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Regards sur les assises d’Ile de France du 28 mars 2015 à l’école Centrale-Supélec.
« Diriger en confiance. Pari impossible ?
Par Sébastien Lemeunier1 et Marie-Noëlle de Pembroke2.
Le thème de la confiance a été particulièrement bien accueilli dans une période où le doute et
la peur du risque prennent trop de place. Ces assises servaient notamment trois objectifs – se
réunir – témoigner – s’interroger.
Il s’agissait de réunir les membres d’Ile de France et témoigner de la vivacité du mouvement.
Pari réussi avec 450 participants à l’Ecole Centrale Supélec et la présence du Président des
EDC Laurent Bataille.
A cette occasion, les participants ont pu bénéficier d’une vision intime du vécu de nos
témoins et de leurs ancrages profonds. Ils ont pu trouver dans ces témoignages personnels,
enthousiasme, espérance et source d’inspiration, afin de nourrir leur démarche spirituelle de
chrétien dans leur propre mission. Enfin, les témoins eux-mêmes ont exprimé avoir revisité et
unifié leurs convictions avec un regard en vérité. Fidèles aux valeurs œcuménistes et
d’ouverture des EDC, ces assises ont compté des participants et des intervenants ne faisant
pas partie du mouvement, certains n’étant pas chrétiens, afin d’ouvrir les EDC à un regard
plus large et faire témoignage au-delà de notre cercle.
Premier temps : Accueil des participants par Hervé Biausser, Directeur de l’Ecole
Centrale Supélec.
Après 20 ans chez Usinor, il a pris la direction de l’Ecole Centrale. Il nous a rappelé l’histoire
de l’école créée par 4 jeunes Saint Simonien en 1829, dont les valeurs étaient fondées sur une
croyance dans le progrès au service de la société. Cette école relève d’une initiative privée par
Alphonse Lavallée qui était un homme d’affaire. Les valeurs de ces fondateurs se déclinent en
4 points :
- La sélectivité. Cette école était ouverte aux plus méritants et faisant preuve de qualités
scientifiques.
- La formation devait présenter un caractère ouvert.
- Affirmer une volonté permanente d’internationaliser l’école. Elle maintient depuis sa
création une moyenne de 20 % d’élèves internationaux.
1
Sébastien Lemeunier est enseignant chercheur à EBS-Paris. Président de la section d’Auteuil
Marie Noëlle de Pembroke, membre des EDC, co-organisatrice du contenu de la journée, a créé sa société de
Family Office dédié aux grandes familles entrepreneuriales.
2
-
Elle se veut ouverte et proche des entreprises. Elle avait pour but de former « des
médecins des usines et des fabriques » à une époque où les institutions supérieures
formaient plutôt des cadres de l’Etat.
Hervé Biausser nous annonce que le nombre d’étudiants dans le monde a plus que doublé
entre 2000 et 2015. Il faut s’attendre par ailleurs, à ce que ce chiffre s’accroisse de 5 millions
par an dans les années à venir du fait du développement de l’Amérique du Sud, de l’Asie et de
l’Afrique.
Effectivement rien ne se fait sans la confiance et l’école rejoint le thème de notre mouvement
dans la mesure notamment où il faut agir en acteurs responsables de la société.
Deuxième temps : Don Pascal André Dumont nous parle de la confiance
Dom Pascal-André Dumont est Prêtre et économe de la Communauté Saint Martin, séminaire
de formation de prêtres.
Il est notamment fondateur du fonds d’investissement de partage Proclero basé sur des règles
éthiques et dont une partie des gains financent la Communauté de Saint Martin.
Intervention de Don Pascal-André Dumont :
1. L’obstacle principal à la confiance
« Diriger en Confiance », Pari impossible ? Non ! C’est un pari possible ! Comment diriger
en confiance ? Il faut pour cela éclairer les fondements de la confiance et identifier les
obstacles qui pourraient se dresser devant elle. Parmi ces obstacles, on cite la peur d’être trahi,
la peur de perdre, la peur du risque. Le risque doit toutefois être démystifié puisque le risque
lui-même n’est pas une mauvaise chose.
