1–“You`re the price of my riddle game.”* EPICE 2015/2016 Résumé

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1–“You`re the price of my riddle game.”* EPICE 2015/2016 Résumé
1–“You’re the price of my riddle game.”
EPICE
2015/2016
Résumé : Une émission radio provoque un peu de remous dans la monotonie
existentielle de Jeremiah Mc Nelly, patron de Luxury Financial Companies©. Les choses
tournent à l’obsession lorsqu’il se prend au jeu, au détriment des animateurs de MCS-Radio.
L’espèce de thriller psychologique qu’il fera vivre à ce média l’entraînera dans ce piège qu’il a
toujours pris soin d’éviter jusqu’ici. Ce piège porte un nom : Lawson Read.
En donnant suite à un appel de dernière minute sur une impulsion, l’animateur du
Read talkshow va à l’encontre des règles de sa propre émission. Il ne se doute pas une
seconde que cet écart est sur le point de non seulement chambouler le quotidien de sa radio,
mais surtout retourner sa vie de fond en comble.
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Tu es la récompense de mon jeu de devinette.
ÉPISODE 2
— Tu sais que ça fait des heures que je poireaute ?
— Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? grogna Jeremiah.
— Ç’aurait été contraire au principe fondamental de la surprise, sourit Faye. Le jour où
ton visage exprimera la joie que tu éprouves à me voir – et je sais qu’elle est là, quelque part,
au fond de ce qui te sert de cœur – sera le premier jour de ta nouvelle vie, mon cher ami, ditil en faisant la moue pour cet accueil terne. Tu vivras enfin en harmonie avec tes sentiments.
— Pourquoi faut-il toujours que tu racontes des idioties ?
— Monsieur n’a pas son… manteau ?
Jeremiah se tourna vers celui qui venait de l’interpeller, sentant qu’il allait se faire
remonter les bretelles. Son majordome faisait ça. Lui remonter les bretelles au sens propre
comme au figuré. Richter le verrait toujours comme le jeunot maladroit de 20 ans dont le
père s’était presque débarrassé entre ses pattes.
— Désolé, je l’ai oublié au bureau, dit-il d’un air penaud. Mais j’avais mon écharpe.
— Si vous ressentez le besoin de vous justifier, et par là me « rassurer », c’est qu’une
part de vous n’est pas à l’aise avec vos agissements, dit l’homme un brin austère en le
débarrassant de ses effets.
— C’est mon anniversaire aujourd’hui ! s’indigna-t-il pour couper court à la
remontrance.
Richter haussa un sourcil qui en dit long. Faye pouffa, ce qui lui valut les foudres de
Jeremiah.
— Pourquoi es-tu là ? N’étais-tu pas censé crapahuter à Shanghai ?
Il lui en voulait de lui avoir menti, et d’avoir ainsi gâché une bonne partie de sa soirée.
S’il avait su que Faye rentrait à Narven, il se serait épargné les commérages des langues
vipérines qui se disaient ses « amis ».
— Et moi qui me suis plié le cul en quatre pour débarquer avant minuit, soupira Faye,
estimant que ses efforts n’étaient pas récompensés à leur juste valeur. Fais au moins
semblant d’être heureux de me voir !
— Je m’y emploie, assura Jeremiah en se débarrassant de ses boutons de manchette.
Il entreprit de se mettre à l’aise. Faye le suivit jusque dans ses quartiers. D’après ce
dernier, on ne pouvait décemment appeler cela « chambre ». Mais Jeremiah aimait vivre
dans sa chambre, une habitude acquise depuis la petite enfance. Alors tout le confort qui lui
était nécessaire s’y trouvait. Il pouvait carrément se passer du reste de sa villa. Il disparut
dans la grande pièce qui lui servait de dressing sans couper la conversation.
— Tu n’as pas tout suspendu à cause de moi, j’espère !
— Si je te dis que c’est rien d’irrattrapable, ça va te vexer.
— Ne joue pas l’imbécile.
— Honnêtement, ça me plairait que quelqu’un abandonne tout pour me retrouver, dit
Faye, pensif. Je déplore que ce ne soit pas ton cas.
— Que dois-je déplorer, moi ? demanda-t-il en quittant son dressing.
Pieds-nus, il était à présent vêtu d’un simple bas de survêtement en laine blanche. Le
confort absolu, d’autant plus que le sol était légèrement chauffé.
— Arrière, tentation ! lança Faye en le découvrant torse nu. C’est sadique ce que tu fais.
M’exhiber ton corps de rêve alors qu’il m’est interdit d’y toucher.
Jeremiah loucha dans sa direction, regrettant de ne pas avoir quelque chose à portée de
main pour le torpiller avec. Faye leva ce qu’il tenait. Une bouteille de champagne. Un Dom
Pérignon.
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— Tout droit sorti de son coffret édition limitée, dit-il en indiquant un petit box de
couleur vert nature sombre, au motif vintage et à l’esthétisme pourtant avant-gardiste. Le
design est signé Anouk Diesel. Une artiste sculptrice et décoratrice d’intérieur.
Dit comme ça, l’anecdote semblait insolite. Mais Jeremiah était au courant de la
pratique. Lorsque des Chef de Cave étaient en quête d’innovation et voulaient en quelque
sorte réinventer leurs millésimes, ils faisaient appel à des métiers de prime abord éloignés du
milieu viticole. Le résultat était du plus bel effet. Ce coffret mériterait d’être exposé.
— Et devine quel âge il a cette année ?
Jeremiah esquissa un sourire ironique.
— 40 ans d’âge ?
— Pas moins. Il fallait bien un millésimé pour marquer l’évènement.
Pour le coup, Jeremiah apprécia le geste. Son ami se leva et se dirigea vers le minibar
de la chambre, en quête de flûtes.
— Ce n’est pas ce que j’appelle un évènement, maugréa-t-il néanmoins en s’affalant
dans le fauteuil libéré par Faye. Ce n’est qu’une broutille. Le ridicule vieillissement d’un
individu sur une planète qui se paye le luxe d’avoir neuf zéros à son âge.
— Neuf zéros après un autre chiffre… (Faye lui lança un regard goguenard.) Tu ne
serais pas plutôt en train de me parler de ta fortune personnelle ? D’ailleurs, on ne l’a pas
encore fêtée comme il se doit.
Jeremiah soupira lourdement. Faye s’en inquiéta. Il lui tendit une flûte vide et entreprit
de le servir.
— Mon Dieu, c’est si terrible que ça ? demanda-t-il.
— Atteins mon âge et on en reparle.
À 34 ans, Faye estimait avoir encore de la marge, mais par solidarité il garda sa pensée
pour lui. Honnêtement, Jeremiah ne faisait pas ses 40 balais. Il aurait dû s’en réjouir, au lieu
de quoi, il déprimait.
— T’as que 40 piges…
— Si tu ajoutes que j’ai toute la vie devant moi, je te noie dans cette coupe.
Techniquement, je viens d’en vivre la moitié.
Jeremiah le menaça de son verre plein, avant que son regard courroucé ne se fasse
appréciateur en s’attardant sur les bulles d’une grande finesse qui remontaient du fond de la
flûte à la surface. La robe du breuvage était d’un doré magnifique. Presque hypnotique.
— Je ne pensais pas qu’elle viendrait aussi tôt, dit Faye, songeur, tout en remplissant
son verre de l’or liquide.
— Quoi ?
— La crise de la quarantaine.
— J’ai 40 ans, ce n’est ni tôt, ni tard. Elle tombe à point nommé. (Il marqua une pause.)
Mais… ça n’a rien à voir avec une fichue crise ! réfuta-t-il après coup.
Faye avait le chic de lui faire dire des conneries.
— Je ne m’y connais peut-être pas en crise, mais celle-ci ne fait aucun doute, Jeremiah.
T’es en plein dedans. À ta crise quadragénaire ! lança-t-il, levant son verre pour porter un
toast.
— Va au diable, grommela Jeremiah tout en faisant tinter le sien contre celui de son
ami.
— Tu dis ça mais t’es content de me voir, lâcha Faye après avoir savouré sa première
gorgée.
— Si tu attends que je l’admette, tu peux toujours courir.
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Néanmoins, Faye se satisfit du sourire en coin qui naquit sur le visage à la beauté
froide. Il se demanda toutefois si ce n’était pas dû au plaisir que retirait Jeremiah de la
suavité épicée et mature du champagne. Il était si racé, et son goût d’une extrême précision,
qu’il en était presque tactile. Le breuvage était ciselé en bouche et tout simplement divin,
évoluant entre densité et apesanteur, laissant les papilles vivre l’instant présent.
Le pétillant persistant sur la langue, Jeremiah quitta sa place et alla activer un
interphone d’une blancheur immaculée. N’eut été la petite lueur clignotante verte qui
indiquait sa position, il se fondait carrément dans le mur.
— Richter, qu’en est-il du courrier aujourd’hui ?
— Dans votre bureau, monsieur. Mais il vous est interdit d’y pénétrer avant demain.
Jeremiah se tourna vers Faye comme pour partager sa perplexité.
— Et… pourquoi ?
— Parce que c’est votre anniversaire aujourd’hui, qu’il est tard, que vous avez un invité,
et qu’il serait temps d’apprendre à vous détendre une fois chez vous. Surtout à 10 heures du
soir. Vous n’êtes plus tout jeune.
Enfin un qui ne disait pas le contraire, même si c’était avec sarcasme. Ça n’empêcha pas
Jeremiah de grimacer.
— C’est nouveau, ça. Et par « invité », tu veux dire Faye ?
