Focus 2 Banques italiennes : le coût du risque reste l`arbitre
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Focus 2 Banques italiennes : le coût du risque reste l`arbitre
Delphine Cavalier 30 mai 2014 – 14-20 Focus 2 Banques italiennes : le coût du risque reste l’arbitre ■ En termes agrégés, les cinq premières banques ont dégagé au premier trimestre (T1) 2014 un profit net en hausse de 40% sur un an, grâce à la baisse des frais généraux et des provisions. Leur liquidité est confortable. Qualité du crédit: la dégradation ralentit Prêts non performants par catégories de risque en décembre 2013* ■ La dégradation de la qualité du crédit ralentit. Leur stock de créances douteuses croît encore mais moins fortement que pour l’ensemble du système bancaire. ■ Leur solvabilité est élevée. En amont des résultats de la revue des actifs, Monte dei Paschi prépare son augmentation de capital préventive. ■ Alors qu’Unicredit et d’UBI Banca font état d’une légère reprise du crédit, le deleveraging se fait moins homogène, ce qui sera à confirmer par la suite. Après des pertes historiques en 2013, 2014 débute sur un résultat net positif Au T1 2014, les cinq premiers établissements de crédit transalpins1 ont realisé un profit net agrégé de €1,081 milliard, en hausse de 40% sur un an. L’année 2013 avait été marquée par une augmentation substantielle de leurs dotations aux provisions pour créances douteuses, concentrée au dernier trimestre, précipitant une perte annuelle de €15,1 milliards.2 Le redressement des profits, qui aurait d’ailleurs été davantage significatif sans l’unique perte nette de l’échantillon enregistrée par Banco Popolare (pour cause de facteurs comptables nonrécurrents), a résulté de la poursuite de la baisse des coûts d’exploitation (-2%) et d’un moindre effort de provisionnement pour créances douteuses (-9%). Ces tendances ont plus que compensé la baisse du produit net bancaire (-3%). Celle-ci masque des évolutions disparates entre établissements (hausse pour UBI, stabilité pour Intesa, baisse pour les trois autres banques), principalement guidées par les revenus des activités de négociation et de couverture, plus volatils par nature mais moins importants en niveau absolu que les revenus nets d’intérêts – qui forment le socle des revenus récurrents du système (60% du PNB) et qui se sont stabilisés au T1 (-0,4%) – et les commissions nettes (en hausse de 3%). La contraction agrégée des revenus de trading (-39%) recouvre des baisses (surtout Monte dei Paschi et Intesa, et, dans une moindre mesure, Unicredit) et des hausses (UBI banca, devant Banco Unicredit, Intesa San Paolo, Banca Monte dei Paschi, Banco Popolare, UBI Banca. Depuis sa fusion en 2005 avec la première banque privée allemande HypoVereinsBank (HVB), Unicredit est la plus internationaisée des banques italiennes. Dans son ensemble, le secteur bancaire est essentiellement tourné vers la banque de détail. 2 Cf. « Banques d’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal): miroirs de la crise », Conjoncture (mai 2014), BNP Paribas, D. Cavalier. 1 8 * Pourcentages en italique entre parenthèse: taux de croissance annuels Graphique 1 Source : Banque d’Italie Popolare) très prononcées. Monte dei Paschi a enregistré une charge exceptionnelle liée au remboursement des Monti bonds3, alors que, pour Intesa, la baisse des gains financiers nets a résulté de celle des profits du trading pour compte propre et des profits tirés des marchés de capitaux. Unicredit a également pâti d’un fort effet de base négatif. A l’inverse, les performances d’UBI Banca et Banco Popolare relèvent de celles de leurs portefeuilles de titres souverains domestiques. Premiers signes d’amélioration de la qualité des actifs, très détériorée Le coût du risque continue de focaliser l’attention. Le moindre provisionnement au T1 2014 par rapport au T1 2013 est le fait des trois principales banques, Unicredit, Intesa et Monte dei Paschi, qui avaient fourni les efforts les plus importants en 2013. Banco