Le permis bateau est-il devenu trop simple
Transcription
Le permis bateau est-il devenu trop simple
Le permis bateau est-il devenu trop simple ? Laure Herpeux Depuis 2008, pour la partie pratique, les candidats n’ont plus besoin de l’aval d’un examinateur de l’État. Celui de leur moniteur suffit. Une réforme qui ne fait pas l’unanimité . Clara, 16 ans, aux commandes d’un bateau-école lors des cours de pratique du permis plaisance.© PHOTOS STÉPHANE PAPEAU «Le permis bateau ? Il te le donne automatiquement », s'exclame Samy. Après deux heures passées derrière la barre et un examen théorique, le jeune homme de 18 ans a obtenu son permis de bateau côtier il y a deux semaines à Royan. Mais il ne se sent pas encore tout à fait à l'aise pour naviguer seul. « Je pense que j'ai encore besoin d'expérience », avoue-t-il. À cette session, tous les autres participants ont également obtenu le fameux papier bleu. 99% de taux de réussite « Aujourd'hui, tous les Français sont d'excellents marins », lâche, ironique, Daniel Aupy, directeur de l'école de permis bateau A. z Nautic à Royan. Le moniteur constate que, depuis la réforme de 2008, la quasi-totalité des candidats obtiennent leur permis. « Ce n'est pas normal qu'on soit à la fois juge et partie. Pour éviter d'être concurrencé par une école qui serait moins regardante sur le niveau des élèves, on finit par le donner à tout le monde. » Les bateaux-écoles enseignent la partie théorique avant l'examen officiel Avant le changement de réglementation, plusieurs bateaux-écoles enregistraient un taux de réussite de 85 %. Aujourd'hui, ils sont à plus de 99 %. En 2008, la législation française a changé en ce qui concerne le permis plaisance. Les candidats doivent toujours passer l'examen théorique dans un centre indépendant des bateauxécoles. C'est pour la pratique que les conditions ne sont plus les mêmes. Aujourd'hui, les élèves ne sont plus testés à la fin par un examinateur de l'État mais en continue par les moniteurs des bateaux-écoles. Le passage devant l'examinateur a été supprimé pour des raisons de coupes budgétaires. "Ce n'est pas à nous de les juger" « L'État ne peut pas mettre un examinateur derrière chaque candidat. C'est pour ça qu'il y a des agréments pour déléguer », explique Fabrice Richou, chef du service des activités maritimes à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Charente-Maritime. Depuis 2010, sur environ 500 permis de bateaux délivrés par an, Daniel Aupy a comptabilisé trois échecs annuels. « Avant, ce n'était pas comme ça, les gens se plantaient à l'examen pratique », souligne le directeur d'A. z Nautic. Denis Lottet, gérant et moniteur de Bateau École de l'Estuaire, à Meschers-sur-Gironde, regrette également qu'il n'y ait plus d'examinateur. Pour celui qui était auparavant moniteur d'auto-école, l'intervention d'une tierce personne impartiale est nécessaire. « Notre rôle est d'accompagner les élèves jusqu'à l'examen, mais ce n'est pas à nous de les juger. » Pourtant, à l'échelle du département, les chiffres montrent qu'il n'y a pas eu de hausse importante du nombre de permis plaisance délivrés. D'après les données de la DDTM de Charente-Maritime, entre 2005 et 2014, leur nombre varie entre 3 200 et 3 500 pour un nombre comparable d'inscrits. Un manque de contrôles « Depuis 2008, nous transmettons aux bateaux-écoles un agrément pour une durée de cinq ans qui leur permet de délivrer la pratique du permis plaisance. Les écoles sont contrôlées deux fois pendant ce quinquennat », explique Fabrice Richou. Mais ces contrôles ne sont peut-être pas assez fréquents, comme le souligne Jean-Bernard Couliard, directeur du Cercle nautique de Royan. « J'ai déjà rencontré des gens qui avaient obtenu leur permis de naviguer alors qu'ils n'étaient jamais montés sur un bateau. » Cédric Dumas, de Boyard Bateau École à Saint-Pierre-d'Oléron, dont le taux de réussite plafonne à 100 % pour la pratique depuis l'ouverture en 2013, relativise l'importance de ce changement dans la législation. « Nous passons beaucoup plus de temps avec les élèves. Nous savons s'ils sont compétents ou pas, car nous avons pu les observer. L'examen peut engendrer du stress que les élèves n'ont pas en temps normal », explique Cédric Dumas. Pour lui comme pour la quasi-totalité des bateaux-écoles interrogées, plus que le permis en lui-même, ce sont les heures de navigation qui suivent qui comptent. Pierre Cuenoud, directeur de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de la Côte de Beauté-Royan, fait le même constat : « Le permis bateau permet d'acquérir les bases mais les débutants qui viennent de l'obtenir sont toujours mauvais. C'est l'expérience qui fait de bons marins. » Pour l'Association du Club nautique rochefortais, cette nouvelle loi est à double tranchant. D'un côté, elle permet aux élèves de décrocher plus rapidement leur permis puisqu'ils ne dépendent plus d'une date d'examen. De l'autre, elle supprime un garde-fou important. Si le formateur n'est pas au niveau, il n'y a plus l'œil extérieur de l'examinateur pour contrôler la capacité des néophytes à naviguer seuls.