— C’est exact, monsieur.
— Si je ne connaissais pas ton sens de l’humour, je m’inquièterais que quelque chose te
soit tombé sur la tête, Richter.
Faye renifla sa désapprobation. Comment était-il censé le prendre ?
— J’ai toujours craint que le ciel me tombe sur la tête, monsieur, pontifia Richter. Fort
heureusement, ce n’est pas pour demain. Ravi que vous saisissiez enfin mon sens de
l’humour. Par contre, je suis très sérieux quand je vous dis que votre bureau est une zone
sécurisée. Il est tard, mais un petit « en-cas » vous attend en cuisine. Une chemise serait le
minimum syndical.
Jeremiah grommela avant de couper la communication.
— Parfois je me demande qui commande.
— Tu aimes qu’il te commande, nuança Faye, amusé. Je parie que ce petit « en-cas » se
mariera à merveille avec le Dom Pérignon.
— Connaissant Richter, tu ne prends aucun risque avec ce pari, subodora Jeremiah. Il
est gagné d’avance.
Ils entreprirent de se rendre en cuisine une fois que Jeremiah se fut dégoté une chemise
comme recommandé.
S’il y avait un mot inventé pour Richter, ce serait « chef ». Déjà, l’homme à l’orée de la
soixantaine adorait donner des ordres. Même s’il avait l’habileté requise pour les changer en
« conseils ». Mais plus que tout, c’était un chef dans l’art culinaire. S’il quittait son travail de
majordome, il n’aurait aucun mal à se reconvertir dans la restauration.
Mais pour Richter Hawlett, être majordome de Jeremiah Mc Nelly n’était pas un
travail. C’était une nécessité. Comme la terre se devait de tourner sur son axe géocentrique,
de peur de voir arriver une ère glaciaire sur sa face non éclairée par le soleil, si d’aventure elle
cessait sa rotation. Sans son majordome, Jeremiah Mc Nelly ne vivrait pas. Il survivrait. On
appellerait cela vivoter, et non vivre.
Ils le savaient tous les deux. Un équilibre s’était créé entre eux, à tel point que Faye
appelait parfois Richter, Alfred, en référence au maître d’hôtel d’un certain Bruce Wayne.
Seulement, excepté sa colossale fortune, Jeremiah n’avait rien de Mr Wayne. Enfin, si l’on
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n’assimilait pas son côté terrifiant en affaires à la partie cachée nocturne du milliardaire de
Gotham City.
Le repas était une manière de lui souhaiter un joyeux anniversaire. Richter savait qu’il
n’aimait pas le fêter. Mais il faisait toujours un geste à sa façon. Aujourd’hui, c’était son « encas » préféré. Si tant est qu’un menu avec apéritif, entrée, plat et dessert, soit considéré
comme un « en-cas ». Son majordome avait un faible pour la litote.
L’homme n’avait fait aucun faux-pas. Tout millésime Dom Pérignon qui se respectait,
s’accordait majoritairement avec des fruits de mer, du caviar, ainsi que d’autres chairs
blanches telles que du poisson ou certaines volailles. L’entrée au menu cette nuit-là était
composée de verrines de bouillon dashi et jus d’huître, servies comme mise en bouche et
accompagnées d’un caviar Prunier St James enrobé d’une crêpe de châtaigne. Le plat serait
constitué du fruit de mer favori de Jeremiah, du crabe grillé au bois de réglisse, sur son lit de
légumes façon chop-suey.
Richter avait songé aux allergies de Faye pour les crustacés. Si son ami n’avait pas
touché au jus d’huître, choisissant le bouillon japonais, en plat il s’était vu servir un
consommé de canard à la badiane et au poivre blanc accompagné de son jus, ainsi que
d’aubergines. En sauce, le choix oscillait entre de la gelée de citron confit et de la gelée
balsamique. Quand vint le dessert, ce fut ce fameux mariage magique de fruits rouges et de
champagne.
— Il savait que tu apportais un Dom Pérignon, comprit Jeremiah en faisant un bilan sur
ce menu parfait, alors qu’ils investissaient le salon, repus. Vous étiez de mèche.
— Surprise ! fit Faye d’un ton enjoué. Je ne te cache pas qu’on s’est inquiétés qu’elle
tombe à l’eau. Tu as failli la gâcher en ne rentrant pas à l’heure prévue. Et il ne pouvait pas
t’appeler, de peur de te rendre suspicieux.
— J’avais été invité par Joris au Belladona.
— Oh… (Faye se décomposa presque. Dire qu’il s’était volontairement affamé dans
l’avion pour l’occasion...) Tu avais déjà mangé, alors.
— Non, je me suis décommandé au dernier moment. Et cesse avec ce ton geignard, tu
sais que j’y suis insensible.
— Pourquoi avoir annulé ? s’enquit l’autre, soudain intrigué.
— Parce que je n’avais pas envie de souffrir leur compagnie ce soir, ça te va ?
Faye se rencogna dans son siège.
— Je te manquais, dis-le. (Il n’eut droit qu’à un grommellement suivi d’une grimace
puérile.) Mais tu as annulé alors qu’ils voulaient sûrement te fêter ton anni…
— Je ne crois pas, non, le coupa Jeremiah en s’allongeant de tout son long dans le
canapé, posant ses pieds sur l’accoudoir. C’est à peine s’ils savent quel jour on est. Et avant
que tu ne dises quoi que ce soit, haussa-t-il le ton pour l’empêcher de renchérir, ça me va très
bien ! Tu sais combien je déteste recevoir des choses de la part d’hypocrites. Encore moins en
ce jour.
Faye se pinça les lèvres. Quelque chose s’était mal passé. Mais son ami ne lui révèlerait
rien s’il le harcelait de questions. Il laissa couler pour l’instant.
— Quoi qu’il en soit, c’est une bonne chose que tu aies décommandé. Tu n’aurais pas pu
faire honneur à ce merveilleux repas, déclara-t-il.
— C’était délicieux, Richter ! lança Jeremiah alors que l’homme s’affairait en cuisine
avec le lave-vaisselle. Et merci de n’en avoir pas fait un dîner aux chandelles.
Le majordome renifla son assentiment alors que Faye montrait à nouveau son
indignation.
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— Je me dois de protéger vos arrières des assauts de ce loup, dit Richter de retour dans
le séjour, avant de se diriger vers la cheminée en vue de raviver le feu. Inutile de lui donner de
fausses idées avec une décoration de table romantique.
Faye s’insurgea. Cet homme et son majordome aimaient le tourner en bourrique. Mais
s’il râlait, ce n’était qu’en surface parce qu’il appréciait grandement leur ouverture d’esprit.
Quand il avait commencé à côtoyer Jeremiah, il avait craint que ce dernier ait été élevé
à coups de valeurs puritaines et conservatrices très vieux jeu. Il avait appris par la suite que
celui qui deviendrait rapidement son meilleur ami, s’était comme qui dirait élevé tout seul, en
mode free-style jusqu’à ses 20 ans. Puis Richter était venu à la rescousse avant que ça ne
tourne au désastre. L’ouverture d’esprit de Jeremiah était en réalité le fruit de « l’éducation »
de cet homme.
— Je ne suis pas un loup, Richter. Je suis un parfait gentleman.
— Mais un gentleman n’est rien moins que le plus patient des loups, monsieur Warrick.
Ce sont les plus dangereux, les prédateurs patients.
Jeremiah s’esclaffa, pour le plus grand bonheur de Richter. Même si ça se faisait à ses
dépens, Faye esquissa un sourire. Cette beauté rigide gagnait tellement à rire.
— Il faut aussi dire que votre première rencontre ne prêche pas en votre faveur.
— J’étais soûl quand je l’ai rencontré la première fois, se justifia Faye. Sinon je ne
l’aurais pas dragué avec autant de balourdise. Et c’est nul de déterrer de telles momies !
C’était à un gala que Jeremiah organisait dans sa villa d’été, sur l’île artificielle de Little
Balmer. Faye y avait été quasiment traîné par un ami alors qu’il n’aspirait qu’à s’enfermer
dans sa suite d’hôtel pour recoller les morceaux d’un cœur brisé. Ça remontait à quelques
années, maintenant. Six ans à peu près. Il était loin de se douter que leur relation évoluerait
jusqu’à ce stade.
Ils avaient fini par devenir partenaires en affaires. Et comme d’autres étaient
camarades de beuverie, eux l’étaient au jeu, s’étant découverts cette passion commune pour
la gageüre. Leur passe-temps de prédilection était le poker. Pour Jeremiah, ça coulait presque
de source. Il avait grandi dans ce milieu.
La famille Mc Nelly détenait les rênes du groupe Green Casinos© à hauteur de 61%. Le
groupe avait été fondé par son grand-père, et était le second challenger sur le marché du tapis
vert, derrière la firme de Mr et Mrs Coppola à qui appartenait entre autres le Big C©, le plus
grand casino du pays établi à Nior. L’entité qu’était Green Casinos© comptait aujourd’hui
une vingtaine d’établissements ludiques à travers le monde, une dizaine d’hôtels de luxe, trois
grands golfs, et employait au bas mot 3500 collaborateurs.
Une partie de la fortune personnelle de Jeremiah avait été amassée sur les tables vertes
des casinos. C’était au jeu qu’il s’était fait un capital de base, 20 ans plus tôt, avant de le
fructifier de manière intelligente. Et de l’intelligence, il en avait toujours eu à revendre.
