La dépression chez les mères adolescentes : pour un repérage des
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La dépression chez les mères adolescentes : pour un repérage des
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 Revue de la littérature La dépression chez les mères adolescentes : pour un repérage des situations de vulnérabilité Perinatal depression in adolescent mothers: For identifying vulnerabilities F. Noirhomme-Renard a,∗ , I. Aujoulat b , C. Gosset a a b Département des sciences de la santé publique, université de Liège, bâtiment B23, avenue de l’Hôpital, 3, 4000 Liège, Belgique Faculté de santé publique (FSP), université catholique de Louvain, Institut de recherche santé & société (IRSS), avenue Chapelle-aux-Champs, 30.05, 1200 Bruxelles, Belgique Résumé Introduction. – Comparativement aux mères plus âgées, les mères de moins de 20 ans cumulent certains facteurs de vulnérabilité les exposant à un risque accru de dépression. Méthodes. – À travers une revue de la littérature, cet article fait le point sur la prévalence de la dépression chez les mères adolescentes et compare ces données à celles des mères plus âgées. Résultats. – La prévalence de la dépression chez les mères adolescentes varie de 26 à 68 % au troisième trimestre de la grossesse et de 26 à 61 % dans les trois mois du post-partum, selon les études, les instruments d’évaluation et les cut-offs associés. Les taux de dépression à quatre et cinq ans varient de 21 à 32 %. Globalement, les taux de dépression chez les mères adolescentes sont deux fois plus élevés que chez les mères plus âgées. Les caractéristiques associées à la dépression des mères adolescentes incluent des facteurs sociodémographiques et psychosociaux, un soutien social faible ou inadéquat et des événements de vie négatifs. Conclusion. – La dépression périnatale chez les mères adolescentes est très élevée et peut contribuer négativement aux interactions mère-enfant. Il est impératif de pouvoir détecter les situations de vulnérabilité chez les jeunes mères afin d’organiser une réponse préventive et un suivi spécifiques. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Dépression périnatale ; Mères adolescentes ; Prévention Abstract Introduction and objectives. – Due to the high frequency and co-occurrence of vulnerabilities, mothers under 20 years are at higher risk of perinatal depression than adults mothers. We performed a review of the literature investigating the epidemiology of adolescents mothers’ depression, compared these data to adult mothers and listed associated factors, to develop a more preventive approach and specific follow-up. Methods. – The review is based on Pubmed and Sciencedirect research combining “adolescent” or “teenage” and “depression” as keywords. Results. – Seventeen international studies were included, evaluating both prenatal (6 studies) and postnatal (14 studies) depression with three different scales (CES-D, BDI, EPDS). Depression rate in adolescents mothers varies from 26 to 63% in the third trimester of pregnancy and from 26 to 61% in the first 3 months postpartum, with differences depending of studies designs, screening instruments and cut-offs. Depression rate declines with time, but still persists with a prevalence ranging from 21 to 32% at 4 to 5 years after delivery. Depression rate in adolescent mothers are globally twice higher than in adult mothers, both in prenatal and postnatal periods. Characteristics associated with adolescent mothers depression include sociodemographic factors (less education, low income), psychosocial factors (confidence, self-esteem), poor or inadequate social support and negative life events (violence exposure, history of abuse). Conclusion. – Perinatal depression in adolescent mothers is very high and can contribute negatively to child-mother interaction. It should be a priority to screen depression early during pregnancy and to offer appropriate support services during the first years of motherhood. Moreover, it could be of high interest to assess maternofoetal attachment during pregnancy using validated instruments combined with depression scales. