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Societe française pour le droit international
Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
LES EFFETS JURIDIQUES INTERNATIONAUX
DES ENGAGEMENTS DES PERSONNES PRIVEES
par
Jean MATRINGE
Professeur à l’Université du Maine
Bien sûr, la querelle subsiste ça et là en doctrine de savoir si les personnes
privées sont ou peuvent être des sujets de droit international selon la définition
que les uns et les autres adoptent de la notion de sujet de droit et du droit
international public. En revanche, la doctrine généraliste du droit international
reconnaît largement que ces personnes ne peuvent pas former d’engagements en
droit international sauf rares exceptions. Au mieux est-il convenu aujourd’hui
que le droit international connaît certains comportements de personnes privées
qu’il tient pour inadmissibles afin de les ériger en faits illicites engageant la
responsabilité pénale ou civile de leur auteur ou provoquant la mise en œuvre
d’une sanction à leur encontre et qu’il reconnaît parfois à certaines d’entre elles
le droit de saisir une juridiction internationale.
Pour peu cependant que l’on s’entende sur les mots utilisés, c’est une thèse
contraire que nous aimerions proposer : les engagements de personnes privées
auxquels sont attachés des effets juridiques internationaux sont nombreux et
variés.
La personne privée, d’abord, embrassera, selon le sens couramment admis,
les personnes physiques et morales dites de droit privé. S’agissant des personnes
physiques, la personne privée sera celle à laquelle est, en propre, imputé un
engagement. Les autres, en effet, sont généralement appelées organes ou agents
en ce que leurs comportements sont imputés à une institution internationale –
État, organisation internationale, juridiction internationale… – en raison de
l’existence d’un lien juridique particulier entre celles-là et celle-ci. S’agissant des
personnes morales, la personne privée sera l’entité corporative de droit interne
suffisamment distincte de l’État et de ses subdivisions pour que ses
comportements lui soient imputés en propre et non à l’État.
Adopter une définition de la notion d’engagement est plus délicat. D’une
part, cette notion ne s’articule pas toujours nettement dans la lexicographie
juridique avec les notions proches d’acte ou de fait juridique. D’autre part, il est
difficile d’en trouver une définition qui embrasse la réalité complexe du
phénomène que les discours valides du droit et la technique juridique nomment
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Jean Matringe, ◦« Les effets juridiques internationaux des engagements des personnes privées»,
SFDI Colloque du Mans, Le sujet en droit international, Paris, Pedone, 2005, p. 117-156.
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« engagement ». Enfin, une définition en droit de l’engagement exige l’examen
de son régime, notamment de ses effets, et donc requiert de traiter préalablement
le sujet proposé. Il faudra donc s’en tenir à une approximation et retenir comme
engagement tout ce que la pratique, la doctrine et le sens commun appellent
« engagement ». C’est en étudiant chacun, notamment leur régime juridique
respectif qui comprend leurs effets de droit, qu’on pourra affiner la terminologie
en les classant comme des simples faits, des faits juridiques ou des actes
juridiques.
Les effets qui peuvent être attachés à un engagement sont dits juridiques
s’ils sont attachés à celui-ci par une règle de droit et ces effets juridiques sont
dits internationaux s’ils sont déterminés par une règle de droit international et
existent dans l’ordre juridique international. Peu importe que le même
engagement puisse produire (et produise) également et simultanément des effets
juridiques internes et qu’il puisse être réalisé (et soit réalisé) dans un ou plusieurs
ordres juridiques étatiques. En revanche, la détermination susvisée par la norme
de droit international doit être directe. En effet, il faut circonscrire l’étude aux
seuls effets de droit produits directement dans l’ordre juridique international.
Certes, les effets produits dans l’ordre interne des États peuvent être pris en
compte par des règles internationales. Cependant, s’ils le sont en tant qu’effets
déterminés par le droit interne, ils constituent, pour utiliser la formule de Carlo
Santulli, des « produits légaux étatiques »1 et échappent donc à notre analyse qui
doit se concentrer sur les produits des comportements des personnes privées et
non sur les produits des droits étatiques.
Si l’on utilise ainsi ces mots, la thèse avancée dès l’abord est compatible
avec une définition formelle du droit international public selon laquelle ce
dernier (et ce qu’il contient) n’est pas caractérisé par la matière qu’il a vocation à
régir, mais par son seul mode de formation, c’est-à-dire un consentement, exprès
ou non, des États. Elle ne semble pas infirmée par une quelconque pratique –
étatique, juridictionnelle ou autre – qui soit suffisamment régulière pour
dépasser le stade de la singularité et pouvoir être invoquée comme permettant de
réfuter validement la proposition.
Et parce que de l’observation des faits, aucune vérité ni aucun être légal ne
sont jamais nés, il semble possible d’affirmer l’efficacité juridique internationale
de certains engagements de personnes privées sans avoir à fouiller l’ensemble de
la pratique internationale.
C’est donc à la présentation de certains indices seulement qu’on se limitera
qui paraissent étayer la thèse annoncée qui s’articule autour de la proposition
générale selon laquelle les effets juridiques internationaux que les normes
internationales attachent directement aux engagements des personnes privées
peuvent être de trois sortes : la production de droits et obligations (I), la
1
C. SANTULLI, Le statut international de l’ordre juridique étatique. Etude du traitement du droit
interne par le droit international, Paris, Pedone, 2001, 540 p. auquel nous emprunterons également
infra le concept de “qualité légale”.
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détermination du droit applicable à une situation ou relation juridique (II) et,
enfin, la réalisation d’un statut juridique (III).
I. LA PRODUCTION DE DROITS ET OBLIGATIONS
Plusieurs normes internationales attachent à certains engagements de
personnes privées l’effet de créer des droits et obligations de droit international
dans leur propre chef et dans le chef d’institutions internationales. Si de tels
engagements ne paraissent pas pouvoir se voir attacher ce type d’effets en tant
qu’actes juridiques unilatéraux (B), ils peuvent le faire en liaison conventionnelle
avec un engagement d’un sujet de droit international (A).
A. Reconnaissance d’une production conventionnelle
Une telle reconnaissance ne rencontre aucun obstacle tenant à la structure de
l’ordre juridique international et du droit qui le régit. Si l’État peut former des
engagements unilatéraux en droit international, rien ne devrait pouvoir
l’empêcher de s’engager à tenir pour des produits internationaux qui lui sont
opposables les engagements qu’il aura pris avec une personne privée (ce premier
engagement unilatéral ayant la même validité en droit international que tout autre
engagement unilatéral d’un quelconque État) et même de s’engager
conventionnellement avec une personne privée. Car on voit mal comment un
État qui peut reconnaître des droits et obligations à une personne privée dans son
ordre juridique propre ne pourrait pas lui reconnaître des droits et obligations
similaires dont le régime serait soumis à des règles internationales. Rien en droit
international public n’exclut la validité de tels engagements étatiques, la seule
question devant se poser étant celle du champ de cette validité, c’est-à-dire
l’opposabilité d’un tel engagement.
On ne sera guère étonné, donc, qu’aucun élément de la pratique ne permet
de rejeter la proposition selon laquelle le droit international reconnaît une
production conventionnelle transétatique d’obligations et droits internationaux.
On peut au contraire lire régulièrement dans les recueils de sentences des
juridictions internationales l’affirmation selon laquelle un contrat entre un État et
une personne privée étrangère lie les deux parties en faisant naître à leur charge
des droits et obligations, cela même si l’on décide de ne pas retenir les décisions
qui ne qualifient pas expressément d’internationaux les droits et obligations ainsi
produits ou qui n’affirment pas explicitement que la proposition selon laquelle
une telle convention est obligatoire est une proposition de droit international.
Le droit international attache ainsi parfois à un contrat conclu entre un État
et une personne privée étrangère force obligatoire soumise au principe Pacta
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2
sunt servanda , notamment la production d’obligations internationales pour
l’État3 qui peuvent constituer la contrepartie de droits de la personne privée.
On admet en effet traditionnellement que les parties à un contrat peuvent
établir les règles qui régissent leurs comportements réciproques dans le cadre de
leur relation contractuelle. Ainsi certains traités bilatéraux d’investissement
disposent-ils que les investissements qui font l’objet d’un engagement particulier
d’une des Parties contractantes à l’égard des investisseurs de l’autre Partie
contractante – ce qui comprend les contrats – sont régis, sans préjudice de ses
propres dispositions, par les termes de cet engagement, étant seulement précisée
la condition que celui-ci comporte des dispositions plus favorables que celles
prévues par le traité4. Cette dernière condition ne nie pas l’efficacité juridique
2
Sur la consécration de ce principe, p. ex., Turnbull, Manoa Company (Limited), and Orinoco
Company (Limited) Cases, Mixed Claims Commission United States - Venezuela, R.S.A. vol. IX,
pp. 261, 304 ; Sentence intérimaire CCI, 1974, aff. n° 2321, J.D.I. 1975.938, obs. Y. DERAINS,
940 ; Sapphire International Petroleum Ltd. v. National Iranian Oil Company (NIOC), March 15,
1963, I.L.R, vol. 35, 1967, p. 136, 181 ; Texaco-Calasiatic c. Gouvernement de Libye,
19 janvier 1977, J.D.I. 1977, p. 350, sp. §§ 51-52 ; Libyan American Oil Company (LIAMCO) c.
Gouvernement de la République arabe libyenne, 12 avril 1977, I.L.R., vol. 62, 1982, p. 140,
191 ss. ; Résolution 1803 (XVII) A.G.N.U., « Souveraineté permanente sur les ressources
naturelles », § 8.
3
Dans ce sens, p. ex., George W. Hopkins (U.S.A.) v. United Mexican States, Commission générale
des réclamations Mexique/États-Unis, March 31, 1926, R.S.A., vol. IV, p. 41, §§ 13-14 ;
Lighthouses Arbitration between France and Greece, Claim n° 5, July 24, 1956, I.L.R. 1956,
p. 296 ; Affaire relative à la concession des phares de l'Empire Ottoman (Grèce/France),
24/27 juillet 1956, R.S.A., vol. XII, p. 155, spec. p. 215 ; Gouvernement de l'Arabie Saoudite c.
Arabian American Oil Company (Aramco), 23 août 1958, I.L.R., vol. 27, 1959, p. 117 ;
R.C.D.I.P. 1963.272, pp. 344, 350 ; BP Exploration Company (Libya) Limited v. Government of the
Libyan Arab Republic, 10 October and 1 August 1974, I.L.R., vol. 53, 1979, p. 297, 329 ; TexacoCalasiatic c. Gouvernement de Libye, op. cit., sp. §§ 66 ss. et dispositif ; Libyan American Oil
Company (LIAMCO) c. Gouvernement de la République arabe libyenne, op. cit., p. 192 ; In The
Matter of Revere Copper and Brass, Inc. and Overseas Private Investment Corporation,
24 August 1978, I.L.R., vol. 56, 1982, p. 258, 282, 284 ; AGIP S.p.A. v. People's Republic of the
Congo (ICSID Case No. ARB/77/1), November 30, 1979, 71 R.C.D.I.P., 1982, p. 92, note
H. BATIFFOL, §§ 49-53, 54-62, 63-67 ; Sentence CCI, 1981, aff. n° 3327, J.D.I,. 1982.971, obs.
Y. DERAINS, 974 ; Framatome et cons. c. Atomic Energy Organization of Iran, sentence (CCI) du
30 avril 1982, J.D.I. 1984. 58, sp. p. 77.
4
V. entre autres art. 10 du T.B.I. France/Nigeria du 27 février 1990, J.O. du 9 octobre 1991 ; art. 5 du
T.B.I. France/République fédérative tchèque et slovaque du 13 septembre 1990, J.O du
29 janvier 1992 ; art. 10 du T.B.I. France/Argentine du 3 juillet 1991, J.O. du 5 juin 1993 ; art. 5 du
T.B.I. France/État des Émirats arabes unis du 9 septembre 1991, J.O. du 8 avril 1995 ; art. 10 du
T.B.I. France/Mongolie du 8 novembre 1991, J.O. du 24 mars 1994 ; art. 10 du T.B.I.
France/Lituanie du 23 avril 1992, J.O. du 6 mai 1995 ; art. 10 du T.B.I. France/Estonie du
14 mai 1992, J.O. du 21 octobre 1995 ; art. 10 du T.B.I. France/Lettonie du 15 mai 1992, J.O. n° 96
du 23 avril 1995 ; art. 10 du T.B.I. France/Viet-Nam du 26 mai 1992, J.O. du 16 novembre 1994 ;
art. 10 du T.B.I. France/Algérie du 13 février 1993, J.O. du 7 juillet 2000 ; art. 10 du T.B.I.
France/Pérou du 6 octobre 1993, J.O. du 15 octobre 1996 ; art. 9 du T.B.I. France/Uruguay du
14 octobre 1993, J.O. du 22 mars 2001 ; art. 10 du T.B.I. France/Ouzbékistan du 27 octobre 1993,
J.O. du 17 octobre 1996 ; art. 10 du T.B.I. France/Trinité-et-Tobago du 28 octobre 1993, J.O. du
21 septembre 1996 ; art. 10 du T.B.I. France/Bolivie du 25 octobre 1989, J.O n° 283 du
5 décembre 1996 ; art. 10 du T.B.I. France/Turkménistan du 28 avril 1994, J.O. du 11 avril 1997 ;
art. 10 du T.B.I. France/Kirghizistan du 2 juin 1994, J.O. du 23 décembre 2000 ; art. 11 du T.B.I.
France/Pérou du 6 octobre 1993, J.O. n° 241 du 15 octobre 1996 ; art. 11 du T.B.I. France/Équateur
du 7 septembre 1994, J.O. du 30 novembre 2002 ; art. 10 du T.B.I. France/Philippines du
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internationale de l’engagement contractuel puisqu’il ne fait que poser une règle
de conflit en cas d’applicabilité simultanée de normes éventuellement
incompatibles ; au contraire, elle l’affirme bien en reconnaissant qu’un contrat
est autant apte à régir ces relations transétatiques qu’un traité interétatique.
Certaines clauses non substantielles d’un contrat, notamment celles relatives
au règlement des différends concernant le contrat, sembleraient également
pouvoir produire des droits et obligations. Bien sûr, pour une juridiction
internationale, ces clauses ne produisent pas de droits et obligations, mais
enclenchent seulement un statut qui lui est applicable ; on y reviendra à ce titre.
En revanche, pour les parties au contrat, ces clauses peuvent créer des droits et
obligations même si ceux-ci sont difficiles à distinguer de ceux qui résultent de
l’application du statut contentieux de la juridiction éventuellement saisie dont
certains éléments sont mis en œuvre dès l’adoption de telles clauses.
En somme, le droit international admet qu’un contrat auquel une personne
privée est partie peut produire deux types de règles : celles qui régissent la
conduite des parties au contrat (1) et celles relatives au règlement de leurs
différends relatif à celui-ci (2).
1. La production de règles de conduite
Ces règles peuvent être de deux sortes. Les parties déterminent toujours les
règles de comportement à suivre pour permettre la réalisation de l’objet du
contrat (a). Elles peuvent également établir des règles qui régissent les
conséquences de la violation par l’une d’elles de ses engagements (b).
a) Les règles de comportement
Le contrat, par principe, détermine les comportements des contractants qui
permettront la réalisation de son objet. Les clauses stipulant ces règles de
13 septembre 1994, J.O n° 244 du 18 octobre 1996 ; art. 10 du T.B.I. France/Sultanat d'Oman du
17 octobre 1994, J.O. du 17 octobre 1996 ; art. 9 du T.B.I. France/Roumanie du 21 mars 1995, J.O.
du 17 octobre 1996 ; art. 9 du T.B.I. France/Afrique du Sud du 11 octobre 1995, J.O. du
9 juillet 1997 ; art. 9 du T.B.I. France/Arménie du 4 novembre 1995, J.O. du 6 août 1997 ; art. 10
du T.B.I. France/Maroc du 13 janvier 1996, J.O. du 24 mars 2000 ; art. 10 du T.B.I. France/Qatar
du 8 juillet 1996, J.O. du 8 août 2000 ; art. 8 du T.B.I. France/Liban du 28 novembre 1996, J.O. du
6 novembre 1999 ; art. 9 du T.B.I. France/Géorgie du 3 février 1997, J.O. du 7 juillet 2000 ; art. 9
du T.B.I. France/Cuba du 25 avril 1997, J.O. du 9 décembre 1999 ; art. 9 du T.B.I.
France/Moldavie du 8 septembre 1997, J.O. du 19 novembre 1999 ; art. 10 du T.B.I.
France/Tunisie du 20 octobre 1997, J.O. du 9 septembre 1999 ; art. 9 du T.B.I. France/Macédoine
du 28 janvier 1998, J.O. du 4 mai 2000 ; art. 10 du T.B.I. France/Kazakhstan du 3 février 1998,
J.O. du 26 septembre 2000 ; art. 10 du T.B.I. France/Slovénie du 11 février 1998, J.O. du
26 octobre 2000 ; art. 10 du T.B.I. France/Nicaragua du 13 février 1998, J.O. du 7 juillet 2000 ;
art. 9 du T.B.I. France/Honduras du 28 avril 1998, J.O. du 17 juillet 2003 ; art. 10 du T.B.I.
France/Azerbaïdjan du 1er septembre 1998, J.O. du 22 septembre 2000 ; art. 9 du T.B.I.
France/République dominicaine du 14 janvier 1999, J.O. du 17 juillet 2003 ; art. 9 du T.B.I.
France/Cambodge du 13 juillet 2000, J.O. du 16 janvier 2003 ; art. 10 du T.B.I. France/République
bolivarienne du Venezuela du 2 juillet 2001, J.O. du 30 avril 2004. Avec des formulations
différentes : art. 3 du T.B.I. France/Hong Kong du 30 novembre 1995, J.O. du 27 juin 1997 ; art. 11
du T.B.I. France/Inde du 2 septembre 1997, J.O. du 7 juillet 2000 ; art. 10 du T.B.I.
