INTOXICATION AU PLOMB (ou encore Saturnisme)
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INTOXICATION AU PLOMB (ou encore Saturnisme)
Docteur Philippe PODEVIN Mars 2010 Le saturnisme est une intoxication par le plomb, aigue ou chronique, professionnelle ou domestique. C’est une maladie très grave, voire MORTELLE. Première maladie professionnelle indemnisée en France, elle concerne environ 135 000 salariés pour une consommation de plomb manipulé autour de 255 000 tonnes. Le plomb est un métal utilisé depuis l’antiquité pour ses qualités anticorrosives, sa malléabilité et son pouvoir d’étanchéité. C’est aussi un matériau idéal pour le stockage de l’énergie électrique. BTP peinture blanche (céruse), minium de plomb, canalisations anciennes, couverture… Industrie batteries, céramiques, fonderies ( alliage de cuivre), plasturgie, radiateurs, verres spéciaux…recyclage électronique… Artisanat joaillerie, poterie, fonderie d’art, vitraux Remarque le saturnisme touche aussi les particuliers, à leur domicile, et plus particulièrement les enfants des habitats anciens ou insalubres… Pénétration digestive Pénétration respiratoire le plomb arrive dans le tube digestive par la nourriture, les mains sales, les objets contaminés portés à la bouche. Le passage sanguin du plomb est favorisé par certains aliments. Il est donc impératif de ni fumer ni boire ni manger sur le lieu de travail. les gaz et vapeurs de plomb arrivent sans difficultés au niveau des alvéoles pulmonaires et passent ainsi dans le sang. Les soudures air/propane et surtout oxyacétyléniques favorisent cette pénétration. Voie cutanée elle ne concerne que le plomb organique chloré . Voie par conséquent marginale. L’essence plombée l’abandon progressif des carburants plombés a réduit d’environ 50% la pollution atmosphérique au plomb. L’eau Le plomb peut venir de vieilles canalisations en plomb ou d’une eau de réseau agressive qui va accélérer la diffusion du plomb de ces vieilles installations. Les aliments dans les secteurs à pollution industrielle Le plomb absorbé va être acheminé par voie sanguine jusque les os et les tissus mous, où le plomb va s’accumuler si l’absorption dépasse l’élimination digestive et urinaire. En se fixant sur les globules rouges, le plomb abime l’hémoglobine et en ralentit la production. Ainsi s’explique l’anémie saturnine. Une partie du plomb se stocke sur l’os en compétition avec le calcium. Le plomb agirait sur le système nerveux en détruisant les neurones. L’élimination du plomb se fait par les selles, les urines, la salive, les cheveux, les ongles et la sueur. La toxicité du plomb est dose dépendante et très variable d’un sujet à l’autre à exposition équivalente. Le plomb a trois cibles: les enzymes : surtout celles qui contribuent à la fabrication de l’hémoglobine et la respiration intracellulaire Le calcium : le plomb se comporte en compétiteur du calcium et bloque certains échanges cellulaires et les réactions intracellulaires calcium dépendantes. L’ARN cellulaire qui sert à la fabrication des protéines serait également perturbé. L’intoxication aigue au plomb est rare. Elle témoigne d’une exposition massive. Elle se manifeste par un goût métallique dans la bouche, des douleurs abdominales avec vomissements et diarrhées (coliques de plomb) signes qui peuvent être provoqués par l’absorption intempestive d’alcool qui va favoriser la diffusion massive du plomb. Peuvent également survenir des convulsions, une insuffisance rénale aigue voire un coma mortel. Le saturnisme se manifeste surtout de façon chronique: coliques de plomb : elles existent aussi en phase chronique. atteintes sanguines : anémie souvent modérée et bien supportée mais précoce. atteintes neurologiques : paralysie des muscles moteurs des mains, polynévrite sensitivo-motrice des membres inférieurs, sclérose latérale amyotrophique, encéphalopathie saturnine avec fatigue, détérioration intellectuelle, perte de mémoire, maux de tête violents… manifestations rénales : allant progressivement jusqu’à l’insuffisance rénale hypertensive. manifestations reprotoxiques : destruction des spermatozoïdes, stérilité, avortement, fausses couches… liseré saturnin ou liseré de Burton : liseré gingival noirâtre par dépôt de plomb lésions rétiniennes : tâches grisâtres sur la rétine syndrome vasculaire : à type de poussées hypertensives au cours de coliques de plomb. le plomb serait un cancérogène possible. les