graphiques - Etudes économiques du Crédit Agricole
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N°16/019 – 22 janvier 2016 Italie – Secteur bancaire Réévaluation du risque et volatilité accrue, mais pas de bail-in imminent Depuis le sauvetage bancaire de quatre banques régionales opéré fin novembre, la pression des marchés financiers sur le secteur bancaire italien n’est guère retombée, il est vrai dans un environnement financier mondial lui aussi perturbé. À la suite d’une demande d’information de la BCE adressée le 19 janvier à six banques italiennes (Banco Popolare, Banca Popolare di Milano, BPER, Carige, Banca Monte dei Paschi et Unicredit) sur la qualité de leurs actifs, les établissements italiens perçus comme fragiles ont subi un nouvel épisode de forte pression des marchés ces derniers jours. L’épicentre des tensions était initialement et reste localisé sur le marché de la dette bancaire subordonnée et senior, avec un effet de contagion partiel des banques fragiles vers les banques les plus solides. Depuis janvier, la contagion s’étend au marché boursier, avec des attaques spéculatives concentrées sur Banca Monte dei Paschi, et accentue la baisse persistante des cours des titres bancaires depuis le début de cette année (voir graphiques en fin de publication). Nous estimons cependant qu’aucun élément nouveau sur les entités attaquées ne justifie ces tensions. Cette forte volatilité nous semble un effet des règles du bail-in, qui conduisent les investisseurs au capital des banques à réévaluer les risques qu’ils encourent, en en apportant une mesure plus concrète. Le sauvetage de novembre a laissé des traces, d’autant que la crédibilité du mécanisme de bail-in reste en question. À court terme, le Fonds de Résolution Unique ne sera en effet que très partiellement doté en ressources. En Italie, le régime de bail-in tend à exacerber la discrimination entre banques, compte tenu de la restructuration en cours du secteur depuis plusieurs trimestres et de l’hétérogénéité des situations et des progrès. Ce processus de restructuration, sous une impulsion réglementaire et législative croissante, se déroule sur deux grands axes dont les effets interagissent : d’une part la recherche de l’amélioration de la qualité des actifs ; et d’autre part, la consolidation du paysage bancaire, avec la relance du crédit comme objectif ultime. Les banques les plus vulnérables vont rester sujettes à des tensions récurrentes et probablement plus marquées. Delphine Cavalier 01 43 23 32 56 [email protected] Études Économiques Groupe https://portaileco.ca-sa.adsi.credit-agricole.fr Italie – Secteur bancaire Réévaluation du risque et volatilité accrue, mais pas de bail-in imminent Les marchés en mode bail-in Dans un contexte domestique marqué par le sauvetage bancaire de novembre, et dans un univers de marché désormais en mode bail-in, la demande de données sur les créances douteuses adressé le 19 janvier par la BCE à un échantillon de banques européennes, dont six italiennes, a provoqué une nouvelle panique. Les spreads CDS à cinq ans des banques italien-nes sur leur dette junior et senior ont bondi à des records historiques ces dix derniers jours, avec une accélération brutale des tensions depuis le début de cette semaine. Ceux de Carige et de Monte dei Paschi accusent les plus fortes hausses, renouant avec leurs plus hauts de 2012, au pic de la crise souveraine. Les spreads sur les obligations junior et senior de cette dernière ont bondi d’environ 700 et 300 points de base respectivement entre le 11 et le 21 janvier (voir graphiques en fin de publication). Nous voyons un lien entre ces évolutions de marché et le poids relatif des encours de dette subordonnée dans les bilans, comme illustré ci-dessous. Dette subordonnée et qualité des actifs 5% 25% 4% 20% 3% 15% 2% 10% 1% 5% 0% 0% Dette sub. en % du bilan Ratio de CDL (droite) Sources : Crédit Agricole S.A. Banca Monte dei Paschi et Carige sont deux banques que le marché identifie comme fragiles et candidates à une résolution en cas de difficultés accrues, sous l'angle croisé de la mauvaise qualité de leurs crédits et du poids de leur dette éligible au bail-in en bilan, mesurés par rapport à la moyenne du secteur. Par le passé, Monte dei Paschi a dû se recapitaliser à plusieurs reprises, avant et après l’Asset Quality Review menée en 2014, alors que Carige avait aussi fait l’objet à cette occasion d’une demande de redressement de ses capitaux propres prudentiels. Les turbulences sur les marchés de la dette obligataire