Petit journal

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Petit journal
Journal du centre d’art contemporain
de Quimper n°44
Exposition du 19 janvier au 31 mars 2002
Déplacements
Christophe Cuzin
Stephen Dean
George Dupin
Barbara Gallucci
L’exposition réunit les œuvres de quatre
artistes dont les démarches témoignent,
Barbara Gallucci
Begin Again, 1999, détail
bois, moniteur, moquette, vidéo
dimensions variables
par les plus grands designers seraient
à la portée de tous.
Parallèlement, le modernisme en art a
défini des pratiques, telle l’abstraction
géométrique en peinture, attachées
à valoriser les éléments constitutifs du
tableau. Aujourd’hui, Barbara Gallucci
constate que les objets de cette époque
ont un statut de relique et sont réservés
aux collectionneurs tandis que l’on retrouve
dans le décoratif institutionnel, des ersatzs
de l’art abstrait. Chacune de ses pièces,
éditée à plusieurs exemplaires, cultive
l’ambivalence entre objet d’art et objet
de design, culture spécialisée et culture
populaire.
Christophe Cuzin
Peintre, Christophe Cuzin a abandonné
il y a 10 ans le tableau comme surface
d’inscription au profit d’interventions
colorées qui sont intrinsèquement liées
aux lieux qui les accueillent. Aux règles
qu’il avait établies pour la réalisation
de ses toiles abstraites, il a substitué
d’après la date de leur exécution à laquelle
est ajouté le chiffre 1, marquant ainsi
leur spécificité temporelle. Au Quartier,
les cimaises désolidarisées des murs
apparaissent dès lors comme d’immenses
toiles tendues sur châssis. La peinture se
déploie ici à l’échelle du cadre bâti, plaçant
le spectateur au sein d’un environnement
qui l’invite à percevoir la couleur de manière
inédite.
Christophe Cuzin
projet pour 1701021, 2001
dessin
George Dupin
Des actualités N°5*, 2000
tirage numérique, 40 x 54 cm
né en 1956, vit à Paris
selon des modalités différentes,
d’une attitude vis-à-vis de l’environnement
quotidien. Ils intègrent dans leurs pratiques
Barbara Gallucci
des champs d’activités qui entretiennent
née en 1953, vit à New York
des relations de proximité avec le domaine
artistique.
Ainsi Barbara Gallucci pastiche le mobilier
design et opère à la frontière entre l’art
et le décoratif.
Christophe Cuzin questionne l’histoire de
Stephen Dean
Pulse, 2001, détail
film 8 mm
la peinture dans ses rapports hiérarchiques
avec l’architecture.
Les photographies de George Dupin
documentent des liens troublants entre
l’univers de la mode et l’art contemporain.
Quant à Stephen Dean, il s’approprie les
éléments de son environnement pour en
faire des « objets picturaux ».
Barbara Gallucci considère la décoration
d’intérieur comme un répertoire de formes
et de motifs. Elle affiche une prédilection
pour le mobilier des années 40 et 50
ainsi que pour les revêtements standards
utilisés par les chaînes d’hôtels et
de bureaux. Dans ses installations
sculpturales, les meubles, reproduits de
manière artisanale avec des matériaux
pauvres d’après des modèles manufacturés
de designers, sont détournés de leur usage.
L’ajout courant de moquette aux motifs
abstraits relève d’une même stratégie
visant à démonter, de manière ironique,
l’utopie moderniste. En effet, au milieu
du siècle dernier, les progrès de l’industrie
ont nourri la croyance que les objets conçus
Barbara Gallucci
Storage Gap, 2000
aluminium, bois, formica, moquette
152,5 x 121,5 x 45,5 cm
les contraintes objectives dictées par
l’architecture. Dispensé d’atelier,
l’artiste travaille en terme de projet
et son œuvre se développe au gré des
invitations qui lui sont faites. Il conçoit
des « dispositifs picturaux » qui tiennent
compte des particularités d’un espace
donné, pour mieux le révéler. La peinture,
industrielle peut être appliquée
par surfaces monochromes, à même
les murs ou bien sur des supports
construits qui redoublent et transforment
l’architecture. Les œuvres sont titrées
George Dupin
Les séries réalisées à Caracas (Venezuela)
ou encore à Jérusalem-Est manifestent une
portée critique évidente. Si l’édition et les
inserts dans les revues sont, pour George
Dupin, le mode privilégié de diffusion
de ses images, il ne renonce pas cependant
à les montrer sous la forme d’une
exposition. Les photographies en noir
et blanc présentées au Quartier ont pour
sujet les boutiques parisiennes des grands
couturiers et autres « concept-stores ».
Les prises de vue insistent sur les volumes
d’architecture intérieure, les éclairages
et dévoilent une étrange parenté avec les
galeries d’art contemporain. Dans ce
dépouillement formel, les vêtements
apparaissent comme des « fantômes »
ou des « spectres » selon les mots
de l’artiste. Paradoxalement, la conception
de l’espace des boutiques paraît plus
signifiante, en termes d’image de marque,
que la marchandise elle-même.
* cf. « Oublier l’exposition », Art press spécial N°21, pp. 138-143
et Le journal, La Galerie, Noisy-le-Sec, p. 23
Les deux photographies reproduites dans ce petit journal ont été prises
dans les boutiques suivantes :
- Colette, 213 rue Saint-Honoré, Paris 1er, architecte Arnaud Montigny
- Cabane de Zucca, 8 rue Saint-Roch, Paris 1er, architecte Jean-françois Bourdin
né en 1966, vit à Paris
Depuis le milieu des années 90,
George Dupin mène des enquêtes
photographiques qui documentent des
espaces urbains, et plus particulièrement
l’inscription de volumes architecturaux
au sein de leur environnement. Les images
sont éditées par cahiers ou journaux
numérotés avec comme titre générique
Des actualités. Elles agissent comme
commentaires d’une situation présente.
Stephen Dean
né en 1968, vit à Brooklyn, New York
Stephen Dean recycle et interprète
avec les moyens de la peinture le monde
de l’ordinaire. Les choses du quotidien
(chemises, lits de camps, journaux, etc.)
deviennent autant de supports
pour la peinture. Parfois, l’artiste fait acte
d’appropriation par la création de nouveaux
Stephen Dean
Account, 1998
livres de poche
210 x 18 x 11,5 cm
points de vue sur un objet ou sur
une situation. Ainsi, dans Account (2000),
les livres sont superposés de telle façon
que le spectateur perçoie des colonnes
de couleurs. Le film Pulse (2001), également
présenté au Quartier, a comme matériau
visuel des images tournées lors du festival
indien de Holi. Ici, ce sont les cadrages,
le montage et bien sûr le choix du sujet
qui relèvent d’une attitude de peintre.
On y voit toute une population qui se
jette par poignées des kilos de pigments
puis des seaux d’eau colorée. L’action
est filmée de l’intérieur, en plan serré.
Stephen Dean a conçu le film comme
« un tableau animé » et insiste sur la
dimension tactile des images. La foule
disparaît dans des nuages de violets, de
magentas, d’ocres, de verts puis la couleur
devient liquide et inonde tout l’environnement. Le dispositif de projection place
le spectateur au cœur d’une bataille de
couleurs à grande échelle.