France/Mexique du 12 novembre 1998, J.O. du 26 octobre 2000.
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comportement peuvent produire des effets juridiques internationaux, notamment
des droits au profit du contractant privé5 et des obligations à sa charge6.
Un indice de l’efficacité juridique internationale de telles clauses réside
dans le fait que leur violation par l’État peut engager, sous certaines conditions7,
la responsabilité internationale de celui-ci8, c’est-à-dire provoquer la réalisation
des règles du droit international qui gouvernent la responsabilité internationale
de l’État quand ces règles font partie du droit applicable par la juridiction
éventuellement saisie d’un recours en réparation pour inexécution du contrat.
Cela est le cas notamment des clauses d’intangibilité ou de stabilisation dans les
contrats d’État9.
b) Les règles relatives aux conséquences de la violation des règles de
comportement
Les parties peuvent également déterminer dans le contrat quelles seront les
conséquences à attacher au manquement par l’une d’elles à ses obligations. En
s’accordant ainsi sur les conséquences du non-respect par elles des règles de
5
V. p. ex. The Salvador Commercial Company et al. (United States/El Salvador), 8 May 1902,
R.S.A., vol. XV, p. 467, 476, 478 ; The Alsop Claim (Chile, United States of America), 5 July 1911,
R.S.A. vol. XI, p. 355, 365, 367 ; E. R. Kelley (U.S.A.) v. United Mexican States, General Claims
Commision (Mexico/U.S.A.), October 8, 1930, R.S.A. vol. IV, p. 608, p. 610 ; Affaire relative à la
concession des phares de l'Empire Ottoman (Grèce/France), op. cit., sp. p. 198 ; Gouvernement de
l'Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (Aramco), op. cit., p. 315, 317 ; TexacoCalasiatic c. Gouvernement de Libye, op. cit., pp. 361-362. Ainsi des droits de propriété au profit
de la personne privée in Shufeldt (États-Unis/Guatemala), 24 juillet 1930, R.S.A., vol. II, p. 1077,
1097 ; George W. Cook (U.S.A.) v. United Mexican States, Commission générale des réclamations
Mexique/États-Unis, June 3, 1927, R.S.A., vol. 4, p. 213, §§ 7, 8 ; BP Exploration Company (Libya)
Limited v. Government of the Libyan Arab Republic, 10 October and 1 August 1974, 53 I.L.R.
1979, p. 297, 329 ; Libyan American Oil Company (LIAMCO) c. Gouvernement de la République
arabe libyenne, op. cit., p. 189 ; Salini Costruttori SpA et Italstrade SpA c. Royaume du Maroc,
décision sur la compétence, 23 juillet 2001, J.D.I. 2002.196, obs. E. GAILLARD, sp. § 45 ; SGS
Société Générale de Surveillance S.A. v. Islamic Republic of Pakistan (ICSID Case n° ARB/01/13),
Decision of the Tribunal on Objection to Jurisdiction, August 6, 2003, ICSID Review ⎯ F.I.L.J.,
p. 307, sp. § 135.
6
Cf., p. ex. Affaire relative à la concession des phares de l'Empire Ottoman (Grèce/France), op. cit.,
p. 241 ; Sapphire International Petroleum Ltd. v. National Iranian Oil Company (NIOC),
March 15, 1963, 35 I.L.R. 1967, p. 136, 181 ; Sentence CCI, 1974, aff. n° 2216, J.D.I. 1975.917,
obs. Y. DERAINS.
7
Cf. notamment R.Y. JENNINGS, « State Contracts in International Law », B.Y.B.I.L., vol. 37 1961,
pp. 156-182, 177. Contra, SGS Société Générale de Surveillance S.A. v. Islamic Republic of
Pakistan (ICSID Case n° ARB/01/13), op. cit., § 167.
8
V. dans ce sens, p. ex., Affaire Aboilard (France/Haïti), 26 juillet 1905, R.S.A., vol. XI, p. 71, 8081 ; George W. Cook (U.S.A.) v. United Mexican States, Commission générale des réclamations
Mexique/États-Unis, June 3, 1927, R.S.A., vol. IV, p. 213 ; Affaire relative à la concession des
phares de l'Empire Ottoman (Grèce/France), op. cit., pp. 199, 213 ; Gouvernement de l'Arabie
Saoudite c. Arabian American Oil Company (Aramco), op. cit., p. 315 ; Texaco-Calasiatic, op. cit.,
§ 109 ; AGIP S.p.A. v. People's Republic of the Congo, op. cit., §§ 81-88 au sujet de la violation
d'une clause de stabilisation.
9
Dans ce sens, In The Matter of Revere Copper and Brass, Inc. and Overseas Private Investment
Corporation, op. cit., p. 284 ; AGIP S.p.A. v. People's Republic of the Congo, op. cit., § 85. V. Ph.
KAHN, « Contrats d'État et nationalisation : les apports de la sentence du 24 mars 1982 »,
J.D.I,. 1982, pp. 844-868, la nationalisation ayant en l'espèce été jugée compatible avec le contrat.
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comportement, les parties peuvent s’engager à ne pas invoquer d’autres
conséquences sauf nouvel accord, i.e. engagement conventionnel. De telles
clauses semblent pouvoir lier la juridiction internationale qui sera saisie d’un
différend relatif à l’interprétation ou à l’application du contrat. En effet, la
détermination par les parties du mode de règlement de leurs droits et obligations
lie le tribunal arbitral constitué sur le fondement de ce contrat10.
Une mention doit être faite d’un type d’accord particulier en raison de son
objet : l’accord portant règlement amiable d’un différend pendant devant une
juridiction internationale. Ce genre d’accord, qui peut être formé entre un État et
une personne privée étrangère, peut produire les effets de droit réputés voulus
par les parties, c’est-à-dire les droits et obligations convenus entre elles pour
mettre fin au différend11. Font cependant exception à ce schéma les règlements
amiables adoptés dans le cadre de la Convention européenne des droits de
l’homme, ceux-ci devant s’inspirer du respect des droits de l’homme tels que les
reconnaissent la Convention et ses protocoles. Concrètement, sous l’ancien
mécanisme, en vertu de l’article 28, un tel accord devait être approuvé par la
Commission qui adoptait un rapport12. Désormais, en vertu de l’article 38 § 1,
c’est à la Cour de donner son agrément à un accord amiable selon qu’il s’inspire
ou non du respect des droits de l’homme, son acceptation se traduisant par la
radiation de l’affaire du rôle. Logiquement, dans les deux cas, le refus de
l’instance internationale empêcherait qu’un tel accord produise les effets réputés
voulus par ses auteurs au regard de la Convention et son acceptation est
nécessaire pour qu’il produise de tels effets. Dans le cadre de cette convention,
donc, un tel accord n’est pas un engagement conventionnel auquel le droit
international attache des effets juridiques internationaux.
10
Dans ce sens, opinions des commissaires vénézuélien et français et opinion du sur-arbitre in Pieri
Dominique & Co. Case, op. cit., pp. 150, 152, 157 ; Compania del Desarrollo de Santa Elena c.
République du Costa Rica, sentence du 17 février 2000 (CIRDI), J.D.I. 2001.150, obs.
E. GAILLARD, §§ 68-69. Dans la même veine, French Company of Venezuelan Railroads Case,
Mixed Claims Commission France - Venezuela, 31 juillet 1905, R.S.A. vol. X, p. 285, opinion du
surarbitre, p. 349.
11
Devant la Commission de conciliation franco-italienne, l'accord formé conformément au § 8 de
l'article 78 du traité de Paix du 10 février 1947 entre l'Italie et les personnes privées dans l'intérêt
desquelles le gouvernement français présentait des demandes portant sur l'indemnité due à ces
personnes mettait fin au litige de différentes manières (le traité disposait qu'un tel arrangement se
substituerait aux dispositions de cet article relatif aux droits des ressortissants des Nations Unies et
obligations de l'Italie). Soit la Commission décidait qu'il n'y avait pas lieu à statuer (v. ainsi
Différend Cies d'assurances "Monde », « Métropole », « Paterna », décision n° 44, 8 mai 1950,
R.S.A., vol. XIII, p. 171), soit elle décidait de prendre acte de l'accord intervenu (p. ex. Différend
Società Mineraria et metallurgica di Pertusola, décision n° 121, 3 mars 1952, R.S.A. vol. XIII,
p. 198), soit encore elle reprenait dans le dispositif de sa décision le contenu de l'accord qui n'y était
pas expressément mentionné (Différend Fabrica Italiana Tubi (F.I.T.), décision n° 97, 8 mai 1951,
R.S.A. vol. XIII, p. 207 ; Différend Société foncière lyonnaise, décision n° 100, 20 juillet 1950,
R.S.A. vol. XIII, p. 219).
12
Sur le mécanisme et son extension par le règlement de la Cour et les Règles adoptées par le Comité
des Ministres aux règlements amiables devant ces deux instances, C. A. NØRGAARD,
H. C. KRUGER, « Article 28 § 1-b et § 2 », in L.-E. PETTITI, E. DECAUX, P.-H. IMBERT dir., La
Convention européenne des droits de l'homme. Commentaire article par article, 2e éd., Paris,
Economica, 1999, pp. 661-679.
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Le sujet en droit international
124
2. La production de règles d’adjudication. L’exemple des clauses
compromissoires
La clause compromissoire produit des effets à l’égard de la juridiction
internationale à laquelle elle attribue compétence ; on y reviendra. Elle produit
également des effets à l’égard des parties, au moins dans la mesure où celles-ci
ne peuvent pas empêcher la production de ceux-ci ni l’application par la
juridiction internationale des normes convenues.
La clause compromissoire, donc, lie les deux parties dans leurs rapports
réciproques en ce sens que le défendeur ne pourra pas juridiquement échapper à
la procédure de règlement du différend actionnée par le demandeur. Ainsi cet
engagement est-il considéré comme signifiant pour l’État renonciation à
invoquer son immunité de juridiction devant la juridiction internationale13 ou
comme rendant inapplicable cette immunité dans la procédure internationale en
raison de l’engagement d’arbitrage de l’État14.
De même ce dernier ne peut-il pas invalider à son propre égard une telle
clause15 ou plus généralement échapper à ces effets16, celle-ci étant obligatoire
13
Cf. dans ce sens Southern Pacific Properties (Middle East) Limited v. Arab Republic of Egypt
(ICSID Case No. ARB/84/3), Decision on Jurisdiction and Dissenting Opinion of April 14, 1988,
J.D.I., 1994.220, obs. E. GAILLARD, § 118 ; TGI Paris, référé, 6 juillet 1970, République socialiste
fédérale de Yougoslavie c. Sté européenne d'études et d'entreprises, J.D.I. 1971.131 note
Ph. KAHN, 132 ; P. BOUREL, « Arbitrage international et immunités des États étrangers. A propos
d’une jurisprudence récente », Rev. arb. 1982, pp. 119-146, 132 ; Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD,
B. GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Kluwer/Litec, 1996, § 642.
14
Dans ce sens, Sentence intérimaire CCI, 1974, aff. n° 2321, J.D.I. 1975.938, obs. Y. DERAINS, 940.
Cf. également A. T. VON MEHREN, E. JIMENEZ DE ARECHAGA, « L'arbitrage entre États et
entreprises étrangères. Preliminary Report », A.I.D.I. , vol.63, t. I, 1989, Paris, Pedone, pp. 31-51,
§ 41 et les observations y relatives des membres de l'Institut in ibidem, entre autres, de B.
GOLDMAN, p. 66 ; S. M. SCHWEBEL, p. 82. Le principe fut régulièrement réaffirmé ensuite par les
rapporteurs et membres de l'Institut puis énoncé in art. 9 de la résolution de l'I.D.I. « L'arbitrage
entre États, entreprises d'État ou entités étatiques et entreprises étrangères », 12 septembre 1989,
A.I.D.I., vol. 63, t. II, pp. 324 ss., 331.
15
V. notamment Framatome et cons. c. Atomic Energy Organization of Iran, op. cit., pp. 71-72 ;
Losinger & Cie, S.A. c. Royaume de Yougoslavie, Jugement préjudiciel, 11 octobre 1935, in
C.P.J.I., série C n° 78, p. 105, 110 où, répondant à la contestation de sa juridiction par la
Yougoslavie au motif que le contrat qui prévoyait la procédure d'arbitrage pour les Parties
contractantes était sans effet, ayant été résilié par décision du Conseil des ministres, autrement dit à
l'assertion selon laquelle « L'annulation du contrat a emporté l'annulation de la clause arbitrale y
contenue et a ainsi mis fin à la faculté de recourir à un arbitrage », le surarbitre déclara : « Cette
argumentation ne résiste pas à l'examen. […] si elle était fondée, elle permettrait à une partie
d'échapper à la juridiction arbitrale par un simple acte unilatéral dans un différend pour lequel
l'arbitrage a précisément été prévu […], il est de jurisprudence constante que “ la résiliation
unilatérale d'un contrat reste sans effet à l'égard de la clause compromissoire, laquelle subsiste à
tout le moins jusqu'à droit connu sur les motifs de résiliation ”, ainsi que sur les conséquences
d'une résiliation injustifiée. […]. La résiliation du contrat du 2 mars 1929 est donc sans effet sur la
clause d'arbitrage ». Voir aussi Alcoa Minerals of Jamaica, Inc. v. Jamaica (Case No. ARB/74/2),
Decision on Jurisdiction and Competence of July 6, 1975, Yb. Comm. Arb., vol. 4, 1979, p. 206,
207 : « In the present case the written consent was contained in the arbitration clause between the
Government and Alcoa […] This consent having been given could not be withdrawn » ; Libyan
American Oil Company (LIAMCO) c. Gouvernement de la République arabe libyenne,
12 avril 1977, I.L.R., vol. 62,1982, p. 140, 178 : « It is widely accepted in international law and
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Le sujet en droit international
125
pour lui comme elle l’est pour la personne privée17. Si son traité constitutif n’en
dispose pas autrement, l’organisation internationale devrait également être
considérée comme renonçant à son immunité de juridiction par la conclusion
dans un contrat d’une clause compromissoire18.
Sur un autre plan, et sans multiplier les exemples, le refus par la partie
défenderesse de nommer un arbitre peut être contourné par une clause du contrat
liant la personne privée à un État ou à une organisation internationale. Les
clauses contractuelles ne sont pas rares qui prévoient cette hypothèse et confèrent
ce pouvoir de nomination à une instance tierce en sorte que la procédure ne peut
pas être bloquée dans l’ordre juridique international en raison du seul refus de la
partie défenderesse.
Ce refus peut également être contourné par le statut de la juridiction
internationale saisie au moyen d’une sorte de mécanisme d’exécution d’office de
practice that an arbitration clause survives the unilateral termination by the State of the contract in
which it is inserted and continues in force even after that termination. This is a logical consequence
of the interpretation of the intention of the contracting parties, and appears to be one of the basic
conditions for creating a favorable climate for foreign investment. This rule was adopted by
decisions of the International Court of Justice, and of many Arbitral Tribunals. Such decisions have
confirmed the obligation of the State to arbitrate with a private party according to the terms of the
contract despite the protest or default of the State and despite arguments that the agreement
containing the arbitration Clause had been terminated or come to an end » ; Elf Aquitaine Iran c.
National Iranian Oil Company, sentence arbitrale préliminaire, 14 janvier 1982, Rev.
arb., 1984.401, § 35 ; Elf Aquitaine Iran c. National Iranian Oil Company, op. cit. : « 38. C'est un
principe reconnu du droit international qu'un État est lié par une clause d'arbitrage contenue dans
un accord conclu par l'État lui-même ou par une société détenue par l'État, et ne peut
ultérieurement supprimer unilatéralement l'accès de l'autre partie au système envisagé par les
parties dans leur accord en ce qui concerne le règlement des litiges. […] 42. L'arbitre unique est,
de ce fait – conformément aux considérations d'équité et aux principes généralement reconnus du
droit international – arrivé à la conclusion que la clause d'arbitrage de la convention ne peut être
supprimée unilatéralement par la République Islamique d'Iran et que la loi à article unique et la
décision prise par le Comité spécial en vertu de cette loi n'ont pas supprimé l'efficacité de la clause
compromissoire ». V. aussi l'art. 25 CIRDI aux termes duquel quand les parties ont donné leur
consentement à l'arbitrage d'un tribunal du Centre, aucune partie ne peut retirer son consentement
unilatéralement.
16
V. Lena Goldfields Arbitration, 2 september 1930, 36 Cornell Law Quaterly 1950, p. 42 ; Annual
Digest of Public International Law Cases, Years 1929-1930, p. 426, 427 : « Although the
Government has thus refused its assistance to the court [en ne comparaissant pas], it still remains
bound by its obligations under the concession agreement, and in particular by the terms of
article 90, the arbitration clause of the contract » ; Texaco-Calasiatic c. Gouvernement de Libye,
op. cit., § 58.
17
Sur le caractère obligatoire de cette clause pour cette dernière, p. ex., Woodruff Case, Commission
États-Unis/Venezuela, R.S.A., vol. IX, p. 221, 222 ; North American dredging Company of Texas
(U.S.A.) v. United Mexican States, Commission générale des réclamations Mexique/États-Unis,
31 mars 1926, R.S.A., vol. IV, p. 26, § 24 d), g) et h).
18
Dans ce sens, se fondant sur les dispositions de deux conventions internationales (traité instituant
l'UNESCO et accord de sièges UNESCO/France) : T.G.I. Paris, ord. réf., 20 octobre 1997, Boulois
c. UNESCO, Rev. arb., 1997, p. 575, note Ch. JAROSSON, l'appel ayant été rejeté pour les mêmes
motifs ainsi que d'autres tirés de l'ordre public interne, CA Paris, 19 juin 1998, UNESCO c.