se sont accompagnées d’une baisse très sensible des valeurs bancaires cotées, qui ne se sont d’ailleurs jamais reprises depuis leur dernier pic de 2009, à l’exception d’Intesa Sanpaolo. Alors qu’au cours de l’exercice passé les actions de Monte dei Paschi et de Carige avaient réussi durant les premiers mois à évoluer jusqu’à 20% au-dessus de leur cours de début d’année, N°16/019 – 22 janvier 2016 elles ont rapidement effacé leurs gains avant de décrocher totalement à partir de novembre dernier. Ces actions sont à présent décotées de respectivement 30% et 50% par rapport à leur er cours du 1 janvier 2015. Cette chute a effacé en totalité la hausse de leur capitalisation boursière qui avait résulté de leurs augmentations de capital au printemps dernier. Seules les actions de la Popolare di Milano et d’Intesa évoluent encore au dessus de leur cours du 1er janvier 2015, et seule Intesa dégage encore un Price to Book supérieur à l’unité. S'il n'y a pas d'élément nouveau sur Monte dei Paschi et Carige justifiant de telles tensions, c’est la rechute de leur capitalisation qui les fragilise finalement le plus : le nouveau régime de bail-in tendrait ainsi à endogénéiser le risque de résolution (effets autoréalisateurs via une souscapitalisation et la fermeture des marchés de financement). La crédibilité du bail-in en question La pression de marché est aussi exacerbée par les craintes qu’inspire un mécanisme qui s’appuie sur un backstop dont les ressources vont rester inadéquates à court terme. Le Fonds de Résolution Unique, abondé par les banques et destiné à financer le coût des mises en résolution au niveau européen, ne sera intégralement doté de son capital de 55 Mds € qu’en 2025. Pour sa première année d’existence, il devra se contenter de 13 Mds €, dont moins de la moitié sera mutualisée entre les pays de la zone euro. Dans le cas de l’Italie, le Fonds de Résolution national a déjà été mis à rude contribution en novembre dernier, ce qui fera supporter un coût supplémentaire aux banques domestiques pour reconstituer ses ressources. Une nouvelle résolution bancaire alourdirait donc encore la facture pour les autres acteurs. En effet, si les directives européennes conditionnent l’intervention du Fonds de Résolution à la mise à contribution préalable des créanciers privés d’une banque, celle-ci devra d’abord disposer de suffisamment de passifs éligibles au bail-in (ou coussin 1 MREL ) pour crédibiliser les procédures de renflouement interne. Or, à l’échelle des systèmes bancaires européens, seules les grandes banques systémiques ont déjà constitué de tels matelas. Pour les autres, leur résolution risquerait d’impliquer un partage des pertes au sein d’un cercle plus large de bailleurs privés. Gestion des créances douteuses : entre BCE intrusive et Commission inflexible En marge des réactions de marché, la demande de la BCE en elle-même nous paraît traduire une 1 Minimum Requirement Eligible Liabilities dont le seuil, en cours de définition, est préalablement fixé à 8% du passif par la Commission européenne. 2 Italie – Secteur bancaire Réévaluation du risque et volatilité accrue, mais pas de bail-in imminent nouvelle étape de la reprise en main du process de restructuration bancaire en Italie, après avoir encouragé les autorités en 2015 à lancer la consolidation de dix grandes banques populaires et des banques de crédit coopératif. La BCE avait prévenu que la qualité des actifs constituerait un des axes prioritaires de sa supervision cette année. Les banques seront évaluées à l’aune des stratégies, méthodes et moyens humains mis en œuvre pour gérer leurs portefeuilles de créances douteuses. Pour rassurer les marchés, la BCE a explicité le 20 janvier que sa demande d’information était une première étape d’un processus de définition des meilleures pratiques de gestion des créances douteuses. À l’aide de ces lignes directrices, le superviseur pourra formuler des recommandations à chaque établissement : renforcer les équipes de personnel spécialisé, changer les pratiques internes, accroître les provisions, actualiser la valorisation des crédits à risque, ou créer une structure de défaisance (bad bank). Si cette demande s’inscrit dans une pratique standard de supervision, nous jugeons positif que la BCE entende passer à l’action pour guider les banques dans le nettoyage de leurs bilans. Rappelons en outre que, depuis un an, les banques européennes reportent leurs données de qualité du crédit selon les définitions harmonisées de l’EBA, de quoi donner un recul