Je vais vous raconter l`histoire de ce stylo dont je ne vous dit pas

Transcription

Je vais vous raconter l`histoire de ce stylo dont je ne vous dit pas
Je vais vous raconter l’histoire de ce stylo dont je ne vous dit pas plus pour l’instant mais qui pour
moi à une résonnance somme toute particulière.
Lors de ma dernière séance d’aumônerie il y a 1 mois, le 13 juin, au collège PdF à TLSE, nous avions
eu le plaisir de recevoir un séminariste, JB, qui nous a parlé de la vocation et de sa vocation en
particulier.
Il a posé aux jeunes deux questions : « pensez-vous que Dieu ait un projet pour vous ? et la foi vous
aide-t-elle dans votre vie de tous les jours ? ». Je vous vous laisse imaginez leur tête. Balbutiant des
oui mais sans grande conviction et surtout dans l’espoir de ne pas entendre la question suivante qui
tue : laquelle ou comment ?...
Bienheureux pensai je d’être de l’autre côté de la barrière car si l’on m’avait posé la question je
pense que comme eux j’aurai été bien embarrassé.
La séance finie et tout content d’avoir échappé à la question il ne se passe pas 10 jours avant que
mon téléphone sonne et que mon voisin me demande si je souhaite témoigner sur la façon dont la
foi m’a aidé à surmonter l’obstacle. Je découvre par la même occasion le thème de Lourdes 2015 :
« Les joies de la mission »
Ah !!! Voilà que les évènements en ont décidemment autrement. Moi qui pensais avoir éludé la
question, là je n’y réchapperai pas. Parfois il n’est pas utile de s’acharner à retarder l’échéance…
1. Avant de vous raconter mon « épreuve, sachez que je vais le faire avec une grande humilité,
tant il m’est difficile de vous parler de cela car il y a parmi nous des personnes qui ont ou
traversent des épreuves oh combien plus douloureuses et sont à ce titre une formidable
leçon de vie.
1 mai 2007, une famille de 2 enfants rentre des landes sur TLSE sous une pluie battante en discutant
de la fête à organiser pour mes 40 ans. Le chemin du retour sur TLSE fut long, tres long…
Un aquaplaning, une terrible collision avec un autre véhicule, nos enfants et ma femme sortirent
indemnes de la voiture.
Ce ne fut pas mon cas aux dires de La Dépêche et du temps passé par les pompiers pour me
désincarcérer de la voiture, de toute façon je ne me souviens de rien.
Lorsque je me suis réveillé plusieurs jours après cet accident en voyant mon frère et ma sœur à mes
côtés (ils vivent sur Paris), j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose de grave.
De là les opérations chirurgicales se sont enchainées ou ont été reculées selon mon état. Ma feuille
de route était toute tracée, en vie, il me fallait coute que coute retrouvée ma vie d’antan au plus tôt
et de fait me reconstruire physiquement. D’où le suivi presque obsessionnel à l’hôpital du planning
des opérations et la déception ressentie lorsque l’une d’entre elle était décalée.
Trois mois au CHU de Purpan passant de service en service au gré des opérations, centre de
rééducation, fauteuil roulant, béquilles, kiné je suis devenu son meilleur patient plus d’1 an durant.
L’hospitalier à la trottinette qui a fait sourire certain c’est moi. La coïncidence a voulu que ma canne
et mes baskets que je ne quitte plus sont arrivées au moment où la série Dteur House connaissait un
franc succès. Cela aide à faire passer la pilule…
Au final on ne ressemble plus à grand-chose et il ne vous reste plus grand-chose. Comment vais-je
m’en sortir, me reconstruire, me voir sur d’ancienne photo était pour moi insupportable car je voyais
des choses que je ne retrouverai plus jamais. Personne n’est habitué ou préparé à un changement de
l’intérieur et ou de son apparence extérieure. Se reconstruire et accepter son handicap fut long, tres
long.
Alors oui cette épreuve a rayé plus d’un an de ma vie, et par la suite mon mariage, ma vie sociale au
sens où j’ai voulu totalement m’isolé à de très rares exceptions pres, mon entreprise ou presque, et
m’a laissé des séquelles physiques avec lesquelles je dois m’habituer à vivre, mais qui j’n suis
conscient en vous parlant ne sont rien à côté d’autres.
2. Quel fut mon comportement ?
Mais cette épreuve, sur le chemin d’une vie qui semblait huilée et sur des rails, a eu aussi de
merveilleuses conséquences, à commencer par totalement changé au fil du temps mon regard sur
l’existence.
Dans pareille situation, les questions se sont bousculées, mais mon premier réflexe a été de penser
que j’étais oh combien heureux et chanceux d’avoir été la seule victime. Ni mes enfants ni ma femme
n’avaient eu la moindre égratignure, puis de penser combien j’avais de la chance dans quel etat pas
grave d’être vivant malgré de lourdes séquelles que je commençais lentement à entrevoir.
Pourquoi d’autres ont-ils eu moins de chance ? J’ai eu plus de chance que d’autres. C’est bête
comme reflexe mais pourtant ce fut le cas.