À l’occasion, il organisait des tournois en comité restreint dans ses résidences
secondaires. Celle de Little-Balmer était la plus connue, son succès ayant passé le cap du
bouche à oreille, au point d’avoir été « réquisitionnée » à quelques reprises pour l’une des
étapes du World Poker Tour. Enfin, disons que ça faisait partie de ces choses qui arrivaient
quand on était copain avec le fondateur de la société WPT Enterprises Inc.1
Le cadre des marinas était exceptionnel et attirait un monde trié sur le volet, certains
joueurs venant des Caraïbes ou de Monte-Carlo. C’était ainsi que Faye avait atterri dans ses
pattes, embarqué par une de ses connaissances du milieu.
1
World Poker Tour Enterprise Inc. est une entreprise réelle, chargée de l’organisation du tournoi mondial de poker.
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— Tu appelles ça dragué ? hoqueta Jeremiah. Tu m’as littéralement sauté dessus, alors
que je t’aidais à garder le contenu de ton estomac à sa place. Avant de le déverser malgré tout
sur mes chaussures !
Faye, en plein chagrin d’amour cette soirée-là, avait bu plus que de raison. Si à
première vue Jeremiah avait voulu sauver cet inconnu du ridicule, c’était surtout pour l’une
de ses tables de poker qu’il s’inquiétait. Les haut-le-cœur du mec bourré, affalé sur la surface
de jeu, avaient été une vision d’horreur. Jouer les bons samaritains lui avait coûté ses
chaussures. À moins que ç’ait été une façon de lui faire payer son manque d’empathie pour
l’humain, et sa compassion pour son tapis vert. Il les adorait, ces godasses !
— C’est à ce point intrigant que je ne m’en souvienne pas, dit Faye sans une once de
gêne, en se tapotant la lèvre. Je veux dire, tu me connais. Mon état d’ébriété n’atteint jamais
le stade amnésique. C’est contreproductif au jeu. J’en suis venu à croire que c’est pure
invention de votre part.
— J’aurais dû garder ces chaussures comme preuve de ton crime au lieu de m’en
débarrasser, grogna Jeremiah, outré.
— Si ce n’est que ça, intervint Richter, je peux vous trouver la preuve de ce que nous
avançons. J’ai fait nettoyer ces chaussures avant de les donner à une association caritative.
Elles étaient hors de prix, pour être ainsi mises au rebus. Même si ça date, il ne me sera pas
difficile de retrouver la facture du pressing dans les archives de mes comptes.
De ce fait, Richter avait cette manie de conserver pendant des années toute trace de la
moindre transaction financière. La raison ? « On ne savait jamais. »
Jeremiah soupçonnait autre chose. Plus jeune, Richter avait été acquitté d’un crime
qu’on lui avait mis sur le dos, grâce à une preuve venue corroborer son alibi. Un alibi au
départ rejeté par les enquêteurs, avant que ne surgisse la preuve d’une transaction financière
impliquant qu’il ne pouvait être à la fois sur le lieu du crime et en train d’effectuer cet achat.
Mais son majordome ne parlait pas facilement de son passé. C’était compréhensible.
Jeremiah avait dû faire mener l’enquête dans son dos. Il servit un sourire victorieux à Faye.
— Pourquoi devrions-nous raviver des souvenirs aussi peu alléchants d’un homme
amnésique ? argua ce dernier, se sentant acculé. Surtout que ce sont vos souvenirs, pas les
miens. Vous me jugez sur la base de quelque chose que mon subconscient, mon inconscient
et ma conscience ne reconnaissent pas !
— Tu aimes t’entendre parler, hein ? fit Jeremiah en remuant la tête.
— Pas autant que toi.
— Messieurs, commença Richter, je me retire en vous souhaitant une bonne nuit. Si
vous avez besoin de quoi que ce soit, « sonnez », dit-il avec une pointe de sarcasme. Monsieur
Warrick, la chambre d’ami est à votre disposition, comme d’habitude. Inutile de vous
rappeler que monsieur ici présent pratique de la boxe Thaï. Et c’est un euphémisme que de
dire qu’il se débrouille.
Jeremiah éclata de rire alors que l’indignation faisait son grand retour sur le visage de
Faye.
— Il me prend vraiment pour un obsédé, ma parole, soupira-t-il lorsque Richter s’en fut
dans ses appartements. Il pense que je vais me faufiler dans ta suite à la faveur de
l’obscurité ?
— C’est toi qui le dis. Nous savons tous les deux que ta libido est un animal mal tenu en
laisse.
Faye se renfrogna. Il la gérait très bien, sa libido. Il était un bon maître, quoi qu’en
pense Jeremiah. Ce n’était pas lui qui avait un problème. S’il n’avait pas vu son ami avec
quelques conquêtes d’un soir, Faye aurait pensé qu’il était frigide.
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— Il faut croire que ta réputation de playboy lui est parvenue, continua Jeremiah.
— Tu sais bien que ce n’est qu’une façade, avoua-t-il sans détour.
— Ce n’est pas l’avis des cœurs brisés que tu collectionnes.
Faye était devenu une espèce de salaud « soft », pour reprendre ses propres mots,
depuis qu’on lui avait mis le cœur en charpie. Et il le reconnaissait volontiers. À croire qu’il se
vengeait. Ce pourquoi Jeremiah trouvait cette chose hérétique. L’amour était une hérésie, s’il
faisait autant souffrir et vous laissait si aigri. Une chose qui était son contraire était absurde.
— Et les cœurs que tu brises, toi, on en parle ?
— Mes aventures n’impliquent pas le cœur, Faye, dédaigna Jeremiah. Celles avec qui je
suis sortie n’en avaient qu’après mon corps ou mon compte bancaire. Pas après mon cœur.
Visiblement ça lui allait très bien. Tant que ce critère-là n’était pas spécifié avec sa
partenaire, il ne la mettait jamais dans son lit. Faye lui lança un regard sceptique. Jeremiah
haussa un sourcil pour signifier qu’il n’y avait pas matière à débat.
— Et tu comptes le donner un jour, ce cœur ? s’enquit Faye avec circonspection.
— Il est mien. Je suis né avec. Pourquoi le donnerai-je ? En tout cas pas de mon vivant.
Je ne le cèderai qu’au moment de faire usage de ma carte de donneur d’organe.
— Tu m’as compris ! râla son ami.
Jeremiah pouffa, puis reprit son sérieux.
— Pas plus que toi.
— C’est différent. Tu ne peux comparer ton cas au mien. Ce qu’il me reste de cœur ne
peut plus aimer, mais au moins je cherche à qui le confier.
Jeremiah se rembrunit.
Le confier à nouveau, malgré qu’un autre en ait fait des confettis que tu as eu du mal à
recoller ?
C’était ce romantisme absurde chez son ami qui faisait que six ans plus tard, il n’avait
pas encore fini de rafistoler les pans de son cœur déchiré. La preuve en était ce tempérament
de playboy aguerri, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
Sans jamais l’avoir rencontré, Jeremiah haïssait le « salopard » qui avait un jour tenu le
cœur de Faye entre les mains. Ce dernier ne parlait jamais vraiment de cet ex. Tout ce qu’il
savait de lui, c’est qu’il s’agissait d’un homme. Mais il avait le pressentiment que ce n’était pas
lui le méchant de l’histoire. C’était le pire des cas : devoir faire porter le blâme au gentil, par
amitié pour le bad guy. On n’en attendait pas moins d’un ami.
Quoi qu’aient été les torts de Faye, la fin de cette relation avait brisé quelque chose en
lui, probablement de manière irrémédiable. Il fallait un cœur bien arrimé pour aimer. Mais
continuer d’aimer après avoir été défait requérait une force encore plus grande. Et le cœur de
son ami n’en avait sans doute plus à disposition…
— Tu cherches à qui le confier, répéta Jeremiah, méditatif. En courant tous les jupons
et en mettant la main aux culs moulés dans du slim qui passent sous ton nez ?
— C’est une démarche comme une autre, opposa Faye avec aplomb. Elle a des
avantages, ajouta-t-il avec un sourire grivois en voyant l’autre rouler des iris. Il est clair que
l’autre n’était pas la bonne personne. Mais toi, tu ne fais même pas mine de t’y intéresser.
Jeremiah retint une moue. Si Faye voulait être crédible en disant que cet homme n’était
pas le bon, qu’il mette un peu plus de conviction dans sa voix !
— Là n’est point mon centre d’intérêt, soupira-t-il.
— Quand cela le deviendra-t-il ?
— Pourquoi… (Jeremiah marqua une pause, soudain suspicieux.) Serais-tu en train
d’essayer de me « caser » parce que j’ai atteint un « certain » âge ? demanda-t-il en mimant
les guillemets, la mine sombre. Donne-moi une raison de ne pas me vexer.
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Faye retint une grimace, sentant que Jeremiah pouvait vraiment mal le prendre. Il
devait faire gaffe à sa réponse. Ce type se vexait difficilement, mais il se vexait très mal.
— C’est pas ça. Je suis juste… curieux.
— Curieux ?
— Oui.
— De quoi ?
— Curieux de voir à quoi tu ressembles quand tu es amoureux. Ça n’est jamais arrivé
depuis que je te connais. Je suis d’avis que ça doit être intéressant à observer.
— Tu as fini de me prendre pour un cobaye de labo à étudier ?
— Mais c’est plaisant de t’étudier, gloussa Faye. Tu te doutes bien que c’est la seule
raison qui justifie notre amitié.
Jeremiah se demanda s’il était normal de ne pas prendre ombrage de pareille assertion.
Bah, s’il restait avec cet idiot, c’était aussi pour des raisons similaires. Faye ne l’ennuyait pas.
