Linux s`invite dans l`univers Windows

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Linux s`invite dans l`univers Windows
Tendances
SUPERVISION
Linux s‘invite
dans l’univers
Windows
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Jusqu’ici, Linux a surtout progressé dans des marchés de niche. On le trouve
notamment sur le marché des serveurs Web et dans le domaine de l’électronique embarquée grand public avec les assistants personnels (PDA) ou les téléphones portables. Par contre, dans les systèmes de supervision des installations
et de suivi de la production, Windows, avec OPC, règne en maître. Peut-on dire
pour autant que la présence de Linux dans l’informatique Industrielle est une
“affaire classée”? Peut-être pas. Les exigences et les qualités de flexibilité des
nouvelles solutions de MES ouvrent aujourd’hui à l’industriel des possibilités de
coexistence très profitables entre le système libre et celui de Microsoft… C’est
en tout cas le point de vue d’Ordinal Technologies.
C’
est au début des années 80
que sont apparus dans l’industrie les premiers systèmes
basés sur des microprocesseurs. On les appelait calculateurs plutôt que
micro-ordinateurs, ce dernier terme étant
réservé à la “bureautique”, une branche
réputée peu professionnelle et peu fiable de
l’informatique… Il existait des systèmes standards tels que le légendaire PDP-11 de Digital Equipment.Mais dans la plupart des cas, les
systèmes étaient construits sur mesure ou
presque, chaque industriel estimant avoir
des besoins spécifiques en terme d’entrées/sorties, de temps de réponse, de dispositifs d’affichage. Répondant à un besoin
élémentaire de standardisation, les systèmes
Multibus (Intel) et VME (Motorola et Thomson)
ont alors connu leur heure de gloire.
Les systèmes d’exploitation associés à ces
cartes à microprocesseur se caractérisaient
par une recherche exigeante du “temps réel”
et de la compacité (le moindre octet de
mémoire coûtait fort cher), ignorant totalement les notions de convivialité (pour l’utilisateur) et de graphisme. Ils n’offraient
d’ailleurs pas de “primitives” pour cela. Ces
systèmes d’exploitation, représentaient en
quelque sorte l’antithèse totale de Windows
que l’on connaît aujourd’hui.
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Pour des systèmes plus importants et plus
conviviaux, on pouvait lorgner du côté
d’Unix (le système V, apparu en 1983, a
connu un développement très rapide).Très
structuré, le système Unix permettait une
organisation en tâches rigoureuses et performantes, tout en offrant les avantages des
“gros systèmes” : multiutilisateur, stockage de
masse, maintenabilité. Les industriels disposant de capacités d’investissement importantes ont alors opté massivement pour le
système Unix ou ses dérivés.
Dans ce contexte,Windows avait a priori peu
de chances de se faire une place dans l’univers des automatismes.
Le PC vient bouleverser la donne
Deux événements majeurs allaient pourtant
bouleverser la donne…
Le premier est l’avènement des Automates
Programmables Industriels (API). Capitalisant eux aussi sur la technologie des microprocesseurs, les API offrent une structure de
programmation plus simple, calquée sur celle des automatismes à relais, et donc accessible aux électriciens. Pour des tâches assez
simples que l’on appellera par la suite “automatismes” (modes en marche étagés, arrêts
de sécurité, asservissements…), les API s’avèrent simples à programmer et faciles à mettre
La quasitotalité des applications de supervision de procédés industriels est réalisée sur PC
tournant sous Windows.Les technologies de Microsoft ont une telle emprise dans l’univers
industriel que les choses ne sont pas près de changer ! Pourtant,Linux a des chances,en
entrant par la petite porte,celle des terminaux mobiles…
en œuvre. De plus, les constructeurs qui proposent ces équipements (Siemens, Telemecanique,
Merlin Gerin, SMC, Modicon, Allen-Bradley…) maîtrisent à la base le domaine des capteurs et
actionneurs et proposent des ensembles intégrés et fiables. Mais ces matériels sont dotés
d’une Interface Homme Machine (IHM)
pauvre ou inexistante. Une multitude de
sociétés allaient alors chercher à combler cette lacune en proposant
L’essentiel
des IHM dignes de ce
Le développement de la
nom. Du coup, l’inforsupervision a permis à
matique industrielle va
Windows de s’imposer
être éclatée en deux : on
dans les applications
industrielles
parlera bientôt d’automatismes d’un côté et de La technologie OPC de
standardisation des
supervision de l’autre. Ce
échanges lui a permis de
clivage, qui a perduré jusprendre une nouvelle
qu’à aujourd’hui, n’est
dimension
pas sans poser de nom- Linux, qui connaît de réels
succès dans le domaine
breux problèmes auxdes serveurs et des sysquels s’associe un coût.