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Perinatal depression; Adolescent mothers; Prevention ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Noirhomme-Renard). 0222-9617/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2013.06.002 F. Noirhomme-Renard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 1. Introduction La dépression périnatale, qui se manifeste pendant la grossesse ou après l’accouchement, est une source de préoccupation importante pour les professionnels de santé qui rencontrent les futures et jeunes mères, mais aussi pour les pédiatres et pédopsychiatres. En effet, d’une manière générale et quel que soit l’âge, la dépression rend les mères émotionnellement et psychologiquement moins aptes à répondre aux besoins de leurs enfants, non seulement en termes de sécurité affective et d’attachement, mais également en termes d’alimentation et de soins. Pour les nouveau-nés, cela peut mener à des retards de développement significatifs sur les plans cognitif, émotionnel et social, à court et à long termes [1–4]. Les symptômes de la dépression durant la période périnatale sont semblables à ceux d’épisodes dépressifs d’autres périodes de la vie mais ils peuvent être plus difficiles à distinguer des manifestations physiques associées à la grossesse ou aux soins du nouveau-né (variations du poids, manque de sommeil ou absence d’énergie), ce qui explique pourquoi la dépression périnatale n’est souvent pas diagnostiquée ni traitée [5,6]. Les facteurs de risque sont largement étudiés dans la littérature et incluent essentiellement, chez les mères adultes, des facteurs psychiatriques (antécédents dépressifs, anxiété de la grossesse, événements de vie stressants), relationnels (soutien social, conjugalité), et socioéconomiques [7]. Jusqu’à ce jour, aucun facteur de risque endocrinien ou gynéco-obstétrical n’a pu être clairement établi [7]. Les mères adolescentes (qui représentent approximativement 4 % des naissances en Belgique francophone en dessous de 20 ans [8]) cumulent, comparativement aux mères plus âgées, certains facteurs de vulnérabilité les exposant à un risque accru de dépression, tant durant la grossesse qu’en période post-natale [9–13] : • elles vivent un remaniement identitaire à cet âge, d’autant plus bouleversant qu’il survient dans une situation de « crise » (caractérisée par l’adolescence elle-même et la survenue de la maternité) ; • elles sont le plus fréquemment issues de milieux socioéconomiques précarisés [9] ; et ont de faibles attentes par rapport à leurs perspectives d’avenir ; • elles sont plus souvent seules ou célibataires [9] ; elles peuvent dès lors manquer du soutien du père de leur bébé pendant la grossesse et durant le post-partum et être exposées à un isolement social accru [10]. L’isolement social des jeunes mères a été identifié comme un facteur majeur de vulnérabilité [14] ; • elles ont généralement un niveau d’étude faible et sont, en majorité, en décrochage scolaire [10] ; • elles ont vécu davantage d’expériences hostiles durant leur enfance (situation familiale difficile, abandons successifs, antécédents de négligence et/ou de maltraitance, etc.) [9–12] ; une méta-analyse suggère que près de 50 % des adolescentes enceintes auraient été victimes d’abus sexuels dans l’enfance [15] ; • elles sont davantage exposées à la violence physique, psychologique ou sexuelle que les mères adultes, avant et pendant la grossesse [9] ; 341 • dans la très grande majorité des cas (70 à 85 %), la grossesse n’a pas été planifiée [9], même si elle peut avoir été désirée [13] ; de ce fait, les jeunes mères, le plus souvent primipares, sont moins préparées à la maternité ; • elles vivent durant la grossesse davantage de violence psychologique de la part de