1ère raison : Le risque appartient à la vie même de Dieu. Dieu lui-même a pris un risque en
créant l’homme. Effectivement, ce qu’il y a de commun entre tous les hommes est le besoin
d’aimer et d’être aimé qui a animé toute l’histoire de l’humanité. Ce besoin est la signature de
Dieu dans le cœur de l’homme. Dieu a pris le risque de la non réciprocité en créant l’homme
et en le voyant se fermer à son Amour.
2ème raison : Dieu lui-même invite à prendre des risques, comme il l’a fait avec Abraham.
Il lui a dit de tout quitter, de partir de son pays, d’abandonner ses richesses et jusqu’à lui
demander de sacrifier son fils. C’est justement parce qu’il lui a fait confiance qu’il a été
récompensé. Nous même sommes appelés à prendre des risques au sortir du foyer familial
« quitte ton père et ta mère ». De même dans le mariage il y a une prise de risques. Prendre un
risque consiste à abandonner une certaine sécurité matérielle.
C’est donc notre appel de dirigeant chrétien de prendre des risques et c’est aussi le risque de
la confiance. C’est une attitude fondamentalement bonne de notre vie.
2. Les fondements de la disposition intérieure de la confiance
Le risque encore une fois, doit être démystifié et il est indispensable de se libérer de la peur de
ce risque pour avoir confiance.
a- l’appel vient de Dieu.
Abraham était pourtant très riche en troupeaux et il a tout quitté pour un pays inconnu. Pour
Abraham, Dieu est fiable et la fiabilité de Dieu est la confiance. C’est un acte de foi et Dieu
est infaillible.
Néanmoins en cette période où la raison et la modernité règnent, croire en l’infaillibilité de
Dieu n’est pas chose simple. Comme dirait Nietzsche « croire c’est bon pour les faibles qui
ont besoin de se rassurer ». Et que dire de notre période postmoderne où la foi ne peut plus
s’exprimer que dans la sphère privée et ne peut être au plus qu’un sentiment, une sensation ou
un frisson ? Dieu a pourtant simplement dit à Abraham « fais-moi confiance ». Il y a
effectivement dans la confiance une certaine précarité qu’il faut savoir accepter.
b- L’espérance en une promesse qui va se réaliser.
Pourtant, il est absolument nécessaire d’espérer d’entreprendre.
La confiance nait d’une fiabilité et passe à la fécondité par le passage à l’acte.
3. Comment un dirigeant chrétien peut-il diriger en confiance ?
Pour répondre à cette question, on passe par une approche en 4 dimensions, la hauteur, la
longueur, la largeur et la profondeur.
 La hauteur de la confiance pour le dirigeant: Quelle est son origine ?
Tout d’abord la confiance en Dieu. Dieu est premier maître du temps et de l’histoire.
Au nom de cela, le dirigeant chrétien a besoin de prendre de la distance et du recul et
devenir le collaborateur de cette providence divine. Il pense comme Dieu pense, il voit
comme Dieu voit. Le fruit de cette confiance est le discernement, c’est-à-dire voir ce
qui est invisible, ce qui va au-delà des apparences, voir la promesse de fécondité. Ce
regard de foi rend visionnaire et donne le discernement permanent. L’entreprise a
effectivement une valeur de bien commun pour Dieu. Dieu est prêt à s’impliquer dans
l’entreprise puisqu’elle est bonne pour la société.
 La longueur de la confiance:
Voyons la confiance dans le salut et la finalité du salut. Le dirigeant chrétien doit avoir
un regard abouti et ce faisant cultiver un regard eschatologique3. Pour cette raison, il
ne portera pas un regard utilitariste sur ses collaborateurs. Ces derniers aussi sont
comme lui appelés au salut qui leur est promis. Nous portons alors une responsabilité
eschatologique au risque de devoir répondre à la question « qu’as-tu fait de ton
collaborateur ? ». L’activité professionnelle est orientée vers le salut.