Mais plus que tout, l’homme ne savait pas faire preuve d’hypocrisie. Il était authentique. Ça
ne l’empêchait pas de manier le sarcasme et l’ironie avec brio, ce qui aux yeux de certains
moins subtils, passait pour une forme d’hypocrisie.
Jeremiah avait grandi en ayant les hypocrites en horreur. Seulement, il s’était fait une
raison en voyant à quel point les interactions sociales dans son milieu ou partout ailleurs
reposaient sur ce grand socle nommé hypocrisie. Même en affaires. C’était une constante du
système. C’était donc à lui de s’adapter à la société, pas l’inverse. Alors un ami tel que Faye,
pour lui, était une perle.
— En quoi serais-je intéressant de tomber amoureux ? Rien que formuler cela me paraît
inepte. Tomber amoureux… C’est l’expression la plus désagréable que j’ai jamais entendue.
Qui accepterait de « tomber » en étant sain d’esprit ?
Faye s’esclaffa, non sans être alarmé par ce qu’il entendait.
— Si tu avais déjà vécu une relation passionnelle qui t’a laissé le cœur sur le carreau, je
pourrais comprendre que tu sois aussi désabusé. Mais là, c’est extrême. Et puis personne ne
décide de tomber. À part dans un dojo, l’acte de « tomber » n’est pas volontaire. En général,
on ne s’y attend pas quand ça nous arrive.
— Il suffit juste de faire attention de ne pas trébucher, marmonna Jeremiah en retenant
un bâillement. Faire gaffe à l’endroit où l’on pose son pied ne demande pas tant d’effort que
ça.
Faye retint un sourire. Il attendait avec impatience le jour où Jeremiah rencontrerait
cette personne. Celle qui le plongerait sans merci dans les tourments de l’amour. Mais au
train où allaient les choses, peut-être que ça n’arriverait jamais. Comme disait Jeremiah, ce
n’était pas du tout son centre d’intérêt. Les siens volaient à dix milles lieux de là.
À moins que ce ne soit surtout le fait que pour plaire à quelqu’un, on avait tendance à
enjoliver certains aspects de soi. À « bricoler » la vérité. Ce que Jeremiah classait
systématiquement dans le registre « hypocrisie ». Il refusait d’y voir de la subtilité avec une
véhémence telle qu’il était ardu de lui faire faire un compromis.
Face à l’être que l’on convoitait ou qui nous attirait, on montrait une facette pas
forcément erronée, mais plutôt embellie de notre personne. Tout était fait pour donner une
meilleure image de soi, dans le but de laisser une bonne impression à l’objet de son désir.
Hélas, ce qui n’était autre que le principe de la séduction, portait le nom d’hypocrisie pour
Jeremiah. Et c’était bien dommage. La faute à qui ? Certainement à papa et maman Mc
Nelly…
9
Joseph Mc Nelly, actuel président du conseil de surveillance et du comité stratégique de
Green Casinos©, avait toujours montré au monde un visage qui n’était pas le sien. Du moins,
depuis que Jeremiah le connaissait.
Faye avait découvert que son ami avait grandi avec une belle-mère. Denitsa jouait les
mères de substitution uniquement pour complaire aux invités. En réalité, elle ne faisait que
peu de cas de la progéniture de son époux une fois à l’abri des regards indiscrets.
Pour Mc Nelly père, cet enfant rescapé d’un ancien mariage bâclé, avait fini par devenir
une nuisance. Jeremiah avait neuf ans quand sa mère, Phédra, s’en était allée avec un autre
homme… en raison de son portefeuille plus large que celui de son ex-mari à l’époque. Depuis,
Joseph avait mis un point d’honneur à fructifier l’héritage familiale afin d’amasser une
fortune telle qu’il pouvait se rire du bellâtre aujourd’hui. Tout cet acharnement s’était fait aux
dépends de la relation filiale de Jeremiah.
Son père avait tout d’abord refusé qu’il garde un contact avec sa mère, pour la punir
d’être partie. Et aux yeux de tous, Joseph peaufinait l’image de sa nouvelle
« mignonne famille recomposée ». Lui, son fils Jeremiah, sa seconde épouse Denitsa, et la
fille de celle-ci : Casey.
Quant à Phédra, elle avait tenté d’acheter Jeremiah durant son enfance par une
générosité de façade, en dépit de l’embargo paternel ; allant jusqu’à le pousser à comparer la
fortune de ses deux parents, une fois devenu ado, histoire de faire un choix entre « le
meilleur » d’entre eux. Apparemment le but était de départager à qui reviendrait sa garde, en
se basant sur le poids de leur compte bancaire.
Le résultat avait été pire. Jeremiah avait mis son intellect au service du « profit ». Au
point de devenir, à 22 ans seulement, l’une des 15 plus grandes fortunes nationales, coiffant
père et mère au poteau et leur clouant définitivement le bec. Il n’avait pas besoin d’eux pour
réussir. Telle avait été sa litanie durant une bonne partie de sa vie d’étudiant. Une vie qui
n’avait été qu’une course pour le leur prouver.
Aujourd’hui, il figurait dans le Top 3 des hommes les plus riches du pays. Et ce n’était
pas grâce à un héritage. Dans tout ça, il s’était oublié lui-même, quelque part, en chemin.
Faye trouvait cela triste. Impressionnant et triste. Il doutait même que Jeremiah sache
s’amuser, avant de l’avoir rencontré. « S’amuser » au sens Warrick du terme, s’entendait.
— Peut-être que ça ne t’intéresse pas parce que tu ne regardes pas au bon endroit,
hasarda-t-il. As-tu déjà songé à jeter un œil de « l’autre côté de la rive » ?
— Si tu tentes à nouveau ta chance, laisse-moi t’épargner cette peine en te disant une
énième fois que c’est perdu d’avance, soupira Jeremiah avec lassitude.
— Mais non ! s’irrita un peu Faye. Arrête de te prendre pour le nombril du monde. Déjà,
t’es pas mon type de mec.
Jeremiah haussa un sourcil narquois à son encontre. L’agacement de Faye qui venait de
grimper d’un cran face à sa mimique, sembla l’amuser.
— En plus d’être difficile à cerner, t’es trop autoritaire ! glapit Faye. Je finirais par te
tuer si on était en couple, balança-t-il avec exaspération, lui faisant foncer les sourcils.
Conseil d’ami, si jamais tu devais sortir avec un mec, choisis-en un qui ait un tempérament
spongieux. (Jeremiah le toisa d’un air torve. Gné ?) Du genre qui absorbe et laisse couler.
Comme une éponge, quoi. Celui du type « balle de boxe » qui rend les coups, comme moi par
exemple, finirait en prison pour t’avoir zigouillé lors d’un instant d’énervement.
Jeremiah se redressa, interloqué. Était-ce comme ça que le voyait son ami ? Il est vrai
qu’il avait une poigne rigide. Mais il fallait se montrer de fer, quand on était à la tête d’un
monstre financier tel que L.F.C©. En tenir les rênes n’était pas donné à n’importe quel
quidam. Il estimait toutefois savoir manier le gant de velours nécessaire à adoucir cette
10
poigne. À moins qu’il ne fasse fausse route et que son entourage ait peur de le lui signifier.
Devait-il méditer là-dessus ?
Il renifla finalement de dérision. Qu’ils le craignent ! Ses employés ne feraient que plus
consciencieusement leur travail. Par moment, il était plus approprié d’être le boss plutôt que
le leader. Et ça lui allait très bien !
— Pourquoi débattons-nous de ça ? balaya-t-il d’un geste de la main. Ce n’est pas
comme si les hommes m’intéressent.
— Mais émettons l’hypothèse que tu en trouves un qui t’intéresse finalement, insista
Faye. Autrement que comme un sujet d’étude social, ajouta-t-il pour couper tout contreargument. Tenterais-tu ta chance ?
Jeremiah se recoucha dans le canapé, posant son avant-bras sur ses yeux, une manie
indiquant qu’il était détendu. Il n’avait jamais songé à la question. Les femmes – sur du long
terme – ne l’intéressaient guère. Celles de son entourage étaient trop superficielles ; juste
bonnes à assouvir un besoin charnel ; à alléger le stress l’espace d’une ou deux nuits. Et
c’était impensable d’en trouver une hors de son milieu.
Séduire une femme qui ne partageait pas son statut social venait avec de nombreuses
complications. Primo, ce serait trop facile dans la grande majorité des cas. Il n’aimait pas la
facilité. Secundo, il faudrait la dompter pour qu’elle ne s’enfuie pas en courant ; l’éduquer
pour qu’elle s’adapte à son univers ; s’assurer que le faste de son monde ne lui fasse pas
perdre les pédales à la longue. Et tertio, elle devrait composer avec son tempérament difficile.
On ne se refaisait plus, à 40 ans.
Oui, c’était définitivement trop de travail, et il avait les excès en horreur. Il aimait le
juste milieu des choses. Pour commencer, il n’avait tout simplement pas le temps de le
quitter, son fichu milieu. De toute façon, « quitter son milieu » n’était pas une option. On ne
fuyait jamais très longtemps loin de ses origines. Il paraissait que le fruit ne tombait qu’au
pied de l’arbre. Conclusion, se trouver une femme était trop « chiant » pour susciter son
intérêt.
La plupart du temps, Jeremiah appréciait sa solitude. Il était du genre asocial et n’avait
jamais considéré cela comme une tare. Opinion renforcée ce soir par ses soi-disant « amis »
au Belladona. Quant aux hommes, encore fallait-il qu’il les « regarde ». Cependant, s’il devait
donner une réponse honnête à son ami…
— Je ne sais pas. Ou alors il faut vraiment qu’il m’obsède. Mais je pense qu’une fois
cette soif obsessionnelle assouvie, je m’en désintéresserai, avoua-t-il.
