Le dépistage radiographique de la dysplasie coxo

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Le dépistage radiographique de la dysplasie coxo
Le dépistage radiographique de la dysplasie coxo-fémorale
La dysplasie coxo-fémorale est une maladie réglementée en tant que vice rédhibitoire. Elle correspond
à un trouble du développement de l’articulation coxofémorale à l’origine d’une hyperlaxité. Cette instabilité entraîne des déformations des pièces articulaires et
provoque de l’arthrose. La douleur occasionnée peut
compromettre la qualité de vie de l’animal, sa carrière
sportive le cas échéant, et, dans les cas les plus graves, nécessiter son euthanasie pour raisons éthiques.
Les Epagneuls Français ne sont pas épargnés par cette affection qui touche avant tout les chiens de tailles
moyenne et grande.
L’origine de la dysplasie est multifactorielle: c’est
une affection héréditaire sous la dépendance de nombreux gènes et dont l’expression est modulée par
l’environnement. La transmission n’est donc pas
linéaire: des parents indemnes peuvent donner naissance à des descendant atteints, et réciproquement.
La gravité de la maladie et sa diffusion parfois
sournoise au sein d’une race justifient la mise en place d’un programme de dépistage. Le programme mis
en place par le club de l’Epagneul Français consiste
actuellement en la réalisation d’un cliché radiographique des hanches vues de face (position appelée
« standard ») qui sera ensuite interprété et noté par un
lecteur officiel désigné par le club. Le but de cet article est de présenter ce protocole de dépistage, et de
discuter ses intérêts et son efficacité en matière de
lutte contre la maladie.
conditions de réalisation de la radiographie
(notamment le nom du principe actif utilisé pour la
sédation);
Le lecteur officiel du club interprète ensuite les
radios selon la classification de la FCI:
- il vérifie la conformité de la radio: identification,
positionnement et qualité de l’exposition;
- il évalue l’aspect de l’articulation: congruence articulaire, épaisseur de l’interligne (elle doit être limitée
et régulière), forme de la tête fémorale (il ne doit pas
y avoir de déformation), forme et couverture de l’acétabulum;
- il prend des mesures : angle de Norberg-Olsson qui
va refléter la laxité passive, c’est-à-dire la laxité non
minimisée par l’action des muscles fessiers;
Protocole de dépistage
L’âge minimal requis pour l’Epagneul Français
est 12 mois. Plusieurs règles sont préalables à la réalisation du cliché:
- le chien doit tout d’abord être sédaté: la sédation qui
peut aller jusqu’à l’anesthésie générale n’est obligatoire en France que depuis le 02 Juillet 2007 . Pourtant la Fédération Cynologique Internationale (FCI)
rend obligatoire l’utilisation d’un moyen médicamenteux permettant un parfait relâchement musculaire
depuis plusieurs années. La France a donc fait figure
d’exception, ce qui ne pouvait que discréditer nos
résultats de lecture à l’étranger.
- les exigences de positionnement sont rappelées sur
l’image ci-après.
- les clichés doivent être identifiés de façon indélébile. Le vétérinaire qui effectue la radiographie doit
rédiger une attestation certifiant sur l’honneur qu’il a
bien contrôlé lui-même le numéro d’identification
électronique de l’animal, et celui qui est porté sur le
film. Cette attestation doit par ailleurs préciser les
Tous ces éléments vont lui permettre de noter chacune de hanches de A (hanche indemne) à E
(dysplasie sévère), la moins bonne des deux notation
étant retenue pour qualifier le chien. Le compte-rendu
de dysplasie officielle, que l’on peut voir ci-après, est
ensuite renvoyé au propriétaire avec l’ensemble de
ces mentions. Une fois par an l’ensemble des compterendus de lecture est envoyé au secrétaire du club
pour enregistrement .