l’entourage ; • elles ont généralement une plus faible estime de soi [10], une moindre confiance en soi et en leurs compétences maternelles (coping) ; • elles ressentent davantage de stress. En ce qui concerne les enfants nés de mères adolescentes, ceux-ci présentent, sur le plan du développement psychoaffectif, davantage de retards cognitifs et de problèmes psychologiques et comportementaux [1]. Ils sont exposés à un risque accru de négligence et de maltraitance [1] ainsi que de comportements punitifs de la part de leur mère [16]. Ils ont des taux plus élevés de maladies et d’accidents [17]. Toutefois, il semble que ces difficultés soient liées d’abord aux conditions de précarité socioéconomique et à l’état de santé émotionnel de leur mère, plus qu’à leur jeune âge [18]. Il est donc impératif de pouvoir détecter les situations de vulnérabilité psychologique chez les mères adolescentes afin d’organiser une réponse préventive appropriée et globale visant à la fois la mère adolescente, le père et l’enfant. Dans cette optique, le repérage de symptômes dépressifs dès la grossesse peut s’avérer utile, en complément d’une anamnèse biopsychosociale. À ce jour, les données relatives à la dépression chez les mères adolescentes sont plutôt éparses. L’objectif de cet article est de faire le point sur l’épidémiologie concernant la dépression des mères adolescentes. Plus précisément, il s’agit de : • présenter les données de prévalence de la dépression prénatale et post-natale des mères adolescentes ; • les comparer aux données relatives aux mères plus âgées ; • identifier les facteurs associés à la dépression périnatale chez les mères adolescentes. 2. Méthode Dix-sept études ont été sélectionnées grâce à une recherche bibliographique menée sur les bases de données Pubmed et Sciencedirect, en utilisant les termes « adolescent mothers » ou « teenage mothers » et « depression » comme mots-clés. Les critères d’inclusion étaient les suivants : études évaluant la dépression maternelle en période pré- ou post-natale ; menées auprès de mères de moins de 20 ans ; utilisant des échelles standardisées ; articles de langue anglaise ou française. Aucune limitation de date n’a été fixée. 3. Résultats 3.1. Caractéristiques des études incluses Dix-sept études ont été incluses, évaluant la dépression prénatale (six études) et/ou post-natale (14 études), sans qu’il s’agisse nécessairement de l’objectif principal. La majorité des études a été menée aux États-Unis (13 études). Les autres pays d’enquêtes 342 F. Noirhomme-Renard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 Tableau 1 Comparaison des échelles de dépistage de symptômes dépressifs (CES-D, BDI, EPDS). Échelle Nombre d’items Score Cut-off standards Spécifique du post-partum CES-D 20 0–60 Non CES-DC Version enfants 20 0–60 BDI 21 0–63 BDI Version courte 13 0–39 EPDS 10 0–30 ≥ 16 : dépression modérée ≥ 24 : dépression sévère 0–15 : pas de dépression 16–20 : dépression légère 21–30 : dépression modérée ≥ 31 : dépression sévère 0–13 : dépression minime 14–19 : dépression légère 20–28 : dépression modérée 29–63 : dépression sévère 0–3 : pas de dépression 4–7 : dépression légère 8–15 : dépression moyenne à modérée ≥ 16 : dépression sévère ≥ 10 : dépression mineure ≥ 13 : dépression majeure Non Oui sont la Chine, le Portugal et la Suède. La taille des échantillons s’étend de 26 à 926 sujets, avec un âge-cible variable selon les études (de 12 à 20 ans). Trois échelles ont été utilisées dans les études recensées : l’échelle CES-D (Center for Epidemiological Studies– Depression Scale) [19] et sa version adaptée aux enfants (CESDC, for children) [20], la BDI (Beck Depression Inventory) [21,22] et l’EPDS (Edinburgh Postnatal Depression Scale) [23]. Leurs caractéristiques générales sont présentées dans le Tableau 1. Seule l’EPDS est spécifique de la dépression du post-partum. des jeunes mères, selon les études nord-américaines, la dépression à trois mois était plus élevée chez les mères caucasiennes. Les mères afro-américaines ont globalement des taux de dépression moindre jusqu’à deux ans mais un pourcentage accru de récurrence de la dépression à 48 mois [34]. Dans l’étude de Deal et al. [24], ce sont les très jeunes (15–17 ans) mères noires qui présentent les taux plus élevés de dépression à un an (48 %). 