RACINES235 - septembre 2012

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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
Par Annie Rapin
Le maraîchage ?
Un sujet déjà exploré par Jamy Gourmaud.
Mais qui sait, avec les nouvelles techniques agronomiques…
Jamy Gourmaud,
passeur de savoirs
Avant lui, il y a eu de Closets, Bonaldi… Puis Jamy
est arrivé, en duo avec Fred. À la télévision, le journalisme
scientifique a pris un sérieux coup de jeune. Presque un coup de génie.
I
l part à Saint-Gilles-Croix-deVie dans moins d’une heure.
Demain, ce sera Clamart, son
chez lui parisien. Vendredi, l’Asie,
pendant un mois… Les parents
Gourmaud, le frère, l’épouse, toute
la famille est là sur la terrasse. L’un
des journalistes scientifiques les plus
populaires de France est de retour
à Montaigu.
“Quand je reviens chez mes parents
ou même à Clamart, je suis en famille. Je veux être un citoyen lambda,
qui va faire son marché à pied
comme tout le monde.”
Le “Tintin scientifique à lunettes”,
comme on le surnomme parfois, n’at-il pas grignoté le personnage ? “Je
porte des lunettes rondes depuis
l’âge de cinq ans ! Elles font partie
de ma personnalité et je déteste les
lunettes qui ne se voient pas…”
Animateur
vedette, un mythe ?
Sous le regard amusé des petits
neveux, curieux de toucher du doigt
le tonton Jamy médiatique, c’est
presque évident. La notoriété n’a pas
égratigné la simplicité de l’enfant du
pays. Un homme “normal” comme
il dit, si ce n’est, au service du fils
prodige, le filtrage d’appels téléphoniques par les parents Gourmaud.
Car transporté par l’envie de partager des savoirs, Jamy répond aux
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sollicitations des conférenciers en
quête de cellules grises, de Paris à
Chicago. L’alimentation, les énergies, la médiation pédagogique…
“Au bout de 18 ans d’émissions
scientifiques, on peut avoir un mot à
dire sur la vulgarisation des sciences,
la pédagogie… Je peux éclairer mais
je ne suis pas un expert. Je vais à la
source de l’information : je la récolte,
la digère et la traduis. Je suis avant
tout un passeur.” Un journaliste, passionné de surcroît, c’est forcément
passionnant. Et lui se savait journaliste”, dès l’âge de treize ans.
“En colonie de vacances, je me
souviens d’un journal interne que
nous devions écrire. Pour mes
copains, c’était la corvée alors que
moi, j’échangeais mes tours de vais-
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
Journaliste avant tout
Nous sommes début novembre 1989. À Berlin, le mur vient de
tomber. Avec pour tout bagage une
caméra et quelques connaissances
sur l’Europe de l’Est, il part et propulse sa carrière. “Quand les journalistes braquaient leur caméra sur
les Berlinois de l’Est passant à
l’Ouest, j’ai fait l’inverse : filmer des
médecins de l’Ouest désœuvrés, en
quête de patients à l’Est.” Jamy signe
son premier reportage pour la
chaîne Canal Santé ; il y rencontre
le jeune rédacteur en chef… Frédéric Courant, alias Fred. Une fois réunis à Canal Santé, puis dans les
couloirs de France Télévisions, ils
commencent à imaginer un magazine scientifique en plateau, avec
reportages et invités. Jamy repart à
l’Est. En Roumanie, à la fin de l’ère
Ceau șescu, il filme les maternités
dans un brillant reportage, “de véritables mouroirs pour les enfants”. Un
travail de plus d’un an qui lui permet de décrocher, à 26 ans, le Prix
du jeune reporter au Festival du
scoop d’Angers.
1992. Fred et Jamy essuient les plâtres de Fractales, magazine scientifique sur France 3. Mais la facture est
bien classique. “Ce n’était pas le bon
concept, nous-mêmes n’apprenions
rien.” Alors les deux journalistes réinventent la méthode : un décryptage en
un piédestal. Ici, on dédramatise ; on
crée de l’empathie avec un sujet pas
forcément évident.”
La signature a séduit. Mieux, elle a
Comprendre
inspiré à son auteur de nouveaux volets
pour transmettre
pédagogiques. Des satellites, autour du
“cœur de réacteur” C’est pas sorcier :
l’animation d’émissions médicales ou
scientifiques (Incroyables expériences),
C’est pas sorcier naît en 1993, avec la société de muséographie “Jamy and
ce concept novateur et chronophage. co” (auteure de l’exposition “Les phares, c’est pas sorcier” sur l’île de Ré),
Chaque émission nécessite trois mois
de travail au bas mot, puisqu’il s’agit l’agence de communication “Les
d’écrire chaque scénario et d’anticiper Apprentis”… “Des souffles nécessaires
les suivantes. “On triturait chaque sujet pour ne pas tomber dans une routine
et on répétait aux journalistes: tant que sclérosante”, analyse-t-il. Insatiablement, à 48 ans, le journaliste
vous n’avez pas compris, c’est
poursuit son exploration des
que vous n’avez pas trouvé le
supports pédagogiques, des
bon interlocuteur.” En l’espace
cultures, des pratiques…
de quelques diffusions, l’émisUne enquête ponctuée
sion gagne 25 à 30 % de part
d’expérimentations plus perd’audience. “On était tellesonnelles, comme ce périple
ment absorbé qu’on n’analyà pied d’un mois avec femme
sait pas ce succès. Pour
“L’humour et enfants dans la partie Nord
chaque saison, on travaillait
rend
de la Thaïlande. “Quand je
comme si c’était la dernière.”
les sujets
suis en voyage, j’ouvre grand
Et la passion du départ a tenu,
scientifiques
mes yeux et mes oreilles. Mais
grâce à une mécanique
plus
j’évite de penser à mon tramieux répartie, partagée et
intelligibles.”
vail ! Tous ces éléments feront
déléguée. L’émission devient
leur œuvre, s’ils doivent le
culte. Une référence pour les
faire.” L’œuvre, c’est bien connu, se
enseignants qui souhaitent illustrer un
reconnaît toujours à la fin ! Mais sur
cours sur la Terre, la biodiversité, les
l’immense terrain de la transmission du
technologies… Parce que le mécanisme
décortique systématiquement un sujet savoir, Jamy a su trouver le point d’allumage. “Commencer, comme l’écrivait
de fond en comble mais aussi parce
que “l’humour rend les sujets plus intel- François de Closets, par éveiller le désir
ligibles. Souvent, la science est mise sur d'apprendre.”
plateau avec des maquettes, doublé
d’une explication sur le terrain.
C’est pas sorcier, “le cœur de réacteur” pour Jamy,
ici entouré de ses collègues Sabine Quindoux et Fred Courant.
© Nicolas Robin, FTV
selle pour rédiger !” Son diplôme de
journaliste en poche, c’est à Alouette
FM que Jamy se frotte au reportage.
“Au début des années 1980, il y avait
une trentaine de journalistes à la
rédaction des Herbiers. Beaucoup
étaient des pointures en rupture de
ban issues d’Europe 1, de France
Inter… Ils m’ont appris les bases et
ont confirmé ma vocation.” Le journaliste multitâches se dessine alors,
préfigurant son avenir. La vie du rail,
La France agricole, Radio France à
Lille et Bordeaux… Les routes de l’information se multiplient jusqu’à ce
que Jamy ait envie de suivre la
sienne. “On m’a proposé un poste à
Guéret. J’avais 24 ans et j’ai renoncé.”
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