Récit de la bataille de Verdun

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Récit de la bataille de Verdun
Récit de la bataille de
Verdun
!
Une place forte stratégique : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!!! Les Allemands ont choisi Verdun. Sur les bords de la Meuse, en Lorraine, la ville de Verdun
est une place forte en saillant commandant la route de la Champagne et du Bassin Parisien.
Prendre Verdun, pour les Allemands, c'est faire sauter un des verrous les plus efficaces de la
défense française. Dès le début de la guerre, cette position fortifiée a été disputée, les
Allemands tentant d'encercler la place. A la fin de 1914, plusieurs vagues d'assaut menés par
eux ont été repoussées en Argonne, au nord de Verdun. En octobre, les Allemands ont
renouvelé leurs attaques en utilisant les lance-flammes (Flamenwerfen), réussissant à faire
reculer peu à peu les Français vers le sud. L'année 1915 a encore vu attaques et contre-attaques,
provoquant des pertes considérables des deux cotés.
!!! Verdun est un bon choix, car malgré son importante stratégie, la place forte est mal défendue.
En 1915, les Français ont tenté de dégager la ville en lançant une offensive dans la plaine de
Woëvre, à l'est. Echec complet. Verdun est menacée au nord et à l'ouest, où les allemands
tiennent l'Argonne et peuvent contrôler la ligne de chemin de fer de Châlons avec leur artillerie;
tandis qu'au sud, la voie ferrée de Bar-le-Duc est coupée à Saint-Mihiel. Faire tomber Verdun,
ce serait pour Falkenhayn porter le coups le plus dur au moral des Français. Le Konprinz, chef
de l'armée qui doit diriger l'assaut, affirme: "Verdun est le coeur de la France." Les Allemands
veulent moins faire une percée que livrer aux Français une guerre d'usure, attirer leurs
meilleures unités dans le "hachoir" de la mitraille, "saigner à blanc l'armée française", pour les
rendre incapable de mener l'offensive. Prise, Verdun serait le symbole de la supériorité
allemande. Et, dans le cas contraire, les Français y épuiseraient leurs forces.
A dix contre trois :
!!! L'ampleur de l'offensive est sans précédant. Face aux trois divisions françaises en ligne, les
Allemands massent dix divisions. Joffre, qui a jugé l'attaque allemande improbable, n'a envoyé
que tardivement des renforts, et a laissé le secteur de Verdun dans un état de défense assez
précaire.
!!! A l'aube du 21 février, sous le soleil d'hiver, la bataille commence par un tir d'artillerie
formidable qui pilonne les lignes françaises et les forts. Mille trois cents canons ont été
acheminés par les Allemands. Un témoin, le capitaine Seguin, décrit la puissance dévastatrice
du tir ennemi: "La violence du feu avait été telle qu'en sortant de nos abris nous ne
reconnaissons plus le paysage auquel nous étions habitués depuis quatre mois; il n'y avait
presque plus d'arbres debout, la circulation était très difficile à cause des trous d'obus qui
avaient bouleversé le sol. Les défenses accessoires étaient fortes endommagées, mais il y avait
un tel enchevêtrement de fils de fer et d'arbres que le tout constituait encore un obstacle sérieux
pour les assaillants.". On estime à un million d'obus le nombre de projectiles tirés par les
Allemands en ce seul premier jour.
!!! A quatre heures de l'après midi, l'assaut est lancé sur la rive droite de la Meuse. Les
Allemands avancent, inégalement selon les zones d'un front qui s'étend sur une quinzaine de
kilomètres, mais les Français doivent céder du terrain. Le lendemain, avant l'aune, sous la neige,
l'artillerie allemande reprend son tir, suivi deux heures plus tard d'une nouvelle offensive de
l'infanterie. Dans l'après midi, le lieutenant-colonel Driant, Député de Nancy, romancier
militaire, est tué d'une balle à la tempe dans le bois de Caures. Son sacrifice illustre ce que
chacun croit inévitable: la défense héroïque mais vaine de Verdun.
Mitrailleuse en position pendant la bataille de Verdun.
La prise du fort de Douaumont :
!!! Vers cinq heures, les Allemands prennent le secteur du bois d'Haumont: ils ont atteint
presque partout la deuxième ligne française. Le 24 février, l'ensemble de la deuxième ligne
française est rompue: dans la soirée, Verdun n'est plus qu'a dix kilomètres des assaillants.
!!! Malgré l'arrivée des premiers renforts, la journée du 25 février est désastreuse pour les
Français. Les Allemands parviennent à s'emparer du fort de Douaumont, au nord de Verdun.
Erreur du commandement français: le fort n'était défendu que par une petite garnison; il est pris
sans combat. Le même jour, Joffre confie la Défense du secteur de Verdun au général Pétain,
chef de la deuxième armée. Il s'agit de tenir coûte que coûte. Pétain obtient, sinon les effectifs
qu'il désire, du moins leur renouvellement incessant, ce qu'il appellera "le tourniquet des
combattants". Toute l'armée française ou presque participe ainsi à la bataille légendaire: 70
divisions, 1 500 000 hommes.