3.2. Prévalence de la dépression chez les mères adolescentes Toutes les études comparant les taux de dépression entre mères adolescentes et mères plus âgées montrent des résultats nettement supérieurs chez les mères adolescentes, tant durant la période prénatale que post-natale (Tableau 3). Lanzi et al. [37] se sont intéressés à l’intensité de la dépression et à sa persistance entre le troisième trimestre de grossesse et l’âge de six mois, en distinguant trois groupes de mères : les mères adolescentes, les mères adultes « bénéficiant de faibles ressources » et celles « bénéficiant de ressources élevées ». L’intensité de la dépression des mères adolescentes était significativement plus élevée par rapport aux mères adultes. À six mois, on observe davantage de dépressions « modérées à sévères » ou « sévères » selon l’échelle BDI : 15 % des mères adolescentes versus 7 % des mères « bénéficiant de faibles ressources » versus 0 % des mères « bénéficiant de ressources élevées ». Le caractère persistant de la dépression était significativement supérieur chez les mères adolescentes (32 % des mères adolescentes versus 17 % des mères « bénéficiant de faibles ressources » et 15 % des mères « bénéficiant de ressources élevées »). À un an, la prévalence de la dépression chez les mères adolescentes est également significativement plus élevée que chez les mères plus âgées, quel que soit le groupe ethnique [24]. La pauvreté, le statut de célibataire et le fait de bénéficier d’aides médicale et sociale sont significativement associés aux symptômes dépressifs chez les mères adultes mais pas chez les adolescentes. La prévalence de la dépression chez les mères adolescentes est très élevée (Tableau 2) [1,10,24–38]. Elle varie, selon les études, les échelles et les cut-off scores de 26 à 68 % au troisième trimestre de la grossesse [25,26,31,32,37] et de 26 à 61 % dans les trois mois du post-partum [26–28,32–36,38]. On observe un léger déclin de la dépression dans le temps, avec des taux de 37 à 42 % à six mois [37,38], de 28 à 48 % à 12 mois [24,34] et de 24 à 36 % à 24 mois [34,38]. Cependant, les taux restent élevés à 48 mois et plus, avec une prévalence de 21 à 32 % [1,34]. Le caractère persistant de la dépression des mères adolescentes a été objectivé dans l’étude prospective de Schmidt et al. [34] qui ont évalué la dépression à trois, 12, 24 et 48 mois auprès d’un échantillon de 623 mères de 18 ans ou moins. Les résultats montrent que près de 90 % des mères rapportant des symptômes dépressifs à 48 mois présentaient déjà ces symptômes à 12 mois ; 55 % présentaient des symptômes modérés à sévères à au moins deux moments d’évaluation et 15 % des mères présentaient des symptômes dépressifs modérés à sévères à chaque moment d’évaluation. Le très jeune âge est associé à des taux plus élevés de dépression post-natale [24]. Quant au groupe ethnique d’appartenance 3.3. Comparaison aux mères plus âgées F. Noirhomme-Renard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 343 Tableau 2 Prévalence de dépression pré- et post-natale chez les mères adolescentes. Référence Population n/âge/pays Échelle de dépression et cut-off Évaluation de la dépression comme mesure principale Dépression prénatalea Dépression post-natale Deal et al., 1998 [24] n = 926, 15–19 ans, États-Unis CES-D ≥ 16 Oui – À 17 mois 48 % « Black » 15–17 ans 37 % « Black » 18–19 ans 28 % « White » 15–17 ans 33 % « White » 18–19 ans Logdson et al., 2004 [25] n = 26, 16 ans, États-Unis n = 128, 13–16 ans (moy 16 ans), États-Unis n = 85, 13–18 ans, États-Unis n = 168, 17,6 ans, États-Unis n = 120, ≤ 18 