tèmes embarqués, ne
Le second événement
détrônera pas de sitôt
qui allait mettre WinWindows
dows dans la course est, Mais il pourrait faire une
dans
ces
mêmes
percée dans les petits terminaux à écran (PDA, Pocannées 80 décidément
ket PC), qui commencent
prolifiques, l’avènement
à intéresser le monde
du PC. Lancé par IBM
industriel
sans grande conviction,
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Tendances
Autrefois basés sur des calculateurs industriels (standards ou sur cartes), les automatismes industriels sont aujourd’hui réalisés avec des matériels d’automatismes
associés à des superviseurs.La quasi-totalité des superviseurs fonctionne sous Windows.
OPC joue un rôle central pour les systèmes
de supervision industrielle (Scada) et permet l’interface vers le bas (bus de terrain)
ou vers le haut (autres applications).
Les architectures informatiques récentes permettent
aux plates-formes Linux
de coexister avec les platesformes Windows.
celui-ci va produire une véritable déferlante,
qui va venir traverser le monde industriel
(qui pourtant avait juré ses grands dieux qu’il
n’en voudrait jamais!). L’entrée en scène du
PC va accentuer encore la séparation entre le
monde des automatismes et le monde de la
supervision. D’un côté, des tâches rapides,
fiables, mais sans convivialité; de l’autre un
système faillible et peu adapté au monde
industriel (en tout cas à la base), mais plus
souple et plus convivial. Grâce à son prix et
aux qualités du système d’exploitation MSDOS, le PC est à l’origine de l’explosion des
logiciels de supervision “sur étagère”.Windows qui succède à MS-DOS, connaît des
débuts difficiles dans l’industrie : les tares
effroyables des premiers Windows à cette
époque en tant que système industriel (pas
de multitâche, pas de déterminisme, écrans
bleus fréquents) devenaient malgré tout
acceptables car sans impact direct sur la production ou la sécurité (ces tâches étant assurées par l’automate).
Sur le front Unix, les constructeurs de sta-
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tions de travail renonçaient à s’opposer à la
montée en puissance du PC et délaissaient le
domaine industriel pour le domaine de la
gestion, réputé plus profitable. Digital Equipment y laissera son âme et disparaîtra dans la
fusion avec Compaq, tandis que les nouveaux
ténors d’Unix, comme Sun Microsystems,
n’avaient aucune affinité particulière avec le
monde industriel. Quant à IBM,il aurait voulu être une alternative à Microsoft mais il jette
aussi l’éponge et renonce à l’informatique
industrielle après l’agonie d’OS/2, pourtant
particulièrement bien adapté au monde
industriel. La voie pour Windows était libre.
OPC : le coup de maître de Microsoft
Délaissé par les grands de l’informatique, le
monde industriel voit alors l’entrée en lice
de nouveaux acteurs, essentiellement des
assembleurs proposant des PC industriels,
peu différents dans leur concept des PC de
bureau mais mieux protégés en milieu hostile, et des éditeurs de logiciels de supervision, se ralliant en grande majorité à la pla-
te-forme Windows. Peu à peu, Microsoft a également amélioré la robustesse de son système, en particulier avec le lancement de Windows NT, qui à la base est… un noyau Unix!
Mais là où Microsoft a su le mieux montrer
son intérêt pour le monde industriel, c’est
dans la démarche de standardisation OPC.
OPC, pour Ole for Process Control, est une
implémentation des technologies COM et
DCOM de Microsoft spécialisée dans l’échange de données industrielles. Le coup de
maître de Microsoft est d’avoir réussi là où tout
le monde avait échoué : la standardisation
des échanges avec les différents bus de terrains industriels, depuis le légendaire Modbus jusqu’aux variantes de FIP, et autres Profibus ou DeviceNet. L’impossible
standardisation au niveau des échanges physiques (chaque constructeur d’automates
défendant bec et ongle son pré carré) n’a
plus beaucoup d’importance du moment
que les échanges logiciels sont facilités. Ceci
libère les éditeurs de logiciels et les développeurs d’applications industrielles du développement de protocoles multiples en perpétuelle évolution. Et évidemment, bien que
les spécifications DCOM soient ouvertes, la
technologie OPC n’a réellement été mise en
œuvre que sous Windows.