Boulois, Rev. arb., 1999, p. 343, note Ch. JAROSSON.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
126
19
l’obligation de désignation . Car, si l’on devait douter qu’un effet obligatoire est
attaché à la clause compromissoire par le droit international général, des droits
internationaux spéciaux comme la Convention CIRDI confèrent assurément à
l’accord entre un État et une personne privée étrangère de recourir à l’arbitrage le
caractère d’une obligation internationale20. De même convient-il de mentionner
le développement des traités bilatéraux de promotion et protection des
investissements qui prescrivent régulièrement l’obligation pour l’État d’accueil
de l’investissement de respecter les engagements qu’il a souscrits dans des
contrats d’investissement21, ce qui devrait embrasser les clauses
compromissoires y stipulées. En présence d’une telle prescription, la violation
par l’État d’accueil de ses obligations contractuelles constitue également une
violation du traité lui-même qui prescrit son respect, c’est-à-dire une violation du
droit international22. Dans ce cas donc, au moins, l’engagement conventionnel a
pour effet juridique international l’habilitation qu’on a dite d’enclencher
unilatéralement l’instance juridictionnelle.
La clause de droit applicable éventuellement insérée dans un contrat
transétatique aura le même statut qui lui reconnaît un caractère obligatoire pour
la juridiction internationale (voir infra) ainsi que pour les parties23.
19
Voir ainsi l'art. 38 de la Convention CIRDI sur la demande au Secrétaire général de nommer
l'arbitre ou les arbitres non désignés par l'autre partie, le Secrétaire général étant obligé de procéder
à cette nomination.
20
En ce sens, A. BROCHES, « The Convention on the Settlement of Investment Disputes Between
States and Nationals of Other States », R.C.A.D.I., 1972, t. 136, pp. 331-410, 352 ; R. KOVAR, « La
compétence du Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements »,
in Investissements Etrangers et Arbitrage entre États et Personnes Privées : La Convention
B.I.R.D. du 18 mars 1965, Centre de Recherche sur le Droit des Marchés et des Investissements
Internationaux de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Dijon, Paris, Pedone, 1969,
pp. 25-58, 49.
21
Ainsi le T.B.I. France/Yémen du 27 avril 1984, J.O. du 19 décembre 1991, art. 2.2 : « Chaque
Partie contractante s'engage à honorer les obligations qu'elle peut avoir contractées relativement
aux investissements des nationaux ou sociétés de l'autre Partie contractante » ; le T.B.I.
France/U.R.S.S. du 4 juillet 1989, J.O. du 17 octobre 1991, art. 8 : « Chaque Partie contractante
respecte tout engagement qu'elle a pris à l'égard d'un investisseur de l'autre Partie contractante
relativement à un investissement réalisé par cet investisseur sur le territoire ou dans la zone
maritime de la Première Partie contractante ». Certains traités plurilatéraux disposent de même
comme l'article 10 § 1 du traité sur la Charte de l'énergie.
22
Dans ce sens Antoine Goetz and others v. Republic of Burundi (Case No. ARB/95/3), Award
embodying the parties' settlement agreement rendered on February 10, 1999, 15 ICSID Review ⎯
F.I.L.J. 2000, p. 457, § 64 ; SGS Société Générale de Surveillance S.A. v. Republic of the
Philippines (ICSID Case n° ARB/02/6), Decision of the tribunal on Objections to Jurisdiction,
January 29, 2004, §§ 113 ss. Contra, sauf circonstances exceptionnelles, SGS Société Générale de
Surveillance S.A. v. Islamic Republic of Pakistan, op. cit., §§ 166 ss. Ainsi, § 173, le tribunal
déclare qu'il ne dit pas que les États ne peuvent pas s'entendre pour que les violations des contrats
qu'ils ont conclus avec des investisseurs étrangers constituent des violations du T.B.I. ; tel n'était
simplement pas le cas en l'espèce.
23
Cf., p. ex. Elf Aquitaine Iran c. National Iranian Oil Company, op. cit., § 19 : « Un État qui a luimême conclu un contrat international ou a autorisé des sociétés ou institutions dépendant de lui à
conclure un tel contrat soumis en tant que lex contractus aux principes reconnus de droit
international n'est pas libre de changer cette lex contractus par une législation ultérieure »,
rattachant cette impossibilité essentiellement à l'existence d'une clause d'intangibilité dans le
contrat.
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127
B. Rejet d’une production unilatérale
Certaines normes internationales, comme dans le cadre de la Convention
européenne des droits de l’homme, semblent reconnaître à une personne privée la
faculté de renoncer à un droit qui lui est reconnu par une norme internationale24 ;
on y reviendra avec l’examen du mécanisme de l’option25. En revanche, aucune
ne paraît reconnaître clairement et expressément à une personne privée le
pouvoir de produire unilatéralement des droits et obligations internationaux.
Tout au plus peut-on mentionner le phénomène particulièrement singulier et rare
du pouvoir reconnu à une personne privée de rejeter ou accepter un accord
interétatique et de rendre ainsi ce dernier juridiquement inefficace ou efficace.
Certaines conventions fiscales prévoient en effet que la procédure amiable
qu’elles instituent – qui se déroule d’abord au niveau étatique puis au niveau
interétatique – peut aboutir à un accord entre les autorités compétentes des États
parties. Le contribuable qui avait initié la procédure dispose alors parfois d’un
délai pour réagir à cet accord. S’il le refuse, l’accord ne produira pas les effets
voulus par ses auteurs et la situation du contribuable sera réglée par chaque État
partie compte tenu de son droit interne. En revanche, l’acceptation par la
personne privée de l’accord aura pour effet que celui-ci sera appliqué dans les
deux États26.
Hors de cette hypothèse particulière, si certaines règles de droit international
mentionnent la faculté pour certaines personnes privées de former des
engagements auprès d’institutions internationales, ces engagements, dans les cas
qu’on a pu recenser, ne semblent jamais véritablement pouvoir produire par euxmêmes des effets juridiques internationaux. Au mieux peut-on dire qu’ils sont
offerts ou proposés à une institution internationale pour être acceptés ou rejetés
unilatéralement par celle-ci. Le fait producteur d’effets juridiques internationaux
est dans ces hypothèses la réaction à l’engagement et non la formulation de ce
dernier de sorte que l’engagement de la personne privée constitue un simple fait,
international ou interne selon que la norme internationale l’appréhende
directement ou non.
24
Pour l'affirmation par la Cour de cette possibilité de renonciation à un droit garanti et les conditions
qui l'assortissent, p. ex., Neumeister c. Autriche (article 50), 7 mai 1974, série A n° 17, § 36 ; Le
Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, 23 juin 1981, série A n° 43, § 59 ; Albert et Le
Compte c. Belgique, 10 février 1983, série A, n° 58, § 35 ; Colozza c. Italie, 12 février 1985,
série A, n° 89, § 28 ; Barberà, Messegué et Jabardo, 6 décembre 1988, série A n° 146, § 82 ;
Oberschlick c. Autriche, 23 mai 1991, série A n° 204, § 51 ; Pfeifer et Plankl c. Autriche,
25 février 1992, série A n° 227, § 37 ; Pailot c. France, 22 avril 1998, §§ 51-52 ; Richard c.
France, 22 avril 1998, §§ 48-49.
25
V. également comme reconnaissance de l'efficacité juridique internationale d'une renonciation par
une personne privée : E/C Archibald Neil Campbell c. le gouvernement de la République
portugaise, 10 juin 1931, R.S.A., vol. II, p. 1151, 1156 ; Affaire de la Compagnie d’électricité de
Varsovie (fond-principe) (France c. Pologne), 24 novembre 1932, R.S.A., vol. III, p. 1680, 1684.
26
Sur ce mécanisme, B. GOUTHIERE, Les impôts dans les affaires internationales, 5e éd., Editions
Francis Lefebvre, n° 2920.
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Le sujet en droit international
128
1. L’engagement comme fait international
L’engagement de la personne privée semble pouvoir être qualifié de fait
international notamment dans le cadre du droit communautaire de la
concurrence, plus particulièrement dans celui de la procédure de contrôle des
concentrations de dimension communautaire (a) et dans celui des procédures de
contrôle des pratiques anti-concurrentielles (b).
a) Le contrôle des concentrations de dimension communautaire
Le mécanisme de contrôle27 institue un système de notification préalable des
opérations de concentration de dimension communautaire afin que la
Commission apprécie leur compatibilité avec le marché commun. Pendant cet
examen, les entreprises concernées peuvent former des engagements à deux
moments afin, en simplifiant, de rendre l’opération notifiée conforme au droit
communautaire en cas de doute ou d’appréciation défavorable de la Commission.
Lors d’une première phase, cette dernière examine si l’opération entre dans
le champ d’application du règlement et soulève un doute sérieux de compatibilité
avec le marché commun. Pendant cette phase, elle peut recevoir de la part des
entreprises concernées des engagements permettant de rendre acceptable
l’opération notifiée. Si elle constate que l’opération ne soulève plus de doute
sérieux après ces modifications, elle peut décider de la déclarer compatible. Dans
ce cas, elle peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à assurer
que les entreprises concernées respecteront les engagements qu’elles ont pris à
son égard en vue de rendre la concentration compatible.
Ces engagements ne semblent pas constituer des actes juridiques
internationaux dans la mesure où aucune norme internationale ne leur attache les
effets de droit réputés voulus par leurs auteurs. Ils ne constituent que des « faits »
pris en considération par la Commission parmi d’autres pour apprécier s’il existe
un doute sérieux sur la compatibilité de l’opération28. Au mieux donc sont-ils
insérés dans la décision de celle-ci en tant que motifs d’engager ou non la
deuxième phase de son contrôle. Dans cette situation, en effet, le non-respect
d’un engagement n’entraîne pas de plein droit l’inefficacité juridique de la
27
Institué par le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des
opérations de concentration entre entreprises, J.O.C.E. n° L 395 du 30 décembre 1989, p. 1. Ce
mécanisme n'a pas été modifié en ce qui nous concerne par la réforme entrée en vigueur le
1er mai 2004 opérée par le Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au
contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations »), J.O.U.E.
n° L 24/1 du 29 janvier 2004.
28
Dans ce sens, Règlement (CE) n° 447/98 de la Commission du 1er mars 1998 relatif aux
notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil
relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, J.O. n° L 61/1 du 2 mars 1998,
art. 18 § 1 : « Les engagements que les entreprises concernées proposent à la Commission
conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4064/89 et que les parties veulent
faire prendre en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, point b),
dudit règlement doivent être communiquées à la Commission […] » (c'est nous qui soulignons).
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Le sujet en droit international
129
décision, mais, tout au plus, peut amener la Commission à décider de continuer
l’examen de l’opération et prendre une nouvelle décision.
Si, à la suite de ce premier examen, cette dernière estime qu’il y a un doute
sérieux sur la compatibilité de l’opération avec le marché commun, elle décide
d’engager la procédure de contrôle. Lors de cette deuxième phase, elle peut
recevoir à nouveau des engagements formés par les entreprises concernées pour
rendre leur opération compatible avec le marché commun. À l’issue de cette
phase, elle peut décider que l’opération est licite sous réserve de conditions et
charges destinées à garantir que ces entreprises respecteront les engagements
qu’elles ont pris à son égard.
La détermination du statut des engagements des entreprises dans cette
procédure n’est pas facile. Il est seulement possible d’affirmer que la décision de
la Commission est un acte unilatéral imputable à celle-ci et non un acte
conventionnel entre les personnes privées qui forment l’engagement et
l’institution communautaire29. C’est donc dans cette décision unilatérale qu’il
faut déterminer la place des engagements. Trois hypothèses sont envisageables,
après en avoir écarté une, qui conduisent à la même conclusion.
Il ne semble pas possible, d’abord, d’affirmer que l’engagement constitue le
fait juridique dénommé « condition » dans l’ensemble légal appelé « acte
conditionnel » par la théorie de l’acte unilatéral conditionnel. Cette théorie, que
l’on rencontre notamment dans la doctrine française de droit administratif, n’est
pas d’une utilisation aisée. D’abord, la transposition aux actes unilatéraux
décisoires de cette théorie conçue par le droit privé dans le cadre des obligations
conventionnelles a conduit à une altération des notions de condition suspensive,
résolutoire ou extinctive qui ne sont plus tout à fait les mêmes que les notions
parentes du droit privé. Surtout, il n’est pas évident que ces techniques, qui
normalement concernent la validité des produits de l’acte qu’elles assortissent,
peuvent être applicables à des décisions qui constituent une déclaration de
compatibilité d’un comportement et non l’attribution de droits et obligations. Car
la réalisation ou non de la condition n’a pas pour conséquence la naissance ou
l’extinction de droits et obligations ni ne produit d’effet sur la validité de la
décision de la Commission. D’une part, la réalisation de l’engagement n’a aucun
effet de droit international ; elle ne rend pas valide une norme déjà posée par la
Commission. D’autre part, la non-réalisation de l’engagement n’a pour effet que
de justifier une nouvelle intervention de cette dernière telle que la révocation de
sa décision de compatibilité qui est immédiatement valide30 ou l’imposition de
29
Dans ce sens, L. IDOT, « A propos des engagements en droit de la concurrence : quelques
réflexions sur la pratique communautaire et française », C.D.E. 1999, pp. 570-610, § 7.
30
En ce sens, ARD c. Commission des Communautés européennes, arrêt du 30 septembre 2003, T158/00, §§ 209, 267, 352. Dans la pratique de la Commission, 92/553/CEE : Décision du
22 juillet 1992, relative à une procédure au titre du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (Affaire
n° IV/M.190 - Nestlé/Perrier), J.O.C.E. n° L. 356 du 5 décembre 1992, p. 1, § 138 ; 94/893/CE :
Décision, du 21 juin 1994, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et
l'accord EEE [IV/M.430 - Procter & Gamble/VP Schickedanz (II)], J.O.C.E. n° L. 354 du
31 décembre 1994, p. 32, § 118.
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Le sujet en droit international
130
sanctions à l’encontre des entreprises qui auraient violé leurs engagements31,
nouvelle intervention de la Commission qui pourrait être justifiée autrement, i. e.
par d’autres considérations.
Trois hypothèses seulement semblent en conséquence envisageables.
Dans une première hypothèse, l’engagement n’est qu’un « fait » que la
Commission prend en considération pour apprécier la compatibilité de
l’opération de concentration au regard du marché commun ; un simple fait parmi
tous ceux ordinairement considérés par elle dans cette appréciation32 ou, plus
simplement, un élément du projet de concentration à apprécier33.
Dans une deuxième hypothèse, il s’agit toujours d’un simple « fait », mais
dont le contenu est incorporé dans la décision communautaire en tant que motif
de la déclaration de compatibilité. En effet, la décision selon laquelle la
Commission déclare une opération compatible sous réserve du respect de
l’engagement signifie que si les parties à l’opération ne respectent pas leurs
engagements, l’opération ne sera plus tenue pour compatible. Ainsi,
l’engagement n’est qu’un « fait » ; seul son non-respect constitue un « fait
juridique » auquel sont attachés la conséquence que l’opération devient
incompatible et les effets que le droit communautaire attache à cette
incompatibilité.
Dans une troisième hypothèse, enfin, le contenu de l’engagement est
incorporé dans l’objet de la décision qu’on peut styliser ainsi : puisque les
entreprises ont pris des engagements, l’opération est compatible dans la limite de
la réalisation de ceux-ci. Autrement dit, en cas de non-respect de l’engagement,
la concentration mise en œuvre n’est plus celle qui fut déclarée compatible ni
même celle qui fut notifiée, la Commission pouvant dès lors la sanctionner34.
Mais, dans ce cas, aucun effet juridique international n’est attaché en propre à
31
Dans ce sens, UPS Europe SA c. Commission des Communautés européennes, Arrêt du
20 mars 2002, T-175/99, § 64 au sujet d'un engagement pris en réponse à une condition imposée
par la Commission dans une décision de compatibilité prise sur la base de l'art. 6 § 1. Dans la
pratique de la Commission, cf. 92/553/CEE : Décision du 22 juillet 1992, précitée, § 138 ;
94/893/CE : Décision du 21 juin 1994 précitée, § 118.
32
Dans ce sens, le règlement de la Commission n° 447/98 précité, art. 18 § 2 : « Les engagements
que les entreprises concernées proposent à la Commission conformément à l'article 8,
paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4064/89 et que les parties veulent faire prendre en
considération dans une décision fondée sur cet article, doivent être communiqués à la Commission
[…] ». V. également Tetra Laval BV c. Commission des Communautés européennes, arrêt du
25 octobre 2002, T-5/02, § 161 : « [L]a circonstance que la requérante a proposé, en l'espèce, des
engagements relatifs à son comportement futur est également un élément dont la Commission
aurait nécessairement dû tenir compte aux fins d'apprécier s'il était vraisemblable que la nouvelle
entité se comportera d'une manière rendant possible la création d'une position dominante sur un ou
plusieurs des marchés des équipements PET en cause. Or, il ne ressort pas de la décision attaquée
que la Commission a pris en considération les implications desdits engagements dans son analyse
relative à la création à l'avenir d'une telle position moyennant l'exercice de l'effet de levier prévu ».
33
Dans ce sens, M. P. BROBERG, « Commitments in Phase One Merger Proceedings : The
Commission’s Power to Accept and Enforce Phase One Commitments », C.M.L.R., vol. 34, 1997,
pp. 845-866, 863.