3
Eschathologie : ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime de l’homme après sa mort (la
vie après la mort) et sur celui de l’univers après sa disparition (la fin des temps).
 La profondeur de la confiance : en soi et dans les autres.
La fausse confiance en soi consiste à surévaluer ses qualités ou à sous-évaluer ses
défauts. Cette fausse confiance en soi est un miroir déformant consistant à étendre ses
qualités et à rétrécir ses défauts. Pour pallier ce problème, il faut se résoudre à accepter
que c’est Dieu qui m’a créé et de fait s’accueillir et s’accepter tel que l’on est. La
démarche consiste alors à reconnaître ses défauts et accepter d’être soi-même. Dans ce
cheminement d’introspection, être soi-même est aussi être prêt à reconnaître que je ne
suis pas fait ou plus fait pour être dirigeant. Il est donc très important de travailler sur
sa personnalité et de ne pas avoir peur d’être transparent en montrant ses faiblesses et
ne pas se dissimuler. Les faiblesses cachées sont un danger potentiel. Il faut se faire
confiance, me faire confiance, car Dieu me fait confiance.
A cela s’ajoute la bienveillance envers ses collaborateurs et les regarder avec lucidité
en étant attentif à leur potentiel pour les faire évoluer et aussi… les servir. Faire
confiance implique effectivement de connaître ses collaborateurs.
 La largeur de la confiance du dirigeant ou l’autorité du dirigeant en 6 points.
Elle passe par votre relation avec le collaborateur.
1) Le dirigeant doit être capable de donner sa confiance au collaborateur en lui
confiant une mission, en le regardant dans les yeux et le responsabiliser
explicitement pour le faire grandir. Cela revient à accepter de ne pas tout maîtriser.
2) Il doit croire que le collaborateur peut progresser et qu’il est sage de le former, afin
d’accroître ses compétences.
3) Accompagner le collaborateur par un contrôle transparent de sa mission.
4) Il faut permettre la restitution de la mission du collaborateur une fois accomplie,
puisque c’est ce moment qu’il attend en réponse à la confiance que vous lui avez
donnée.
5) Vous devez évaluer sa mission effectuée, afin d’exprimer une gratitude.
6) Enfin préoccupez-vous de la place à donner au collaborateur.
La confiance est donc le support d’un avenir plein de promesses. Elle relève d’un lien profond
entre l’économie et la confiance en Dieu. Aussi soyons passeur de confiance afin qu’elle soit
contagieuse. Pour qu’elle soit crédible, la confiance ne peut être aveugle et elle doit être
expliquée. Aussi est-il nécessaire d’exprimer notre vision et dire où l’on va pour inspirer
confiance.
Enfin Dom Pascal-André Dumont prie pour nous pour que nous soyons des « dirigeants
enthousiastes » ce qui revient à dire que nous soyons des dirigeants habités par Dieu.
Projection de l’extrait d’une intervention de Christophe de Margerie et hommage à sa
mémoire.
« La confiance manque en Europe. La confiance passe par la confiance dans le génie de la
Nation, dans les institutions, dans les uns et les autres et enfin par la confiance en soi. Quand
on n’a pas confiance en soi, comment donner confiance aux autres et aux jeunes en
particulier ? »
Troisième temps : table ronde « Confiance et Management »
Elle est animée par Marie-Noelle de Pembroke et Pierre-Philippe Lacroix.
Invités
 Jean Duforest patron de ÏDgroup, scout dans l’âme et profondément habité par le
Christ, pour qui la relecture quotidienne est une force
 Michel Hervé, fondateur du Groupe Hervé, pionnier du management participatif,
ancien député européen
 Nicolas Jeanson auteur de « Replacer l'homme au cœur de l'attention - Chronique
d'un sauvetage industriel ». Ancien DRH et directeur de sites industriels
Thème 1 : Comment rebondir après une épreuve ?
