Licenciement et maladie

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Licenciement et maladie
Licenciement et maladie
En dehors de l'inaptitude médicale, constatée par le médecin du travail, est-il possible
de licencier un salarié pour cause de maladie ? (cet article ne s'applique pas aux absences consécutives à un
accident ou une maladie professionnelle - L1226-9).
L'état de santé ne peut légitimer un licenciement
Le Code du travail stipule dans son article L1132-1 : “ aucun salarié ne peut être
sanctionné, licencié .../... en raison de son état de santé ou de son handicap. ”
La Convention C158 sur le licenciement de l'OIT stipule dans son article 6 :
“ L'absence temporaire du travail en raison d'une maladie ou d'un accident ne devra
pas constituer une raison valable de licenciement. ”
Et pourtant :
Des absences prolongées (ou répétées) peuvent
justifier un licenciement
Tour de passe-passe : ce n'est pas la maladie qui est la cause du licenciement mais
l'absence du salarié. Le salarié, qui lutte contre sa maladie et pour son emploi,
appréciera la nuance...
La Cour de cassation déclare que si le Code du travail ne s'oppose pas au
licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation
objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée
ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si
ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son
remplacement définitif (Cass. soc. 13 mars 2001, n° 99–40110).
L'état actuel de la jurisprudence imposera donc quatre conditions cumulatives :
1.que les solutions de remplacement temporaires aient été préalablement :
•recherchées par l'employeur au sein de l'entreprise (au besoin au prix de
réorganisation, heures supplémentaires...)
•épuisées à l'extérieur. Le contrat de type CDD est prévu -sans durée précise- pour
pallier l'absence d'un salarié (L1242-7).
2.que l'absence prolongée (ou les absences répétées) du salarié désorganise gravement le
fonctionnement de l'entreprise. A l'employeur de le prouver : suivant la taille de
l'entreprise et le poste occupé par le salarié (poste clé).
La perturbation d'un seul établissement (Cass. soc. 23 janv. 2013, n° 11-28075) ou d'un secteur
d'activité (Cass. soc. 13 mai 2015, n° 13-21026) de l'entreprise ne suffit pas
3.que le remplacement du salarié soit définitif (Cass. soc. 13 mars 2001, n° 99-40110). En résumé
le licenciement doit entraîner :
•un recrutement en CDI (Cass. soc. 20 février 2008 n° 06–46233 ; Cass. soc. 26 janvier 2011 n° 09–71907). Sont donc
notamment exclues les substitutions par :
•un CDD (Cass. soc. 7 avril 2009, n° 08–40073),
•un intérimaire (Cass. soc. 7 juillet 2009, n° 08–42957),
•un stagiaire (Cass. soc. 22 octobre 1996, n° 93–44697),
•le salarié d'une entreprise sous-traitante ou prestataire de services (Cass. soc. 18 octobre 2007, n° 06–44251 ; Cass. ass. plén. 2 avril
;
•dans les mêmes conditions (Cass. soc. 6 février 2008 n° 06–44389 ; Cass. soc. 26 janvier 2011 n° 09–67073) ;
•et dans un délai raisonnable (Cass. soc. 8 avril 2009 n° 07–44559 ; Cass. soc. 10 novembre 2004 n° 02–45156).
4.que le recrutement s'effectue sur le même poste ou le même établissement (Cass. soc. 25
janv. 2010, n° 10–26502).
5.que l'absence du salarié ne soit pas la conséquence d'un manquement de l'employeur
à son obligation de sécurité de résultat (Cass. soc. 13 mars 2013, n° 11-22082).
2011, n° 09–43334)
En tout état de cause, la lettre de licenciement devra faire état de ces faits et non de la
maladie du salarié. L’absence de ces motivations permet de considérer que le
licenciement n'est pas justifié (Cass. soc. 8 avril 2009, n° 07–43909).
La convention collective applicable peut prévoir d'autres dispositions, délais... qui
s'imposent à l'employeur.
Cas particulier en cas de faute de l'employeur
Lorsque le salarié licencié pour absences répétées désorganisant le fonctionnement de
l'entreprise produit des éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement, il
appartient à l’employeur de démontrer que le licenciement est justifié par des
éléments objectifs étrangers à ce harcèlement (Cass. soc. 15 janv. 2014, n° 12-20688). Il y a donc
une inversion de la charge de la preuve.
Décision à notre avis généralisable à toute maladie mettant en cause l'employeur
(épuisement professionnel ou burn out par exemple).
La jurisprudence peut évoluer !
L'article L1132-1 protégerait le salarié s'agissant de sa maladie, mais pas des
absences liées à cette affection ? Cet article n'a aucune finalité s'il ne prémunit aussi
le salarié des conséquences de la maladie !
Selon l'OIT (art 4, convention C158) : « Un travailleur ne devra pas être licencié sans
qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du
travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de
l'établissement ou du service. »
L'OIT connait bien le motif « fondé sur les nécessités du fonctionnement de
l'entreprise » mais sa définition expose qu'il « n’est pas inhérent à la personne du
salarié » (comme l'énoncé de notre licenciement économique).
Les définitions sont dans « Note sur la convention n° 158 et la recommandation
n° 166 sur le licenciement » (page 2) et « Protection contre le licenciement
injustifié » (page 44).
Déduction (trop ?) rapide : le licenciement pour "absences" ne rentre dans le cadre
des définitions de l'OIT.