34
V. M. P. BROBERG, ibidem, p. 864.
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Le sujet en droit international
131
l’engagement. Seul subsiste dans l’ordre juridique son contenu incorporé dans
l’objet de la décision de la Commission. On voit clairement à cet égard dans les
règlements 4064/89 et 139/2004 cette disparition des engagements qui n’existent
qu’avant la décision de la Commission, laquelle édicte des conditions et charges
aux fins d’assurer leur respect par les entreprises concernées35.
Finalement, donc, l’engagement de l’entreprise est un simple fait que la
Commission prend en considération dans son contrôle. Certes, son contenu est
parfois incorporé dans la décision de celle-ci comme motif ou objet de la
déclaration de compatibilité ou d’incompatibilité. Cependant, il semble ne jamais
apparaître dans l’ordre juridique international en tant que comportement d’une
personne privée susceptible de se voir attacher in se des effets juridiques
internationaux.
b) Le contrôle des ententes et abus de position dominante
Le premier règlement d’application des anciens articles 85 et 86 du Traité
instituant la Communauté européenne ne mentionnait pas expressément la
faculté pour les entreprises de former des engagements. Cependant, la pratique a
vu se développer l’édiction de décisions de la Commission prises au vu
d’engagements dont la violation avait pour conséquence que la Commission
devait rouvrir la procédure36.
L’examen de la pratique ne permet pas de se faire une idée précise de la
nature juridique de tels engagements. Rien, cependant, ne semble interdire de les
considérer de la même manière que dans la procédure anti-concentration, ce que
permet de confirmer la lecture du nouveau règlement d’application.
En effet, s’il ne distingue pas véritablement les engagements formés par les
entreprises de leur contenu qui peut être repris dans la décision de la
Commission en tant que condition (de la manière qu’on a vue dans le nouveau
règlement concentrations), ce règlement dispose cependant à plusieurs reprises
que c’est la décision de celle-ci qui rend obligatoires ceux-là37. Aucun effet
35
V. ainsi, dans le nouveau règlement, art. 6 § 2 : la Commission peut assortir sa décision de
conditions et charges destinées à assurer le respect des engagements pris à son égard ; art. 6 § 3 b)
la Commission peut révoquer sa décision si les entreprises ne respectent pas une charge qui assortit
la décision ; art. 8 § 2 : la Commission peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à
assurer le respect par les entreprises des engagements pris à son égard ; art. 8 § 4 : la Commission
peut ordonner la dissolution de la concentration ou ordonner toutes mesures appropriées si une
concentration a été réalisée en violation d'une condition dont est assortie une décision ; art. 8 § 5 :
elle peut prendre des mesures provisoires si une concentration a été réalisée en violation d'une
condition qui assortit sa décision ; art. 8 § 6 : elle peut révoquer sa décision si les entreprises
contreviennent à une charge qui assortit la décision ; art. 14 § 2, d) : elle peut infliger des amendes
aux personnes et aux entreprises et associations d'entreprises qui contreviennent à une condition ou
charge imposée par décision ; art. 15 § 1 : elle peut infliger des astreintes pour contraindre les
personnes et entreprises ou associations d'entreprises à exécuter une charge imposée par décision.
36
Voir L. IDOT, « Le nouveau système communautaire de mise en œuvre des articles 81 et 82 CE
(Règlement 1/2003 et projets de texte d'application) », C.D.E, 2003, pp. 283-371, § 206.
37
Ainsi, art. 9 § 1 : « la Commission peut, par voie de décision, rendre ces engagements obligatoires
pour les entreprises » ; art. 23 § 2 c) selon lequel la Commission peut décider d'infliger des
amendes aux entreprises et associations d'entreprises lorsque celles-ci « ne respectent pas un
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
132
juridique international n’est donc attaché en propre aux engagements ; c’est la
décision de la Commission qui aura pour effet, éventuel, d’élever leur contenu en
obligations internationales. Seule existe pour le droit international cette décision
qui renvoie au contenu d’engagements, lesquels relèvent de son point de vue de
l’ordre des faits. À ce titre, il convient de noter que, saisie dans l’affaire Pâte de
Bois d’une demande d’annulation par des entreprises d’un engagement, la
C.J.C.E. rejeta la demande de décision d’irrecevabilité de la Commission fondée
sur la prétention que cet engagement constituait un acte unilatéral des entreprises
requérantes et ne pouvait donc pas faire l’objet d’un recours en annulation. La
Cour déclara que les obligations que créait l’engagement pour les requérantes
devaient être assimilées à des injonctions de cessation d’infractions prévues par
la disposition du règlement d’application qui habilite la Commission à prendre
toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’infraction constatée. Ainsi,
selon la Cour, les requérantes, en prenant cet engagement, se sont bornées à
acquiescer à une décision que la Commission aurait pu prendre unilatéralement.
En l’espèce, elle estima qu’il y avait lieu d’annuler les dispositions de
l’engagement dans la mesure où elles imposaient d’autres obligations que celles
qui résultaient des constatations d’infractions établies par la Commission38.
Malgré l’allusion malhabile faite à un acquiescement des entreprises, l’arrêt
révèle que le contentieux des engagements relève du statut contentieux des
décisions de la Commission, ce qui n’infirme pas la proposition selon laquelle
les premiers sont incorporés aux secondes.
2. L’engagement comme fait interne
L’engagement mentionné par une norme internationale peut être considéré
comme un fait interne lorsqu’il ne peut pas produire d’effet dans l’ordre
juridique international à l’égard duquel il n’existe même pas juridiquement bien
qu’il soit prévu par lui. Cette situation à première vue paradoxale semble se
réaliser dans deux domaines : dans le cadre de la réglementation par l’O.M.C.
des mesures anti-dumping (a) et dans le cadre des procédures nationales de
contrôle des pratiques anti-concurrentielles prévues par le droit
communautaire (b). Dans ces deux cas, la norme internationale ne fait que
prescrire aux États un agencement particulier de leur ordre juridique respectif
afin d’assurer la réalisation des normes internationales, agencement qui prévoit
la formation d’engagements par des personnes privées, mais dont le contenu est
sans pertinence pour le droit international qui n’exige que le fait qu’ils puissent
être formés et qu’ils soient pris en considération par les autorités étatiques.
engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l'article 9 » ; art. 24 § 1 c) selon lequel elle
peut décider d'infliger aux entreprises et associations d'entreprises des astreintes pour les
contraindre « à respecter un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l'article 9 ».
Contra, art. 9 § 2, b selon lequel la Commission peut rouvrir la procédure si les entreprises
contreviennent à leurs engagements.
38
A. Ahlström Osakeyhtiö e. a. c. Commission des Communautés européennes, Arrêt du
31 mars 1993, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à 129/85, Rec. 1993,
p. I-1307, §§ 180 ss.
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133
a) La réglementation par l’O.M.C. des mesures anti-dumping
L’accord anti-dumping de l’O.M.C. prévoit la possibilité pour des personnes
privées de prendre des engagements devant les autorités nationales chargées
d’établir l’existence de pratiques de dumping et, le cas échéant, de les neutraliser
par l’imposition de droits anti-dumping. Dans le cadre de l’enquête anti-dumping
devant les autorités nationales de l’État importateur, en effet, une procédure peut
être suspendue ou close sans imposition de mesures provisoires ou droits antidumping quand l’exportateur s’est engagé volontairement à réviser ses prix ou à
ne plus exporter à des prix de dumping, si les autorités estiment que l’effet
dommageable du dumping est ainsi supprimé. Si un engagement est accepté, son
sort dépendra des conclusions de l’enquête, qui peut se poursuivre, sur
l’existence ou non d’un dumping préjudiciable. Si l’issue est l’absence d’un
dumping ou d’un dommage, l’engagement devient automatiquement caduc sauf
s’il a contribué à une telle conclusion, auquel cas les autorités peuvent demander
son maintien pendant une certaine période. Si, en revanche, l’enquête révèle un
dumping et un dommage, l’engagement sera maintenu conformément à ses
modalités et aux dispositions de l’accord anti-dumping. En cas de violation d’un
tel engagement, les autorités nationales pourront appliquer des mesures
provisoires et percevoir des droits définitifs, étant précisé qu’aucune imposition
ne s’appliquera à titre rétroactif aux importations déclarées avant la violation de
l’engagement39.
Il ne semble pas que de tels engagements produisent des effets juridiques
internationaux40. Ils se situent en effet dans le seul ordre juridique étatique où ils
sont proposés aux autorités d’enquête qui peuvent les refuser. Ils ne semblent
donc pouvoir constituer que des éléments de fait que celles-ci peuvent prendre en
considération afin d’édicter une décision sur le comportement litigieux.
Certes, leur contenu pourrait être incorporé dans la décision de l’autorité
nationale. Cependant, le fait juridique qui serait dans ce cas pertinent du point de
vue du droit international serait cette seule décision unilatérale imputable à l’État
importateur. L’engagement lui-même de la personne privée n’existerait pas en
tant que manifestation de volonté au regard du droit international même en cas
de contestation de la décision des autorités de l’État importateur par l’État
39
En vertu de l'article 11, ces engagements, au même titre que les droits antidumping, ne restent en
vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping dommageable
et peuvent faire l'objet d'une procédure de réexamen par les autorités de l'État importateur. Il
semble encore que tout engagement sera supprimé cinq ans au plus tard à compter de la date de son
imposition ou du réexamen le plus récent à moins que les autorités ne déterminent, au cours d'un
réexamen entrepris dans un délai raisonnable avant cette date, qu'il est probable que le dumping et
le dommage subsisteront ou se reproduiront si l'engagement est supprimé, celui-ci pouvant
demeurer en vigueur jusqu'à l'issue du réexamen. Cette similarité de régime entre les décisions
concernant les engagements et celles imposant des droits anti-dumping signifie peut-être qu'un
engagement a le même statut qu'un droit anti-dumping, c'est-à-dire, qu'il n'est que l'objet d'une
décision des autorités de l'importateur et n'a pas d'existence juridique indépendante de cette
décision.
40
Dans une abondante « jurisprudence » en matière de mesures de défense commerciale, l'O.R.D.
semble n'avoir jamais eu à traiter des effets juridiques de tels engagements de personnes privées.
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Le sujet en droit international
134
exportateur devant l’O.R.D. En effet, le traitement d’une plainte éventuelle
contre la décision issue de la procédure nationale obéit, sauf exceptions ici sans
portée, au régime général des plaintes de l’O.M.C. qui ne vise que la contestation
de mesures étatiques. Seule donc apparaît dans l’ordre international la décision
de l’autorité compétente en tant que mesure d’un État membre de l’organisation.
L’engagement de la personne privée ne sera jamais considéré autrement que
comme un fait interne41.
b) La procédure nationale de contrôle des pratiques anti-concurrentielles
prévue par le droit communautaire
L’article 5 du Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002
relatif à la mise en œuvre des articles 81 et 82 du Traité instituant la
Communauté européenne énonce que les autorités de concurrence des États
membres sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité dans des
cas individuels et qu’à cette fin, elles peuvent, notamment, « accepter des
engagements ». Or, si le nouveau règlement régit ainsi qu’on l’a vu les décisions
de la Commission concernant les engagements des personnes privées, cela n’est
pas le cas pour les décisions des instances nationales ; aucune norme du
règlement ne régit le statut des engagements formés auprès d’elles. Cela peut
signifier soit que ceux-ci n’ont aucun effet juridique international, soit que leur
régime est le même que celui des engagements formés devant la Commission.
Dans les deux cas, la conclusion est la même, selon laquelle ces engagements ne
produisent aucun effet juridique international en tant que manifestations
unilatérales de volonté d’une personne privée. Autrement dit, ce ne peuvent être
ni des actes juridiques ni des faits juridiques ; ce sont de simples « faits » qui
n’ont pas vocation à apparaître dans l’ordre juridique international.
II. LA DETERMINATION DU DROIT APPLICABLE
A UNE SITUATION OU RELATION JURIDIQUE
Plusieurs normes internationales paraissent attacher à certains engagements
de personnes privées l’effet de déterminer le droit applicable à leur situation ou
aux relations qu’elles entretiennent avec d’autres entités légales. Il ne prête plus
à controverse que le droit international reconnaît la possibilité d’une
détermination conventionnelle (A). Peut-être est-il également en train de
reconnaître un tel effet à certains engagements unilatéraux des personnes
privées (B).
41
Il convient de noter que la réglementation par l'O.M.C. des mesures anti-subvention n'obéit pas
tout à fait à la même logique. En effet, la procédure nationale peut ici également être close sans
imposition de droits compensateurs. Cependant, cela ne peut être le cas qu'à la condition que les
engagements pris volontairement en vertu desquels, notamment, l’exportateur convient de réviser
ses prix de façon que les autorités d’enquête estiment que l’effet dommageable de la subvention est
éliminé, reçoivent le consentement de l'État exportateur. L'engagement de l'exportateur est donc lié
à une manifestation de volonté de l'État dont il est national, ce qui le rend inapte à produire
unilatéralement un quelconque effet de droit.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
135
A. Reconnaissance d’une détermination conventionnelle
On se souvient que la Cour permanente de Justice internationale cantonnait
la question de la détermination du droit applicable aux obligations contractuelles
d’un État à l’égard de personnes privées étrangères dans le champ du droit
international privé42, accordant à la volonté des parties un rôle seulement
subsidiaire43.
Ainsi qu’il a été dit supra, la configuration du droit international public et de
l’ordre juridique qu’il régit n’empêche pas une détermination conventionnelle
transétatique du droit applicable à un contrat de même caractère. Il est ainsi
admis aujourd’hui en droit international public que lorsqu’une personne privée
conclut un contrat avec un État dont elle n’a pas la nationalité, les parties
peuvent décider (et décident régulièrement) le droit qui sera applicable à ce
dernier et à leur relation contractuelle44. Il en est de même lorsqu’une personne
privée conclut un contrat avec une organisation internationale dont elle n’est pas
agent bien que cette détermination contractuelle semble rare45.
Traditionnellement, cette détermination est opérée au moyen d’une clause de
droit applicable (1). Elle peut être opérée également d’une manière indirecte. En
effet, en l’absence de clause de droit applicable, la clause compromissoire peut
avoir un tel effet par le renvoi qu’elle opère au statut de la juridiction
internationale qui détermine, lui, le droit à appliquer par la juridiction aux
relations conventionnelles qui peuvent lui être soumises (2).
1. La détermination directe par une clause de droit applicable
Il convient d’abord de mentionner l’intérêt en la matière de la clause
compromissoire. Quand elle est stipulée dans un contrat conclu entre un État et
une personne privée étrangère, celle-ci, à l’instar du compromis, peut produire
des règles de procédure qui s’imposent au tribunal46, autrement dit du droit
processuel applicable au différend.
42
Affaire relative au paiement, en or, des emprunts fédéraux brésiliens émis en France,
12 juillet 1929, Rec. C.P.J.I. Série A, n° 20/21, p. 93, 121.
Ibidem, p. 121. De même Affaire concernant le paiement de divers emprunts serbes émis en
France, 12 juillet 1929, Rec. C.P.J.I., Série A, n° 20/21, p. 5, 41.
44
V. notamment Ch. LEBEN, « Retour sur la notion de contrat d’État et sur le droit applicable à celuici », Mélanges offerts à Hubert Thierry, Paris, Pedone, 1998, pp. 247-280, sp. 252 ss.
45
Cf. N. VALTICOS, « Les contrats conclus par les organisations internationales avec des personnes
privées », Rapport in Ann. I.D.I., 1977, vol. 57, t. I, pp. 1-109.
46
Dans ce sens, Gouvernement de l'Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (Aramco),
op. cit., pp. 275-278 ; Sapphire International Petroleum Ltd. v. National Iranian Oil Company
(NIOC), March 15, 1963, 35 I.L.R. 1967, p. 136, 169 ; Libyan American Oil Company (LIAMCO)
c. Gouvernement de la République arabe libyenne, op. cit., pp. 143, 180 : « It is an accepted
principle of international law that the arbitral rules of procedure shall be determined by the
agreement of the parties, or in default of such agreement, by decision of the Arbitral Tribunal ». V.
aussi art. 44 de la Convention CIRDI. Contra, les règles de procédure applicables dans un différend
entre la Communauté européenne et une personne privée confié à la C.J.C.E. par application d'une
clause compromissoire sont celles qui sont énoncées dans le Statut de la Cour et son Règlement de
procédure. Cf. J. MEGRET, M. WAELBROCK, J.V. LOUIS, D. VIGNES, J.D. LEWOST, Le droit de la
43
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Plus classiquement, sauf attribution d’un pouvoir de statuer en équité ou
comme amiable compositeur, la clause du contrat qui détermine le droit
applicable à celui-ci s’impose à la juridiction internationale, qu’il s’agisse d’un
contrat entre un État et une personne privée étrangère47 ou d’un contrat liant une
organisation internationale à une personne privée qui n’en est pas agent48. Il est
en effet, par exemple, aujourd’hui admis qu’en matière de contrats entre États et
personnes privées étrangères, les parties sont libres de décider du droit applicable
à leur relation contractuelle, c’est-à-dire de déterminer celui-ci avec force
obligatoire pour la juridiction saisie49, parfois sous condition. Certains tribunaux
bilatéraux d’investissement (T.B.I.) reconnaissent expressément ce pouvoir des
parties de déterminer le droit applicable à leur relation50. De même, la clause du
C.E.E., Commentaire du traité et des textes pris pour son application, vol. 10 La Cour de justice.
Les actes des institutions, Ed. de l’Université de Bruxelles, 1983, 602 p., p. 350.
Cf. notamment Affaire de la Société Rialet, 15 janvier 1929, Rec. des décisions des T.A.M., vol. 8,
p. 742, 748-749 ; Texaco-Calasiatic c. Gouvernement de Libye, op. cit., § 39 ; Maritime
International Nominees Establishment (MINE c. République de Guinée, Décision du
22 décembre 1989 du Comité ad hoc, 118 J.D.I. 1991, p. 166 (extraits, trad. E. GAILLARD) : « 5.03.