Linux : un retour venu de l’Internet
Exit donc les autres systèmes d’exploitation,
qu’ils soient Unix ou Linux ? Pas si vite !
Certes, la cause des Unix traditionnels est
pratiquement entendue, mais c’est d’abord
pour des raisons de coût que l’offre Windows est bien plus compétitive. Pour Linux,
le problème se pose différemment. Linux
souffre en fait de deux handicaps mais ceuxci vont s’avérer moins rédhibitoires qu’il n’y
paraît.
Le premier est évidemment la diffusion de
Linux en tant que poste client. Les utilisateurs industriels sont des utilisateurs réguliers des plates-formes Windows, et on ne
voit pas bien pourquoi ils en changeraient.
Ceci étant, le poste PC “classique” n’est plus
aujourd’hui le seul client possible. Dans de
nombreuses applications industrielles, en
particulier les applications de MES (Manufacturing Execution System), la saisie et l’exploitation des données pourra être effectuée
sur des équipements très divers, de type PDA
ou terminaux dédiés. De plus, dans ces
domaines, Linux gagne du terrain, aidé en
cela par des constructeurs qui veillent à garder leur indépendance vis-à-vis de Microsoft,
un peu trop prompt à capter toute leur valeur
ajoutée avec son système Windows (décliné
en Windows CE, PocketPC ou SmartPhone).
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Tendances
Enfin, pour des applications de type portail
Intranet, les habitudes d’utilisation liées au
système d’exploitation sont moins tangibles.
Le second handicap de Linux est OPC, un
passage pratiquement obligé pour accéder
en toute quiétude aux bus de terrains industriels. La domination d’OPC n’est toutefois
pas sans partage. A titre d’exemple, la maîtrise d’un grand nombre de variables au travers d’OPC n’est pas des plus simples. En
effet, l’optimisation des échanges repose
entièrement sur les qualités techniques du
serveur logiciel, qui ne dispose que de peu
d’informations structurantes de l’applicatif
pour effectuer ces optimisations.A l’inverse,
un protocole ouvert comme Modbus/TCP
(spécification Open Modbus), facile à interfacer au niveau logiciel et performant, permet
ce type de contrôle, et tend à être adopté par
de nombreux constructeurs avec le protocole Ethernet. Un serveur Linux peut, quant
à lui, parfaitement jouer le rôle de frontal de
communication Modbus/TCP.
Par ailleurs, l’Internet et les applications dites
e-business ont introduit de nouvelles architectures informatiques, appelées architec-
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tures multi-tiers, qui autorisent la coexistence entre plusieurs systèmes d’exploitation. Ordinal Technologies propose ce type d’architecture pour les applications de
supervision et MES. Dans une telle architecture, les clients légers seront le plus souvent
des postes Windows, mais leur conception
multiplateforme avec Java autorise leur fonctionnement sur des systèmes PocketPC, PalmOS ou Linux.Au niveau des serveurs, cette architecture de services distribués permet
l’installation de ceux-ci sur des machines différentes, avec des systèmes d’exploitation différents. Un serveur Intranet et un serveur
d’applications (supportant la base de données) pourront parfaitement s’appuyer sur
un système d’exploitation Linux, qui a largement démontré sa pertinence dans ces
deux contextes, tandis que les serveurs d’acquisition et de pilotage, ici gérés en redondance automatique, s’appuieront sur le système de Microsoft pour interfacer en OPC les
bus de terrain. Cette structure permet à l’industriel d’optimiser le couple système d’exploitation/service ou “coût attendu” sans
entraîner de complexité d’administration,
bien au contraire. Cette architecture s’administre depuis un seul poste et une seule interface,
le téléchargement des services distribués étant
entièrement pris en charge par le système.
Dans le domaine industriel comme dans les
autres secteurs de l’informatique, la présence d’une pluralité de solutions, y compris
pour les systèmes d’exploitation, est un gage
de réelle évolution de l’offre au bénéfice de
l’industriel. A l’opposé d’une “querelle de
chapelle” stérile, des solutions techniques de
haut niveau rendent moins critique le choix
du système d’exploitation. Elles permettent
à l’industriel des choix plus équilibrés et souvent plus pertinents. En attendant qu’une
démarche comparable à celle d’OPC dans le
monde Windows, voie le jour dans le monde du libre et de Linux…
Philippe Allot
Ordinal Technologies*
*Ordinal Technologies
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