Faye laissa échapper un long soupir. Le problème de Jeremiah résidait là. Ce n’était pas
que les choses ne l’intéressaient pas. Elles échouaient juste à maintenir son attention. À la
focaliser. À force, il en devenait paresseux, refusant de s’investir dans une tâche dont il savait
d’avance qu’elle perdrait rapidement tout intérêt à ses yeux.
Exception faite à son travail, il passait très vite à autre chose. Trop souvent. Il était une
sorte d’hyperactif mental. Toujours à prévoir le prochain coup. Il abordait la vie comme un
joueur de poker qui avait déjà lu les futurs mouvements dans une partie. Une espèce de génie
de l’anticipation. Ce qui donnait aux gens l’impression qu’il vivait à 100 à l’heure, brûlant ses
années de vie sans prendre le temps de se poser. De savourer. D’apprécier ce qu’il avait sur le
moment. L’instant présent.
— Joyeux anniversaire, Jeremiah.
— Tu ne pouvais pas t’en empêcher, hein ? marmonna-t-il d’une voix ensommeillée.
— Il est minuit moins une, rétorqua Faye en consultant l’horloge au-dessus de la
cheminée. Dans quelques secondes, j’aurai perdu le droit de te le dire.
11
— De toute façon tu n’en aurais fait qu’à ta tête, abdiqua Jeremiah. Enfin… il n’y a que
toi qui puisses me le souhaiter de vive voix sans me contrarier, dit-il dans un murmure.
Toi, et probablement un certain animateur radio…
Faye eut une moue attristée. Ce n’était pas souvent que Jeremiah donnait dans ce genre
de sentimentalisme. Si à 40 ans ça le travaillait toujours, alors à quel point s’était-il senti seul
à chacun de ses anniversaires depuis qu’il était en âge de s’en souvenir… ? Il était temps que
son ami se détache de l’ombre de sa famille bancale. Mieux valait lui changer les idées. Il vint
lui tapoter la cuisse pour le motiver à regagner son lit.
— Extinction des feux, moussaillon. Je commence à ressentir les heures de vol, moi
aussi. Ne me force pas à te porter, tu pèses ton poids en muscles.
— C’est toujours mieux que de peser son poids en gras.
— Tu insinues quoi, là ? Que je suis gros ? Les femmes aiment la douceur des poignées
d’amour. Et d’aucuns disent que j’ai la peau sur les os, s’offusqua Faye en le tirant sans
ménagement du canapé, l’arrachant à son cocon sans compassion.
— C’est sûr que si tu te sers de ta famille comme référentiel, tu as effectivement les os
saillants, lâcha Jeremiah qui avait toujours été peu tolérant envers ceux qui faisaient des
excès.
Et la fratrie de Warrick faisait dans l’excès. Leur surpoids n’était pas tant un problème
de métabolisme. Ils adoraient manger, point. Ils estimaient que l’esthétisme ne se trouvait
pas dans la « maigreur ». Sauf que leur critère de minceur était, comment dire… très biaisé. À
chaque fois que Jeremiah s’était retrouvé par un malheureux concours de circonstances
entouré des membres de cette famille chtarbée, on l’avait gavé à l’en rendre malade. Hélas, il
était très ardu de dire non à madame Warrick.
Si Faye avait échappé à leur moule de rondouillards, c’était uniquement « grâce » aux
nombreuses allergies qu’il se payait, allégeant son régime alimentaire de façon drastique. Le
reste de sa famille s’amusait à dire qu’il ne partageait pas leur sang. Mais d’une certaine
façon, Faye ressemblait aussi bien à son père qu’à sa mère. Difficile d’accuser cette dernière
d’avoir triché avec le voisin. Jeremiah sourit à cette pensée.
— Dis, comment pourrais-je dédommager une radio ? demanda-t-il brusquement.
— T’es déjà en phase de sommeil paradoxal, c’est ça ? Tu es en plein délire onirique.
— Non, sérieusement. J’ai empêché un jeu radio de se dérouler correctement. Je crains
de m’être mis des auditeurs à dos. Mais plus que tout, j’ai mis l’animateur dans l’embarras.
J’aimerais trouver le moyen de les dédommager, et ce n’est pas évident.
Faye se pinça l’arête du nez. Il allait encore devoir demander à son ami de rembobiner
la cassette. Jeremiah croyait par moment que les gens étaient télépathes. On était censé
comprendre toute l’histoire dès le premier mot qui sortait de sa bouche. Aussi inepte soit-il.
Et c’était ainsi qu’il fonctionnait au bureau, poussant parfois ses employés à lui obéir au doigt
et à l’œil sans trop chercher à discuter. Heureusement que ses directives et décisions
implacables étaient le plus souvent les bonnes.
— Tu me la refais ?
Jeremiah lui relata sa soirée bizarre, omettant toutefois de rapporter la conversation
désagréable qu’il avait surprise à son sujet. Faye le dévisagea en clignant plusieurs des
paupières, comme s’il avait une poussière dans l’œil.
— C’est ridicule à dire, mais c’est le truc le plus osé que t’aies jamais fait. (Jeremiah s’en
vexa et il dut repréciser sa pensée.) Je veux dire, tes sports extrêmes mis de côté, on ne
s’attendrait pas à ce que tu fasses un truc aussi… J’ai pas le mot. C’est juste pas qualifiable,
venant de toi.
12
— En quoi est-ce si insolite ? (Faye lui lança un regard qui se passa de commentaire.)
Soit, concéda-t-il. Comme diraient certains, le rock n’est pas ma came. Mais il n’y a que les
imbéciles qui ne changent pas d’avis.
— Alléluia ! s’exclama Faye qui désespérait de voir arriver le jour où son ami
apprécierait ce style musical. Mon frère, bienvenue dans la Guilde de ceux qui ont du goût ! Il
doit être béatifié, cet animateur radio. C’est quoi déjà, comme émission ? Le Read talkshow,
tu dis ? Je ne connais pas…
Jeremiah grognassa. Le nombre de conneries que Faye pouvait débiter à la journée…
Franchement !
— Là n’est pas le sujet. En répondant à cette devinette en direct, j’ai empêché des
centaines, peut-être même des milliers de gens, de recevoir une chose qu’ils attendaient avec
impatience.
— Ne te monte pas la tête ! le chapitra presque son ami. Ça ne m’a pas l’air d’être une
radio très connue. Si elle est juste locale, y’a pas tant de monde que ça qui participe. En plus,
rien ne dit qu’ils auraient été nombreux à trouver réponse à cette devinette.
— Oui mais…
— Bah, t’auras qu’à faire un geste, un « don » si tu veux, à la radio.
Faye ne comprenait pas pourquoi ça le préoccupait autant. Mais quelque part, il
n’aurait pas dû s’en étonner. De ce qu’il avait compris de cet homme, on lui avait appris à ne
pas « déranger » les gens. Dès son plus jeune âge, Jeremiah avait été « éduqué » pour ne pas
mettre qui que ce soit dans l’embarras. Il fut un temps où son existence même avait mis ses
géniteurs dans une situation « gênante ». Bien qu’il semble avoir surmonté la chose, certains
tics vous restaient, au point de devenir une espèce de TOC latent.
— Mais je ne veux pas révéler mon identité.
— Un don anonyme, Jeremiah. Tu peux aussi t’essayer à l’anonymat, tu sais. Ça ne t’est
pas interdit par la religion, railla Faye. Ces riches ! À toujours croire qu’il faut que le monde
entier sache qu’ils se sont montrés généreux.
Ce commentaire lui valut un coup de poing à l’épaule. Si c’était le cas pour d’autres, ce
n’était pas tout à fait le style de vie de Jeremiah. Son ami savait quand la jouer profil bas, bien
que se vanter de sa fortune n’ait aucun secret pour lui. Jeremiah pouvait faire ressentir sa
suprématie financière quand besoin était. Faye soupçonnait qu’il en tirait même un certain
plaisir. Le président de L.F.C© souffrait par moment du syndrome du demi-dieu et prenait
un malin plaisir à dominer ses « ennemis ». En général, ces derniers étaient de gros cons.
Aussi avait-il toute la bénédiction de Faye.
— Un don anonyme…
Jeremiah se massa une barbichette fictive. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ?
— Ils auront une base financière sur laquelle diversifier leurs jeux et ainsi proposer plus
de lots à gagner aux auditeurs que j’aurai frustrés. Pas bête ! sourit-il à Faye.
— Je n’ai pas pensé jusque là, mais si ça peut alléger ta conscience d’agir ainsi,
pourquoi pas ? marmonna celui-ci.
D’humeur légère, Jeremiah lui souhaita une bonne nuit, s’en allant dans ses quartiers
d’un pas presque guilleret. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait été insolite, cette
soirée, pensa Faye, amusé.
*o*o*
Si cette fois, le sujet n’était pas saugrenu, il n’en restait pas moins insolite. « L’insulte
dans la chanson rock ». Lawson Read venait de rappeler l’intituler du thème libre de la
semaine aux auditeurs qui prenaient le train en marche, comme Jeremiah.