Le texte complet [de l'article 42(1) de la Convention de Washington] dispose : “ Le Tribunal statue
sur le différend conformément aux règles de droit adoptées par les parties ”. Le Comité estime que
cette disposition signifie deux choses. D'une part, elle donne aux parties au différend une liberté
illimitée de s'accorder sur la loi applicable au fond du litige et, d'autre part, elle impose au
Tribunal de respecter la volonté des parties et d'appliquer ces règles. Par ailleurs, l'accord des
parties sur la loi applicable fait partie de la convention d'arbitrage. Dès lors, la méconnaissance
par un Tribunal des règles de droit convenues par les parties constituerait une violation de la
mission confiée au Tribunal. Des exemples de telles violations incluent l'application de règles de
droit autres que celles que les parties ont choisies ou le fait de ne se référer à aucune loi, à moins
que les parties ne soient convenues que le tribunal statuerait ex æquo et bono. Si cette
méconnaissance est manifeste, elle peut constituer une excès de pouvoir manifeste ». V. également
art. 6 Résolution de l'I.D.I. « L'arbitrage entre États, entreprises d'État ou entités étatiques et
entreprises étrangères », 12 septembre 1989, A.I.D.I., vol. 63, t. II, pp. 324 ss., 331.
48
Dans ce sens, p. ex., l'arrêt de la C.J.C.E. Commission des Communautés européennes c. Zoubek,
18 décembre 1986, 426/85, Rec. 1986, p. 4057, § 4. V. aussi Institut de l'audiovisuel et des
télécommunications en Europe (IDATE) c. Commission des Communautés européennes, arrêt du
15 janvier 2003, T-171/01, § 44.
49
V. ainsi, AGIP S.p.A. v. People's Republic of the Congo, op. cit. : « 43. Cette affaire a, […], été
soumise au tribunal en vertu de l'article 15 de l'accord [entre AGIP et le gouvernement]. Le
paragraphe 2 de cette disposition établit que le droit applicable est […]. L'article 42(1) de la
convention [CIRDI] stipule que “ le tribunal statue sur le différend conformément aux règles de
droit adoptées par les parties ”. 44. Le Gouvernement a, en fait, proposé dans son Contre-mémoire
au Tribunal de jouer le rôle d'amiable compositeur. AGIP ne s'étant pas rangé à cette proposition,
le Tribunal doit prendre sa décision conformément aux dispositions du droit applicable stipulé au
paragraphe 2 de l'article 15 de l'accord. Ledit article lie les parties et a force de loi pour le
Tribunal en vertu de l'article précité de la Convention » ; Elf Aquitaine Iran c. National Iranian Oil
Company, op. cit., § 17 : « L'accord des parties est le fondement de l'arbitrage, et les parties ne
peuvent être présumées avoir choisi aucun droit autre que celui indiqué dans l'article 41, section 5,
deuxième alinéa [de leur contrat] comme le droit régissant la question fondamentale de savoir si un
arbitrage demandé conformément aux termes de la convention peut ou non avoir lieu ».
50
P. ex, art. 8.4 du T.B.I. France/Argentine : « L'organe d'arbitrage statuera sur la base des
dispositions du présent Accord, du droit de la Partie contractante au différend ⎯ y compris les
règles relatives aux conflits de loi ⎯, des termes des accords particuliers éventuels qui auraient été
conclus au sujet de l'investissement ainsi que des principes de droit international en la matière ».
De manière moins évidente mais cependant certaine : art. 8.4 du T.B.I. France/Algérie du
13 février 1993, J.O. du 7 juillet 2000 ; art. 10.4 du T.B.I. France/Honduras du 28 avril 1998, J.O.
47
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Le sujet en droit international
137
compromis d’arbitrage qui détermine le droit à appliquer au fond par le tribunal
s’impose à celui-ci51.
Il faudrait, pour plus d’exactitude, distinguer deux situations. Si la
juridiction saisie est soumise à un statut conventionnel, la détermination par ce
dernier du droit applicable s’impose à elle. En conséquence, la clause de droit
applicable du contrat ne vaudra que dans la mesure de sa compatibilité au statut.
En revanche, si le tribunal est institué ad hoc, le droit applicable peut en vertu
des règles de droit international général applicables à l’arbitrage transétatique
être entièrement établi par la clause de Choice of Law. Toutefois, la distinction
n’est pas toujours nette dans la pratique dans la mesure où, souvent, la clause du
statut conventionnel est très compréhensive et consacre la liberté des parties au
contrat dans la détermination du droit applicable au fond à l’instar de l’article 42
de la Convention de Washington établissant le CIRDI. Dans ce cas, sur le
fondement de son Statut, la juridiction devra appliquer le droit déterminé par les
parties, cette détermination constituant toujours un engagement auquel une
norme – ici de droit international spécial et non général – attache des effets de
droit dans l’ordre juridique international. Quelle que soit la situation, le choix du
droit applicable n’est jamais l’effet d’un engagement unilatéral de la personne
privée, mais celui d’un engagement conventionnel.
2. La détermination par renvoi au statut de la juridiction internationale
Une hypothèse voisine doit être mentionnée ; les parties à un contrat
peuvent, non pas déterminer un droit applicable à leur relation, mais rendre
applicable à cette relation un droit prédéterminé comme applicable par une
norme internationale à laquelle elles renvoient.
Ainsi, dans un certain nombre de contrats d’investissement, la clause de
règlement des différends attribue compétence à un tribunal CIRDI. Ce type de
clause renvoie donc implicitement mais nécessairement à l’article 42 de la
Convention de Washington qui détermine le droit à appliquer par les tribunaux
du Centre, y compris dans l’hypothèse où les parties n’en auraient pas convenu.
En conséquence, un contrat qui ne comprend pas de clause d’electio juris, mais
contient une clause compromissoire CIRDI a pour effet de droit d’élire comme
du 17 juillet 2003 : « L'arbitrage se fonde sur les dispositions du présent accord, sur les
dispositions d'Accords spécifiques éventuellement conclus sur l'investissement et sur les principes
du droit international en la matière. L'arbitrage prendra également en considération les
dispositions du droit interne de la Partie contractante impliquée dans le différend » ; art. 10.2 du
T.B.I. France/Mexique du 12 novembre 1998, J.O. du 26 octobre 2000 : « Chacune des parties
contractantes respecte tout autre engagement qu'elle a contracté par écrit, au titre des
investissements réalisés sur son territoire par des investisseurs de l'autre partie contractante. Les
différends soulevés au sujet de ces engagements sont réglés conformément aux conditions des
contrats régissant lesdits engagements » ; art. 7.2 du T.B.I. France/République dominicaine du
14 janvier 1999, J.O. du 17 juillet 2003 : « L'arbitrage est rendu sur le fondement des dispositions
du présent accord, sur les termes d'éventuels accords particuliers passés au titre de l'investissement
ainsi que sur les règles et principes du droit international en la matière ».
51
En ce sens, Gouvernement de l'Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (Aramco),
op. cit., p. 304.
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Le sujet en droit international
138
droit applicable les règles applicables par défaut telles qu’elles sont déterminées
dans la Convention de Washington. La clause compromissoire, donc, par le
renvoi qu’elle opère, se voit attacher l’effet juridique international de rendre
applicable à la relation contractuelle certaines règles de droit.
B. L’apparition d’une détermination unilatérale
La personne privée semblerait désormais pouvoir déterminer unilatéralement
le droit applicable de deux façons. D’une part, la requête de cette personne
formée devant une juridiction internationale peut fixer le droit applicable (1).
D’autre part, une telle requête peut parfois se présenter comme une décision
d’option entre plusieurs droits applicables laissés à son choix (2).
1. La requête comme fixation du droit applicable
L’accord entre les parties sur le droit applicable mentionné à l’article 42 § 1
de la Convention CIRDI peut être établi à tout moment et il n’est pas exigé qu’il
soit donné dans un acte juridique unique ni au même moment.
Après la sentence A.A.P.L.52, la sentence Antoine Goetz a confirmé que
l’exigence traditionnelle d’une détermination du droit applicable dans un contrat
entre l’investisseur et l’État d’accueil n’était pas requise. En l’espèce, en effet, le
tribunal reconnut que la détermination du droit applicable n’était pas à
proprement parler faite par les parties au différend. Il considéra cependant
pouvoir appliquer le même raisonnement que celui utilisé dans l’affaire AMT au
sujet du consentement des parties à l’arbitrage et déclara ainsi que le Burundi, en
ratifiant le T.B.I., s’était prononcé pour l’applicabilité du droit déterminé dans la
clause de ce traité déterminant le droit applicable. Quant aux investisseurs, ils
s’étaient prononcés pour le même droit applicable par le seul dépôt de leur
requête fondée sur ce T.B.I.53.
Ainsi, l’accord des parties sur le droit applicable n’est pas nécessairement de
forme conventionnelle. Il peut consister dans la rencontre de deux engagements
unilatéraux des parties formés à des moments différents. La saisine de la
juridiction internationale comporte dans cette situation engagement unilatéral de
52
Asian Agricultural Products Limited v. Democratic Socialist Republic of Sri Lanka (ICSID Case
No. ARB/87/3), June 27, 1990, 30 I.L.M. 577 (1991) dans laquelle le tribunal déclara, §§ 18-20, que
l’affaire était la première dans laquelle le Centre était saisi par une requête d’arbitrage basée
exclusivement sur une disposition d’un traité et non en application d’un accord d’arbitrage conclu
entre les parties au différend. Il constata donc que les parties n’avaient pu choisir à l’avance le droit
applicable déterminant les règles gouvernant leur différend et que le choix antérieur du droit
applicable prévu à l’article 42 pouvait difficilement être envisagé dans le cadre d’une affaire
directement instituée en application d’une obligation conventionnelle interétatique en faveur des
investisseurs. Il précisa que dans ces circonstances, ce choix devrait normalement se matérialiser
après la survenance du différend par l’observation et l’interprétation de la conduite des parties
pendant les débats. Il estima en l'espèce que les parties avaient agi pendant l’instance d’une manière
qui démontrait leur accord mutuel pour tenir le T.B.I. – qui renvoyait à d’autres normes de droit
international – comme étant la source principale du droit applicable à la plainte de la société
A.A.P.L.
53
Antoine Goetz and others v. Republic of Burundi, op. cit., § 94.
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Le sujet en droit international
139
la personne privée sur le droit applicable dans la mesure de sa coïncidence avec
le consentement unilatéral antérieur de l’État d’accueil.
Plus exactement, dans la logique d’une telle jurisprudence, nous sommes en
présence de deux actes juridiques unilatéraux, respectivement de l’État et de la
personne privée, chacun étant tenu pour une manifestation de volonté à laquelle
est attaché l’effet de droit réputé voulu par son auteur54. Évidemment, dans ce
genre d’hypothèse, la personne privée ne décide pas unilatéralement du droit
applicable. Toutefois, c’est un acte juridique unilatéral de celle-ci qui fait
produire à son propre choix ainsi qu’à celui de l’État l’effet juridique
international de déterminer le droit applicable par la juridiction internationale
saisie. Le choix de l’État est bien également un acte juridique unilatéral
international en ce qu’il a pour effets de droit réputés voulus par lui, d’une part,
d’habiliter la juridiction internationale à déclarer non fondée la prétention
soumise à elle par la personne privée qui s’appuierait sur un autre droit
applicable que celui qu’il a choisi et, d’autre part, de permettre l’efficacité
juridique pour la juridiction internationale du choix de la personne privée s’il
coïncide avec le sien.
2. La requête comme décision d’option entre droits applicables
Une autre situation peut être envisagée, celle de l’existence de deux
instruments internationaux pouvant régir une relation transétatique et qui ne
prévoient, chacun, aucune alternative de droit applicable, mais déterminent deux
droits applicables distincts. Dans ce cas, le choix de l’un ou l’autre de ces
instruments comme fondement de la requête de la personne privée peut
constituer un engagement unilatéral de celle-ci ayant pour effet juridique
international de rendre applicable un instrument et donc le droit qu’il aura prévu
et d’exclure l’applicabilité de l’autre et par conséquent du droit applicable qu’il
aura déterminé.
Dans cette situation également, l’acte de la personne privée est un acte
juridique international unilatéral puisque lui seront attaché les effets réputés
voulus par elle malgré le fait qu’il doive être rattaché à un acte de l’institution
défenderesse, la détermination du droit applicable ne pouvant relever de la seule
personne privée.
54
Contra, la sentence Middle East Cement Shipping and Handling Co. S.A. v. Arab Republic of
Egypt (ICSID Case No. ARB/99/6), Award of April 12, 2002 semble condamner, § 87, cette
conclusion puisqu'il y est décidé que l'accord des parties est assuré par le T.B.I. On peut toutefois
voir là une erreur du tribunal qui ne semble pas non plus avoir compris l'articulation entre les deux
phrases de l'art. 42 (1) de la Convention de Washington.
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III. LA REALISATION D’UN STATUT JURIDIQUE
Certaines normes internationales paraissent enfin attacher à d’autres
engagements de personnes privées l’effet de réaliser un statut juridique.
Ce type d’effet est différent du précédent. La détermination du droit
applicable à une relation ou situation constitue la décision d’inclure dans un
quelconque corpus normatif qui régira une relation ou situation telles ou telles
normes parmi un ensemble disponible. La réalisation d’un statut ne comporte pas
un tel choix ; il s’agit seulement de mettre en œuvre un corpus normatif déjà
déterminé sur la consistance duquel ceux qui y ont recours n’ont pas prise. Les
meilleures illustrations d’un tel mécanisme se trouvent dans le champ du
contentieux. Ainsi, la personne privée qui dispose de plusieurs voies de recours
de droit international déjà instituées ne dispose pas de la liberté de décider
l’applicabilité de telle ou telle norme et de façonner de cette manière un statut ;
elle dispose de la seule liberté de choisir entre plusieurs ensembles prédéterminés
de normes ou statuts lequel régira sa requête. Cette dernière enclenchera la
réalisation du statut applicable à la relation ou situation qu’elle aura fait naître.
Considérée du point de vue des engagements, la « réalisation d’un statut »
ainsi entendue peut être opérée notamment de deux manières : l’engagement de
la personne privée – seul ou en liaison conventionnelle avec l’engagement d’une
institution internationale – soit enclenche la mise en œuvre d’un statut, soit élit
un statut parmi plusieurs à la disposition de la personne privée et de son
interlocuteur55.
Cette réalisation d’un statut – ici contentieux – peut avoir pour origine un
engagement conventionnel (A) comme un engagement unilatéral d’une personne
privée (B). Sur certains points, elle est indifférente à cette origine (C).
A. Affirmation d’une réalisation d’origine conventionnelle
L’affirmation (que la structure du droit international n’exclut pas) selon
laquelle un statut international peut se réaliser sur enclenchement conventionnel
peut être illustrée par deux phénomènes : l’établissement de la compétence d’une
juridiction internationale (1) et l’élection d’un statut contentieux à mettre en
œuvre (2).
1. L’attribution conventionnelle de compétence à une juridiction
internationale
La question concerne la réalisation d’un statut dans la mesure où
l’attribution de compétence à une juridiction internationale comprend
l’acceptation du statut (de droit international général ou spécial) de cette
55
Il convient de remarquer qu'un même acte pourra avoir ces deux effets simultanément, une requête
unilatérale pouvant à la fois constituer un choix de statut (choix régi par le statut ainsi élu dont la
réalisation peut commencer dès ce choix quand celui-ci est antérieur à la requête) et enclencher le
statut de la juridiction élue.
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Le sujet en droit international
141
juridiction, statut dont certains éléments se réalisent immédiatement, notamment
ceux qui régissent cet établissement de la compétence de la juridiction, dont la
règle en vertu de laquelle cette dernière a compétence pour apprécier sa
compétence notamment en examinant la validité de l’acte des parties qui lui
attribue compétence. Découlent également de cette attribution, entre autres, le
fait que la saisine de cette dernière aura pour effet l’enclenchement d’un certain
nombre d’autres règles statutaires qui varient notamment selon que la juridiction
saisie est permanente (le statut est alors produit par un droit international spécial)
ou ad hoc (le statut est alors produit par des normes coutumières générales)
comme l’obligation de nommer les arbitres, la fixation des règles de procédure,
etc.
Un phénomène particulier doit d’abord être mentionné. Quelques
conventions interétatiques ayant pour objet d’éviter les doubles impositions
prévoient que si les autorités compétentes des États parties ne parviennent pas à
un accord amiable, notamment sur la régularité de certaines mesures étatiques, le
cas peut être soumis à un arbitrage. Cependant, la condition est parfois posée que
les deux autorités compétentes ainsi que le contribuable en soient d’accord et que
ce dernier consente par écrit à être lié par la décision de la Commission
d’arbitrage56. Dans cette situation, un acte d’une personne privée est nécessaire,
non seulement au déclenchement d’une procédure arbitrale interétatique, mais
également à l’établissement dans l’ordre international de la compétence d’un
tribunal arbitral appelé éventuellement à statuer sur un différend interétatique.
D’une manière plus classique, ensuite, on sait que le fondement de la
compétence des tribunaux arbitraux transétatiques (comme interétatiques) est le
consentement des parties au différend57. La manifestation traditionnelle de ce
56
V. ainsi art. 26 § 5 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir
l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
échange de lettres), signée à Paris le 31 août 1994, et un échange de lettres complétant l'article 29
de ladite convention, signé à Washington les 19 et 20 décembre 1994, J.O. du 22 mars 1996,
p. 4415 ; art. 25.6 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole), signée à Paris le 3 février 1998, J.O. du 12 octobre 2000, p. 16188.