Jamais je n’ai été en révolte, ou dans le doute, l’incompréhension dans un premier temps oui,
certainement.
Pour faire écho aux propos de Monseigneur Gaschignard ce matin je dirai que j’ai été élevé dans la
foi, fréquenté des écoles privées, cours de caté avec des personnes dévouées mais qui ne vous
donnent pas plus que cela l’envie d’aller à la messe, obligation d’aller à la messe une fois par
semaine, j’en passe. Toute ressemblance avec des personnes ici présentes serait totalement
fortuite... Bref je dirai que j’étais en plein dans le catholicisme contraint dans un premier temps puis
social plus tard, soyons honnête avec soi-même. Mais vous en conviendrez encore bien loin du
catholicisme de foi.
J’allais régulièrement à la messe, je suis venu à Lourdes la première fois en 2006, certes par curiosité
pour voir de me propres yeux ce dont j’entendais parler depuis plus de 20 ans je crois par ma chère
Maman et puis jours dans une vie ce n’est pas trop long.
Incompréhension disais-je, car après tout après ce « parcours de chrétien » sans faute ou presque,
c’était cher payé non ?
Cela aurait pu être une première approche mais là encore vous n’allez pas me croire mais elle n’a pas
eu le temps de me traverser l’esprit.
J’étais en vie et cela était le plus important. Le reste, pas rancunier le Mazet.
Lorsque je disais précédemment qu’au final on a plus grand-chose c’était sans compter la VIE
Il y a eu avant mon accident, il y a après mon accident
Lourdes 2006, soit 1 an avant mon accident de voiture, là il s’est vraiment passé un truc dans ces
quelques moments privilégiés seul à la grotte avec Marie et avec vous hospitaliers et malades. On ne
peut rentrer chez soi indemne je n’y crois pas… C’est peut-être ce qui m’a sauvé, j’y pense
régulièrement et ne l’oublie pas.
Cette seconde approche fut mon reflexe et retint toute mon attention, changeant ainsi mon regard
sur l’existence. Comme je l’ai déjà dit dans ce monde en perpétuel mouvement, il est une constante :
celle de l’apparence. Et de l’apparence ne peut surgir la vérité. La seule vérité tient en un mot :
L’ETRE.
Si l’Evangile est souvent vécue comme une rencontre personnelle et un récit, mon premier pele à
Lourdes fut une rencontre personnelle et une envie d’aller plus en avant dans le récit.
2007 mon accident de voiture m’interdit Lourdes mais m’a ouvert l’esprit et a changé radicalement
ma vie dans tous les sens du terme sans encore une fois aucune révolte. J’étais aveugle, cela ne veut
pas dire que je suis éclairé aujourd’hui mais borgne au sens figuré comme au sens propre…
C’est comme si dans une entreprise le cadre de référence du dirigeant changeait radicalement.
Dans le mystère de la providence, Dieu s’occupe de tout et de tous lisons-nous. Je peux vous dire que
le second semestre de 2007 j’ai eu le temps de méditer ce mystère. Dieu ne nous éprouve jamais audelà de nos forces me disait un jour un prêtre. Tout de même c’est un peu facile à dire. Mais c’est
pourtant vrai. On n’est pas brillant pour autant mais Dieu nous donne la force de tenir bon. Car
comme le disait St Cyprien personne ne tient bon par ses propres moyens.
Là j’ai compris que la vie est le plus banal des miracles. Si ma fille cadette a toujours pensé que c’est
la médecine qui m’a sauvé, pour ma part mon analyse est tout autre sans renier pour autant le rôle
prépondérant de la médecine mais celle-ci n’a pris le relais des lors que j’étais encore vivant.
Alors oui j’ai eu de la chance et même beaucoup de chance et mon reflexe a été et est encore et
toujours de REMERCIER
3. Ce que la foi m’a apporté ?
Plus tard en avançant dans le « récit », j’ai lu Jean chap 15 vst 15 « ce n’est pas vous qui m’avez choisi
mais moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis, pour que vous alliez et que vous portiez du fruit,
que votre fruit demeure »
Alors, oui, l’épreuve que j’ai dû surmonter m’a terriblement rapproché de la foi et a été un apport
personnel immense. Comment me direz-vous, mais encore une fois par une succession d’évènement
qui se sont enchainées naturellement les uns à la suite des autres.
Le premier d’entre eux lors d’une messe à TLSE ou la responsable de l’aumônerie du collège Pierre de
Fermat lança un cri d’alerte car en manque cruel d’animateur au point de fermer l’aumônerie.
Comment dans ce contexte ne pas vouloir aller porter du fruit et donc ne pas dire oui, à moins d’être
sourd. Dans le double souci permanent de semer le maximum de graine et d’inspirer tout sauf l’envie
de ne pas aller à la messe comme mes dévouées dames catéchèses de mes années collège, voilà
désormais plus de 5 ans que je partage de grands moments avec ces jeunes comme le dernier en
date avec JB le séminariste dont j’ai parlé au début.