La Voie sacrée :
!!! Le 26 février, les Français tentent de reprendre le Fort de Douaumont, mais ils sont refoulés
par une nouvelle offensive allemande. Les positions se stabilisent pendant un certain temps, les
assaillants ayant épuisé leurs réserves de munitions. Du 21 au 26 février, les Français ont dû
céder plusieurs kilomètres de terrain et évacuer la plaine de la Woëvre, leurs pertes ont été de 25
000 hommes. Il appartient à Pétain de profiter de l'acalmie pour réorganiser la défense. Il
s'occupe notamment d'assurer la circulation sur la route de Bar-le-Duc à Verdun, qui relie le
front à l'arrière: cette route départementale prendra le nom de "Voie Sacrée". C'est par elle que
les hommes et le matériel sont acheminés. Pour la rendre toujours praticable, des milliers de
cantonniers sont affectés à la réparation quotidienne de la chaussée, où se succèdent 3 500
camions dans les deux sens. Le chemin de fer appelé le "Petit Meusien", en amont de Verdun,
parallèle à la route départementale, se charge des vivres (800 tonnes par jours).
La crête du Mort-Homme :
!!! L'avance allemande sur la rive droite de la Meuse expose les assaillants au tir de l'artillerie
française de la rive gauche, bloquant le mouvement des troupes. Falkenhayn décide alors de
porter le combat sur la rive gauche, où l'attaque est lancé le 6 mars, après un bombardement
intensif. Pendant plusieurs jours, de furieux combats se déroulent autour des positions
françaises (cote de l'Oie, bois des Corbeaux, crête du Mort-Homme, cote 304, bois d'Argonne),
tandis qu'à l'est, les Allemands reprenne l'offensive en direction du fort de Vaux, nouvel
objectif. L'artillerie française, à coups d'obus fusants partis des 75, cause des ravages sur les
troupes ennemies.
!!! Le 20 mars, sur la rive gauche de la Meuse, à l'ouest du Mort-Homme, la cote 304 devient la
cible d'un déchaînement de l'armée allemande. "C'est un pilonnage serré, inouï, comme nous
n'en avions pas encore vu de pareil de toute la campagne", écrit un témoin, le sergent Ravaux.
"La terre tremble, nous sommes soulevés, ballottés; des obus de tous calibres s'abattent sur
notre coin. La tranchée n'existe plus, elle est comblée; on se tapit dans un trou d'obus et on est
bientôt couvert de la boue projetée en l'air qui nous retombe dessus à chaque éclatement. L'air
est irrespirable. Les poilus aveuglés, blessés, tombent sur nous et viennent mourir en nous
éclaboussant de leur sang.".
L'acharnement furieux :
!!! Un ballon captif décrit la canonnade et l'assaut des Allemands entre Malancourt et Avocourt,
l'attaque au lance-flammes, le recul des Français. Le 30 mars, le village de Malancourt est pris.
Le 9 avril, les positions dominantes du Mort-Homme et de la cote 304 sont prises d'assaut
simultanément. Les Français supportent vaillamment la charge. Pétain déclare dans son ordre
du jour du 10 avril : "La journée du 9 avril est une journée glorieuse. Les assauts furieux des
soldats du Konprinz ont été partout brisés. Fantassins, artilleurs, sapeurs, aviateurs de la
deuxième armée ont rivalisé d'héroïsme, honneur à tous. Les Allemands attaqueront sans doute
encore; que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu'hier ! Courage, on les
aura !"
Attaque des Poilus sortant de
leurs tranchées.
L'ultime rempart :
!!! A la fin du mois d'avril, Pétain est remplacé à la tête de la deuxième armée par le général
Nivelle. Il devient commandant du groupe d'armées du centre (ce qui place sous ses ordres les
2e, 3e, 4e et 5e armées), et s'installe à Bar-Le-Duc. A ce moment-là, le bilan des pertes
françaises est terrible: 3 000 officiers, 130 000 soldats mis hors combat (tués, blessés et
disparus). Un chiffre de carnage. Pourtant, les Allemands n'ont pas réussi à rompre le front. Ils
se sont heurtés à une opposition qu'ils n'attendaient pas.
!!! Les combats ne ralentissent pas au printemps. Sur la rive droite, Nivelle et le général Mangin
préparent une offensive visant la reconquête du fort de Douaumont. Pendant cinq jours,
l'artillerie française pilonne les lignes ennemies, jusqu'à l'ordre d'assaut donné le 22 mai en fin
de matinée. Après deux jours de combat, les Français, faute d'effectifs suffisants, doivent
renoncer. Le 23 mai, les Allemands parviennent à prendre la crête de Mort-Homme autour de
laquelle on n'avait cessé de se battre depuis des semaines.