Eléments rapportés dans le compte-rendu de
lecture des clichés radiographiques
Intérêts du protocole de dépistage
Lors de la dernière assemblée générale du club,
plusieurs questions ont été soulevées concernant le
dépistage de la dysplasie:
- l’intérêt de la radiographie dans une position qui
n’est pas physiologique;
- l’intérêt de l’anesthésie qui comporte, comme toute
anesthésie, un risque minimum;
- l’intérêt du dépistage en lui-même étant donné qu’un
chien dépisté dysplasique peut ne pas manifester de
symptôme tandis qu’un chien semblant n’être que très
légèrement atteint peut boiter fortement;
La position « standard » permet d’observer l’articulation sans superposition et d’évaluer la laxité passive
par la mesure de l’angle de Norberg-Olsson, ce qui ne
serait pas possible en position physiologique. Une
autre position, appelée procédé « Penn Hip » et référencée par la Fédération Cynologique Internationale,
est utilisée par certains clubs de race dans le cadre du
dépistage de la dysplasie coxo-fémorale: il utilise un
système de distracteur ajustable qui agit comme un
bras de levier afin d’exercer une force de distraction
latérale sur les hanches. Cela permet de calculer l’indice de distraction qui mesure la laxité articulaire. Ce
système est donc très contraignant et s’écarte encore
davantage de la position physiologique. Selon une
étude publiée en 2003 par Genevois and al. (Revue de
Médecine Vétérinaire vol 154), de nombreux individus
classés comme normaux lors de l'analyse des clichés
en position «standard» ont une laxité de l'articulation
coxo-fémorale anormalement élevée et devraient donc
être considérés comme dysplasiques en regard de ce
paramètre.
L’intérêt de la sédation est d’abord d’améliorer les
conditions de réalisation du cliché
radiographique:
l’étirement et la
rotation imposés
aux fémurs peuvent être douloureux pour l’animal. La sédation
évitera que l’animal ne souffre et
ne se débatte. Cela Clichés réalisés sans ( à gauche )
va dans le sens du et avec (à droite) anesthésie générale
respect des règles
de
radioprotection qui imposent de minimiser le nombre de
clichés pour un même examen.
Mais la sédation myorelaxante permet surtout de
lutter contre l’action des muscles fessier, qui en se
contractant vont réduire la laxité articulaire fonctionnelle et donc minimiser la laxité passive obtenue. Ainsi l’étude de Genevois et Coll en 2006 compare les
résultats du dépistage radiographique de la dysplasie
coxo-fémorale entre un lot de 3839 chiens anesthésiés
et un lot de 1517 chiens vigiles: la prévalence de la
dysplasie chez les chiens anesthésiés est égale à 22%
alors qu’elle n’est que de 9% chez les chiens vigiles.
De même jusqu’à 8 degrés de différence (angle de
Norbert-Olsson) peuvent être présentés pour des animaux avec et sans anesthésie (Bouras 2001, thèse de
doctorat vétérinaire). La différence est donc significative pour les stades limites chez lesquels le seul critère
appréciable est la laxité.
Quant aux dangers liés à la sédation, la réalisation
d’un examen clinique préalable, l’âge souvent faible
des animaux concernés et l’emploi de sédatifs réversibles par des antidotes ou de l’anesthésie gazeuse les
diminuent considérablement.
La lecture de la radiographie permet d’évaluer l’atteinte articulaire. Cependant le stade de dysplasie,
l’atteinte arthrosique, et l’expression symptomatique
ne sont pas forcément corrélés: certains individus dysplasiques ne développeront jamais d’arthrose, d’autres
chiens dysplasiques et arthrosiques ne présenteront des
symptômes que très tardivement.
L’âge de l’animal au dépistage est un facteur important: la radiographie en position standard permet de
détecter 80% des animaux dysplasiques à 12 mois
contre 95% à 24 mois ( étude de Jessen et Spurell). De
plus, une forte musculature fessière permet de réduire
la laxité articulaire fonctionnelle, et restreint donc les
agressions mécaniques que subissent les surfaces cartilagineuses et qui sont responsables du développement
de l’arthrose. Au contraire les facteurs environnementaux tels que exercice excessif, alimentation déséquilibrée et surpoids accélèrent la dégradation de l’articulation, surtout s’ils interviennent en phase de croissance.