Popolare et UBI Banca, qui affichent des taux de couverture plus faibles en comparaison4, ont quant à elles continué à renforcer leurs dotations. Les encours de prêts non performants5 au sein de l’échantillon se sont accrus de 0,8% au total depuis le T1 2013 à €211 milliards (dont €123 milliards de prêts irrécouvrables ou sofferenze), les plus fortes hausses revenant à Monte dei Paschi (4,2%) et Banco L’augmentation de la valeur faciale des Monti Bonds due à l'activation de clauses contractuelles liées au produit des ventes de parts de la Fondation Monte dei Paschi la banque Monte dei Paschi dont elle était l’actionnaire principale a entraîné une hausse du service de cette dette. 4 Respectivement de 28% et 31%, contre 52,4% pour Unicredit, 51% pour Intesa et 43% pour Monte dei Paschi. Le taux de couverture pour l’ensemble du secteur était de 41,8% en décembre 2013 d’après le Financial Stability Report de la Banque d’Italie de mai 2014. 5 Somme des sofferenze (ou créances irrécouvrables), crédits sous surveillance, impayés à plus de 90 jours et crédits retsructurés. Cf. définitions dans « , Créances douteuses en Europe du Sud: définir, mesurer, comparer », Ecoweek (31 janvier 2014), BNP Paribas, D. Cavalier. 3 economic-research.bnpparibas.com Delphine Cavalier Popolare (2,6%), alors que les stocks d’Unicredit et d’UBI Banca ont légèrement reflué. Fait notoire, les cinq banques ont toutes relevé, pour la première fois depuis le début de la crise, une baisse du rythme d’accumulation des crédits détériorés, sans toutefois enregistrer simultanément une hausse du taux de sortie (crédits détériorés redevenant performants), dont seule UBI a bénéficié. Ces inflexions restent néanmoins encore trop ténues pour marquer le début d’une tendance. Non seulement la croissance des crédits problématiques n’est pas encore totalement enrayée, mais les deux catégories de prêts non performants les plus risqués demeurent prépondérantes dans la composition des encours. Les sofferenze et créances sous-surveillance représentent, en effet, selon les banques, de 85% à 97% du total de leurs prêts non-performants. Des cinq grands groupes, Monte dei Paschi présente la qualité des actifs la plus dégradée, tant en termes de structure que de dynamique. Les évolutions macroéconomiques coïncident avec les données individuelles. Les encours de créances douteuses dans l’économie italienne s’élevaient à €282 milliards en décembre 2013, en baisse de 1,3% sur un trimestre grâce à la diminution des impayés à plus de 90 jours, mais encore en hausse de 19% sur l’année (Graphique 1). Elles incluaient €155 milliards de sofferenze, dont la croissance reste soutenue. Suivies mensuellement par la Banque d’Italie, celles-ci ont augmenté à €165 milliards en mars (+25,6% sur un an). La Banque d’Italie relève toutefois que le flux d’entrée (rapport des sofferenze sur l’encours de crédits sains à la période précédente) s’est stabilisé au T4 2013 et devrait avoir ralenti au T1 2014, notamment sur le segment des sociétés non financières. Alors que l’économie est techniquement sortie de récession au T4 2013, le PIB s’est de nouveau contracté au T1 en rythme trimestriel, ce qui rappelle les risques baissiers attachés au scénario de reprise dans la zone euro et en particulier dans les pays du sud. A l’approche de l’annonce des conclusions de la revue des actifs de la BCE, il n’est pas exclu que les établissements italiens intensifient de nouveau leurs dotations aux provisions au T2 et au T3. Le principal atout des grands groupes réside dans leur solvabilité, assurée audélà des exigences de Bâle 3. Elles présentent des ratios Common Equity Tier 1 (CET1) sous Bâle 3 transitionnel (normes en vigueur au 01/01/2014) comme fully loaded (au 01/01/2019) parmi les plus élevés des principales banques de la zone euro (entre 9,5% et 13,2% en transitionnel), qu’elles ont à nouveau renforcé au T1 par rapport à décembre 2013. Banco Popolare a notamment réussi son augmentation de capital récente de €1,5 milliard, alors que Monte dei Paschi prépare la sienne, de €5 milliards, en juin. Le succès de l’opération hisserait son ratio CET1, actuellement de 10,8%, à 13,2%. Les trois autres banques ont principalement amélioré leur solvabilité via la baisse des actifs pondérés au dénominateur du ratio. Liquidité satisfaisante A l’échelle micro comme macoéconomique, les ratios de crédits sur dépôts sur le périmètre de la clientèle de détail résidente (ménages et sociétés non financières) ou ratio LTD pour loans-to-deposits, s’inscrivent sur une tendance baissière continue depuis 2012, illustrant la baisse structurelle des besoins de financement, et la 9 30 mai 2014 – 14-20 préférence pour la liquidité (M3), alors que la taille des bilans diminue. En mars, le ratio agrégé pour l’ensemble du système était encore élevé à 127,2% par rapport à la moyenne de la zone euro de 117,7%, mais inférieur au ratio agrégé de plus de 140% des systèmes bancaires espagnol et portugais. Au sein de l’échantillon, il est toutefois déjà inférieur au seuil de 100% pour Intesa, UBI Banca et Banco Popolare (respectivement 92,4%, 95,9% et 96,1% en mars), et s’en rapproche pour Monte dei Paschi (103%). Unicredit, dont le ratio LTD demeure le plus élevé à 122,1% (-11 points de pourcentage en un an), est donc le seul des cinq établissements à conserver un véritable besoin de financement, de €32,2 milliards au T1. Sur l’ensemble de l’année, le plan de financement est cependant déjà réalisé à hauteur de 36% (42% sur le périmètre Italie). L’amélioration des conditions de marché (reflux des spreads souverains depuis les pics de 2012) a ranimé le placement d’obligations bancaires auprès de la clientèle qui demeurent, après les dépôts, la principale ressource. La dépendance des banques italiennes au refinancement de la BCE se réduit progressivement, comme l’indique la baisse de l’encours de prêts dont elles bénéficient au titre des LTRO (de près de €270 milliards pour le système en avril 2012 à €199 milliards en mars 2014). La dette LTRO d’UBI Banca, de Monte dei Paschi et de Banco Popolare totalise en particulier encore €50 milliards. Intesa et Unicredit se refinancent, quant à elles, auprès de la BCE à court terme par le biais des opérations conventionnelles d’open market. De manière générale, les grandes banques italiennes disposent d’un volant confortable d’actifs éligibles mobilisables au refinancement BCE, qui permettraient notamment à UBI Banca et Banco Popolare de rembourser par anticipation leur dette LTRO résiduelle. Les grands groupes respectent les ratios de liquidité réglementaires, LCR et NSFR, bien en amont du calendrier bâlois (2015 pour le LCR, 2018 pour le NSFR). Sans en communiquer les niveaux exacts, les ratios sont dans chaque cas supérieurs à 100%. Signaux de redressement partiel du crédit, dont la soutenabilité reste à assurer Si la baisse des ratios LTD traduit le deleveraging à l’œuvre à travers l’économie, il semble s’atténuer. D’après les données de la Banque d’Italie sur le périmètre du secteur privé non financier résident, le repli sur un an de l’encours de crédit a ralenti à -2,1% en mars depuis le creux de novembre 2013 (-4,5%), grâce à une inflexion de tendance perceptible du crédit aux SNF. Chez Unicredit et surtout UBI Banca, le crédit a donné quelques signes de frémissement au T1. La hausse de leurs revenus nets d’intérêts a en effet résulté d’une reprise du crédit à leur clientèle de détail début 2014. Le mouvement est loin d’être général. Pour Intesa, la hausse des produits nets d’intérêt est imputable à l’élargissement des marges d’intermédiation (repricing des crédits, réduction des taux de rémunération des dépôts), alors que la baisse de son volume de prêts s’est poursuivie. Pour les deux autres banques dont les revenus nets d’intérêts ont diminué (Monte dei Paschi, Banco Popolare), l’influence négative du deleveraging est restée déterminante, accentuée par leurs difficultés à accroître leurs marges. economic-research.bnpparibas.com