enfants exposés au plomb peuvent présenter une arriération mentale, un retard de développement staturo-pondéral. le plomb peut traverser le placenta et entrainer des anomalies graves de la croissance fœtale. Il peut passer dans le lait maternel… ont été rapportées également des cardiomyopathies saturnines, des maladies endocriniennes… La surveillance biologique est indispensable, elle permet d’affirmer le saturnisme et surtout sa sévérité. Il existe deux types de marqueurs du saturnisme: Les tests d’imprégnation dominés en pratique par le dosage de la plombémie Les tests d’action toxique : ALA urinaires et PPZ La plombémie mesure la quantité de plomb dans l’organisme avant toute perturbation clinique ou biochimique. Les résultats de plombémie sont exprimés en microgramme/L (mcg) ou en micromole/L (mcmol) Les valeurs de référence pour personnes non exposées sont de : Une surveillance médicale renforcée doit être entreprise à partir de taux : 80 mcg/L pour un homme et de 63 mcg/L pour une femme. > 200mcg/L chez l’homme et > 100 mcg/L chez la femme. La valeur limite à ne pas dépasser est de : 400 mcg/L chez l’homme et de 300 mcg/L chez la femme. Dosage de l’acide delta-amino-lévulinique urinaire ( ALA urinaire). Test sensible fiable en intoxication chronique un taux > 15 microgramme/g de créatinine révèle une exposition importante qui devient préoccupante audelà de 20 . Dosage de la PPZ ( protoporphyrine-zinc). C’est le marqueur des expositions prolongées, idéal dans le saturnisme professionnel. Les sujets non exposés ont une PPZ < 3 mcg/g d’hb. On parle d’exposition moyenne de 3 à 20 et de risque majeur au-delà de 20. Il existe d’autres marqueurs tels que le dosage des hématies à granulation basophile abandonné car peu fiables. Dans la majorité des cas aucun traitement médical n’est indiqué en dehors d’une interdiction provisoire à toute exposition au plomb avec suivi à 3 et 6 mois. En cas d’intoxication grave on utilise des agents de chélation comme l’EDTA ou le succimer par perfusion. Ces traitements vont accélérer l’élimination urinaire du plomb mais doivent être limités car éliminant aussi fer et zinc… En parallèle une alimentation saine additionnée de fer et de calcium est toujours utile. La prévention du risque plomb s’intègre dans le dispositif plus général de prévention du risque chimique, le plomb étant classé CMR. La démarche générale de prévention comporte 4 points : Remplacer les produits contenant du plomb par des produits moins toxiques dès que possible. Évaluer l’importance de l’exposition. Empêcher l’ingestion de plomb (main, eau, nourriture souillée…). Empêcher l’inhalation de plomb (aérosols, poussières, vêtements souillés…). Les principales préconisations du code du travail sont les suivantes: Vestiaires différents pour les vêtements de travail et ceux de ville, séparés par des douches. Interdiction de manger et fumer en vêtement de travail. Surveillance médicale renforcée si la concentration de plomb dans l’air est > 0,05 mg/m3 ou si les plombémies sont > 200mcg/L (VME fixée à 0,1 mg/m3). Formation et information du personnel sur les risques liés au plomb. Parallèlement aux dispositions légales, les principales mesures de prévention collective sont : Utiliser des procédés limitant les émissions de poussières et de fumées ( enceintes fermées, captation des fumées à la source), dispositifs qui limiteront l’inhalation de plomb et la pollution de l’atelier. Maintenir les locaux de travail en bon état de propreté. Lavage des mains et du visage avant les repas à l’eau chaude savonneuse. Douche après le travail. Changement des vêtements après le travail. Lorsque les mesures collectives sont maximales et ne maîtrisent pas le risque, le port d’appareils de protection respiratoire peut être proposé contre aérosols et poussières, avec filtre P3. Le port de vêtements étanche aux poussières est indispensable. Il est rappelé que se ronger les ongles est dans ce cas dangereux de même que l’absence de brossage des ongles ou le réflexe de lissage de la moustache… La douche limite la pollution des cheveux, de même qu’un simple rinçage de la bouche avant le repas réduit l’ingestion du plomb. L’interdiction du plomb n’est pas possible actuellement tant ses domaines d’application sont nombreux. La prévention passe par une implication de chaque salarié exposé. Il reste encore chaque année au moins 300 cas sévères de saturnisme en France…