57
Cf. p. ex., BP Exploration Company (Libya) Limited v. Government of the Libyan Arab Republic,
10 October and 1 August 1974, I.L.R., vol. 53, 1979, p. 297, 356, dispositif, : « The BP
Nationalization Law was effective to terminate the BP Concession except in the sense that the BP
Concession forms the basis of the jurisdiction of the Tribunal and of the right of the Claimant to
claim damages from the Respondent before the Tribunal ». Ce principe de l’exigence du
consentement des parties au différend est régulièrement rappelé, notamment, par les tribunaux du
CIRDI qui se réfèrent au rapport des administrateurs sur la Convention de Washington, lequel
relevait que ce consentement est la pierre angulaire de la compétence du Centre. P. ex. Société
Ouest Africaine des Bétons Industriels (SOABI) c. République du Sénégal, sentence des 4 et
9 février 1988, J.D.I,. 1990.192, § 4.07 ; Southern Pacific Properties (Middle East) Limited v. Arab
Republic of Egypt (Case No. ARB/84/3), Decision on Jurisdiction and Dissenting Opinion of
April 14, 1988, J.D.I. 1994.220, obs. E. GAILLARD, § 62 ; American Manufactoring & Trading Inc.
c. République du Zaïre, sentence du 21 février 1997, J.D.I. 1998.243, § 5.18 ; Salini Costruttori
SpA et Italstrade SpA c. Royaume du Maroc, op. cit., § 27.
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Le sujet en droit international
142
consentement est la clause compromissoire ou le compromis, engagements
conventionnels d’une personne privée et d’une institution internationale.
Une jurisprudence arbitrale constante estime en effet qu’un accord entre un
État et une personne privée étrangère pour soumettre un différend à un tribunal
international est obligatoire pour les deux parties à cet accord58. Cela signifie que
l’engagement – conventionnel – a pour effet de droit d’habiliter chacune des
parties à l’accord à saisir unilatéralement le tribunal si celui-ci est déjà constitué
ou, sinon, à enclencher, toujours unilatéralement, son établissement pour le saisir
ensuite.
De même, la clause compromissoire stipulée entre un État et une personne
privée étrangère, comme le compromis, fonde et détermine la compétence de
l’instance tierce59 ainsi que son pouvoir juridictionnel60. Le principe vaut que la
juridiction soit établie ad hoc ou qu’elle soit déjà instituée en vertu d’un statut
conventionnel61. La seule différence tient dans le fait que, dans la seconde
hypothèse, la clause ne pourra pas attribuer à la juridiction plus que ce que le
statut lui permet d’attribuer.
Il en est de même des clauses compromissoires insérées dans des contrats
conclus entre une personne privée et une organisation internationale dont elle
n’est pas agent ; elles lient les parties et sont opposables à l’organe de règlement
58
P. ex., Commissaires Bainbridge et Paúl, Rudloff Case, Commission États-Unis/Venezuela, R.S.A.,
vol. IX, p. 244, 245. En l'espèce l'accord était réalisé, pour l'État par la signature du protocole
instituant la Commission contenant une clause de compétence couvrant le différend en cause, pour
le requérant, par sa requête à la Commission ; Société européenne d'études et d'entreprises c.
République populaire fédérative de Yougoslavie, 2 juillet 1956, J.D.I., 1959.1074, 1075 ; Libyan
American Oil Company (LIAMCO) c. Gouvernement de la République arabe libyenne, op. cit.,
pp. 143, 178-179 ; SGS Société Générale de Surveillance S.A. v. Republic of the Philippines (ICSID
Case n° ARB/02/6), Decision of the tribunal on Objections to Jurisdiction, January 29, 2004,
§§ 137-138. En ce sens, F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de
relativité générale. Cours général de droit international privé », R.C.A.D.I., 1989-I, t. 213, pp. 9407, 244.
59
Cf. notamment Gouvernement de l'Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (Aramco),
op. cit., pp. 289-290, 297-298 et « Le tribunal arbitral puisant tous ses pouvoirs dans la
Convention d'arbitrage […], sa compétence est indubitablement limitée à […] » ; Sapphire
International Petroleum Ltd. v. National Iranian Oil Company (NIOC), March 15, 1963, 35 I.L.R.
1967, p. 136, 166 ; BP Exploration Company (Libya) Limited v. Government of the Libyan Arab
Republic, op. cit., p. 308 ; Libyan American Oil Company (LIAMCO) c. Gouvernement de la
République arabe libyenne, op. cit., p. 143 ; Compañia de Aguas Del Aconquija S.A. et Vivendi
Universal (ex-Compagnie Générale des Eaux) c. République argentine, Décision d'annulation du
3 juillet 2002, 41 I.L.M. 1135 (2002) ; trad. intégrale E. GAILLARD in J.D.I,. 2003.195, § 86 : « Il
est entendu,[…] qu'un tribunal CIRDI commet un excès de pouvoir non seulement lorsqu'il exerce
une compétence qu'il ne possède pas en vertu du contrat ou du traité applicable et de la convention
CIRDI, interprétés conjointement, mais également lorsqu'il n'exerce pas une compétence qui lui
revient en vertu de ces instruments ».
60
Sentence intérimaire CCI, 1974, aff. n° 2321, J.D.I. 1975.938, obs. Y. DERAINS, 940 qui parle
d'autorité ; art. 1 Résolution de l'I.D.I. « L'arbitrage entre États, entreprises d'État ou entités
étatiques et entreprises étrangères », 12 septembre 1989, A.I.D.I., vol. 63, t. II, pp. 324 ss.
61
Entre autres, Compañia de Aguas Del Aconquija S.A. et Vivendi Universal (ex-Compagnie
Générale des Eaux) c. République argentine, op. cit., § 98 : « Dans une affaire dans laquelle le
fondement essentiel d'une action devant un tribunal international est la violation d'un contrat, le
tribunal donnera effet à toute clause de juridiction valable du contrat ».
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Le sujet en droit international
143
de leurs différends éventuels relatifs au contrat62. Ainsi, la clause
compromissoire stipulée dans un contrat entre la Communauté européenne et une
personne privée attribue juridiction à la C.J.C.E. En vertu du T.C.E., celle-ci est
tenue dans ce cas de statuer éventuellement hors du champ de compétence que
lui assignent les clauses du traité précisant l’étendue de sa juridiction.
En outre, si l’accord stipule expressément la compétence exclusive d’une
juridiction, il pourra avoir également pour effet de rendre irrecevable le recours
par une partie à une autre juridiction pour régler les différends entrant dans le
champ de la clause63.
On le verra, les modes d’expression de ce consentement à un arbitrage ont
évolué dans le sens d’une acceptation de plus en plus large des actes qui
permettent la réalisation de cette condition à un point tel qu’il est parfois possible
de décomposer la manifestation d’un tel consentement, autrefois et de manière
classique seulement conventionnelle, en deux engagements unilatéraux.
2. L’élection conventionnelle d’un statut contentieux à mettre en œuvre
Deux situations peuvent être mentionnées.
De manière générale, sauf peut-être quand ils établissent une nouvelle
juridiction internationale, toute clause compromissoire insérée dans un contrat
transétatique et tout compromis de même caractère constituent un acte ayant
pour effet d’élire un mécanisme de règlement des différends parmi plusieurs
disponibles pour les parties et d’élire le statut applicable à ce mécanisme. Ils
peuvent également, selon leur rédaction, avoir pour effet d’exclure le recours à
tout autre mécanisme et donc d’exclure la réalisation du statut contentieux qui le
régit. Ce type d’engagement constitue bien une réalisation d’un statut en ce sens
que ses effets sont déterminés par le statut de la juridiction élue. Celui-ci est
immédiatement mis en œuvre dès cet engagement bien que cela soit invisible
pour l’observateur jusqu’à une éventuelle contestation par une partie de la
62
En ce sens, T.G.I. Paris, ord. réf., 20 octobre 1997, Boulois c. UNESCO, Rev. arb., 1997.575, note
Ch. JAROSSON : « Attendu qu'en souscrivant une clause compromissoire, l'UNESCO a par là même
renoncé à son immunité de juridiction et accepté nécessairement de permettre la mise en œuvre du
mode de règlement des litiges prévu par la Convention ; Attendu que l'exigence de bonne foi dans
la conclusion des contrats implique que ceux-ci puissent recevoir application dans les termes
prévus par les parties […] ; Attendu que les termes mêmes du contrat signé le 21 juin 1996 et le
droit, pour une partie à une convention d'arbitrage, de voir soumettre à une juridiction arbitrale
ses prétentions impliquent dès lors que soit accueillie la demande de désignation d'arbitre [au nom
de l'UNESCO] » ; CA Paris, 19 juin 1998, UNESCO c. Boulois, Rev. arb., 1999.343, note Ch.
JAROSSON : « Considérant que l'immunité de juridiction dont se prévaut l'UNESCO ne saurait
permettre à cette dernière de s'affranchir du principe Pacta sunt servanda en refusant de procéder à
la désignation d'un arbitre conformément à la clause compromissoire figurant dans le contrat la
liant à Max-Henri Boulois, au motif, qui ressortit précisément à la seule appréciation de la
juridiction arbitrale, de l'absence de litige quant à l'exécution dudit contrat ».
63
Ainsi, en vertu de l'article II § 1 de la Déclaration d'Alger sur le contentieux, sont soustraites à la
compétence du tribunal des différends irano-américain les « demandes nées d'un contrat liant les
parties et prévoyant expressément que tout litige y afférent relèvera exclusivement des tribunaux
iraniens compétents ».
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Le sujet en droit international
144
compétence de la juridiction saisie et l’appréciation par cette dernière de la
validité de l’accord des parties au regard de son statut (constitué par un traité ou
par le droit international général).
Moins évidente est la situation du choix d’un statut contentieux par
l’établissement conventionnel d’une « qualité légale » requise pour le mettre en
œuvre.
D’une manière générale, on peut lier les engagements établissant des
qualités légales à l’application d’un statut ou d’un droit applicable64. Cela semble
être le cas de l’établissement conventionnel de la nationalité de certaines
personnes morales dans le cadre du CIRDI puisque de cette nationalité dépend la
compétence d’un Tribunal du Centre. L’art. 25 § 2.b de la Convention de
Washington établissant le CIRDI reconnaît en effet la faculté pour un État et une
personne morale de sa nationalité, mais contrôlée par des intérêts étrangers, de
convenir de tenir cette dernière comme un ressortissant d’un autre État
contractant aux fins de soumettre leur différend au Centre. Est donc consacrée la
possibilité d’un accord entre un État et une personne privée attribuant une
certaine qualité internationale à cette dernière en vue de soumettre un différend
qui les oppose à la compétence d’une instance juridictionnelle65.
Cet engagement conventionnel a pour effet la réalisation du statut
contentieux qui régit l’arbitrage CIRDI, en premier lieu celle des règles de celuici qui sont relatives à la juridiction des tribunaux du Centre.
B. Proposition d’une réalisation d’origine unilatérale
Il semble possible, à l’examen des phénomènes d’établissement de la
compétence d’une juridiction internationale (1) et d’élection d’un statut
processuel par la formation d’une requête (2), de formuler la proposition selon
laquelle un statut international peut être mis en œuvre par un simple engagement
unilatéral d’une personne privée.
1. Décomposition en engagements unilatéraux de l’attribution de
compétence à une juridiction internationale
La Convention de Washington établissant le CIRDI, on le sait, n’exige en
matière d’expression du consentement à la compétence des tribunaux du Centre
que la forme écrite. Le rapport des administrateurs sur la Convention indiquait
que ce consentement peut être donné, notamment, dans une disposition d’un
accord d’investissement prévoyant la soumission au Centre des différends
auxquels il pourrait donner lieu ou dans un compromis concernant un différend
déjà né. On retrouve là les mécanismes classiques en droit international de la
clause compromissoire et du compromis, le premier étant préféré dans la
64
65
Cf. C. SANTULLI, op. cit., p. 22 : « Si on envisage une qualité, c'est parce qu'on y attache des
conséquences juridiques, et on élabore ainsi un “concept légal” (tel la propriété) ».
Sur ce point, chron. E. GAILLARD, J.D.I., 1995, note sous Vacuum Salt Products Limited c.
Gouvernement de la République du Ghana, pp. 164 ss. ; J.D.I., 2003, pp. 163-164, Autopista
Concessionada de Venezuela (Aucoven) c. République du Venezuela).
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Le sujet en droit international
145
pratique. Ce rapport indiquait également que la Convention n’exigeait pas que ce
consentement des parties soit formulé dans un même acte juridique.
Les tribunaux CIRDI ont dans ce cadre admis une grande diversification des
modes d’expression de ce consentement. En simplifiant, le consentement de
l’État est considéré comme pouvant être exprimé dans un traité interétatique ou
dans sa législation, tandis que le consentement de la personne privée sera
simplement inféré de la saisine unilatérale par elle du Centre pour soumission
d’une affaire sur le fondement du consentement séparé de cet État66. De la sorte,
on peut dégager l’existence d’un véritable engagement unilatéral de cette
personne – qui se rattache à un engagement interétatique (a) ou à un engagement
étatique unilatéral (b) – auquel est attaché l’effet juridique international d’établir
la compétence du tribunal.
a) Rattachement d’un engagement unilatéral à un engagement interétatique
La chose est connue ; il découle de la sentence A.A.P.L. c. Sri Lanka du
27 juin 1990 que la compétence d’un tribunal CIRDI n’exige pas l’existence
d’une relation contractuelle entre l’investisseur et l’État d’accueil. Depuis cette
décision, une personne privée peut se prévaloir directement et unilatéralement de
l’engagement juridictionnel stipulé par l’État d’accueil de son investissement à
l’égard de son État national dans le T.B.I. d’accepter la compétence d’un tribunal
arbitral pour régler les différends qui pourront l’opposer à un investisseur de ce
dernier.
Restait cependant à déterminer comment le principe du consentement des
parties à l’arbitrage pouvait être respecté en l’absence de relation contractuelle
entre elles. Dans l’affaire AMT c. Zaïre engagée par la première sur le fondement
d’un T.B.I. liant le second aux États-Unis d’Amérique, le tribunal CIRDI déclara
que, pour affirmer qu’il y avait eu consentement des parties, il fallait démontrer
qu’il y avait eu un accord entre les parties ou, qu’à défaut de cet accord, il fallait
appliquer la clause juridictionnelle du T.B.I. « qui donne au ressortissant de
l’autre État le pouvoir de forcer l’État partie au différend à se présenter devant
le Centre »67. Il considéra en l’espèce que le consentement de l’État d’accueil
était exprimé par la ratification du T.B.I. et celui de l’investisseur par le seul
dépôt de sa requête introductive d’arbitrage68.
Ainsi, la clause interétatique du T.B.I. constitue, du point de vue de la
personne privée, un engagement unilatéral des États de se soumettre aux
tribunaux CIRDI dès qu’un investisseur de l’autre partie saisira le Centre69. Cette
66
E. GAILLARD, « (C.I.R.D.I.), Chronique des sentences arbitrales », J.D.I., 1999-1, pp. 273-297, § 4.
American Manufactoring &Trading Inc. c. République du Zaïre, 21 février 1997, J.D.I., 1998,
p. 243, § 5.23.
68
« Il se trouve précisément en l'espèce que AMT a voulu que soit suivie la procédure devant le
CIRDI. Il l'a exprimé sans équivoque ; cette volonté jointe à celle du Zaïre exprimée dans le traité
crée le consentement nécessaire à la validité de la saisine du Centre », ibidem. Cette solution fut
reprise in Antoine Goetz and others v. Republic of Burundi, op. cit., § 81.
69
En ce sens G. R. DELAUME, « Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (C.I.R.D.I.) », J.D.I., 109, 1982, pp. 775-843, 785-786. C’est semble-t-il la logique
67
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Le sujet en droit international
146
saisine, à son tour, peut être considérée comme constituant un engagement
unilatéral d’une personne privée auquel la convention CIRDI attache l’effet
(réputé voulu par son auteur) d’enclencher le statut contentieux qu’elle pose70.
Un tel mécanisme n’est pas très éloigné de celui institué par le Protocole
n° 11 à la C.E.D.H. et le nouvel article 34 de la Convention. Désormais, en effet,
la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme est établie par
simple requête unilatérale d’une personne privée dans la mesure où elle coïncide
avec la déclaration interétatique d’acceptation générale de la compétence de la
Cour. La Cour d’appel de Paris semble avoir reconnu, malgré un raisonnement
incorrect, ce phénomène dans le cadre du Tribunal des différends iranoaméricains71.
b) Rattachement d’un engagement unilatéral à un engagement étatique
unilatéral
Un tel rattachement constitue également une technique d’expression du
consentement reconnue valide par les tribunaux CIRDI. Cela ressort des
décisions préliminaires sur la compétence dans l’affaire S.P.P. c. Egypte des
27 novembre 1985 et 14 avril 1988. Le tribunal, se référant à l’intention des
rédacteurs de la Convention CIRDI et au rapport précité des administrateurs,
estima en l’espèce que l’Egypte avait donné son consentement par avance et
d’une manière générale à la compétence du Centre dans la loi invoquée par le
demandeur et ce dernier en acceptant cette offre par écrit. Cela fut confirmé par
le tribunal dans la sentence Tradex Hellas c. Albanie du 24 décembre 1996 qui
de l’article 26 § 5 du Traité sur la Charte de l’énergie qui déclare que le consentement donné par les
États à la soumission de tout différend à une procédure de règlement prévue à l’article 26 et le
consentement par écrit ultérieur de l’investisseur pour que le différend soit porté devant le CIRDI
sont tenus pour satisfaisant à l’exigence de l’existence d’un consentement écrit des parties à un
différend de la Convention CIRDI. C’est assurément la logique du Traité ALENA qui précise que
le consentement donné par les États parties à ce qu’une allégation soit soumise à l’arbitrage
conformément à l’accord et la soumission d’une allégation à l’arbitrage par un investisseur satisfont
à la nécessité d’un consentement écrit des parties posée par la Convention CIRDI pour la
compétence du Centre. Cependant, ces deux systèmes exigent que la personne privée exprime son
consentement à la forme d'arbitrage élue dans une déclaration spéciale (voir art. 1121 ALENA et 26
du Traité sur la Charte de l'énergie).