Vous vous souvenez de mon stylo ? Alors voilà en arrivant il y a 5 ans comme animateur
d’aumônerie, je suis tombé par hasard sur ce stylo sur lequel est écrit : « Lourdes créateur d’avenir
2010 ». Stylo qui avait été commandé pour le pele des jeunes de la Haute Garonne. De là les choses
se sont articulées et remises en place, cela faisait plus de 2 ans que je cheminais et reflechissais…
Toujours en avançant dans le récit j’ai vécu 2 moments très forts qui ont finalisé ce passage à la foi:
-
l’un vécu au travers de séances d’aumônerie, la parabole des 10 vierges
le second un ouvrage conseillé par un moine de l’abbaye de Maylis.
Matt 25.1-13 « Veillez puisque vous ne savez ni le jour ni l’heure ».
Seul le Père en connait le programme exact !!! Cette parabole des 10 Vierges a été une révélation et
pas seulement en raison de la résonnance tout particulière qu’elle peut avoir en moi mais aussi en
raison de la nature même de cette huile : la charité, la vraie…
Les Vierges sont en fait les âmes de tous les chrétiens qui ont tout l’extérieur de la vie chrétienne,
observent les commandements et suivent les pratiques, elles ont la foi et l’espérance.
C’est la provision d’huile qui fait la différence, la charité, la vraie selon St Augustin qui sait de quoi il
parle (paresseux, débauché, se convertit enfin, devint évêque et fondateur d’un ordre religieux) La
charité sans laquelle rien ne sert pour le salut, même la foi, même l’espérance.
C’est la manière dont nous faisons les choses et non les choses que nous faisons qui font de nous
des disciples.
Là on est dans le catholicisme de foi et non social. Le chrétien amidonné, celui-là même « aux bonnes
manières mais aux mauvaises habitudes » du Pape François.
Cela mon épreuve m’a permis de le comprendre.
Les Béatitudes, un itinéraire de vie spirituelle, recueil lu et relu et qui est devenu mon livre de chevet.
Imaginez Jésus annonçant son programme de bonheur en 8 points, faisant son Sermon sur la
montagne tel un homme politique.
Lisez St Matthieu autant de fois que vous le voudrez sans le « décodeur » on n’y comprend rien.
Alors je ne remercierai jamais assez ce père de Maylis qui m’a conseillé ce recueil qui décrypte ces
Béatitudes. Plus qu’un commentaire des Béatitudes, une méditation riche du Père Francois You, le
Père abbé de l’abbaye.
On y découvre combien Jésus insiste sur le bonheur. L’homme est assoiffé de bonheur car créer pour
cela. Or les modalités du bonheur tournent toutes autour du Royaume de Dieu. Pour cela il nous faut
vivre en dépendance et en harmonie avec lui. Dans les premières Béatitudes il nous est dit de vouloir
dépendre de Dieu et de se laisser guider par lui. Pas simple
Lors d’une messe sur Toulouse, le Père d’Artigues disait des Béatitudes, « les béatitudes se sont les
joies et les peines du quotidien gorgées de la parole divine ».
Conclusion :
Une suite d’évènement se sont enchainés et qui rétrospectivement pour moi ne sont pas le seul fruit
du hasard mais mis bout à bout donnent un sens ou du moins une unité à ma vie
Cette épreuve m’a appris 3 choses :
- La vie est le plus banal des miracles qu’il soit, je le dis et le répète à l’envie tant pis si je
rabâche mais c’est un cri qui vient du fond du cœur et pas que… On l’oublie si souvent.
La mort peut nous frapper n’importe quand. Mais en aucun cas la mort est un accident,
c’est la seule certitude que nous ayons à la naissance. Il n’y a que ses circonstances qui
peuvent être accidentelles.
-
Le système médical français est d’une qualité exceptionnelle et j’en profite pour les
remercier encore car il y ici des infirmières et médecins qui font tous les 35 H hebdos
(boutade) et malgré tout viennent sur leur temps libre donner de leur temps. D’où le
vœu que je formule : j’espère que notre système médical et hospitalier ne suivra pas le
même chemin que l’école française… Mais c’est un autre débat.
-
Enfin il existe des gens plus malheureux, plus souffrants que nous et qui souffrent
doublement de ne pouvoir exprimer leur douleur, doute. Nous le voyons avec vous en
discutant avec vous. De ces séjours hospitaliers et de la suite j’ai l’intime sentiment que
ce que nous chrétiens appelons la charité est primordial. La charité, la vraie, selon St
Augustin. On ne fait pas son salut tout seul. Alors oui je souhaite remplir ma réserve
d’huile.
Alors comme Brigitte de Sorbier lors d’un édito précédent, moi aussi j’ai fait un rêve :
Si toutes ces vierges folles et sages, jeunes et moins jeunes, utilisaient cette formidable et grande
famille qu’est l’Hospitalité Landaise pour en faire une immense réserve d’huile au service du
prochain. Car s’il n’est pas nécessaire de savoir de qui suis-je le prochain, il est important de savoir
que j’ai bien un prochain qui veille sur moi.
MERCI