13
— Ce soir, nous parlons de ces propos à la limite du haineux, mis en musique pour se
défouler. Comme dans GET IN THE RING de Guns n’Roses, que vient de nous proposer
Alain. Nous traiterons des insultes vulgaires, de celles plus subtiles, ou encore des
flagrantes. Celles où l’autre parti ne fait pas tout un mystère de l’antipathie que le sujet de
ses imprécations lui inspire. Et enfin nous aborderons ensemble cette question : comment
pouvons-nous manier l’insulte en société, en faisant preuve d’élégance ? Parce qu’être
vulgaire, quel que soit notre état d’esprit, n’a rien de classe.
Ses écouteurs vissés aux oreilles, Jeremiah monta le volume de l’application radio de
son smartphone. D’où est-ce que cet homme tirait-il ses sujets ? Il recula son fauteuil pour lui
permettre de poser ses pieds sur son bureau, et inclina son siège en arrière, adoptant une
position plus détendue. Il était tard ; la quasi-totalité de ses employés devait avoir débauché.
Il pouvait bien s’octroyer une pause avant son vol pour Balmer.
Comme d’habitude, l’animateur Read demanda aux auditeurs de proposer des titres de
musique rock qui collaient au thème de ce vendredi soir. « L’insulte vulgaire » revint à un
groupe qui avait l’attention des médias en ce moment : The Beat’ONE.
Jeremiah ne fut pas surpris du choix du dénommé Nicolas, dit Nico pour les intimes.
SHAME ON YOU. Cette chanson obscène avait eu son heure de gloire à la fin de l’été dernier.
Ç’avait duré tout l’automne, et elle se maintenant encore en haut des charts, l’hiver venu. S’il
le savait, lui dont ce n’était pas le style musical de préférence, c’était pour une raison connue
de tous.
La diffusion de son clip plus que controversable avait précédé le procès scandaleux d’un
homme politique, Allen Van Der Litz, se présentant aux élections sénatoriales. Aussi
incroyable que cela puisse être, ce politicard que la presse appelait désormais par le
pseudonyme Sloan avait un passé de proxénète. Sous plusieurs fausses identités, il avait
abusé de jeunes garçons en les soumettant chimiquement. Il en faisait des drogués avant de
les prostituer, après les avoir arraché à leurs repères. Parmi ses anciennes victimes se
trouvait Red Kellin, le sulfureux chanteur du groupe The Beat’ONE.
Encore mineur à l’époque, bien qu’émancipé, la star avait connu Allen Van Der Litz
sous le nom Sloan Hudson. Et il avait été la victime qui, 10 ans plus tard, lui avait fait signer
son arrêt de mort sociale. Accumulant des chefs d’inculpations, le politicien avait écopé de
près d’une trentaine d’années de réclusion sans sursis. Le combat médiatique entre eux avait
été virulent, rythmant l’actualité nationale pendant tout un trimestre, pour déboucher sur un
procès plutôt expéditif.
En preuve de cette virulence, un extrait de la chanson que le groupe de rock avait
« dédiée » à ce criminel :
[…]
You’re a goner SLOAN
I’m dragging you DOWN
Whatever said the press
You know, those sheets talk like shit
They won’t remain by your side
Once you’ve ripped your dress
And naked your shitty lawyer half ass
You’ve got lawyers?
I’ve got the best
For me and my Holy Suckers:
BEAT’ONE
.
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That just feels good
I’m gonna watch you drown in your blood
Nah, babe, I’m not in a bad mood
.
And we’re hunting down your tears
Feeding ourselves with your fears
We feel like enjoying it baby!
Shame on you, motherfucker
Yeah, SHAME ON YOU SLOAN
You’ve created mobsters
My baby, shame on you
You’ve created monsters
.
“So sick of ya, fucking PIG
Kneel down and suck my dick
You’re a rotting fucker
A mere motherfucker
So you wanna CONFRONT me?
Then bring it on! Give it to me
The piece of shit like you,
I kick them bitchy weak ass
Fuck you! ”
.
That feels so fucking good
Show it to me, the color of your blood
It’s just the same red, not fucking blue
Oh well, whatever…
.
[…]
Lorsque l’animateur reprit l’antenne pour en souligner la grossièreté, il exprima sa
curiosité de savoir comment s’y étaient pris les Beat’ONE pour ne jamais se la faire censurer.
— Peut-être parce qu’ils ont des accointances avec des individus pour qui le comité de
censure n’est qu’un joujou au creux de leur main, marmonna Jeremiah.
Avec un minimum de jugeote, lorsqu’on suivait l’actualité il était aisé de savoir que Red
Kellin avait des connexions avec les Leblanc. Ces derniers étaient la seconde définition du
mot « puissant », dans ce foutu pays. La censure audiovisuelle n’était que l’un de leurs
nombreux outils. Seul un abruti se les mettrait à dos. Un abruti fini ou un inconscient
notoire. Comme Sloan…
— Quand la moutarde monte au nez, poursuivit Read, il arrive souvent que le registre
lexical de certaines personnes s’appauvrisse. Je fais mon mea culpa, c’est aussi mon cas.
Alors je comprends tout à fait que les Beat’ONE aient ressenti le besoin de pondre SHAME
ON YOU de cette manière. Je ne pense pas me tromper en disant que cette chanson était
cathartique pour leur chanteur, au vu des circonstances. Il avait besoin d’extérioriser cette
colère, toute cette rancœur contenue durant des années. Ses fans, les Holy Suckers – j’espère
qu’ils sont nombreux à m’écouter ce soir –, ont été de tout cœur avec lui au moment des
faits. Lorsqu’on voit rouge, comme Red Kellin, il est aisé de jeter aux orties son éducation, et
d’embrasser sans vergogne le parti du juron horriblement commun. Ne le nions pas.
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Jeremiah sentit que le sujet allait le régaler. Ce n’était pas souvent qu’on débattait de ce
genre de chose à l’antenne. Il se demanda – pour la énième fois – quelle avait été la réaction
de l’équipe radio en ouvrant son courrier en début de semaine.
Ils avaient encaissé le chèque. Il avait vérifié auprès de l’un de ses responsables
financiers, et la somme avait bien été transférée. Qu’allaient-ils en faire ? Qu’en avaient-ils
fait ? Il n’avait pas à s’en soucier puisque cette somme n’était plus sienne. Mais sa curiosité
l’avait poussé à surfer sur le site internet de MCS-Radio. Il avait découvert que le Read
talkshow tirait bel et bien son titre du nom de son animateur. Lawson Read.
Vendredi dernier, l’homme s’était montré d’une familiarité inhabituelle avec lui. Ce
n’était pas souvent que des inconnus s’adressaient à lui de façon si naturelle et informelle.
Bien sûr, le fait de ne pas le voir et d’ignorer son identité l’expliquait. Lorsqu’une envie de
savoir à quoi ressemblait Lawson avait commencé à le titiller, Jeremiah s’était brusquement
déconnecté, refusant de céder à la tentation de cliquer sur le lien du trombinoscope en ligne.
Ça ne lui ressemblait pas, ce genre de curiosité malsaine d’internaute.
— Je tenais à vous mettre en garde, disait Read de sa voix vibrante aux sonorités
apaisantes, presque chantantes. Quoi que vous ayez en tête, quel que soit votre état
d’énervement, les premières insultes qui vous viennent à la bouche sont rarement les
bonnes. Enfin, je ne suis pas en train de dire qu’il existe de « bonnes » insultes. J’entends par
là qu’elles frisent la vulgarité basique, quand elles ne tapent pas carrément dedans. Mes
amis, pour rester classe, laissons ces mots au vulgum pecus2 !
Jeremiah retint un rire. Parce qu’il y avait des experts en insulte, à présent ?
— Pour être chic, l’ère est à l’injure élaborée, rare et choisie avec soin, statua Read. Et
croyez-moi, plus elle est obsolète, plus elle gagne en charme. C’est paradoxal. Ne pas opter
pour la vulgarité crasse défoule tout aussi bien. Je vous assure.
Cette fois Jeremiah s’esclaffa, alors que Lawson Read en faisait la preuve aux auditeurs,
avec une petite sélection de son cru.
— Je vous autorise à en user, mais pas à en abuser. Tout est une question de modestie.
Même dans l’insulte. Prenons « coureuse de remparts ». Avouez que cette périphrase se doit
d’être réhabilitée. Certes, le 21ème siècle ne se prête plus trop aux insultes de style médiéval.
Mais ç’a le don de remplacer avantageusement le fameux « putain » – excusez ma vulgarité
–, ou encore l’autre mot féminin en « p », trop… « couru ». Et c’est le cas de le dire.
C’était dommage d’avoir relégué une telle imprécation aux oubliettes, alors qu’elle
pouvait si bien aider à manifester son courroux en société sans abonder dans le vulgaire.
Read déplora cela mais reconnut que ce n’était pas un exercice facile, que d’injurier son
prochain sans rien perdre de sa classe. Difficulté que ne connaissait pas le chanteur Tisbon en
écrivant PUPPET IN WITCHY GLITTER NAILS.
— Quand on connait son rôle de victime dans cette affaire scandaleuse avec son exfemme, on peut lui reconnaître de s’en être sorti sans se montrer goujat envers elle, dans
cette chanson. Écoutez.
Rosy and neat may be her nail art
She’s got a sulky yet silky heart
Twinkling stars in her gaze
She’s the demon in disguise
But you’ve seen an angel, so flawless
You, the puppet in witchy glitter nails
.
Her beauty feeds your inspiration
2
Vulgum pecus = commun des mortels, par opposition aux spécialistes.
16
She’s a coffin for your obliteration
A woman you had met and laid
And sure one to be remembered
She crushed your pride with her hands
Still, her voice echoes in your mind
You, the puppet in witchy glitter nails
.