70
Dans ce sens, semble-t-il, H. SLIM, « Les contrats d'État et les spécificités des systèmes juridiques
dualistes », Rev. Arb., 2003, pp. 691-718, 706.
71
V. CA Paris, 1ère ch., 28 juin 2001, Golshani c. Gouvernement de la République islamique d'Iran,
Rev. arb. 2002.163, note J. PAULSSON : « Considérant que les personnes privées qui saisissent le
Tribunal des différends irano-américains adhèrent par là même à la convention d'arbitrage
international conclue sous forme de traité entre les États-Unis et l'Iran et à laquelle elles
deviennent parties. Considérant que M. Abrahim Golshani, qui a saisi le 19 janvier 1982 le
Tribunal des différends irano-américains d'une demande d'indemnisation pour des faits
d'expropriation, est par suite irrecevable à soutenir que le tribunal des différends irano-américains
a statué sans convention d'arbitrage ». La Cour aurait été plus avisée de suivre le raisonnement
avancé déjà par Ph. Fouchard au sujet du même tribunal in « La nature juridique de l'arbitrage du
Tribunal des différends irano-américains », in Le Tribunal des différends irano-américains,
CEDIN, Journée d'actualité internationale, 19 avril 1984, pp. 27-48, 34 où il distingua le
consentement à l'arbitrage des États formulé dans les Accords d'Alger et celui des personnes
privées qui résulte de la demande qu'elles introduisent devant le Tribunal, consentement formulé
donc ultérieurement au premier.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
147
déclara que le consentement requis par la Convention de Washington peut être
donné unilatéralement par un État contractant dans ses lois nationales, ce
consentement prenant effet au plus tard si et quand l’investisseur étranger dépose
sa requête auprès du CIRDI en invoquant ladite loi. En conséquence, une loi,
avec la demande d’arbitrage de l’investisseur fondée sur elle, doit être considérée
comme un consentement suffisant sous réserve que la loi soit applicable à
l’affaire72.
Dans la logique de cette jurisprudence, on peut observer deux actes
juridiques unilatéraux, respectivement de l’État et de la personne privée en ce
sens qu’une norme de droit international les tient pour des manifestations de
volonté auxquelles elle attache les effets réputés voulus par leur auteur73. Bien
sûr, à l’instar de ce qui se produit pour un consentement différé sur le droit
applicable (supra), ces deux actes ne produisent pas exactement les mêmes effets
de droit international.
Un tel phénomène n’est pas absolument singulier selon lequel la requête de
la personne privée constitue une déclaration unilatérale d’acception particulière
de la compétence d’une juridiction internationale qui rencontre une déclaration
unilatérale générale de l’État qui lui est antérieure, la première ne valant que
pour le différend constitué, la seconde pour une pluralité de différends à venir. Il
rappelle en effet l’ancien mécanisme instauré dans le cadre de la C.E.D.H. avec
les déclarations étatiques unilatérales d’acceptation des recours individuels
devant la Commission avec lesquelles les requêtes des personnes privées
devaient coïncider pour être recevables et enclencher le procès sur le fond.
2. La requête comme élection unilatérale d’un statut processuel
Une même situation peut entrer (et entre souvent) dans le champ
d’application de plusieurs mécanismes de règlement des différends institués par
des traités, des lois ou des contrats, un même instrument offrant même souvent
une alternative aux parties au différend à venir entre plusieurs mécanismes74.
72
Tradex Hellas SA c. République d'Albanie, décision sur la compétence, 24 décembre 1996,
J.D.I., 2000.151, 156. Il considéra même la loi comme constituant un consentement de l’État à
soumettre un différend pourtant survenu avant son entrée en vigueur, c'est-à-dire alors que la loi
n'était pas applicable à l'affaire sub judice …
73
Dans ce sens, Salini Costruttori SpA et Italstrade SpA c. Royaume du Maroc, op. cit., § 27 : « En
résumé, l'article 8, alinéa 2 lettre c [du T.B.I.] constitue l'engagement unilatéral d'un État vis-à-vis
de l'État national de l'investisseur de se soumettre au CIRDI comme partie défenderesse face à
l'investisseur étranger qui en aura choisi la saisine. Au vu de ces considérations, la notification
d'une requête d'arbitrage au CIRDI par les demanderesses constitue une manifestation valable de
leur consentement à la juridiction du Centre, parmi celles proposées par l'article 8 de l'Accord ».
74
Par exemple, les États qui souscrivent un engagement de juridiction obligatoire dans un traité
prévoient souvent plusieurs modes de règlement des différends. Plusieurs T.B.I. offrent ainsi à
l’investisseur une alternative entre plusieurs modes. Cela peut consister dans un arbitrage CIRDI –
ce qui est désormais le cas pour la plupart d'entre eux –, un arbitrage commercial international ad
hoc soumis aux règles CNUDCI ainsi que, en plus ou au choix, un arbitrage relevant de la CCI ou
une ou plusieurs autres règles institutionnelles d’arbitrage, voire une procédure ad hoc convenue
par les parties. Il en est de même en vertu de l’article 26 du traité sur la Charte de l’énergie et de
l'art. 1120 ALENA ou encore de certains contrats entre États et personnes privées.
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Le sujet en droit international
148
Dans ces hypothèses, la requête basée sur un quelconque de ces instruments
constitue un choix parmi plusieurs.
Parfois, la requête auprès d’une instance de règlement épuisera ce jeu
d’option laissé à la personne privée. En effet, dans certaines hypothèses, le
recours à un mécanisme de règlement des différends rend irrecevable la mise en
œuvre d’autres mécanismes en sorte que le choix en faveur de l’un d’eux
constitue non seulement une décision d’option, mais également l’engagement de
ne pas recourir aux autres.
Ainsi, l’option opérée par une personne privée au moyen d’une requête en
faveur d’un mécanisme de règlement des différends a toujours pour effet
d’enclencher une procédure et de mettre en œuvre le statut applicable à celle-ci
et a parfois pour effet de rendre irrecevable le recours à d’autres mécanismes.
C’est à l’examen de ce deuxième type d’effet qu’on s’intéressera ici en
distinguant à ce titre les effets à l’égard de l’État national de la personne
privée (a) et les effets à l’égard de cette dernière elle-même (b).
a) Effets à l’égard de l’État de nationalité de la personne privée
Peu de traités régissent expressément les relations entre les modes de
règlement des différends interétatiques et les modes de règlement des différends
transétatiques qu’ils réglementent généralement dans deux dispositions
distinctes. Cependant, si le traité prévoit un arbitrage CIRDI pour le différend
transétatique, la relation entre les contentieux sera régie par l’article 27, alinéa 1,
de la convention CIRDI qui rend l’arbitrage exclusif de l’exercice de la
protection diplomatique sauf si l’État défendeur à l’instance transétatique ne se
conforme pas à la sentence rendue à l’occasion du différend. L’engagement de
l’État de ne pas exercer la protection diplomatique est en effet assorti dans ce cas
de la condition suspensive de l’engagement de ses nationaux de recourir à
l’arbitrage, la formation duquel a pour effet de rendre irrecevable l’exercice de la
protection diplomatique75. Toutefois, si l’État d’accueil ne respecte pas la
sentence, redeviennent applicables les règles du droit international général en
matière de protection diplomatique76.
Certains T.B.I. reprennent cette renonciation quand bien même ils renvoient
au CIRDI. D’autres reprennent cette renonciation avec un champ d’application
plus large, énonçant d’une manière générale que l’État national ne doit pas
mettre en œuvre une procédure internationale pour faire respecter les droits de
ses investisseurs, y compris par le biais de l’arbitrage interétatique prévu dans le
T.B.I. si le différend est soumis à la procédure transétatique du T.B.I.
75
En ce sens, L. SIORAT, « Les limitations apportées à la souveraineté des États par la Convention
pour le règlement des différends relatifs aux investissements privés internationaux », in
Investissements Etrangers et Arbitrage entre États et Personnes Privées: La Convention B.I.R.D.
du 18 mars 1965, Centre de Recherche sur le Droit des Marchés et des Investissements
Internationaux de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Dijon, 1969, Paris, Pedone,
pp. 59-103, 83.
76
En ce sens P. REUTER, « Réflexion sur la compétence du Centre créé par la Convention pour le
règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États », in
ibidem, pp. 9-24, 22.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
149
Ces dispositions semblent signifier qu’est attaché à l’engagement par la
personne privée de recourir à une juridiction compétente pour régler le différend
transétatique – ce qu’une requête peut constituer – l’effet de rendre irrecevable
son État national à exercer la capacité de réclamation interétatique qui lui est
autrement reconnue par le droit international général et éventuellement un traité
international. Il faut bien sûr distinguer cette hypothèse dans laquelle c’est l’État
lui-même qui a renoncé à exercer sa protection diplomatique si son national
s’engageait à recourir à un tribunal transétatique de l’hypothèse où ce dernier
s’engagerait à ne pas solliciter de son État qu’il intervienne à son profit au
moyen de la mise en œuvre de la protection diplomatique. Un tel engagement qui
trouve son origine dans la clause Calvo semble en effet considéré dans la
jurisprudence internationale comme inopposable à l’État national de la personne
privée auteur de cet engagement77.
b) Effets à l’égard de la personne privée
Ces effets dépendent en partie des types de contentieux concernés et des
dispositions des différents instruments qui régissent la question.
(i) Relations entre contentieux transétatiques
Le droit international général n’attribue pas au recours à un mécanisme
juridictionnel un tel effet d’élection définitive sauf à prouver qu’est applicable ici
une règle internationale telle que non bis in idem ou celle de l’autorité de la
chose jugée78 et que leurs conditions d’application sont remplies à chaque
situation. Cet effet ne peut donc être attaché à un tel recours que par une règle
spéciale. Plusieurs situations peuvent être distinguées.
Dans le cas où plusieurs contentieux transétatiques sont prévus dans un
même instrument, la requête ne semble pouvoir avoir un effet d’option définitive
que dans le cas où cet instrument dispose que le recours à un mécanisme de
règlement des différends est exclusif de l’utilisation d’un ou plusieurs autres.
Cela peut être le cas de traités internationaux qui contiennent une clause d’option
définitive comme l’article 1121 ALENA qui dispose que la mise en œuvre d’un
statut contentieux rend irrecevable la mise en œuvre d’un autre et donc épuise la
faculté d’option ouverte à la personne privée79. Cependant, pour que les
77
En revanche, la renonciation par une personne privée à toute plainte a été considérée comme liant
l'État agissant pour le compte de celle-ci au motif que le seul droit que cet État défend est celui de
son national et qu'en conséquence, en présentant sa demande devant le tribunal international, il ne
peut se fonder sur aucune prétention autre que celles ouvertes à son national. Celui-ci renonçant à
toute prétention concernant la saisie et la détention d'un bateau, la réclamation étatique relative à ce
fait doit être rejetée : Owners of the Tattler (United States) v. Great Britain, Arbitral Tribunal
(Great Britain - United States), December 18, 1920, R.S.A. vol. VI, p. 48.
78
Ce qu'estime Chr. SCHREUER in The ICSID Convention : A commentary, Cambridge U.P., 2001,
1266 p., 359.
79
Toutefois, une jurisprudence récente et contestable de tribunaux CIRDI qui dissocient la relation
contractuelle de la relation d'investissement régie par un T.B.I. révèle qu'une telle clause ne peut
épuiser que la question de l'articulation des contentieux prévus par le même traité. Lui échappe
l'articulation entre un ou plusieurs statut(s) contentieux prévu(s) par le traité et celui ou ceux
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Le sujet en droit international
150
dispositions d’un traité international puissent attribuer un caractère définitif à
une option, il faut qu’elles prennent garde non seulement de contenir une clause
d’option définitive, mais également de ne pas laisser de jeu à la volonté des
parties aux contrats d’investissements, celles-ci pouvant sinon ouvrir ce que
celui-là avait pour objet de fermer80.
La combinaison entre le contentieux transétatique prévu par le contrat
d’investissement et celui prévu par un traité est plus difficilement régie par ces
instruments81. Toutefois, une jurisprudence arbitrale estime qu’en présence d’une
clause contractuelle prévoyant un mécanisme exclusif de règlement des
différends, le recours par la personne privée à ce mécanisme rend irrecevable une
requête ayant le même objet devant un forum qui aurait été sinon compétent sur
un autre fondement82.
(ii) Relations entre les contentieux internationaux et internes
S’agissant de l’articulation de ces deux contentieux, on peut recenser des
instruments aux termes desquels un engagement de la personne privée de
prévus(s) par un contrat d'investissement. Sur cette clause, entre autres, E. GAILLARD, « L'arbitrage
sur le fondement des traités de protection des investissements », Rev. arb., 2003, pp. 853-875, 862.
80
Un traité semblerait également pouvoir attribuer un caractère partiellement définitif à l'option s'il
institue, ce que beaucoup font, un mécanisme obligatoire sauf consentement particulier entre les
parties au différend. Dans ce cas, le recours par la personne privée à un mécanisme convenu avec
l'État n'est pas nécessairement exclusif du recours à d'autres mécanismes convenus de la même
façon, mais exclut le recours au mécanisme prévu par le traité. Cependant, souvent, les mécanismes
conventionnels et contractuels sont identiques en sorte que les parties peuvent là encore se ménager
une liberté que le traité entendait exclure.
81
V. cependant l'ancien modèle de T.B.I. américain qui précisait que le recours de l’investisseur à
l’arbitrage prévu par le traité n'était possible que si le différend n’avait pas été soumis par lui à un
règlement convenu avec l’État partie.
82
Dans ce sens SGS Société Générale de Surveillance S.A. v. Republic of the Philippines (ICSID
Case n° ARB/02/6), Decision of the tribunal on Objections to Jurisdiction, January 29, 2004, § 154 :
« In the Tribunal's view, this principle is one concerning the admissibility of the claim, not
jurisdiction in the strict sense. The jurisdiction of the Tribunal is determined by the combination of
the BIT and the ICSID Convention. It is, to say the least, doubtful that a private party can by
contract waive rights or dispense with the performance of obligations imposed on the States parties
to those treaties under international law. […] Thus the question is not whether the Tribunal has
jurisdiction : unless otherwise provided, treaty jurisdiction is not abrogated by contract. The
question is whether a party should be allowed to rely on a contract as the basis of its claim when
the contract itself refers that claim exclusively to another forum. In the Tribunal's view the answer
is that it should not be allowed to do so, unless there are good reasons, such as force majeure,
preventing the claimant from complying with its contract. This impediment, based as it is on the
principle that a party to a contract cannot claim on that contract without itself complying with it, is
more naturally considered as a matter of admissibility than jurisdiction ». Il conclut en l'espèce sur
la question, § 155 : « in the Tribunal's view its jurisdiction is defined by reference to the BIT and
the ICSID Convention. But the Tribunal should not exercise its jurisdiction over a contractual
claim when the parties have already agreed on how such a claim is to be resolved, and have done
so exclusively. SGS should not be able to approbate and reprobate in respect of the same contract :
if it claims under the contract, it should comply with the contract in respect of the very matter
which is the foundation of its claim. The Philippine courts are available to hear SGS's contract
claim ». Le tribunal se réfère notamment aux décisions North American Dredging Company,
Mexican Union Railway (Limited) (Great Britain) v. United Mexican States et Woofuff qui n'étaient
cependant pas transposables ici mutatis mutandis en raison de l'exigence d'une interposition de
l'État national dans la saisine de la Commission.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
151
recourir à une juridiction peut rendre irrecevable le recours à d’autres
mécanismes de règlement des différends.
Il peut s’agir de clauses contractuelles. Cela est le cas de celles par
lesquelles la personne privée s’engage à recourir aux tribunaux internes de l’État
d’accueil et renonce à solliciter son État national pour qu’il porte sa plainte
devant l’État d’accueil. La validité de telles clauses fut admise sous certaines
conditions par les Commissions générales de réclamation États-Unis/Venezuela,
États-Unis/Mexique et Royaume-Uni/Mexique dans plusieurs affaires83. En
revanche, une jurisprudence CIRDI semble rejeter cette possibilité quand les
deux recours sont à la disposition de la personne privée sans interposition de son
État national84.
Il peut s’agir de traités internationaux. Dans ce sens, on trouve l’ancien
modèle américain de T.B.I. selon lequel l’investisseur ne peut recourir à
l’arbitrage prévu dans le traité que s’il n’a pas soumis le différend aux tribunaux
internes de l’État d’accueil. La jurisprudence reconnaît cette possibilité d’une
élection définitive commandée par le T.B.I.85. Certains d’entre ces derniers
stipulent expressément une clause de choix définitif86.
83
V. notamment Woodruff Case ; North American Dredging Company of Texas (U.S.A.) v. United
Mexican States précitée ; Mexican Union Railway (Limited) (Great Britain) v. United Mexican
States, Commission des réclamations Grande-Bretagne/Mexique, Decision n° 21, February 1930,
R.S.A., vol. V, p. 115.