ans, États-Unis CES-D ≥ 16 Oui 68 % – CES-D ≥ 16 Non 56 % 28 % à 6 semaines CES-D ≥ 16 Non – 37 % à 4–6 semaines CES-DC ≥ 16 Oui – 53,6 % à 2 semaines CES-DC ≥ 16 Oui – Entre 0–10 mois : 53 % + 2 semaines : 57 % + 1 an : 57 % Logsdon et al., 2005 [26] Logsdon et al., 2008 [27] Cox et al., 2008 [28] Brown et al., 2011 [29] Logdson et al., 2009 [30] n = 149, 16 ans, États-Unis CES-D ≥ 16 EPDS > 12 Oui – 25,5 % 43,6 % Black et al., 2002 [1] n = 194, ≤ 18 ans, États-Unis n = 235, 12–18 ans, États-Unis n = 125, 12–18 ans, États-Unis CES-D ≥ 17 Non – 32 % à 4–5 ans CES-D ≥ 24 Non 32 %a – CES-DC ≥ 21 Oui 42 %a 36 % à 2 mois 32 % à 4 mois n = 54, ≤ 18 ans, Portugal n = 82, 15–19 ans, Suède n = 623, ≤ 18 ans, États-Unis EPDS > 12 Oui 25,9 % 25,9 % à 2–3 mois EPDS 9/10 ≥ 10 Non – 32 % BDI (13 items) ≥ 8 Oui – 36,7 % à 3 mois 28,4 % à 12 mois 23,6 % à 24 mois 21,1 % à 48 mois BDI (21 items) ≥ 11 Oui – 43,5 % à 4 semaines BDI (21 items) ≥ 14 Oui – 61 % à 6 semaines BDI (21 items) ≥ 14 Oui 63,1 %a 42 % à 6 mois BDI (21 items) ≥ 10 Oui – 49 % à 2–3 semaines 37 % à 6 mois 36 % à 24 mois Barnet et al., 2009 [31] Barnet et al., 1996 [32] Figueiredo et al., 2007 [33] Wahn et al., 2008 [10] Schmidt et al., 2006 [34] Secco et al., 2007 [35] Chen 1996 [36] Lanzi et al., 2009 [37] Ramos-Marcuse et al., 2010 [38] a n = 78, 12–18 ans, États-Unis n = 77, 15–20 ans, Chine n = 396, 17,5 ans, États-Unis n = 181, 13,5–17,9 ans (moy 16,3 ans), États-Unis Au troisième trimestre de la grossesse. 3.4. Facteurs associés à la dépression chez les mères adolescentes Les chercheurs ont étudié différentes caractéristiques en lien avec la dépression chez les mères adolescentes. Les caractéristiques associées à la dépression incluent : • la présence d’événements de vie « négatifs » tels qu’une exposition à la violence ou des antécédents de maltraitance ; • un plus faible soutien social ou un soutien inadéquat, des relations familiales négatives ; • des facteurs sociodémographiques tels qu’un niveau d’éducation moindre ou de faibles revenus ; 344 F. Noirhomme-Renard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 Tableau 3 Comparaison des taux de dépression entre les mères adolescentes et les mères adultes en périodes pré- et post-natale. Référence Adolescentes Adultes Dépression prénatale Figueireido et al., 2007 [33] Lanzi et al., 2009 [37] 25,9 % 63,1 % 11,1 % 51,3 % faibles ressources 50,9 % ressources élevées Dépression post-natale Chen, 1996 [36] Deal et al., 1998 [24] 61 % 48 % « Black » 15–17 ans 37 % « Black » 18–19 ans 28 % « White » 15–17 ans 33 % « White » 18–19 ans 25,9 % 32 % 42 % 37,7 % 25 % « Black » 14 % « White » Figueireido et al., 2007 [33] Wahn et al. 2008 [10] Lanzi et al., 2009 [37] • des facteurs psychosociaux : moins de confiance en soi, une plus faible estime de soi, plus de stress perçu. Bien que la présence d’un soutien social soit généralement décrite comme un facteur protecteur [26], la relation entre le soutien social et la dépression post-natale chez les adolescentes n’est pas linéaire. Logdson et al. ont montré que le fait de recevoir davantage de soutien social (de la part de la famille, d’amis ou d’autres personnes) était prédicteur de symptômes dépressifs à six semaines du post-partum. En effet, le soutien reçu par les jeunes mères ne correspond pas toujours à leurs besoins ou leurs attentes. Il leur donne d’elles-mêmes une image de mère incapable, incompétente ou inadéquate pouvant les mener à des sentiments de tristesse et à la dépression. Les facteurs de protection identifiés incluent une bonne estime de soi de la part de l’adolescente, un soutien émotionnel ou matériel positif de la part du père de l’enfant, ainsi qu’une relation vécue comme soutenante avec ses propres parents [26,32]. 