!!! Le lendemain, c'est le village de Cumière qui tombe entre leurs mains. Les positions
allemandes sur la rive gauche deviennent de plus en plus menaçantes. Les Allemands, qui ont
l'avantages, se doutant que leurs adversaires préparent une offensive sur la Somme. Ils veulent
en finir au plus vite avec Verdun. Au début de juin, l'enjeu est le fort de Vaux, au sud-est de
Douaumont, que les Allemands investissent. La bataille se prolonge à l'intérieur du fort, où six
cents combattants sous la direction du commandant Raynal se livrent à une lutte impitoyable,
privés d'eau pendant deux jours, trébuchant sur les cadavres, suffocant sous les gaz dans les
étroits corridors... A l'extérieur, les canons et les mitrailleuses des Allemands repoussent
l'assaut des troupes françaises venues en aide aux assiégés. Le 7 juin, le fort tombe aux main
des Allemands.
!!! Le Konprinz est décidé à l'assaut final: s'appuyant désormais à l'est sur le fort de Vaux et à
l'ouest sur le Mort-Homme, son artillerie peut protéger le mouvement de ses troupes. Le 21
juin, une première attaque est lancée. Dans les jours suivants, les assaillants parviennent à faire
une brèche dans le front français et s'avancent sur les hauteurs de Verdun. Pétain songe à
passer sur la rive gauche, mais Joffre , toujours impassible, s'acharne à continuer la défense sur
la rive droite. Les Français tentent des contres-attaques et réussissent à contenir l'ennemi. Au
début de juillet, et alors que l'offensive de la Somme a été lancée par les Anglais et les Français,
les Allemands n'ont pas réussi à forcer le verrou de Verdun. Le 11 juillet, ils font une ultime
tentative. Ils sont à deux doigts de la victoire lorsqu'ils investissent le fort de Souville, dont les
défenseurs se battent avec acharnement. Après l'échec de cette dernière attaque, on peut dire que
la bataille de Verdun a été gagnée par les Français. Le 12 juillet, Falkenhayn donne l'ordre de
passer à la "stricte défensive".
Réseaux de fils de fer barbelés
empêchant la progression des
soldats.
L'atroce victoire :
!! Après le calme relatif de l'été dans le secteur de Verdun, les Français reprennent l'offensive au
début d'octobre pour reconquérir les positions qu'ils ont perdues. La reprise du fort de
Douaumont est l'objectif principal. Une préparation d'artillerie d'une incroyable intensité
précède l'attaque commandée par Mangin. Successivement, les Français reprennent le fort de
Douaumont, le 24 octobre, et le fort de Vaux, le 2 novembre. Dans les jours qui suivent, les
Allemands sont rejetés à plusieurs kilomètres au nord de Douaumont.
!!! Pour les Allemands, à commencer par Falkenhayn, remplacé par Hindenburg et Ludendorff,
la bataille de Verdun est est une défaite amère. Le Konprinz écrira: "Pour la première fois, j'eus
conscience de ce que c'était de perdre une bataille. Doute de soi-même, sentiments amers,
jugements injustes contre autrui se heurtaient dans mon coeur et pesaient lourdement sur mon
esprit.".
Verdun symbole :
!!! Pour les Français, la victoire de Verdun symbolise à tout jamais l'héroïsme et le renoncement
de leurs soldats au cours de la Grande Guerre. Enfoncés dans les premiers jours, mitraillés,
bombardés, asphyxiés, ils ont vécu un "enfer", mais n'ont pas cédé à la supériorité initiale de
l'ennemi. Avec quelques bataillons de troupes coloniales, les Français avaient tenu seuls, dans
une épreuve vraiment national, dans une bataille aux dimensions gigantesques. Outre le
sifflement incessant des balles, le fracas des explosions, les obus lacrymogènes, il faut vivre en
compagnie de la mort omniprésente.
Bilan d'un carnage :
!!! Trois cent deux jours de carnage, 163 000 tués du coté français, 143 000 du coté allemand,
770 000 victimes en tout avec les blessés, tel est le bilan de cette lutte pour quelques kilomètres
à gagner ou à perdre. On n'y compte plus les scènes d'horreur et de supplice, dans l'odeur de la
pourriture. Des corps déchiquetés, des têtes coupées, des scènes de démence et de panique: on
aura tout vu dans cet enfer, y compris l'inimaginable. Verdun, c'est, dans la mémoire des
Français, les tueries de la Grande Guerre, l'héroïsme des combattants, l'indépassable sacrifice,
en même temps que la vanité de la guerre. Pour les Allemands, Verdun reste un amer souvenir
de pertes gigantesques et inutiles.
!!! Cent trente mille soldats inconnus reposent dans l'ossuaire de Douaumont, bâtiment que
financèrent 122 villes françaises et 18 étrangères. Dans le cimetière qui l'entoure, les visiteurs
se recueillent devant des milliers de tombes, où la moitié des corps seulement ont été identifiés.
L'ossuaire de Douaumont.
!!! Plus tard, l'ossuaire de Douaumont prendra l'aspect d'un lieu sacré où Allemands et Français
se recueilleront en mémoire de leurs morts, mais aussi en méditant sur l'un des plus grands
massacres de l'histoire . En 1984, main dans la main le président de la République François
Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl viendront s'y incliner, signifiant par ce geste l'impératif
de la réconciliation franco-allemande.
François Mitterrand et Helmut Kohl en 1984.
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