suffisant. Nous avons toutefois pu vérifier qu’en Italie, ces nouvelles définitions n’ont pas fondamentalement changé la mesure des crédits à risque par rapport aux anciennes définitions, en niveau absolu ou en ratio. D’après le FMI, les encours de douteux ont plus que doublé en zone euro depuis 2009, pour atteindre près de 1 000 Mds € à la fin 2014, empêchant le crédit de redécoller franchement. Les banques italiennes concentrent près de 40% de ce stock, dont 60% de sofferenze. Point positif, ces sofferenze augmentent beaucoup moins vite, et depuis l’été dernier, leur encours et leur ratio se N°16/019 – 22 janvier 2016 sont stabilisés respectivement autour de 200 Mds € et 11% depuis août. Les facteurs en sont l’amélioration du cadre conjoncturel et, plus marginalement, des cessions de portefeuilles. Unicredit a été la plus volontariste en la matière depuis 2014 (cession de plus de 10 Mds € de sofferenze cantonnées dans sa non-core bank, soit 14% de son encours de 2013), mais a été peu imitée. La BCE a donc peut-être un plus grand rôle à jouer sur ce terrain pour diffuser les bonnes pratiques. Vers de nouvelles hausses de provisions pour les banques fragiles ? L’annonce de la BCE sur les données de créances douteuses a aussi eu une résonance particulière en Italie, où le gouvernement a échoué en 2015 à créer, avec l’aval de la Commission européenne, une bad bank pour l’ensemble du système bancaire assortie d’une garantie d’Etat. Celle-ci aurait comblé l’écart entre valeur de bilan et prix d’acquisition des sofferenze sur le marché. Ce dispositif enfreignant la discipline communautaire sur les aides d’Etat, il nous semble vain d’espérer désormais que l’UE change d’avis sur le sujet. Rome n’a pas renoncé pour autant à élaborer un dispositif d’assainissement des bilans et aurait soumis un nouveau plan à la Commission. Dans son principe, les banques créeraient chacune sur une base volontaire leur propre structure de transfert en ayant la possibilité d’acheter une garantie d’État à un prix de marché à définir. Ce serait donc un dispostif payant, loin d’une structure unique pour tout le secteur avec garantie automatique et gratuite. Les établissements n’ayant pas la capacité de couvrir intégralement l’écart de prix par le biais de ces garanties payantes pourraient devoir accroître de nouveau leurs provisions. Rome et la BCE pourraient donc finalement converger sur cette éventualité. 3 Italie – Secteur bancaire Réévaluation du risque et volatilité accrue, mais pas de bail-in imminent Evolutions de marché 21 janvier 2016 CDS 5 ans sur dette senior CDS 5 ans sur dette subordonnée pb (dernier point au 21.01.2016) pb (dernier point au 21.01.2016) 650 1 500 550 450 1 000 350 500 250 150 0 janv.-14 juil.-14 janv.-15 juil.-15 Intesa SP Monte dei Paschi Banco Popolare janv.-16 Unicredit Mediobanca Sources : Bloomberg, Crédit Agricole S.A. Cours de Bourse CDS moyens de cinq banques italiennes * (au 21.01.2016) pb jan15=100 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 janv.-15 650 Sauvetage du 22 nov. 2015 550 450 350 250 150 50 janv.-14 juil.-14 janv.-15 sub. 5 ans juil.-15 50 janv.-14 juil.-14 janv.-15 juil.-15 janv.-16 Intesa SP Unicredit Monte dei Paschi Mediobanca Banco Popolare Sources : Bloomberg, Crédit Agricole S.A. janv.-16 senior 5 ans * Unicredit, Intesa SP, MPS, Mediobanca, BNL Source : Bloomberg, Crédit Agricole S.A. (dernier point au 21.01.2016) avr.-15 juil.-15 Unicredit MPS Banco Popolare Carige oct.-15 janv.-16 Intesa SP UBI Pop. di Milano FTSE MIB Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A. Price to Book Value Capitalisation (dernier point au 21.01.2016) jan15=100 300 2,0 1,5 (dernier point au 21.01.2016) 250 200 1,0 150 0,5 100 0,0 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Unicredit Intesa SP MPS UBI Banco Popolare Pop. di Milano Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A. N°16/019 – 22 janvier 2016 16 50 janv.-15 avr.-15 juil.-15 Unicredit MPS Banco Popolare Carige oct.-15 janv.-16 Intesa SP UBI Pop. di Milano Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A. 4 Italie – Secteur bancaire Réévaluation du risque et volatilité accrue, mais pas de bail-in imminent Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Rédacteur en chef : Armelle Sarda Documentation : Elaine Durand - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact: [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google Play Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). 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