Nous avons trouvé dans chacune des vies de nos invités des moments clefs où tout se décide.
Jean Duforest
 Q : Vous nous avez dit avoir dû repartir à zéro plusieurs fois dans votre vie.
Qu’est-ce qui, à partir de vos propres forces et dans votre rapport aux autres, vous
a aidé à rebondir et comment avez-vous expérimenté cette 2ème chance ?
o Dans l’existence tout est un éternel recommencement. Mon burnout à 39 ans a
finalement été un beau cadeau puisque j’imaginais le monde tel que je le voulais et pas
tel qu’il était. Depuis, j’ai pris l’habitude de me ré-imprégner quotidiennement de la
réalité en réécrivant au calme ma journée sur un carnet. Ainsi, je préfère me relire et
agir plutôt que réfléchir, cumuler les peurs pour finalement avoir peur d’agir.
o Il faut accepter ses fragilités ; la fragilité sublimée est une force.
o A 49 ans je croulais sous le surendettement. Pourtant, à la sortie de la messe, un ami
m’a dit « je sais que tu es en difficulté mais j’investis sur toi ». Et puis son geste a
amené d’autres investisseurs qui lui faisaient confiance. J’ai alors restructuré une
entreprise tout en pratiquant beaucoup la marche à pied pour être proche de la réalité.
J’ai-de-la chance certes, mais j’aide-la-chance.
o Je reçois la grâce de Dieu et le plus beau des regards, c’est celui de Dieu
Nicolas Jeanson
 Q : Votre dernier livre raconte un sauvetage industriel. D’où avez-vous tiré votre
confiance pour prendre un poste aussi difficile alors que vous ne maîtrisiez ni le
secteur ni la dimension technique du métier ?
o Je vais utiliser l’image du chef d’orchestre pour vous répondre. Quelle est la valeur
ajoutée du chef d’orchestre ? Il crée de manière organique, cohérente, ce que les
musiciens ne parviendraient pas à créer individuellement. Pour ce faire, il faut un
langage commun qui est le solfège. Selon cette approche, il faut s’interroger dans
l’entreprise sur les règles de vie communes afin d’assurer les conditions de la
collaboration ou de la coopération. Ce qui compte est la performance collective.
o Par ailleurs, il faut procéder de manière inductive. J’ai passé des mois à écouter tout le
monde et avec la même attention. Tant que les gens râlent, se plaignent, il y a de
l’espoir puisqu’ils désignent les problèmes. En revanche, ce sont les gens qui restent
silencieux qui posent problème. A cela j’ajoute que la politique de la reconnaissance
est importante.
 Q : Comment avez-vous fait pour rétablir la confiance de vos collaborateurs
sachant que leur usine était condamnée ?
o J’ai fait la guerre sociale pendant 3 ans mais j’ai beaucoup appris. Chez les gens en
difficulté il y a toujours beaucoup de potentiel. Il suffit d’aller au contact, être en
vérité avec eux et prendre le temps de l’écoute.
Michel Hervé :
 Q : Vous étiez enfant de cœur jusqu’à l’âge de 13 ans. Vous nous avez confié
vous être éloigné de l’Eglise et de la foi lorsque vous avez entendu les
témoignages de survivants des camps de la mort. Nous retrouvons néanmoins
dans votre regard d’amour sur les hommes des pans entiers de la doctrine sociale
de l’Eglise et vous les mettez en œuvre concrètement avec beaucoup de
conviction.
D’où vous viennent cette ouverture aux autres et cette foi en l’Homme ?
o A 12 ans, après ma communion, je n'ai pas perdu la foi, mais je l'ai mise de côté.