She will promise glory, but doom your fate
She’s the muse who will open hell’s gate
One of a kind of so many characters
Behind her well-polished manners
Lay the resolve to put your life at stake
You, the puppet in witchy glitter nails
.
Fairy, wild, sexy and bewitching
Sparkles in her eyes, mesmerizing
She said she’s got you under her skin
While sleeping in your back with the devil
She’s lurking her way to your heart, patiently
Just take it as an advice from a brother
You, the puppet in witchy glitter nails
.
Hey you
Freaky TV geezer
Are you
Seeking for a lover
Or a hag to
Rock your boner?
.
I know how it feels like, I’ve been there
You’re just one of these cubes of sugar
Melting slowly in her spoon of Absinthe
Distilled from your psyche, soul and faith
.
She made you thinking
She’s so quintessential
Yeah, no questioning
No speculations but denial
.
On her sour behavior you choose
To turn away your sight
Is it because you fear to loose
The way she makes you high?
Yet the higher you’ll get
The tougher you’ll break
Your bones on the tarmac
You’ve met quite a lovely mistress!
You, the puppet in witchy glitter nails
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C’est en faisant couler beaucoup d’encre que cette chanson avait pris d’assaut les ondes
hertziennes à l’époque de sa sortie, en 1990. Jeremiah, qui se souvenait vaguement de sa
mélodie, upgrada sa culture musicale cette soirée-là. Il apprit donc de Read, plus de deux
décennies plus tard, qu’elle mettait en scène un conflit opposant officieusement l’artiste
Tisbon à un animateur télé du Canal 4.
Jouant de son bagou avec une certaine insolence pour s’assurer un audimat, l’homme
semblait s’être donné pour objectif de harceler le chanteur au moyen d’allusions détournées.
Il n’hésita pas à lancer une campagne contre ce dernier à l’antenne, allant jusqu’à l’appeler en
direct sur son téléphone personnel de manière assez humiliante.
L’on découvrit quelques jours plus tard que c’était sur ordre de la direction de la
programmation, lorsque le chanteur folk-rock décida de rendre le conflit officiel en écrivant
les paroles de son single. Alors se révéla une machination bien plus honteuse, impliquant
l’ex-femme de Tisbon, devenue célèbre suite à cela.
Qui ignorait encore qui était la belle Daisy Knox ? Elle avait d’ailleurs écopée du doux
surnom de My lovely puppet master, grâce au succès planétaire du morceau certifié disque
d’or puis de platine en l’espace d’un mois.
L’histoire relatait que durant cette période, Daisy Knox entretenait une liaison avec le
directeur des programmes du Canal 4, Harry Carieras, pourtant marié – en tout cas à
l’époque – et père de trois enfants. Elle nourrissait une dent contre son ex-époux, Tisbon, au
point d’inciter son amant à le pourrir médiatiquement. L’animateur avait été pris entre ces
feux, manipulé et pourtant docile par crainte de perdre son job et les faveurs charnelles de
Daisy. Parce qu’elle jouait sur plusieurs plans, la miss Knox.
PUPPET IN WITCHY GLITTER NAILS était une allégorie faite aux hommes victimes
de la machination de cette belle femme. Ironiquement, Tisbon s’y incluait aussi. Si cette
injure détournée n’avait été qu’un énième coup d’audace du chanteur, elle n’en restait pas
moins une ode à une salope. Voilà textuellement ce qu’avait répondu la star lors d’une
interview à une heure de grande écoute. Rien de bien étonnant venant de ce musicien si
subversif, de son temps.
Eh bien, c’était violent tout ça ! pensa Jeremiah, tombant des nues. Il ne s’attendait pas
à ce que la musique soit un tel champ de bataille. N’était-elle pas censée adoucir les mœurs ?
Il fallait croire que ce soir n’était pas à la douceur, car Lawson Read embraya sur « l’insulte
animale », alternative à l’insulte anatomique.
— C’est petit joueur – et ma mère est d’avis que c’est aussi singulièrement mal élevé –
que d’insulter quelqu’un sur son physique. L’insulte animale vous évite entre autre le
dilemme, dans le cas où le bellâtre n’aurait techniquement pas de défaut physique, mais
aurait hélas le cerveau en option.
Il en existait de plusieurs types, mais la préférence de Read allait à l’insulte marine et
volatile. Pour la première, le principe était aussi simple que de marier des animaux
aquatiques comme le pétoncle, l’oursin ou encore le blobfish, à des qualificatifs humains
improbables. Préférentiellement ceux en « ique », du genre : famélique, anémique, etc. Le
choix était vaste.
Si cet homme appliquait ces préceptes au quotidien, mieux valait éviter de se lancer
dans une joute verbale musclée avec lui, se dit Jeremiah, amusé. Ou sinon, bien aiguiser ses
armes en conséquence. Shun l’aurait adoré. La suite vint comme confirmer ses craintes.
— Un « oursin neurasthénique » ou un « pétoncle végétatif » sonnera toujours mieux
que la pique faite au physique ingrat du zigue que vous honnissez à cet instant.
Jeremiah se demanda soudain si quelqu’un n’avait pas sérieusement énervé Lawson
Read au courant de la semaine, pour l’amener à diffuser un tel sujet… Il retint un frisson,
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espérant que ce ne soit pas lui. Car l’insulte volatile qui suivit, communément appelé « le
nom d’oiseau », aurait mis à mal n’importe quel ego.
Cormoran endimanché, buse atavique, balbuzard comateux, et d’autres vertes et pas
mures à plumes ponctuèrent cet exemple. Quand Lawson aborda l’insulte ayant pour socle la
figure de style appelée oxymore, Jeremiah n’en pouvait plus de rire aux éclats. Il n’avait
jamais ri à s’en faire autant mal aux côtes.
L’oxymore générait la surprise chez autrui. S’amuser à créer des expressions
inconcevables apportait une improbable poésie aux insultes. Jouer sur la sémantique très
éloignée de deux termes pouvait en effet vous rehausser une injure. Posséder le charisme
d’un furoncle par exemple, ou la verve d’un trichophyton ; le génie d’une cuticule ou la
science infuse d’une verrue plantaire ; et pourquoi pas, la vertu d’un bidet ?
On s’en fichait du sens final de ces mariages absurdes, du moment que cela suscitait le
choc de son entourage. Il fallait que ça claque. Ça devait marquer l’esprit, tel une pub bien
travaillée. L’insulte devait à elle seule être un court métrage promotionnel plus que suffisant
de votre éloquence ! En général, l’autre en perdait sa répartie et sa superbe, vous permettant
ainsi de faire une sortie en beauté.
— Vous avez aussi un large panel de choix dans les répliques cultes de ciné. Ces
camouflets imagés sont souvent fondés sur une situation dont la caricature est poussée à
l’extrême. Servez-vous en comme matériau pour bâtir des vannes solides. De celles qui
seront à leur tour citées plus tard par vos congénères, ou par la postérité. Vous deviendrez
des références. Et ça, c’est classe.
Des exemples donnés, Jeremiah apprécia celle-ci : « si Napoléon avait croisé ta route, il
en serait tombé de son cheval de rire. Et ça lui aurait été fatal, cette fois ».
— Bon, je conçois qu’à ce stade, il faut espérer de votre interlocuteur un minima de
culture générale. Comme de savoir que Napoléon ne montait pas à cheval de façon
académique et en tombait souvent. Ce qui est une grande concession de votre part. Mais
n’importe qui peut y arriver avec un prérequis d’éducation et un zeste de créativité.
Un auditeur intervint, et sa proposition fut largement encensée par Read. Elle figurait
parmi ses insultes classes préférées. Celles qui donnaient allègrement dans l’anachronisme
temporel et frisaient le sarcasme à souhait. Et le voilà parti dans un laïus moyenâgeux à faire
pleurer de rire ceux qui l’écoutaient et surtout, le comprenaient.
— Vois-tu ces deux pendards ? Ce godelureau et la dévergoigneuse qui lui sert de
bouillote de couche ? Cette menuaille manque de raffinement pour mon engeance. Je ne
souffre point la compagnie de coqueberts3 moins vifs d’esprit que des brouets.
L’animateur marqua une pause, certainement pour laisser aux auditeurs le temps de
s’en remettre. Jeremiah en eut bien besoin. Elle était pis que bonne, celle-là ; elle était létale.
Elle l’avait presque tué de rire. Il la ressortirait à l’occasion.
— C’est le genre de chose que vous pourriez réserver à votre ex qui vous nargue avec
sa nouvelle conquête, par exemple. Avouez que « pauvre manant », ou « triste gueux » est
d’un standing au-dessus, comparés à « pov’ type » ou « sale bouffon ».
Après avoir fait rire son auditoire aux larmes pendant près de trois heures tout en
l’égayant de musique rock à la limite du vulgaire – à croire qu’il y avait eu une erreur de
programmation, ce soir-là – Read annonça enfin l’instant tant attendu. Celui de la devinette
de la semaine.
— Mais n’oubliez pas le plus important, les amis. Quelle que soit l’insulte, ce ne sera
qu’un agencement plus ou moins intelligent de mots. Parfois il ne tient qu’à vous de décider
que la bave du crapaud n’atteindra jamais la blanche colombe classe que vous êtes. La
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Devergoigneuse = dévergondée / coquebert = nigaud / brouet = soupe de légumes / menuaille = populace, canaille.