4. Discussion Les résultats de cette revue de littérature présentent des limites. Elles sont notamment liées à la diversité des méthodes des études incluses, offrant ainsi une idée peu précise des taux de dépression des mères adolescentes : • beaucoup d’études ont inclus de petits échantillons de mères et/ou des mères « à haut risque » qui, de plus, sont intégrées dans des programmes spécifiques. Ces échantillons peuvent être qualifiés « de convenance », représentant un biais de sélection non négligeable ; • l’âge des mères incluses varie d’un échantillon à l’autre ; • les échelles d’évaluation de la dépression diffèrent selon les études et leur utilisation variable augmente encore la difficulté de comparer les résultats, surtout quand les cut-offs scores varient pour un même instrument. Si une étude a montré que les scores CES-D et BDI étaient significativement corrélés [39] – et que les mères adolescentes interrogées préféraient le CES-D, jugé rapide et simple au détriment du BDI jugé 9,3 % 16 % 36,8 % faibles ressources 19,8 % ressources élevées déprimant (depressing) – une autre a utilisé les deux échelles EPDS et CES-D auprès d’un même échantillon de mères adolescentes entre quatre et six semaines de post-partum et a montré des taux respectifs de dépression de 25,5 % (cut-off plus de 12) et 43,6 % (cut-off 16 ou plus) [40] ; • les échelles utilisées dans les études sélectionnées ne sont pas spécifiques des adolescentes. Logsdon et al. ont étudié la performance de l’échelle CES-D et de l’EPDS pour le dépistage de la dépression chez les mères adolescentes, en les comparant au diagnostic posé par un clinicien [40]. Il semble que l’EPDS soit le meilleur instrument de dépistage, mais la corrélation avec le diagnostic clinique reste faible, ce qui laisse subodorer une sous-estimation des difficultés psychologiques rencontrées par la jeune mère. Quel que soit l’instrument utilisé, les taux de dépression des mères adolescentes sont très élevés et nettement supérieurs à ceux des mères plus âgées, même si la prudence est de mise dans l’interprétation des résultats. Il s’agit premièrement de distinguer dépistage et diagnostic, puisque les instruments et les méthodes diffèrent selon les études. Deuxièmement, il importe de considérer le statut socioéconomique des mères adultes puisqu’il s’agit d’un facteur de risque démontré [37]. Enfin, l’importance des antécédents de dépression chez les mères adolescentes, notamment dans l’année précédant la grossesse, doit être relevé comme l’ont montré Nuns et al. [41]. Quoi qu’il en soit, la dépression périnatale dont souffrent les mères adolescentes constitue un problème important de santé publique. Ce problème ne fait pas l’objet d’une recherche systématique et est probablement sous-déclaré. Par ailleurs, ses conséquences sont multiples, notamment sur le développement du nourrisson et de l’enfant, les interactions mère-enfant, le devenir psychique de la mère et les pratiques parentales. À cela s’ajoute un risque accru de grossesse rapprochée (rapid repeat pregnancies dans le langage anglo-saxon) [42]. Les professionnels de la santé qui accompagnent les grossesses adolescentes doivent dès lors veiller à identifier leurs besoins spécifiques afin d’organiser une réponse préventive appropriée, dans une démarche interdisciplinaire et holistique. Il s’agirait notamment : F. Noirhomme-Renard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 340–346 • de procéder à une anamnèse bio-pychosociale lors de chaque contact avec la patiente en période prénatale, permettant notamment de s’enquérir d’éventuelles difficultés psychosociales durant la grossesse et de l’existence d’un soutien de l’entourage ; • de repérer la présence de symptômes dépressifs en période prénatale en utilisant des outils adéquats, et de ré-évaluer la dépression dans le temps. Une étude a ainsi montré la faisabilité et l’intérêt de l’utilisation de l’échelle EPDS lors des bilans de santé des enfants durant leur première année de vie [43] ; • de soutenir les mères de manière individuelle et/ou collective par une prise en charge précoce et interdisciplinaire de tous les aspects de leur santé