Après avoir pris conscience effectivement qu'au nom de la religion certains hommes
pouvaient dériver au point d’être capables du pire et si loin de ce qui fait le fondement
de leur croyance. Aussi, j’ai décidé d’ignorer les questions existentielles.
o A 16 ans, la lecture du compte-rendu du procès d'Eichmann par Hannah Arendt, où
elle décrit un pauvre type qui se disait irresponsable des crimes du nazisme ne faisant
qu'obéir aux ordres du Führer, m'a définitivement fait rompre avec l'obéissance et
magnifier le mot liberté. Cette dernière était aussi inspirée par l’exemple de mon père
entrepreneur.
o Enfin à l’armée on m’a dit que j’étais inapte au commandement.
Soit. Au nom de tout cela j’ai décidé que je serai entrepreneur mais pas chef.
 Q : Vous parlez d’avancer sur le chemin. Vous dites ne pas être obnubilé par
l’issue d’un projet mais accueillir les rencontres qui vont mener à sa réussite au fil
de son avancement. Nous sentons votre confiance en la vie sans vouloir tout
maîtriser.
Quelle belle expérience avez-vous faite d’une rencontre qui vous a porté bien audelà de vos espérances ?
o J’ai eu la chance de rencontrer de grands hommes qui m’ont inspirés. Bill Gates quand
j’ai voulu numériser la ville de Parthenay en 1995, le Dalaï Lama lorsque je me suis
impliqué comme président de l’association France-Tibet contre le régime chinois, et le
Père Joseph Wresinsky dans ma lutte contre l’exclusion et la pauvreté. Ces rencontres
ont eu un impact majeur sur mes chemins de vie.
Thème 2 : Comment permettre à vos collaborateurs d’avoir confiance en eux pour qu’ils
donnent le meilleur ?
Michel Hervé
 Q : Nous avons entendu votre volonté d’être entrepreneur sans être chef.
Votre manière de manager repose sur une volonté forte de mettre en commun les
talents : est-ce une condition pour vous de la confiance ?
Je pense que quand l’homme est heureux et qu’on lui fait confiance il donne le
meilleur de lui-même. Ma conviction est que le bonheur d’être est supérieur au
bonheur d’avoir. Ce qui les distingue est la liberté que je mets au cœur de ma manière
de guider mon entreprise. Il y a effectivement une joie d’entreprendre et une joie dans
la réussite. Le bonheur d’être vient de la capacité d’entreprendre, d’apprendre
continument et de comprendre.
Toutefois, mieux que le bonheur d’être, il y a le bonheur d’aimer et d’être aimé qui
amène à la fraternité. Nous insufflons donc le sens de l’économie du don et du service
en interne sans contrepartie financière, dans un esprit de solidarité.
Dans mon entreprise on « synthétise » les individus en groupes et on les encourage à
être des entrepreneurs sous le principe de l’intrapreneuriat4. Pour bien se connaitre,
4
l’intrapreneur est le membre d’une grande entreprise qui, en accord avec elle, et tout en restant salarié de
son entreprise, possède un projet viable intéressant l’entreprise et qu’il peut réaliser en son sein. Il est celui qui
transforme une idée rentable au sein d’une organisation. Teneau G., « Le concept d’intrapreneuriat ». Portail
des PME 15/05/2014
ces groupes ne doivent pas dépasser les 15-20 personnes. Les managers sont choisis
sur leur capacité intuitive à faire grandir leurs équipes et à être des catalyseurs pour
lutter contre l’individualisme et favoriser la coopération (œuvre en commun) plutôt
que la collaboration.
Nicolas Jeanson
 Q : A vous lire, le management repose sur des principes simples (« remettre les
choses à l’endroit », « donner du sens », « privilégier l’écoute et la méthode aux
résultats ») Comment avez-vous réussi à les mettre en pratique concrètement dans
vos différentes expériences ?
L’autorité va de pair avec l’écoute et l’exercice de cette autorité est finalement un
service. On est alors bien loin de l’abus de pouvoir. En tant qu’entrepreneur il faut
aussi pouvoir rompre avec cette logique qui consiste à faire des hommes des variables
d’ajustement.