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phrase-guide de cette fin de semaine est : “Sticks and stones may break my bones, but words
will never hurt me4.” Comme annoncé en début d’émission, les lots à gagner pour la
devinette sont exceptionnels…
En effet, la récompense ne se limitait pas à la compilation des morceaux diffusés durant
les trois jours du Read talkshow, en plus de celle de la semaine précédente. Il y avait aussi un
lecteur hybride CD-vinyle, item à la mode issu de la collaboration en décembre dernier du
groupe The Beat’ONE et de la firme Noizy Inc©, spécialisée dans la technologie
audiovisuelle. Ce qui rajoutait le support vinyle dans les choix des auditeurs qui trouveraient
la réponse.
C’était donc ainsi qu’ils avaient fait usage de la généreuse donation anonyme reçue en
début de semaine. Jeremiah eut un sourire en coin, satisfait.
— L’indice de la devinette de ce soir est : « mot ». Faites donc attention à sa
formulation un peu particulière.
« Quel est un mot fait de quatre lettres,
ou encore de six lettres,
parfois écrit en sept lettres,
rarement constitué de huit lettres,
et enfin de cinq lettres. »
Le sourire de Jeremiah s’épanouit. Suite à un puéril raisonnement, il avait relié le
numéro du standard de MCS-Radio à une touche-raccourci, en prévision de cet instant. Une
seule pression prolongée suffit à le mettre en ligne.
*o*o*
Il s’en fallut de peu pour que Law fasse des yeux de la taille d’une soucoupe. Mais
puisqu’il devait faire attention à la tête qu’il arborait lorsqu’il se trouvait à l’antenne, il
parvint à se maitriser. Au passage, c’était une bien curieuse précaution pour quelqu’un
travaillant en radio ! Hélas, une malheureuse photo au mauvais moment avait vite fait le tour
du net, de nos jours.
Le scénario de vendredi dernier semblait se reproduire ; raison de sa panique. Un appel
de dernière minute. Il prit encore le pari de décrocher, le cœur battant, adressant bêtement
une prière à qui voulait bien l’entendre dans les cieux.
Faites que ce soit lui.
— Bonsoir.
— Bonsoir, fit la voix de baryton qu’il n’était pas près d’oublier.
Et pour cause, elle l’avait hanté toute la semaine. C’était stupide mais il n’aurait pu en
aller autrement. Il l’avait bizarrement associée au visage de l’homme à la beauté froide, croisé
sur un parking vendredi dernier. Et à sa grande honte, il s’en était fait une représentation
fantasmagorique dans un rêve particulièrement érotique.
Mais pour rester relativement rationnel, ce curieux mariage Mr Soul/l’Inconnu-à-laCamaro avait été renforcé par un fait plus qu’intrigant en début de semaine. Ce mardi, Styles
leur avait appris que la radio avait reçu un chèque d’un montant exorbitant. Deux-cent-mille
dollars ! Ils avaient tous failli en perdre leur mâchoire inférieure devant le bout de papier.
Le donateur n’était pas une entité humaine mais morale. Une société représentée par le
sigle J.M.N.F©, qui ne leur disait rien de connu. Mais ce n’était pas ça le plus perturbant.
C’était la petite carte blanche glissée à l’intérieur de l’enveloppe, sur laquelle avait été
imprimé en de belles lettres calligraphiées :
Mr Soul.
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Les bâtons et les pierres peuvent briser mes os, mais les mots ne me blesseront jamais
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Les méninges de Law étaient entrées en ébullition, frisant l’éruption volcanique. Cet
auditeur était putain de riche ! Et l’inconnu-à-la-Camaro n’était pas ce qu’on faisait de
pauvre… Pour lui, l’espace d’une seconde, ces deux hommes avaient eu le même timbre vocal.
Était-il en droit de faire l’amalgame ou de simplement conclure à une coïncidence ?
La déformation du standard aurait dû laisser planer un doute, mais d’entendre cette
voix à nouveau, à cet instant, venait de le faire s’envoler. En tout cas, il espérait de tout cœur
que ce vœu soit réaliste, à défaut de se réaliser. La voix de son interlocuteur venait de le
catapulter à cette nuit du vendredi dernier en bord de mer. Et ce qu’il redoutait depuis lors
arriva.
Law en perdit littéralement son latin, ratant ainsi le coche pour canaliser ce trouble-fête
au timbre vocal si envoûtant.
— La réponse n’est autre que les mots « quel », « encore », « parfois », « rarement » et
« enfin ». Ils sont respectivement faits de quatre, six, sept, huit, et cinq lettres. La succession
de ces chiffres ne suit pas de logique apparente. J’en déduis que la devinette n’est pas une
suite mathématique. De plus, la façon dont vous l’avez émise n’était pas sous forme
interrogative. Il s’agissait d’une affirmation. D’où votre mise en garde sur sa formulation.
Quant à l’indice « mot », il me mène à penser que j’ai donné la réponse juste en étayant ces
cinq termes. Est-ce exact ?
— À… q-qui ai-je l’honneur ? réussit à caser Law après cette diatribe si fluide.
Cette intonation légèrement aristocrate, cette élocution châtiée, il savait pourtant à qui
il avait affaire. À leur mystérieux et généreux donateur. Et il fallait rajouter facétieux à ces
qualificatifs en « eux ».
— Oh… décidément, souffla-t-il d’un air se voulant penaud. Disons que Mr Soul fera
l’affaire. (Law l’imagina bien avec un sourire en coin.) Ma réponse est-elle correcte ?
— Eh bien… oui, c’est cela, capitula-t-il, dépité.
— Parfait. Bonne soirée, monsieur Read.
Le bougre raccrocha, le laissant gérer la merde seul, en direct live. De quoi proférer une
insulte bien sentie, imagée à souhait. Mais Lawson Read se retrouva fort dépourvu, et surtout
à court de mots.
Le fils de… !
*o*o*
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Traduction des chansons
SHAME ON YOU, SLOAN by The Beat’ONE
[…]
T’es un perdant, SLOAN
Je t’enfoncerai
Peu importe ce qu’a dit la presse
Tu sais, ces bouts de papier racontent de la merde
Ils ne resteront pas de ton côté
Une fois que tu auras dégradé ta robe
Et dénudé ton petit cul à merde d’avocat
Tu as des avocats ?
Moi j’ai le meilleur
Pour moi et mes Holy Suckers :
BEAT’ONE
.
Ça fait juste du bien
Je te regarderai te noyer dans ton sang
Nan bébé, je ne suis pas de mauvaise humeur
.
Et nous traquerons tes larmes
Nous nous nourrirons de tes peurs
On a juste envie de prendre notre pied, bébé
Honte sur toi, fils de pute
Ouais, HONTE À TOI, SLOAN
Tu as créé des gangsters
Mon bébé, honte sur toi
Tu as créé des monstres
.
Tu me rends si malade, sale PORC
À genoux et suce ma b*te
T’es qu’un enfoiré, une pourriture
Un ridicule fils de pute
Alors comme ça tu veux m’AFFRONTER ?
Vas-y, amène-toi ! Montre-moi ce que t’as dans les tripes !
Les petites merdes comme toi
Je leur botte leur putain de cul de faiblard
Enculé !
.
Ça fait un putain de bien
Montre-la moi, la couleur de ton sang
Il est du même rouge, ce n’est pas un putain de sang bleu
Eh bien, peu importe…
.
[…]
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PUPPET IN WITCHY GLITTER NAILS by Tisbone
MARIONNETTE ENTRE LES ONGLES PAILLETÉS D’UNE SORCIÈRE
Rose et soigné pourrait être son nail art
Elle possède un cœur maussade et pourtant soyeux
Des étoiles scintillant dans son regard
C’est un démon déguisé
Mais tu as vu un ange, si parfait
Toi, la marionnette entre les ongles pailletés d’une sorcière
.
Sa beauté nourrit ton inspiration
Elle est le cercueil de ton oblitération
Une femme que tu as rencontrée et étreinte
Et bien sûr, une dont l’on se souvienne
Elle a broyé ta fierté de ses mains
Pourtant, sa voix résonne dans ton esprit
Toi, la marionnette entre les ongles pailletés d’une sorcière
.
Elle promettra la gloire, mais condamnera ton destin
C’est la muse qui ouvrira la porte de l'enfer
Être unique aux multiples personnages
Derrière ses manières bien polies
Est cachée la résolution de mettre ta vie en jeu
Toi, la marionnette entre les ongles pailletés d’une sorcière
.
Enchanteresse, sauvage, sexy et envoûtante
Des étincelles dans ses yeux, hypnotiques
Elle a dit t’avoir dans la peau
Et tandis qu’elle couche avec le diable dans ton dos
Elle se fraye un chemin jusqu’à ton cœur, patiemment
Prends-le juste comme le conseil d'un frère
Toi, la marionnette entre les ongles pailletés d’une sorcière
.
Hé toi, le mec bizarre de la télé
Cherches-tu une amante
Ou une sorcière pour te branler ?
.
Je sais ce que l’on ressent, je suis passé par là
Tu n’es rien de plus qu’un de ces carrés de sucre
Fondant lentement dans sa cuillère d’absinthe
Distillée de ta psyché, de ton âme et de ta fidélité
.
Elle t’a fait croire
Qu’elle est tellement quintessentielle
Ouais, sans te questionner
Sans spéculations, que du déni
.
23
Sur son comportement acariâtre, tu as choisi
De te voiler le regard
Est-ce parce que tu crains de perdre
Cette façon qu’elle de te faire planer ?
Pourtant, plus haut tu grimperas
Plus durement tu te briseras
Les os sur le tarmac
Tu as rencontré une sacrée jolie maîtresse !
Toi, la marionnette entre les ongles pailletés d’une sorcière
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