84
En ce sens Compañia de Aguas Del Aconquija S.A. et Vivendi Universal (ex-Compagnie Générale
des Eaux) c. République argentine, Décision d'annulation du 3 juillet 2002, 41 I.L.M. 1135 (2002),
trad. intégrale E. GAILLARD, J.D.I., 2003.195, § 76 : « la soumission par le contrat de concession
des litiges contractuels aux juridictions administratives de la Province de Tucumán n'a pas eu
d'incidence sur la compétence du Tribunal en ce qui concerne les demandes fondées sur les
dispositions du BIT. L'article 16(4) du contrat de concession n'est pas rédigé en des termes
excluant la compétence d'un tribunal international fondée sur l'article 8(2) du BIT ; cela aurait
requis à tout le moins une formulation claire de l'intention d'exclure cette compétence ». Surtout,
§§ 101-103 : « lorsque “ le fondement essentiel de la demande ” est un traité qui énonce une règle
autonome à l'égard de laquelle le comportement des parties doit être apprécié, l'existence d'une
clause attributive de compétence exclusive dans un contrat entre le demandeur et l'État défendeur
ou l'une de ses collectivités publiques ne peut avoir pour effet d'empêcher l'application de la règle
du traité. Elle pourrait tout au plus être utile – comme le droit interne l'est souvent – afin
d'apprécier s'il y a eu une violation du traité. […] l'examen que le tribunal CIRDI doit conduire est
soumis à la convention CIRDI, au BIT et aux règles de droit international applicables. Un tel
examen n'est par principe ni commandé, ni exclu, par une question quelconque de droit interne, y
compris par l'accord de droit interne conclu entre les parties ».
85
Voir Alex Genin and others v. Republic of Estonia (Case No. ARB/99/2), Award of June 25, 2001,
sentence selon laquelle le tribunal était compétent car le différend soumis à la juridiction interne
n'était pas identique. In Middle East Cement Shipping and Handling Co. S.A. v. Arab Republic of
Egypt, op. cit., § 71, le tribunal admit la possibilité de principe (non réalisée selon lui en l'espèce)
qu'un investisseur renonce à son droit de recourir à lui s'il a eu recours aux tribunaux internes pour
faire valoir la même demande, et ce quand le T.B.I. prévoit une alternative simple sans clause
d'élection définitive.
86
Ainsi la clause : « Une fois qu'un investisseur a soumis le différend soit aux juridictions de la
Partie contractante concernée, soit à l'arbitrage international, le choix de l'une ou de l'autre de ces
procédures reste définitif ». Dans ce sens art. 8.2 du T.B.I. France/Chili du 14 juillet 1992, J.O. du
8 novembre 1995 ; art. 8.2 du T.B.I. France/Algérie du 13 février 1993, J.O. du 7 juillet 2000 ;
art. 8.2 du T.B.I. France/Maroc du 13 janvier 1996, J.O. du 24 mars 2000. V. pour une autre
formule : art. 7.4 du T.B.I. France/Jamaïque du 25 janvier 1993, J.O. du 19 novembre 1994 : « Le
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
152
Le traité ALENA précise quant à lui expressément qu’un investisseur ne
pourra soumettre sa prétention à l’arbitrage qu’à la condition qu’il renonce par
écrit à son droit d’engager ou de poursuivre, devant une juridiction nationale, des
procédures se rapportant à la mesure étatique dont l’illicéité est alléguée sauf
recours extraordinaire ne supposant pas le paiement de dommages-intérêts. La
renonciation écrite peut donc être tenue pour un engagement de ne pas recourir à
une voie de droit et a, à ce titre, été qualifiée d’acte unilatéral par un tribunal
international87. Elle doit être remise à l’État défendeur dans la soumission de
l’allégation à l’arbitrage. Dans cette hypothèse, donc, la personne privée peut
prendre un engagement auquel une norme de droit international attache l’effet de
rendre irrecevable certains recours contentieux88. Cependant, une jurisprudence
récente du CIRDI nous semble émerger qui malmène sans cohérence évidente
l’articulation énoncée dans ce texte89.
C. Indifférence de l’origine de la réalisation du Statut
Il peut arriver qu’un statut (plus exactement certaines de ses règles) se
réalise de la même manière, qu’il soit enclenché par un engagement
conventionnel ou par un engagement unilatéral de la personne privée. C’est le
cas, dans une certaine mesure, d’un statut contentieux international enclenché par
choix d'une des procédures décrites au paragraphe 2 [arbitrage CIRDI ou tribunaux internes de
l'État d'accueil] est exclusif de l'autre procédure ». Plus complexe est l'article 8.2 du T.B.I.
France/Uruguay du 14 octobre 1993, J.O. du 22 mars 2001 : « Une fois qu'un investisseur a soumis
le différend à l'arbitrage international, le choix de cette procédure reste définitif et met fin à toute
autre procédure. Si l'investisseur a soumis la procédure aux juridictions nationales de la Partie
contractante impliquée dans le différend, le recours à l'arbitrage international n'est plus possible
dans les cas où : a) L'investisseur ne se désiste pas de la procédure judiciaire avant le jugement ;
b) le jugement de la juridiction compétente est conforme aux dispositions du présent Accord. Si le
jugement est considéré comme n'étant pas conforme aux dispositions du présent accord, le tribunal
d'arbitrage statuera au préalable sur ladite conformité » ; art. 8.2 du T.B.I. France/République
bolivarienne du Venezuela du 2 juillet 2001, J.O. du 30 avril 2004 : « Cette option [entre la
juridiction compétente de l'État d'accueil et l'arbitrage CIRDI] relève du choix du national ou de la
société intéressée. Une fois l'option effectuée en faveur de l'arbitrage, celle-ci devient définitive ».
87
Waste Management, Inc. v. United Mexican States (ICSID Case N° ARB(AF)/98/2), Award of
June 2, 2000, 15 ICSID Rev.—F.I.L.J. 2000, p. 214, § 18.
88
Dans ce sens Ph. WECKEL, E. HELALI, « Chronique de jurisprudence internationale »,
R.G.D.I.P., 2000, pp. 1037-1065, 1048-1049, au sujet de la sentence Waste Management du
2 juin 2000 qui y voient un acte juridique international qu'ils qualifient – à tort selon nous car il ne
prescrit rien à personne – de normateur.
89
Voir ainsi Robert Azinian and others v. United Mexican States (Case No. ARB(AF)/97/2), Award
of November 1, 1999, 14 ICSID Rev. ⎯ F.I.L.J., 1999.538, § 86 où le recours aux juridictions
nationales n'exclut pas le recours au tribunal au motif que les recours n'étaient pas basés sur la
violation du même instrument (contrat/traité) et que le tribunal n'est pas lié par les jugements
internes ; Waste Management, Inc. v. United Mexican States (ICSID Case N° ARB(AF)/98/2),
Award of June 2, 2000, op. cit., p. 214, où le tribunal se considère incompétent car le demandeur
n'a pas respecté la condition de la renonciation à exercer d'autres recours que l'arbitrage qu'il avait
initié devant lui ; Waste Management, Inc. v. United Mexican States (ICSID Case
N° ARB(AF)/00/3), Mexico’s Preliminary objection concerning the Previous Proceedings, Decision
of the Tribunal, June 26, 2002 où le tribunal admet de manière étonnante une nouvelle requête
comprenant une renonciation valide, alors que le requérant avait utilisé les recours internes,
estimant que les procédures internes doivent être tenues pour de simples faits.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
153
la saisine d’une juridiction internationale, laquelle se présente comme l’actecondition de sa mise en œuvre.
Tout ordre juridique, on le sait, attache des effets de droit à la saisine d’une
juridiction, acte qu’elle tient pour un engagement et même pour un acte
juridique. Ainsi, l’ordre juridique international peut attacher des effets juridiques
internationaux à un tel engagement qui peut être conventionnel ou être imputé à
la seule personne privée.
Ces effets peuvent être déterminés par deux types de normes. Il s’agit d’une
part de certaines normes internationales relatives aux conséquences de l’illicéité
alléguée en vertu desquelles, par exemple, la requête peut avoir pour effet
d’interrompre le cours d’une prescription ou, ainsi qu’on l’a vu, de rendre le
requérant irrecevable à utiliser d’autres voies de droit que celle élue pour faire
valoir ses prétentions. Il s’agit surtout des normes qui régissent la procédure
juridictionnelle ainsi enclenchée.
1. L’enclenchement d’une procédure à actes comme effet de la saisine
d’une juridiction internationale
Unilatérale ou conjointe, la saisine d’une juridiction internationale permet la
réalisation du statut qui gouverne cette dernière en ce compris l’obligation de
répondre à la demande si elle est compétente et si la requête est recevable90 ainsi
que l’obligation de se prononcer seulement sur cette demande. La saisine
enclenche ainsi une succession d’actes juridiques qui, selon une mécanique
prévue par le droit processuel posé dans le statut de la juridiction saisie, conduit
à une décision de cette dernière portant sur la prétention qui lui est soumise91.
Or ce droit processuel, s’il varie parfois d’une juridiction à l’autre, peut être
international. Il peut s’agir des règles du droit international général telles que
celles applicables à l’arbitrage92. Il peut s’agir également d’un droit
90
Sur l’obligation du juge de répondre à la prétention du requérant, p. ex., Texaco-Calasiatic c.
Gouvernement de Libye, op. cit., § 110 ; Compañia de Aguas Del Aconquija S.A. et Vivendi
Universal (ex-Compagnie Générale des Eaux) c. République argentine, Décision d'annulation du
3 juillet 2002, I.L.M., vol. 41 1135 (2002), trad. intégrale E. GAILLARD, J.D.I., 2003.195, § 115 :
« le Comité conclut que le tribunal a excédé ses pouvoirs au sens de l'article 52(1)(b), en ce que,
étant compétent pour connaître des demandes visant les actes de la Province de Tucumán, le
Tribunal n'a pas tranché ces demandes ». V. aussi J. HERON, Droit judiciaire privé, 2e éd. par T. Le
Bars, Paris, Montchrestien, 2002, 934 p., § 119 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile,
Paris, Dalloz, 1991, 22e éd., 913 p., 37 ; G. WIEDERKEHR, « La notion d’action en justice selon
l’article 30 du Nouveau Code de procédure civile », in Mélanges P. Hebraud, 1981, pp. 949-958,
951.
91
V. R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, Montchrestien, 3e éd., 1989, 593 p., 427 ; J. HERON,
op. cit., § 432.
92
Par ex. le principe de l'autorité de chose jugée attachée à la sentence arbitrale. Pour le caractère
obligatoire et définitif de la sentence, notamment, art. 81 Convention de La Haye, 1907 ; Affaire
Ambatielos (fond : obligations d’arbitrage), Arrêt du 19 mai 1953, C.I.J. Rec. 1953, p. 10, 17 ;
Affaire de la Baie de Delagoa, 24 juillet 1875, A. de Lapradelle, N. Politis, R.A.I., t. III, 1923,
p. 637 ; Affaire de l’indemnité russe (Russie/Turquie), 11 novembre 1912, C.P.A., R.S.A., vol. XI,
p. 421, 431 ; E/C Archibald Neil Campbell c. le gouvernement de la République portugaise préc.,
p. 1158 ; Execution of German-Portuguese Arbitral Award of June 30th, 1930 (Germany/Portugal),
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
154
conventionnel (généralement complété par un règlement édicté par la juridiction
internationale) à l’instar de la Convention européenne des droits de l’homme, de
la Convention de Washington établissant le CIRDI, ou encore du traité instituant
la Communauté européenne93.
La saisine commande ainsi, sauf exceptions, à la juridiction de statuer sur la
demande qu’elle contient. Cette obligation pour l’autorité saisie de répondre
permet de voir dans la saisine un acte (unilatéral ou conjoint) qui a pour effet,
notamment, l’édiction de la décision juridictionnelle qui clôt nécessairement
cette procédure. Seul un nouvel engagement formé par les parties au différend
pourrait interrompre la procédure, soit le désistement du demandeur, soit un
règlement amiable entre les parties.
La saisine, donc, qu’elle soit conventionnelle ou unilatérale, opère la
constitution d’une situation légale prédéterminée par des normes qui lui attachent
comme effet de droit la mise en œuvre du statut régissant la conduite du procès
international. Le statut contentieux de la juridiction saisie érige cette saisine
unilatérale ou conjointe en acte-condition de sa mise en œuvre.
2. Statut contentieux et engagements procéduraux
La saisine a ainsi pour effet entre les parties au différend de les soumettre à
un statut procédural94. Celui-ci s’applique à la nouvelle relation produite par la
demande, relation d’instance qui unit les parties et la juridiction. Dans cette
nouvelle relation qui unit les parties, celles-ci sont destinataires de nouvelles
règles qui relèvent du droit processuel et qui se surajoutent à celles qui régissent
leur relation au fond95.
Or, le statut processuel confère des pouvoirs, facultés, droits ou encore
obligations aux parties au différend dans le cadre de cette nouvelle relation
juridique. De même attache-t-il des effets juridiques aux diverses demandes et
défenses de celles-ci qu’il tient pour des manifestations de volonté96. Ce statut
permet donc à la personne privée de prendre de nouveaux engagements
susceptibles de se voir attacher des effets juridiques internationaux en tant
16 février 1933, R.S.A., vol. III, p. 1376, §§2, 7, 14 ; Trail Smelter Case (United States of America,
Canada), April 16, 1938, and March 11, 1941, R.S.A., vol. III, p. 1911, 1949-1952 et la
jurisprudence recensée ; Effet de jugements du TANU accordant indemnité, C.I.J., Rec. 1954, p. 47,
51-53 ; art. 32 “Procédure arbitrale”, texte final de la C.D.I. Pour une affirmation expresse récente
que ce principe est un principe du droit international, notamment, Waste Management, Inc. v.
United Mexican States (ICSID Case N° ARB(AF)/00/3), Mexico’s Preliminary objection concerning
the Previous Proceedings, Decision of the Tribunal, June 26, 2002, §§ 39 ss.
93
Peut-être à terme les statuts contentieux seront-ils harmonisés par le mécanisme de la clause de la
nation la plus favorisée qu'un tribunal CIRDI a jugée applicable à une clause d'arbitrage (Emilio
Agustín Maffezini v. Kingdom of Spain, (ICSID Case No. ARB/97/7), Decision on Jurisdiction,
January 25, 2000, 16 ICSID Review 2001.212) et qu'un autre estimera peut-être applicable aux
règles régissant l'organisation du règlement du litige.
94
Nous empruntons la formule à J.-F. BURGELIN, J.-M. COULON, M.-A. FRISON-ROCHE, op. cit.,
p. 255.
95
Sur cette superposition du lien d'instance aux rapports de droit substantiel, J. HERON, Droit
judiciaire privé, 2e éd. par T. Le Bars, Paris, Montchrestien, 2002, 934 p., §§ 120-121.
96
En ce sens, J. HERON, op. cit., § 56.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
155
qu’actes juridiques internationaux en ce qu’une norme internationale leur attache
les effets de droit réputés voulus par leur auteur, i.e. la mise en œuvre des
normes régissant le traitement par la juridiction de ces engagements97.
Il peut s’agir d’engagements conventionnels par lesquels les deux parties
interviendront dans la conduite du procès, voire y mettront fin. Il peut s’agir
également d’engagements unilatéraux tels que les demandes incidentes,
notamment les demandes reconventionnelles ou additionnelles, ainsi que les
défenses, qu’il s’agisse de défenses au fond ou de défenses procédurales.
Parfois même, la personne privée pourra contester la décision de la
juridiction internationale devant une autre. Cet acte, à son tour, enclenchera un
nouveau statut contentieux qui pourra lui conférer le pouvoir de former de
nouveaux engagements du même type que ceux qu’on vient d’énoncer dans le
cadre de la nouvelle instance en annulation ou en réformation.
Le statut international ainsi enclenché est plus ou moins développé et selon
celui qui est mis en œuvre, la capacité des personnes privées de former de
nouveaux engagements auxquels sont attachés des effets juridiques
internationaux varie. Si le statut est peu développé, les parties devront convenir
d’un grand nombre de règles de procédure. Il s’agira d’autant d’occasions pour la
personne privée de former avec le défendeur de nouveaux engagements
conventionnels auxquels seront attachés des effets juridiques internationaux. Si
le statut est très développé et contraignant, en revanche, le nombre
d’engagements conventionnels nécessaire au déroulement de l’instance sera
limité, mais la saisine produira des effets juridiques internationaux plus
importants que dans la première hypothèse puisqu’un plus grand nombre d’entre
eux lui seront directement attachés.
À l’aide de ce critère il serait possible de présenter une gamme de saisines
selon la multiplicité des effets qu’elles engendrent. Cette gamme pourrait partir
de la contestation par les personnes privées de la licéité des actes des
organisations internationales lorsque ce recours est prévu par le traité constitutif
de celles-ci ou du recours à la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ces
deux cas, la saisine enclenche un statut entièrement préétabli sur lequel le
requérant n’a aucune prise. L’autre extrémité du spectre pourrait consister dans
la saisine conjointe d’un tribunal ad hoc qui peut produire une très grande
diversité d’effets selon l’exercice que les parties auront fait de leur pouvoir de
régir à l’avance le déroulement de l’instance. Entre les deux, on pourrait placer la
requête auprès d’un tribunal CIRDI. En effet, on observe dans ce cas un statut
très développé mais qui laisse une large place à un accord des parties au
97
Mentionnons une particularité. À l'article 7 § 4 de la Convention relative à l'élimination des
doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées, faite à Bruxelles le
23 juillet 1990, il est stipulé que les autorités compétentes des États parties peuvent convenir de
déroger, avec l'accord des entreprises associées intéressées, aux délais visés au paragraphe 1 qui
régit la procédure amiable interétatique en cas de double imposition en prévoyant, faute d'accord
entre les autorités compétentes, la constitution d'une Commission consultative chargée d'émettre un
avis sur la manière d'éliminer la double imposition.
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Extrait du Colloque du Mans intitulé :
Le sujet en droit international
156
différend, ses propres règles n’étant souvent que supplétives par rapport aux
accords des parties. Dans ce cas, la saisine enclenche unilatéralement l’ensemble
des règles statutaires qui s’appliqueront sauf nouveaux engagements
conventionnels avec l’État d’accueil.
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