 Q : Comment appréhendez-vous la notion d’erreur dans vos entreprises ? Est-elle
propre à entamer la relation de confiance ?
L’entrepreneur doit être cohérent pour être crédible.
A-t-il le droit à l’erreur ? Pas vraiment. Si on fait une erreur avec un client, il ne
pardonne pas. Aussi faut-il mettre les erreurs sur la table mais surtout distinguer
erreurs et fautes. Seule la faute se punit, l’erreur s’accompagne. Cela implique donc
d’être attentif et exigeant.
Jean Duforest
 Q : Comment s’incarne au quotidien votre rôle d’inspirateur modérateur ?
o J’ai pris comme ligne de conduite, notamment, la prière du chef scout :
« Si tu veux être chef un jour,
Pense à ceux qui te seront confiés,
Si tu ralentis, ils s’arrêtent.
Si tu faiblis, ils flanchent.
Si tu t’assieds, ils se couchent.
Si tu critiques, ils démolissent.
Mais…
Si tu marches devant, ils te dépasseront.
Si tu donnes la main, ils donneront leur peau.
Et si tu pries, alors, ils seront des saints. »5
5
Michel Menu
On est sur l’exemplarité pour un bon manager. Dans ce petit texte, se trouve tout le
management que j’aime.
o Je n’aime pas le « ou » mais j’aime le « et ». Si on me dit « ou » je me dis « chic »
voilà l’occasion d’être créatif avec les paradoxes à résoudre, l’altérité à mettre en
œuvre et l’entente entre les gens.
o Aujourd’hui je me retrouve dans la peau d’un chien de berger puisque je vais de
groupe en groupe avec enthousiasme, sans regarder les troupeaux d’un œil suspicieux,
sans mordre les mollets mais en continuant à courir à côté d’eux.
Thème 3 : Comment communiquer en confiance entre générations ? Quelle(s)
transmission(s) possible(s) ?
Michel Hervé
 Q : Vous nous avez confié avoir perdu votre première épouse dans un accident.
Vous vous êtes remarié et avez eu à nouveau 3 enfants avec 30 ans d’écart avec
vos trois premiers. Qu’est-ce que cette nouvelle vie familiale vous a révélé de ce
dialogue entre générations?
o L’essentiel porte sur la question du sens à donner à son action, pour les jeunes comme
pour les anciens. On doit pouvoir être capable de répondre au « pourquoi ? » et au
« pour quoi ». C’est une recherche très naturelle chez les jeunes. Ils interprètent les
signes dans la spontanéité. Les jeunes ont une capacité d’être débrouillards dans le
brouillard.
o Aujourd’hui, il faut être capable d’apporter de la rareté au client et d’innover en
permanence. C’est du ressort des jeunes. Ravir le client c’est être dans l’innovation et
c’est aussi le surprendre et apporter quelque chose à la société.
o En tant que fondateur, j’ai déterminé la nature originelle de l’entreprise, mon fils lui
donne sa grandeur. Il est un catalyseur de croissance tourné vers l’avenir
Jean Duforest
 Q : Vous avez déclaré à de nombreuses reprises que vous ne vous sentiez que
« locataire » de votre entreprise et pourtant vous nous avez exprimé la difficulté
que vous avez eu à transmettre votre entreprise. Pouvez-vous nous en dire plus ?
o Transmettre est une chose délicate et c’est de la gouvernance.
Dans mon cas, en tenant compte des ayant-droits de mon associé, nous sommes une
quarantaine de personnes dans la famille des associés.
o Il est important de ne pas s’approprier son présent comme un être tout puissant, mais
de savoir d’où l’on vient, être à la hauteur de l’héritage reçu. La transmission se
prépare et se travaille, à vrai dire dès que l’on met des enfants au monde. Quand on
devient parent on est là pour ses enfants. On agit pour que le monde progresse et on
est au service de l’enfant. Et puis tout ce qui n’est pas donné est perdu. Dans la même
logique, la charte familiale doit être écrite par mes enfants pour et par rapport à leurs
propres enfants.
o Je leur transmets avant tout cette valeur « juste fais le » et je l’appelle le « act for
kids ».
o Savoir se désapproprier de l’inutile, du futile
o Nous avons le droit de consommer les œufs mais pas la canne.