physique, émotionnelle et sociale ; • d’élaborer précocement, en collaboration avec les équipes soignantes, un plan de suivi spécifique des jeunes parents et de l’enfant lorsque les situations à « haut risque » sont détectées (scores élevés de dépression, faible attachement maternofoetal, cumul de facteurs de vulnérabilité. . .) ; • d’organiser un programme de prévention globale destiné au père/partenaire alliant information, éducation, sensibilisation et soutien. L’objectif est de le responsabiliser dans son rôle de père, de renforcer ses compétences paternelles et ses capacités à faire face (coping) ainsi que de garantir la pérennité et la qualité de son implication dans la relation père-enfant. À ce sujet, une étude menée en Angleterre a montré que la plupart des pères se sentaient exclus de l’implication durant la grossesse par les professionnels de la santé qui, de leur côté, disent « en savoir peu au sujet des pères » [44]. Il a été démontré que des interventions incluant des visites à domicile montrent des niveaux plus élevés d’implication des pères [44]. Or une implication des pères accrue montre des effets positifs sur le développement de l’enfant [45]. Bien qu’il existe parmi les intervenants de terrain une certaine réticence à l’utilisation d’outils de dépistage au nom d’une politique de « non-stigmatisation » des familles, il semble pourtant approprié, dans une démarche préventive, de s’aider d’outils tels que des échelles validées de dépression pour identifier les futurs et jeunes parents ayant un besoin d’accompagnement renforcé dans cette étape de « transition à la parentalité ». Ces outils ont certes des limites, mais pour autant qu’ils soient bien choisis et utilisés dans un cadre défini et que des perspectives de prise en charge soient réelles, ils apporteront un bénéfice aux familles et aux enfants en « situations de vulnérabilité » (Tableau 4) [46]. Tableau 4 Schéma visant à opérationnaliser la démarche préventive en consultation pré- et post-natale [46]. Tous les parents Situations de vulnérabilité Enfant en danger Prévention Protection Soutien à la parentalité Accompagnement renforcé X X X X X Traitement X 345 Parmi les interventions à proposer aux jeunes mères dépressives il semble, selon Yozwiak et al. [47], que les interventions psychosociales soient les plus efficaces bien que des essais contrôlés randomisés soient nécessaires pour confirmer ces impressions. 5. Conclusion Les mères et futures mères adolescentes représentent une population à haut risque de dépression. Le repérage des facteurs de vulnérabilité de même que le dépistage précoce de la dépression et des troubles de l’attachement chez la mère adolescente devraient faire partie intégrante du suivi médical pré- et post-natal, selon une approche holistique et « compréhensive ». Lorsqu’elles sont repérées à un stade précoce, ces difficultés devraient pouvoir être prises en charge par une écoute, un accompagnement et des conseils adaptés. Cela permettrait d’influencer favorablement le bien-être de la mère, l’interaction mère-enfant, l’implication du père, la capacité des parents à comprendre et à répondre aux besoins de leur enfant et, in fine, de prévenir le risque de négligence ou de maltraitance. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Black MM, et al. Behavior problems among preschool children born to adolescent mothers: effects of maternal depression and perceptions of partner relationships. J Clin Child Adolesc Psychol 2002;31(1):16–26. [2] Pawlby S, Sharp D, Hay D, O’Keane V. Postnatal depression and child outcome at 11 years: the importance of accurate diagnosis. J Affect Disord 2008;107(1–3):241–5. [3] Murray L, Arteche A, Fearon P, Halligan S, Goodyer I, Cooper P. Maternal postnatal depression and the development of depression in offspring up to 16 years of age. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2011;50(5):460–70. 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