Efficacité du dépistage dans la lutte contre la
dysplasie
Les caractères polygéniques et environnementdépendant de la dysplasie coxo-fémorale du chien en
font une pathologie difficile à combattre. La réalisation de clichés radiographiques « standards » permet
d’évaluer la laxité articulaire, sans être parfaitement
prédictif de l’apparition des symptômes. La difficulté
réside aussi dans la sélection: l’héritabilité de la dysplasie est faible. Pour être efficace la sélection doit
donc s’appuyer sur le maximum d’informations
concernant le statut dysplasique de l’ascendance, de
la descendance, et des collatéraux de l’individu destiné à la reproduction.
Les résultats sont cependant encourageants: aux
Etats-Unis les taux de dysplasie pour le Golden Retriever est passé de 23% avant 1980 à 15 % en 20002002 (données de l’Orthopedic Foundation for Animals). En Europe, le meilleur élève est la Suède: dans
ce pays la diminution de Labradors Retrievers et Golden Retriever dysplasiques a atteint 40 à 50% entre
1976 et 1989 (Swenson and al., JAVMA, 1997). Cela
serait à mettre en relation avec l’existence d’un registre mis en place par le SKC qui centralise les résultats
des dépistages officiels depuis 1976. Ainsi, les éleveurs peuvent consulter le statut dysplasique de l’ascendance et la descendance de chaque individu et
sélectionner pour la reproduction les chiens dont l’arbre généalogique est le moins touché par l’affection.
D’autres procédés de dépistage de la dysplasie
coxo-fémorale ont été développés: les tests de Bardens ou d’Ortolani s’appuient sur la manipulation et
permettent de mettre en évidence une laxité coxofémorale excessive dès l’âge de 3 ou 4 mois. Cependant ils ne permettent pas de détecter tous les indivi-
Absence de signes
de dysplasie
(individu de 7 ans)
Dysplasie modérée
(individu de 18 mois)
dus atteints, et n’ont aucune valeur quantitative. L’échographie dynamique de l’articulation permet d’évaluer la laxité articulaire entre 6 et 16 semaines; mais
les mesures varient avec la taille du chiot et les normes sont difficiles à standardiser. Enfin, la radiographie selon le procédé « Penn Hip » permet de définir
un indice de laxité articulaire dès l’âge de 4 mois: ce
procédé permet de diagnostiquer plus sûrement une
dysplasie coxo-fémorale comparativement à des clichés radiographiques réalisés en position standard à
l’âge de 12 ou 24 mois.
Conclusion
Le protocole de dépistage de la dysplasie actuellement adopté par le club de l’Epagneul Français a,
comme tout protocole, ses imperfections. Le ratio
bénéfice-coût est cependant intéressant et peut encore
être amélioré si l’ensemble des éleveurs accepte d’y
adhérer, de sélectionner en fonction des résultats et de
communiquer ces résultats.
La dégradation des résultats qui risque de se produire au sein de la race avec le recours systématique à
l’anesthésie sera décourageante. L’optimisme pourra
cependant faire face à ce découragement: les résultats
obtenus seront plus proches de la réalité et donc plus
fiables pour le sélectionneur.
Rappelons enfin que, « en matière de gestion des
défauts héréditaires tels que […] la dysplasie de la
hanche, les pays membres et partenaires sous contrat
de la Fédération Canine Internationale (FCI) doivent
tenir un registre des chiens touchés par ces maladies,
les combattre d’une façon méthodique, enregistrer de
façon continue les progrès réalisés et en faire part à la
FCI sur demande » (extrait du règlement de la FCI).
Article soumis à droits d’auteur
Dysplasie sévère
(individu de 7 mois)
Dysplasie sévère et
arthrosique
(individu de 11 ans)
Principales sources utilisées:
- L.JACQUEMIN - La dysplasie coxo-fémorale : Analyse des résultats du dépistage officiel (de 2000 à 2003)
chez le Labrador Retriever et le Golden Retriever - Thèse d’exercice vétérinaire Lyon 2007.
- M.LOPEZ , G. TAUNAY-BUCALO - Dépistage de la dysplasie coxo-fémorale - Analyse bénéfice/risque de
l’anesthésie générale.
Remerciements au Service d’imagerie médicale de l’Ecole Vétérinaire d’Alfort pour avoir fourni les images de radiographies