Quatrième temps : la messe
Le groupe a cheminé vers l’écrin d’un joyau du XIIème siècle, l’église St Germain
l’Auxerrois de Chatenay-Malabry. La messe fut présidée par le nonce Apostolique,
Luigi Ventura, qui nous a confirmé le soutien du Pape dans notre mission.
Que d’émotion devant cette procession de dirigeants !
Cinquième temps : les ateliers
L’après-midi a été dédié à des ateliers sous la forme interactive afin d’approfondir les sujets
qui ont été abordés le matin, créer une ambiance participative et de convivialité.
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En voici les thèmes.
Redonner confiance, comment ?
Gouvernance d’entreprise : quel management responsable ?
Défiance ou confiance : comment favoriser le dialogue entre générations ?
Le partage des fruits de la croissance suffit-il à créer la confiance ?
Témoigner sa confiance au quotidien à travers des témoignages spontanés
L’esprit « start-up » ; booster de confiance dans nos entreprises ?
Transmettre son entreprise : et la confiance ?
Nouvelles technologies : accélérateur de confiance ?
Ces assises furent donc des moments de joie, de prières, dans une atmosphère de ferveur, de
bienveillance, d’écoute et d’exigence créatrice. La journée a été rythmée par la chaleur et
l’enthousiasme des chants du groupe Nomade.
Quelques verbatim :
« Soyons passeurs de confiance afin qu’elle soit contagieuse »
« Des « dirigeants enthousiastes » revient à dire que nous soyons des dirigeants habités par
Dieu »
Rebondir après une épreuve
« La fragilité sublimée est une force »
« Croire en les autres et s’appuyer sur la solidarité amicale»
« Le plus beau des regards, c’est celui de Dieu»
« Marcher, toujours marcher pour se rapprocher de la réalité»
« Je préfère me relire et agir plutôt que réfléchir, cumuler les peurs pour finalement avoir peur
d’agir »
« Devant les dérives de l’enrôlement, je décidais d’être entrepreneur mais pas chef »
« Ne pas se soucier de l’issue d’un chemin mais garder une pleine ouverture aux rencontres»
Permettre à ses collaborateurs de donner le meilleur d’eux-mêmes
« Il s’agit de mettre le sens du don et du service sans contrepartie financière au cœur de nos
organisations »
« On ne peut connaitre en profondeur plus de 15 collaborateurs d’où des managers catalyseurs
de talents d’équipes de 15 personnes»
« Rompre avec la logique de l’homme comme variable d’ajustement »
« Avoir un regard d’égalité à toutes les strates de l’entreprise »
« Penser à ceux qui nous sont confiés »
« Rendre les gens intelligents et autonomes »
« Exigence et bienveillance »
« Les seniors sont dans le comment, les jeunes sont dans le pourquoi et la recherche de sens »
Transmission et confiance
« Avoir conscience de ce que l’on a reçu »
« J’ai reçu comme héritage la volonté d’entreprendre »
« Ma force : Le tandem père et fils, opérationnel et bienveillance »
« Je ne me sens que locataire de mon entreprise »
« Ce chemin de désappropriation est un chemin de libération »
« Je ne suis qu’un passeur. Je travaille dans l’entreprise de mes enfants »
« Nous n’avons le droit de consommer que les œufs, mais non la canne »
« La transmission est un fil rouge qui permet l’émergence du sens »
« Passer du berger au chien de berger mais : sans regarder le troupeau avec un œil suspicieux,
sans mordre les mollets, en continuant à courir à côté d’eux »