre Rouch et exclusivement consacré aux
instruments des Pyrénées.
discographie
Duo Matta / Rouch
Cornemuses et Hautbois (2009)
Pireneus (2013)
Trencavel
Lo Pichon Trin (1997)
Al Café (2002)
Freta monilh
Tres Per Una (1992)
Freta Monih (1979)
Contacts : [email protected]
Site web : www.cornemusesoccitanes.com
Groupes utilisant mes cornemuses :
La Talvera
bohassa en F
Yan Cozian
bohassa en D et boha en Bb
Arnaud Bibonne
boha en G et A, bohassa en F, Eb, D, C et samponha
Nadau
boha en G et A
Gric de Prat
boha en G et C
Clica drona
bohassa en C
Didier Oliver
boha en G, A et bohassa polyphonique en D
François Lazarevic
boha en G et bohassa en D
Mozaica (Pierre Rouch)
bohassa en D
A Cadera Coixa (espagne)
chabrette en A et boha en G
Lo Dalfin (Sergio Berardo) boha en G
Chris Shaw (england)
boha en G
Partitions pour la Bohassa